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Contexte de l’AffaireM. [I] [Z] a été victime d’un accident de la circulation le 11 novembre 1966, alors qu’il était passager d’un véhicule. Cet accident a entraîné des blessures graves, notamment un traumatisme crânien, des fractures et des plaies. Les préjudices ont été évalués à 8% d’atteinte à l’intégrité physique et psychique lors d’une procédure judiciaire en 1967. Évolution MédicaleAprès l’accident, M. [Z] a développé une pathologie cardiaque, diagnostiquée comme une insuffisance tricuspidienne en 1995, considérée comme post-traumatique. Il a subi deux opérations chirurgicales en 2001 et 2008 pour traiter cette condition. Procédure Judiciaire InitialeM. [Z] a assigné la société Aréas Assurances, l’assureur du responsable de l’accident, pour obtenir une expertise médicale et une indemnisation de ses préjudices. Un expert a été désigné en 2017, mais les parties n’ont pas réussi à s’accorder sur l’évaluation des préjudices, ce qui a conduit M. [Z] à saisir le tribunal judiciaire de Saint-Malo. Jugement du Tribunal JudiciaireLe 8 novembre 2021, le tribunal a fixé les préjudices de M. [Z] et a condamné la société Aréas Dommages à verser des sommes significatives pour divers préjudices, y compris des pertes de gains professionnels et des préjudices extra-patrimoniaux. La société Aréas a été également condamnée à payer des frais d’expertise et des dépens. Appel de la Société Aréas DommagesLe 29 novembre 2021, la société Aréas Dommages a interjeté appel du jugement, contestant principalement le montant des pertes de gains professionnels. M. [Z] a également formé un appel incident pour contester certains montants alloués. Arguments des Parties en AppelLa société Aréas a soutenu que M. [Z] n’avait pas subi de pertes de gains professionnels significatives, citant sa cessation d’activité pour cause de retraite et des revenus perçus durant les périodes d’incapacité. M. [Z] a, quant à lui, affirmé avoir subi une perte de revenus substantielle en raison de son état de santé. Évaluation des Pertes de Gains ProfessionnelsLa cour a examiné les revenus de M. [Z] avant et après l’accident, ainsi que les périodes d’arrêt de travail. Elle a conclu que les pertes de gains professionnels ne pouvaient être retenues que pour des périodes spécifiques d’incapacité, et a fixé le montant à 2 150,53 euros. Déficit Fonctionnel PermanentConcernant le déficit fonctionnel permanent, M. [Z] a demandé une indemnisation plus élevée, mais la cour a confirmé que le préjudice devait être évalué à partir de la date de consolidation. Elle a fixé ce préjudice à 32 130 euros, en tenant compte des séquelles et de l’âge de M. [Z]. Préjudice d’AgrémentM. [Z] a également demandé une indemnisation pour le préjudice d’agrément, affirmant qu’il ne pouvait plus pratiquer la trompette et d’autres activités de loisirs. La cour a confirmé l’indemnisation de 1 000 euros accordée par le tribunal initial. Décision Finale de la CourLa cour a infirmé partiellement le jugement initial en ce qui concerne les pertes de gains professionnels et le déficit fonctionnel permanent, tout en confirmant l’indemnisation pour le préjudice d’agrément. La société Aréas Dommages a été condamnée à verser les montants révisés à M. [Z] et à supporter les dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°-371
N° RG 21/07465 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SIAQ
(Réf 1ère instance : )
AREAS DOMMAGES
C/
M. [I] [Z]
Organisme CAISSE DE SECURITE SOCIALE DES INDÉPENDANTS
Société ALPTIS ASSURANCES SAS
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Septembre 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
Société AREAS DOMMAGES
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
INTIMÉS :
Monsieur [I] [Z]
né le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Patrick-Alain LAYNAUD de la SELARL AVOCATS PARTENAIRES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Organisme CAISSE DE SECURITE SOCIALE DES INDÉPENDANTS
ASSIGNEE EN APPEL PROVOQUE par acte du 13 avril 2022, délivré à personne habilitée à le recevoir, n’ayant pas constitué avocat
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Société ALPTIS ASSURANCES SAS
ASSIGNEE EN APPEL PROVOQUE par acte du 13 avril 2022, délivré à personne habilitée à le recevoir, n’ayant pas constitué avocat
[Adresse 3]
[Localité 8]
Le 11 novembre 1966, M. [I] [Z], âgé de 18 ans, a été victime d’un accident de la circulation au Tronchet, alors qu’il était passager d’un véhicule appartenant à M. [J] [W] et conduit par M. [U] [T].
Les conséquences de cet accident ont été un traumatisme crânien avec un coma de 23 jours, des plaies au visage, une fracture avec enfoncement des côtes du côté gauche et une fracture de la clavicule gauche.
