Évaluation des Conditions de Maintien en Hospitalisation Psychiatrique et Protection des Droits des Patients

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Évaluation des Conditions de Maintien en Hospitalisation Psychiatrique et Protection des Droits des Patients
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Contexte de l’Affaire

Le 6 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Strasbourg a examiné la situation de Mme [C] [K], hospitalisée à l’EPSAN de [Localité 5] depuis le 28 octobre 2024, suite à une admission en soins psychiatriques sans consentement en raison d’un péril imminent. La requête a été déposée par la directrice de l’établissement, soutenue par des certificats médicaux.

Admission en Soins Psychiatriques

Mme [K] a été admise après avoir été adressée par le SAMU, à la demande de ses amies, en raison de troubles du comportement, de propos incohérents et d’une errance prolongée. Le certificat médical a confirmé l’urgence de la situation, justifiant ainsi l’hospitalisation sous contrainte.

Maintien de l’Hospitalisation

Le 30 octobre 2024, la directrice de l’EPSAN a décidé de maintenir l’hospitalisation complète de Mme [K], en se basant sur les certificats médicaux établis durant la période d’observation. À l’audience, Mme [K] a exprimé son souhait de quitter l’hôpital, arguant que sa situation ne justifiait pas une hospitalisation.

Arguments de la Défense

L’avocat de Mme [K] a contesté la régularité de la procédure, affirmant que le péril imminent n’était pas justifié et que la patiente n’était pas isolée, contrairement à ce qui avait été rapporté. Il a également souligné que ses amies étaient présentes et en contact avec sa famille.

Analyse de la Régularité de la Procédure

Le juge a examiné la régularité de la procédure d’admission. Selon le Code de la Santé Publique, une admission en soins psychiatriques sans consentement doit être justifiée par des certificats médicaux et, en cas de péril imminent, la famille doit être informée dans les 24 heures. Le tribunal a constaté que l’établissement n’avait pas respecté ces obligations.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré la procédure irrégulière et a ordonné la mainlevée de l’hospitalisation complète de Mme [K], avec un délai de 24 heures pour permettre aux médecins de préparer un programme de soins. La décision a été notifiée aux parties concernées, et le tribunal a rappelé que celle-ci était susceptible d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Strasbourg
RG n°
24/01566
Tribunal judiciaire
de Strasbourg
————–
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
————–
Tél . [XXXXXXXX01]
PROCÉDURE DE CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE
DES MESURES DE SOINS
PSYCHIATRIQUES

Juge des Libertés et de la Détention

ORDONNANCE

N° RG 24/01566 – N° Portalis DB2E-W-B7I-NEDB

Le 06 Novembre 2024

Nous, Judith HAZIZA, vice-présidente chargée des fonctions de juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de STRASBOURG, assistée de Zénaïde WAECKERLE, Greffier,

Statuant en premier ressort en qualité de magistrat du siège, après débats en audience publique ;

Vu les dispositions des articles L.3211-12, L.3211-12-1, L.3211-12-2, R.3211-12, R.3211-29 et R.3211-32 du Code de la Santé Publique et le dossier de la procédure ;

Vu la requête en date du 31 Octobre 2024 de MME LA DIRECTRICE DE L’EPSAN DE [Localité 5] concernant Mme [C] [K] née le 12 Janvier 1976 à [Localité 7] (URSS) demeurant [Adresse 3] à [Localité 4] actuellement en hospitalisation complète à l’EPSAN de [Localité 5] ;

Vu la décision d’admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent prise par MME LA DIRECTRICE DE L’EPSAN DE [Localité 5] en date du 28 octobre 2024 ;

Vu les certificats médicaux de 24 heures et de 72 heures ;

Vu la décision maintenant les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète prise par MME LA DIRECTRICE DE L’EPSAN DE [Localité 5] en date du 30 octobre 2024 ;

Vu l’avis motivé à l’appui de la requête ;

Vu l’avis de Madame le procureur de la République aux termes duquel le ministère public s’en rapporte à l’appréciation du tribunal ;

Mme [C] [K] régulièrement convoquée, présente, assistée de Me Jérôme AZZI, avocat de permanence ;

MOTIFS

Mme [C] [K] a été admise en soins sans consentement à l’EPSAN de [Localité 4] le 28 octobre 2024, sur décision de la directrice d’établissement intervenue dans le cadre d’un péril imminent. Le certificat médical d’admission établi par le Dr [I], psychiatre des Hôpitaux Universitaires de [Localité 4], faisait état des éléments suivants: patiente adressée par le SAMU à la demande de ses amies en raison de troubles du comportement depuis plusieurs semaines avec propos incohérents, sur fond de rupture thérapeutique depuis plusieurs mois; errance dans [Localité 6] pendant quelques jours, dépenses inconsidérées, présentation négligée, discours flou et incohérent, humeur triste et absence de conscience de ses troubles.

Par décision en date du 30 octobre 2024, la directrice de l’EPSAN a maintenu l’hospitalisation complète de Mme [K], conformément aux certificats médicaux établis au cours de la période d’observation.

