Déclaration d’accident du travailLa SAS [4] a déclaré un accident du travail le 8 septembre 2017 pour son salarié M. [V] [F], peintre, survenu le 4 septembre 2017, où il a ressenti une douleur au genou en se relevant. Un certificat médical initial, daté du 6 septembre 2017, a mentionné un traumatisme du genou droit. La caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne a pris en charge l’accident par décision du 18 septembre 2017. Contestation de la prise en chargeLa société a contesté la prise en charge des soins et arrêts de travail consécutifs à l’accident, saisissant la commission de recours amiable, qui n’a pas rendu d’avis dans le délai imparti. Un certificat médical du 10 novembre 2017 a révélé une fissuration méniscale interne, qui a également été prise en charge. L’état de santé de M. [F] a été considéré comme guéri le 5 février 2018. Procédure judiciaireLa SAS [4] a introduit une requête au tribunal judiciaire de Melun le 24 juin 2019. Le tribunal s’est déclaré incompétent le 4 février 2022, transférant l’affaire au tribunal judiciaire de Nanterre. Lors de l’audience du 18 septembre 2024, les parties ont accepté de ne pas renvoyer l’affaire malgré l’absence d’un assesseur. Demandes des partiesLa SAS [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et bien fondé, de désigner un expert pour examiner divers aspects liés à l’accident, y compris la durée des arrêts de travail et l’existence d’un état pathologique préexistant. En réponse, la caisse primaire a demandé que le recours soit déclaré recevable mais mal fondé, et a demandé à être déboutée. Motifs de la décisionLe tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité au travail s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, tant qu’un arrêt de travail a été prescrit. L’employeur doit prouver que les soins et arrêts sont dus à une cause étrangère au travail. La société n’a pas contesté la matérialité de l’accident, mais a mis en doute l’imputabilité des arrêts de travail. Le tribunal a conclu que la société n’a pas apporté de preuve suffisante pour contester la présomption d’imputabilité. Conclusion du tribunalLe tribunal a débouté la SAS [4] de sa demande d’expertise médicale et a condamné la société aux dépens de l’instance. Le jugement a été signé par le Vice-Président et la Greffière présents lors du prononcé. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
■
PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
05 Novembre 2024
N° RG 22/00242 – N° Portalis DB3R-W-B7D-XJLS
N° Minute : 24/01569
AFFAIRE
S.A.S. [4]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE-ET-MARNE
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
S.A.S. [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Carine BAILLY-LACRESSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1545
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE-ET-MARNE
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Mme [Y] [S], munie d’un pouvoir régulier,
***
L’affaire a été débattue le 18 Septembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Matthieu DANGLA, Vice-Président,
Jacques ARIAS, Assesseur, représentant les travailleurs salariés,
Statuant à juge unique en application de l’article L.218-1 du code de l’organisation judiciaire, avec l’accord des parties et après avoir recueilli l’avis de Jacques ARIAS,
Greffier lors des débats et du prononcé: Laurie-Anne DUCASSE, Greffière.
JUGEMENT
Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
La SAS [4] a établi, le 8 septembre 2017, une déclaration d’accident du travail concernant l’un de ses salariés, M. [V] [F], exerçant en qualité de peintre. Il est fait mention d’un accident survenu le 4 septembre 2017, dans les circonstances suivantes : « en se relevant, il a ressenti une douleur au genou. »
Un certificat médical initial a été établi le 6 septembre 2017 et évoque un « traumatisme du genou droit ».
Ces éléments ont été transmis à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne, qui a pris en charge l’accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 18 septembre 2017.
Contestant la prise en charge des soins et arrêts consécutifs à cet accident, la société a saisi la commission de recours amiable, laquelle n’a pas rendu d’avis dans le délai qui lui était imparti.
Après avis du médecin conseil de la caisse, une nouvelle lésion consistant en une fissuration ménisque interne, constatée par certificat médical de prolongation du 10 novembre 2017, a été prise en charge au titre de la législation professionnelle suivant notification du 28 décembre 2017.
Son état de santé a été considéré comme guéri en date du 5 février 2018.
La SAS [4] a saisi de sa contestation le tribunal judiciaire de Melun par requête du 24 juin 2019.
Par jugement du 4 février 2022, le tribunal judiciaire de Melun s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nanterre.
L’affaire a été appelée à l’audience du 18 septembre 2024 du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre, à laquelle les parties ont comparu et ont expressément accepté que l’affaire ne soit pas renvoyée malgré l’absence d’un assesseur.