Ces préjudices ont été liquidés le 15 mai 1967, avec un taux d’atteinte à l’intégrité physique et psychique de 8%, dans le cadre d’une procédure diligentée devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo.
Peu de temps après l’accident, il lui a été décelé une pathologie cardiaque sous la forme d’une insuffisance tricuspidienne, dont l’origine post traumatique a été diagnostiquée en 1995.
M. [I] [Z] a dû subir une première opération le 8 janvier 2001 ayant eu pour finalité le remplacement de la valve tricuspide puis une seconde opération le 27 février 2008, consistant en une ablation d’un flutter atrial atypique.
M. [I] [Z] considérant que ses lésions cardiaques ont pour origine l’accident du 11 novembre 1966 a fait assigner la société Aréas Assurances, venant aux droits de la CMA, assureur du responsable de l’accident, aux fins de voir désigner un expert médical judiciaire.
Le docteur [L] a été désigné le 23 mars 2017 et déposé son rapport le 29 septembre 2017.
Les parties n’ayant pas réussi à trouver un accord sur l’évaluation des différents préjudices subis par M. [I] [Z], ce dernier a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Malo afin d’obtenir la liquidation de son préjudice et la condamnation, avec exécution provisoire, de la société Aréas Dommages.
Par jugement en date du 8 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Malo a :
– fixé les préjudices de M. [I] [Z] de la manière suivante :
* préjudices patrimoniaux:
° les dépenses de santé : 5 301,21 euros + 803,71 euros (pris en charge par la sécurité sociale des indépendants et par l’Alptis)
° les dépenses de santé restées à la charge de M. [I] [Z] : 26,99 euros,
°les dépenses en lien avec l’assistance à une tierce personne : 466 euros,
° les pertes de gains professionnels : 51 048,60 euros
° l’incidence professionnelle : 7 000 euros
*préjudice extra- patrimoniaux:
° 13 993,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
° 15 000 euros au titre des souffrances endurées,
° 27 200 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent,
° 2 000 euros au titre du préjudice esthétique,
° l 000 euros au titre du préjudice d’agrément,
– constaté que la sécurité sociale des indépendants et la société Alptis n’ont formé aucun recours à l’encontre de la société Aréas Dommages,
En conséquence,
– condamné la société Aréas Dommages à verser à M. [I] [Z], les sommes suivantes, en réparation de ses préjudices :
* 13 993,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 15 000 euros au titre des souffrances endurées,
* 27 200 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique,
* 1 000 euros au titre du préjudice d’agrément,
* 466 euros au titre de l’assistance par une tierce personne,
* 51 048,60 euros au titre de la perte de gains et revenus,
* 7 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,
– précisé qu’il conviendra de déduire le montant de la provision à laquelle la société Aréas Dommages a été condamnée par le juge de la mise en état, des sommes allouées par le présent jugement, si la provision a été effectivement versée par la dite société,
– condamné la société Aréas Dommages à verser à M. [I] [Z] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile,
– dit que les dépens qui comprendront les frais d’expertise seront supportés par la société Aréas Dommages.
Le 29 novembre 2021, la société Aréas Dommages a interjeté appel de cette décision.
M. [Z], seul intimé, a assigné en appel provoqué la société Alptis Assurance et la caisse de sécurité sociale des indépendants par acte d’huissier du 13 avril 2022.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 juillet 2022, la société Aréas Dommages demande à la cour de :
– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 8 novembre 2021 en ce qu’il a fixé à la somme de 51 048,60 euros la perte de gains professionnels de M. [I] [Z] et l’a condamnée à lui payer ladite somme,
Statuant de nouveau :
– débouter M. [I] [Z] de ce chef de demande et de manière générale de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– débouter M. [I] [Z] de son appel incident,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Malo le 8 novembre 2021 pour le surplus,
– condamner M. [I] [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
Par dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022, M. [I] [Z] demande à la cour de :
– le recevoir en son appel incident et y faisant droit,
– infirmer partiellement la décision du tribunal judiciaire de Saint-Malo en date du 8 novembre 2021 en ce qu’elle a fixé à la somme de 51 048,60 euros la perte de gains professionnels, à la somme de 27 200 euros le déficit fonctionnel permanent et à la somme de 1 000 euros le préjudice d’agrément de M. [I] [Z] et condamner la société Aréas Dommages à lui payer ces sommes,
Statuant à nouveau :
– condamner la société Aréas Dommages à lui verser la somme de 76 011 euros au titre de la perte de gains professionnel,
– condamner la société Aréas Dommages à lui verser la somme de 34 680 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
– condamner la société Aréas Dommages à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d’agrément,
– confirmer pour le surplus le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo en date du 8 novembre 2021,
– condamner la société Aréas Dommages à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Aréas Dommages aux entiers dépens.