A l’audience, Mme [K] s’est exprimée de manière particulièrement confuse, son discours étant difficile à suivre, faute de lien logique entre les différentes idées exprimées par cette dernière. La patiente a toutefois pu expliquer les circonstances de son admission et sollicite la levée de son hospitalisation, estimant que sa place n’est pas à l’hôpital. Son Conseil sollicite la mainlevée de la mesure au motif que la procédure est irrégulière. Selon lui, le péril imminent n’est nullement justifié à la lecture du certificat médical initial, et Mme [K] n’est pas isolée, contrairement à ce qui est mentionné sur le formulaire de recherche de la famille, cette dernière étant entourée de deux amies proches, à l’origine de l’appel du SAMU.

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention connaît des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l’irrégularité affectant une décision administrative n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.

En vertu de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, le directeur de l’établissement prononce, par principe, l’admission de la personne malade lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci. Dans cette hypothèse, la décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du même article sont réunies.

Par dérogation aux dispositions précitées, lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du II de l’article L. 3212-1 précité, et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°, le directeur de l’établissement peut également admettre la personne en hospitalisation sous contrainte.

Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.

En l’espèce, il ressort de la lecture du certificat médical d’admission et des débats à l’audience que Mme [K] a été adressée au service des urgences par le SAMU à la demande de deux amies, à la suite de troubles du comportement depuis quelques semaines avec propos incohérents. A l’audience, Mme [K] indique spontanément que les secours ont été appelés par son amie “[X]” présente à ses côtés, laquelle a également contacté sa famille restée en Russie. Elle précise que [X] et sa seconde amie “[B]” lui rendent régulièrement visite à l’hôpital.

En l’état de ces éléments, il apparaît que Mme [K], contrairement à ce qui est mentionné sur le formulaire de relevé des démarches de recherche et d’information d’un proche, n’est pas isolée. A cet égard, il convient de rappeler que les dispositions légales ne limitent pas l’hospitalisation à la demande d’un tiers aux seuls membres de la famille du patient, mais visent également les personnes “justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins”. En outre, le formulaire mentionnant que Mme [K] est isolée, l’établissement ne justifie pas avoir informé une de ses amies de la mesure d’hospitalisation sous contrainte dans les 24 heures.

Si l’état de la patiente, tel que décrit dans le certificat médical d’admission, justifiait pleinement une hospitalisation en urgence, compte tenu des mises en danger de Mme [K] depuis plusieurs semaines, cette admission urgente aurait très bien pu être menée dans le cadre de l’hospitalisation à la demande d’un tiers avec risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade.

En recourant au cadre dérogatoire du péril imminent hors de toute justification, l’EPSAN a nécessairement porté atteinte aux droits de la patiente en ce qu’il a privé celle-ci de toute possibilité d’être assistée juridiquement d’un proche de confiance tout au long de la procédure (possibilité pour le tiers de saisir directement le juge, d’être informé des audiences et d’y prendre part, d’être destinataire des décisions judiciaires …).

En conséquence, il convient d’ordonner la mainlevée de la mesure. Cependant, au regard de la teneur de l’avis motivé du Dr [U], et de l’état de la patiente à l’audience, il convient de différer les effets de la présente décision de 24 heures afin de laisser le temps aux médecins d’élaborer un programme de soins et éviter, ainsi, toute rupture brutale dans la prise en charge de Mme [K].

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

DECLARONS la procédure irrégulière;

ORDONNONS la mainlevée de l’hospitalisation complète de Mme [C] [K] née le 12 Janvier 1976 à [Localité 7] (URSS) ;

DISONS que la présente décision ne prendra effet qu’à l’expiration d’un délai maximal de 24 heures à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12 III du code de la santé publique;

DISONS que les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public;

RAPPELONS que cette décision est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel dans un délai de 10 jours à compter de la présente notification, par déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au Greffe de la cour d’Appel de Colmar (article R.3211-18 et suivants du code de la santé publique).

Le délai d’appel et l’appel ne sont pas suspensifs, à l’exception de l’appel formé par le ministère public qui peut être déclaré suspensif par le premier président de la cour d’appel ou son délégué conformément aux dispositions de l’article R.3211-20 du Code de la santé publique.

Le Greffier
La Présidente

copie transmise par mail le 06 Novembre 2024 à :
– Mme [C] [K], par remise de copie contre récépissé par l’intermédiaire de l’établissement hospitalier,
– Ministère public,
– Directrice/Directeur de l’EPSAN de [Localité 5]
– Me Jérôme AZZI, Conseil de [C] [K]
Le Greffier

La présente ordonnance a été portée à la connaissance du procureur de la République, le à heures .
Le Greffier

Nous ………………………………………………………………, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarons ne pas Nous opposer à la mise à exécution de la présente ordonnance.
le ……………………………………… à ……………………………………… heures.
Le procureur de la République,

Nous ………………………………………………………………, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarons Nous opposer à la mise à exécution de la présente ordonnance.
le ……………………………………… à ……………………………………… heures.
Le procureur de la République,


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