Refus de pension d’invaliditéLe 9 août 2023, la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (CRAMIF) a notifié à madame [X] [W] un refus d’attribution d’une pension d’invalidité, estimant qu’elle ne présentait pas une invalidité réduisant d’au moins deux tiers sa capacité de travail ou de gain. Contestations et recoursMadame [X] [W] a contesté cette décision en saisissant la commission médicale de recours amiable (CMRA), qui a confirmé le refus lors de sa séance du 20 mars 2024. Elle a ensuite saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles le 22 avril 2024 pour contester cette décision. Arguments de madame [X] [W]Lors de l’audience du 3 septembre 2024, madame [X] [W] a maintenu sa contestation, soutenant qu’elle souffrait de nombreuses pathologies invalidantes, justifiant l’attribution d’une pension d’invalidité de première catégorie. Elle a également demandé une expertise médicale pour évaluer son état de santé. Position de la CRAMIFLa CRAMIF, absente à l’audience, a sollicité une dispense de comparution et a demandé la confirmation de son refus, arguant que madame [X] [W] ne justifiait pas d’une réduction de sa capacité de travail. Elle a également souligné que madame [X] [W] n’avait pas utilisé la possibilité de transmettre des pièces utiles lors de la procédure devant la CMRA. Recevabilité du recoursLe tribunal a déclaré le recours de madame [X] [W] recevable, notant qu’elle avait respecté le délai de deux mois pour contester la décision de la CMRA. Évaluation de l’invaliditéLe tribunal a examiné les conditions d’attribution d’une pension d’invalidité, précisant que l’invalidité doit réduire d’au moins deux tiers la capacité de travail ou de gain. Il a constaté que les conclusions du docteur [M], qui avait réalisé une expertise médico-légale, indiquaient que madame [X] [W] présentait une polypathologie invalidante réduisant sa capacité de travail. Décision du tribunalLe tribunal a accueilli le recours de madame [X] [W] et a accordé une pension d’invalidité de première catégorie à compter de sa demande du 4 mai 2023. La CRAMIF a été condamnée à payer à madame [X] [W] la somme de 500 € au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens. Appel de la décisionLe tribunal a précisé que tout appel de la décision devait être interjeté dans le mois suivant la notification de celle-ci, sous peine de forclusion. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :
à :
– [X] [W]
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– Me Hervé ROY
-CRAMIF
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 05 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/00653 – N° Portalis DB22-W-B7I-SBPP
Code NAC : 88U
DEMANDEUR :
Mme [X] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante
assistée par Me Hervé ROY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DÉFENDEUR :
CRAMIF
[Adresse 1]
[Localité 3]
dispensée de comparution
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Marie-Sophie CARRIERE, Vice-présidente
Madame Marion MORVAN, représentante des employeurs et des salariés indépendants
M. Paul CHEVALLIER, représentant des salariés
Madame Marie-Bernadette MELOT, greffière
en présence de Madame Valentine SOUCHON, greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 03 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2024.
Pôle social – N° RG 24/00653 – N° Portalis DB22-W-B7I-SBPP
Le 9 août 2023, la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (CRAMIF) a notifié à madame [X] [W] un refus médical d’attribution d’une pension d’invalidité, au motif que le médecin conseil de la CRAMIF a estimé qu’à la date de sa demande de pension d’invalidité, le 4 mai 2023, elle ne présentait pas une invalidité réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail ou de gain.
Contestant cette décision, madame [X] [W] a saisi la commission médicale de recours amiable (ci-après la CMRA) de la CRAMIF qui dans sa séance du 20 mars 2024, a confirmé le refus d’attribution de pension d’invalidité.
Par lettre recommandée expédiée le 22 avril 2024, madame [X] [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester la décision de la CMRA de la CRAMIF.
A défaut de conciliation possible entre les parties, l’affaire a été évoquée à l’audience du 3 septembre 2024.