La Caisse de sécurité sociale des indépendants n’a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d’appel ainsi que les conclusions d’appelant ont été signifiées à personne habilitée, le 14 septembre 2022.
La société Alptis Assurances n’a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d’appel ainsi que les conclusions d’appelant ont été signifiées à personne habilitée, le 14 septembre 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2024.
L’appel est limité à trois postes de préjudice, l’un contesté par les deux parties (les pertes de gains professionnels) et les deux autres (déficit fonctionnel permanent et préjudice d’agrément) contestés par l’intimé au terme de son appel incident.
– sur les pertes de gains professionnels
La société Aréas Dommages estime qu’un tel préjudice est inexistant.
Elle fait valoir que :
– M. [Z] a, en 1981, crée sa propre activité d’électricité automobile et marine à titre individuel, exerce avec des apprentis et des stagiaires,
– il a cessé son activité pour cause de retraite en 2009,
– la pathologie diagnostiquée en 1995 a été considérée comme étant en lien avec l’accident, et une nouvelle consolidation a été fixée au 10 septembre 2009, avec un déficit fonctionnel permanent de 17% liée à l’aggravation,
– l’expert a retenu deux périodes d’arrêt de ses activités professionnelles entre le 27 décembre 2000 et le 31 décembre 2001 et entre le 28 janvier 2002 et le 30 juin 2002, seules périodes durant lesquelles il peut être prétendu à une perte de gains professionnels actuels,
– l’expert n’a retenu aucune limitation de ses activités entre ces périodes d’arrêt,
– le tribunal ne pouvait assimiler la notion de déficit fonctionnel temporaire qui concerne la gêne dans les actes usuels avec celle d’arrêt des activités professionnelles,
– par ailleurs le tribunal a accordé une indemnité au titre de l’incidence professionnelle en raison de la pénibilité (même si un tel poste correspond normalement à l’état de la victime après consolidation),
– en 1999, année complète précédant le premier arrêt de travail, M. [Z] a déclaré des revenus de 10 636 euros, soit 886,32 euros par mois, et en 1994 année complète ayant précédé le début de l’aggravation, ses revenus ont été de 11 136 euros soit 928 euros par mois,
– entre le 29 novembre 2000 et le 18 avril 2022 , il a perçu des indemnités de la société Alptis, outre une pension d’invalidité à compter du 22 novembre 2000,
– une éventuelle perte de gains est ainsi couverte.
M. [I] [Z] soutient pour sa part avoir subi une perte de gains professionnels du 15 février 1995 au 10 septembre 2009, son état de santé ne lui permettant pas d’exercer pleinement son activité professionnelle, ce que le tribunal a d’ailleurs admis.
S’agissant du calcul de cette perte de gains, il indique procéder à une comparaison avec les revenus antérieurs, lesquels de 1992 à 1995 ont été de 14 455 euros par an ; il relève que ses revenus de 1996 à 2008 ont été de
8 606 euros par an, ce qui représente selon lui, une perte annuelle de 5 847 euros, soit au total sur 13 années, une somme de 76 011 euros.
Il fait valoir que la société Alptis n’a pas versé de sommes au titre d’une compensation de salaire ou de perte de revenus et rappelle que les indemnités journalières ont été déclarées et apparaissent dans les avis d’imposition. Il souligne que sa pension d’invalidité lui a été servie de novembre 2000 à juillet 2002 et figure dans les revenus déclarés.
M [Z] a été examiné par le docteur [L].
L’expert rappelle (page 3 de son rapport) qu’à compter de 1981, M. [Z] s’installe à son compte jusqu’en 2009, année où il partira en retraite. Il précise qu’il a une entreprise d’électricité automobile et bateau et qu’il travaille seul avec des apprentis et des stagiaires.
Le docteur [L] situe l’aggravation de son état de santé au regard d’un essoufflement et de la nécessité de consulter le professeur [G] le 15 février 1995, et conclut que la victime est déclarée consolidée le 10 septembre 2009. L’expert indique qu’à compter du 15 février 1995, la victime est prise en charge dans le service de cardiologie pour conduire à une intervention le 8 janvier 2001, consistant dans le remplacement de la valve triscupide, qui est une intervention à coeur ouvert réalisée par le professeur [K].
En sollicitant une indemnisation pour des pertes de gains subie au titre des revenus perçus entre 1995 et 2009, M. [Z] revendique donc une perte de gains professionnels actuels, soit avant consolidation.
Il appartient à M. [Z] d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre les lésions consécutives au fait dommageable et les pertes de gains alléguées.
Pour établir l’existence d’une perte totale ou partielle des revenus de la victime, il convient de rechercher, à partir des revenus déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt, l’éventuelle diminution des revenus pendant la période d’incapacité temporaire.
L’existence d’une perte de gains doit s’apprécier au regard des revenus antérieurs au début de l’aggravation soit le 15 février 1995. S’agissant de revenus souvent irréguliers, M. [Z] étant à son compte, la cour calculera le revenu moyen de référence sur une période d’une à trois années précédant la réalisation du dommage.