Aux termes de ses conclusions, la SAS [4] demande au tribunal :
-De déclarer son recours recevable et bien fondé ;
-De désigner tel expert, pour mission de :
-Se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents à la disposition de la caisse primaire, et en particulier de son service médical ;
– Dire la durée des arrêts de travail en relation directe et certaine avec l’accident déclaré par le salarié ;
– Rechercher l’existence d’un état pathologique préexistant ;
– Fixer la date de consolidation des lésions en relation directe avec la maladie initiale, en dehors de tout autre pathologie préalablement définie ;
-Et toutes autres instructions que le tribunal de céans jugera utile.
En réplique, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne demande au tribunal :
-De déclarer le recours de la société [4] recevable mais mal fondé ;
-De l’en débouter ;
-De déclarer opposable à la société [4] l’ensemble des soins et arrêts de travail afférents à l’accident du travail dont M. [F] a été victime le 4 septembre 2017.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 5 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur la demande de mesure d’instruction
Des dispositions des articles L. 411-1, L. 433-1 et L. 443-1 du code de la sécurité sociale et 1315 du code civil, il résulte que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, précédant la guérison complète ou la consolidation de l’état de la victime.
Il incombe ainsi à l’employeur, qui ne remet pas en cause les conditions de prise en charge de l’accident du travail, de faire la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de celui-ci résultent d’une cause totalement étrangère au travail. Cette cause étrangère est caractérisée par la démonstration que les arrêts et soins sont la conséquence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte et sans lien aucun avec le travail.
Dès lors, la disproportion entre la longueur des soins et arrêts, et la lésion initialement décrite ou l’arrêt initialement prescrit, ne peut suffire à combattre la présomption d’imputabilité.
En l’espèce, la société ne conteste ni la matérialité ni le caractère professionnel de l’accident du 4 septembre 2017, mais l’imputabilité des arrêts et soins durant 153 jours aux lésions initiales du 4 septembre 2017. Elle se fonde essentiellement sur l’avis de son médecin conseil qui s’appuie sur le référentiel intitulé « entorse du ligament collatéral médial du genou ». Elle met en exergue que ledit référentiel fait état d’un arrêt de travail qui varie entre 3 à 21 jours.
En réplique, la caisse rappelle qu’à la suite de l’accident du travail du 4 septembre 2017, l’état de santé de M. [F] a été considéré comme guéri le 5 février 2018, et que l’ensemble des soins et arrêts prescrits au salarié jusqu’à cette date est imputé à l’accident du travail et bénéficie de la présomption d’imputabilité. Elle soutient que la société n’apporte pas une preuve susceptible de détruire la présomption d’imputabilité au travail des lésions de M. [F].
Il est constant que le certificat médical initial établi le 6 septembre 2017 prescrit un arrêt de travail, qui s’est prolongé jusqu’au 15 janvier 2018. Dès lors, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée de l’incapacité de travail.
Faute de production d’un quelconque élément tendant à établir l’existence d’une cause étrangère au travail, rien ne vient constituer un début de contradiction utile à la prise en charge contestée, les seules affirmations de la société ne suffisant pas à y satisfaire, et ce d’autant plus, que la société n’a émis aucune réserve tant dans la déclaration d’accident du travail que par la suite pendant le délai imparti.
L’argumentation de la société n’est pas de nature à introduire un doute sérieux quant à la continuité des symptômes et des lésions, celle-ci ne se basant que sur l’avis de son médecin qui quant à lui se fonde essentiellement sur le référentiel indicatif. En effet, son argumentation ne permet pas de justifier une demande d’expertise, celle-ci n’ayant pas vocation à pallier la carence de la partie dans l’administration de la preuve qui lui incombe, conformément aux dispositions de l’article 146 du code de procédure civile.
Dès lors que l’arrêt de travail initial procède de l’accident de travail reconnu et non contesté, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’arrêt de travail précédant la consolidation de l’état de la victime.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société de sa demande en inopposabilité et de sa demande d’expertise.
Sur les demandes accessoires
Il convient enfin de laisser les dépens de la présente instance à la charge de la partie qui succombe, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
LE TRIBUNAL, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe et selon les modalités de l’article L218-1 du code de l’organisation judiciaire ;
DECLARE que la SAS [4] ne démontre pas l’existence d’un différend d’ordre médical, en l’absence de production de tout élément de preuve de nature à introduire un doute sérieux quant à la continuité des symptômes et des soins ;
DEBOUTE la SAS [4] de sa demande d’expertise médicale judiciaire ;
CONDAMNE la SAS [4] aux dépens de l’instance
Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Laurie-Anne DUCASSE, Greffière, présents lors du prononcé.
LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,