A cette date, Madame [X] [W], comparante et assistée, a maintenu sa contestation et soutenue sa requête valant conclusions aux termes de laquelle elle sollicite :
de la déclarer recevable et bien fondée,à titre principal de :constater qu’elle présente de nombreuses pathologies,admettre que son état de santé justifie l’attribution d’une pension d’invalidité,juger qu’elle est en droit de bénéficier d’une pension d’invalidité de catégorie 1 (au moins), avec toutes suite set conséquences,à titre subsidiaire de :constater qu’il existe un différend d’ordre médical portant sur l’évaluation de son état de santé justifiant ou non l’attribution d’une pension d’invalidité,ce faisant, ordonner une mesure d’instruction afin d’évaluer d’une part son état de santé et d’autre part la catégorie d’invalidité,et de condamner la CRAMIF à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens. Elle expose être née en 1987 et avoir exercé jusqu’en 2018, année de son licenciement, le métier d’assistante maternelle. Elle indique avoir été victime en mars 2020 d’une infection grave par COVID 19. Elle décrit sommairement les différentes pathologies dont elle souffre et les traitements suivis dont une consultation pour la douleur à [Localité 5]. Elle rappelle souffrir depuis cette infection grave d’une polypathologie invalidante psychiquement et physiquement, ayant réduit sa capacité de travail et de revenus de plus des deux tiers et justifiant l’attribution d’une pension d’invalidité de première catégorie. Elle précise avoir été accompagnée dans sa demande auprès de la CRAMIF par docteur [M] et réitère sa surprise face au refus qui lui a été opposé par la CRAMIF et confirmé par la CMRA. Elle précise subsidiairement solliciter une expertise médicale.
La CRAMIF absente, sollicite une dispense de comparution et justifie avoir adressé ses conclusions et pièces préalablement à l’audience à Mme [W] aux termes desquelles elle sollicite :
à titre principal de :ne pas ordonner avant dire droit une expertise médicale,confirmer l’avis de la CMRA du 20 mars 2024 confirmant la décision de la caisse régionale du 9 août 2023 rejetant la demande de pension d’invalidité de Mme [W],débouter Mme [W] de l’ensemble de ses demandes,à titre subsidiaire de ne pas condamner la CRAMIF au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.Pôle social – N° RG 24/00653 – N° Portalis DB22-W-B7I-SBPP
Elle expose que Mme [W] ne justifie pas d’une réduction des deux tiers de sa capacité de travail ou de gain en rappelant que trois médecins se sont déjà prononcés dans ce sens (le médecin conseil et les deux médecins composants la CMRA). Elle précise que Mme [W] n’a pas fait usage de la possibilité au cours de la procédure devant la CMRA de transmettre toutes pièces utiles et de solliciter un examen médical accompagné du médecin de son choix. Subsidiairement elle rappelle que s’il était fait droit à la demande de Mme [W], il y a lieu d’écarter la demande de condamnation tant au titre de l’article 700 du CPC qu’aux dépens, la procédure étant sans représentation obligatoire.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la recevabilité du recours :
L’article L 142-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose au 4° que “Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs à l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accident du travail ou de maladie non régie par le livre IV du présent code, et à l’état d’inaptitude au travail.”
L’article R 142-8 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose à son alinéa 1 que “Pour les contestations formées dans les matières mentionnées au 1°, en ce qui concerne les contestations d’ordre médical, et aux 4°, 5° et 6° de l’article L. 142-1, et sous réserve des dispositions de l’article R. 711-21, le recours préalable mentionné à l’article L. 142-4 est soumis à une commission médicale de recours amiable.”
Enfin, l’article R 142-1-A-III du code de la sécurité sociale dispose que “S’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande.”
En l’espèce, Mme [X] [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles suivant un courrier recommandé avec accusé de réception envoyé le 22 avril 2024, soit dans le délai de deux mois suivant la notification en date du 3 avril 2024 de la décision de la CMRA.
En conséquence, son recours sera déclaré recevable.
Sur la demande de pension d’invalidité :
L’article L. 341-1 du code de la sécurité sociale dispose :
« L’assuré a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain, c’est-à-dire le mettant hors d’état de se procurer un salaire supérieur à une fraction de la rémunération soumise à cotisations et contributions sociales qu’il percevait dans la profession qu’il exerçait avant la date de l’interruption de travail suivie d’invalidité ou la date de la constatation médicale de l’invalidité ».
L’article R 341-2 du code de la sécurité sociale dispose que
“Pour l’application des dispositions de l’article L 341-1: 1°) L’invalidité que présente l’assuré doit être réduite au moins des 2/3 de sa capacité de travail ou de gain”.
L’article L. 341-3 précise :
“L’état d’invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l’état général, de l’âge et des facultés physiques et mentales de l’assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle :
1°) soit après consolidation de la blessure en cas d’accident non régi par la législation sur les accidents du travail ;
2°) soit à l’expiration de la période pendant laquelle l’assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues à l’article L. 321-1 ;
3°) soit après stabilisation de son état intervenue avant l’expiration du délai susmentionné ;
4°) soit au moment de la constatation médicale de l’invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l’usure prématurée de l’organisme.”
Enfin, l’article L.341-4 du code de la sécurité sociale dispose :
“En vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit :
1°) invalides capables d’exercer une activité rémunérée ;
2°) invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque ;
3°) invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.”
En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame [X] [W] a adressé à la CRAMIF une demande d’octroi d’une pension d’invalidité le 4 mai 2023.
Par décision du 9 août 2023, la CRAMIF a notifié un refus d’attribution d’une pension d’invalidité confirmé par la CMRA lors de sa séance du 20 mars 2024 en ces termes “Compte tenu des constations du médecin conseil, de l’examen clinique réalisé le 27/07/2023 chez une assurée ancienne assistante maternelle âgée de 37 ans et de l’ensemble des documents analysés, la commission décide de maintenir le refus d’attribution d’une pension d’invalidité ”.
La CMRA a motivé son rapport en indiquant au titre de la rubrique :
« Analyse des maladies invalidantes en fonction de la législation en vigueur relative à l’invalidité/l’incapacité :
algies vasculaires de la face, fibromyalgie,l’état clinique actuel n’entraine pas de réduction de la capacité de travail ou de gain supérieure aux 2/3, l’assurée n’est pas inapte à toute activité professionnelle. » .Cette motivation très succincte et peu circonstanciée est contredite par l’expertise médico-légale réalisée à la demande de Mme [X] [W] par le docteur [M], sur pièces, identiques à celles produites devant la CMRA et qui mentionne :
« Mme [W] présente une algie vasculaire de la face, une fibromyalgie, une endométriose et une neuropathie diffuse.
Elle bénéficie d’un lourd traitement médicamenteux, d’électrostimulation à visée antalgique et une rééducation fonctionnelle.
Les affections douloureuses associées à la prise de psychotropes entrainent une impotence fonctionnelle et un ralentissement psychomoteur.
Il faut savoir que les algies vasculaires de la face du fait de leurs crises avec des signes dysautonomiques sont particulièrement invalidantes.
Il en est de même pour la fibromyalgie qui outre des douleurs est accompagnée par une asthénie marquée et par des troubles de l’humeur ».
En l’occurrence, l’impotence fonctionnelle est une perte partielle ou totale des fonctions d’un membre ou d’un segment de membre.
Le ralentissement psychomoteur se caractérise par un ralentissement des pensées, une réduction des mouvements et une diminution globale en intensité et rapidité à la fois gestuelle, verbale, mentale et de l’expression faciale.
L’algie de la face est un trouble neurologique caractérisé par des crises douloureuses intenses et soudaines touchant un côté du visage.
Les signes de la dysautonomie comprennent des problèmes d’équilibre, une sensibilité au bruit/à la lumière, un essoufflement, une douleur ou gène thoracique des étourdissements et vertiges, des variations de la température corporelle et cutanée et une fatigue persistante.
L’asthénie désigne la fatigue qui affecte la capacité d’une personne à accomplir des tâches quotidiennes et qui ne se dissipe pas avec le repos.
Le docteur [M] conclut son rapport en relevant que la polypathologie décrite et présentée par Mme [W], assistante maternelle de métier, certes seulement âgée de 37 ans, diminue de plus de deux tiers sa capacité de travail et de gains, précisant d’ailleurs que « la capacité restante reste malgré tout très limitée ».
Au regard de la production de ce rapport, il n’y a pas lieu de recourir à une mesure d’instruction telle qu’une consultation sur pièces, la juridiction s’estimant suffisamment éclairée par le docteur [M] dont les observations et conclusions ne font l’objet d’aucune critique ou observation de la part de la CRAMIF qui en a été pourtant destinataire, la caisse s’opposant d’ailleurs fermement à toute mesure d’instruction.
En conséquence, Mme [X] [W] démontre que les conditions posées à l’attribution d’une pension d’invalidité première catégorie sont réunies (réduction de plus de 2/3 de sa capacité de travail et de gain), le docteur [M] relevant la persistance d’une capacité de travail même si elle est très limitée, de sorte que la requérante ne se trouve pas dans l’impossibilité d’exercer une quelconque profession.
En conséquence, il convient d’accueillir le recours de Mme [X] [W] et de faire droit à sa demande de pension d’invalidité première catégorie à compter de sa demande du 4 mai 2023.
Sur l’article 700 du CPC et les dépens :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la CRAMIF, succombant à l’instance, sera tenue aux entiers dépens.
Il serait enfin inequitable de laisser à la charge de Mme [W] les frais irrépétibles qu’elle a exposé et non compris dans les dépens. La CRAMIF sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe le 05 novembre 2024:
Déclare recevable et bien fondé le recours de madame [X] [W] ;
Déboute Mme [X] [W] de sa demande de mesure d’instruction ;
Accorde à Mme [X] [W] à compter de sa demande en date du 4 mai 2023 une pension d’invalidité première catégorie ;
Condamne la CRAMIF à payer à Mme [X] [W] la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la CRAMIF aux dépens.
Dit que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.
La Greffière La Présidente
Madame Marie-Bernadette MELOT Madame Marie-Sophie CARRIERE