Les avis d’imposition de M. [Z] font apparaître les revenus suivants :
– revenus 1992 : 111 476 francs, soit 16 994,41 euros,
– revenus 1993 : 73 051 francs, soit 11 136,55 euros,
– revenus 1994 : 76 049 francs, soit 11 593,60 euros
soit une moyenne annuelle de 13 241,52 euros, montant qui constitue le revenu annuel de référence.
L’expert a conclu que la victime avait eu un arrêt temporaire de ses activités professionnelles, et retient qu’elle a été placée en arrêt de travail du 27 novembre 2000 au 31 décembre 2001, qu’elle a tenté de reprendre le travail en janvier 2002 mais a été de nouveau placée en arrêt de travail du 28 janvier 2002 au 30 juin 2002.
L’aggravation de l’état de santé constatée au 15 février 1995 n’a pas stoppé l’exercice de l’activité professionnelle de M. [Z].
Les périodes non travaillées décrites par l’expert sont incontestablement indemnisables au titre de la perte de gains professionnels actuels, étant en lien avec l’aggravation.
M. [Z] réclame cependant une perte de gains, non limitée à ces périodes mais sur l’entière période avant consolidation, en se fondant sur les périodes de déficit fonctionnel temporaire retenues par l’expert à savoir : Classe 1 : du 15 février 1995 au 7 janvier 2001, veille de l’intervention précitée
Total du 8 janvier 2001 au 7 février 2001 (séjour au CHU puis en clinique)
Classe 3 du 8 février 2001 au 8 avril 2011
Classe 2 du 9 avril 2001 au 9 août 2001
Classe 1 du 10 août 2001 au 26 février 2008
Total du 27 février 2008 au 4 mars 2008 (intervention à la clinique de la Rance)
Classe 1 du 5 mars 2008 au 10 septembre 2009.
Il est rappelé que le déficit fonctionnel temporaire répare l’aspect non économique de l’incapacité temporaire, qu’il correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, à la perte de la qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime et qu’en l’espèce ce préjudice a été réparé par le tribunal, sans contestation des parties.
S’il est exact que les périodes d’hospitalisation sont de fait des périodes non travaillées, la cour considère que l’on ne peut déduire de la seule existence d’un déficit fonctionnel temporaire, la preuve d’un empêchement d’exercer son activité professionnelle.
En l’espèce, l’expert n’a pas retenu une impossibilité d’exercer son activité, ou une limitation de celle-ci, alors même que la victime lui déclarait (cf page 8 du rapport) qu’entre le 15 février 1995 et le 7 janvier 2001, elle aurait été ‘gênée par le port de charges lourdes et aurait eu du mal à faire des gros travaux à son domicile mais aussi au travail, comme par exemple, porter une batterie.’
La cour note que si l’expert retient une pénibilité accrue liée à la difficulté de produire des efforts soutenus, porter des charges lourdes, en particulier les batteries, c’est au titre de l’incidence professionnelle conclue au regard du déficit fonctionnel permanent retenu, et donc d’un préjudice extra-patrimonial permanent et non temporaire (au contraire de ce qui souligne d’ailleurs la société Aréas Dommages).
Dès lors, la cour ne peut suivre l’intimé dans son raisonnement qui consiste à tirer argument de la seule existence d’un déficit fonctionnel entre 1995 et 2009 pour en déduire que les pertes de revenus pendant cette période sont liées est à une limitation de ses activités professionnelles en raison de la réduction de ses capacités physiques (ce qu’encore une fois, l’expert ne retient pas).
En effet, si tel était le cas, la réduction de ses capacités aurait nécessairement conduit à une diminution constante de ses revenus, comparé à ses revenus antérieurs. Or, si l’on compare les revenus déclarés par l’intéressé pendant la période temporaire, l’existence d’un gain inférieur au revenu annuel de référence, n’est pas constatée sur plusieurs années où ses revenus sont même supérieurs au revenu annuel de référence :
– 1995, pour la période postérieure au 15 février 1995, soit 319 jours
(revenu de 17 509,68 euros – revenu annuel- : 365 x 319 = 15 302,91 euros)
– 1996 (19 858,47 euros de revenus annuels),
– 2001 (13 866 euros de revenus annuels),
– 2003 (13 291 euros de revenus annuels),
– 2007 (14 537 euros de revenus annuels).
La même constatation et faite en 2000 s’il l’on ajoute, à raison, les indemnités journalières perçues par M. [Z], et servies par la société Alptis, tel que justifié par la société Aréas Dommages, qui n’ont pas été déclarées par la victime contrairement à ce qu’il déclare (11 606 euros de revenus annuels plus 2 520,21 euros d’indemnités journalières, soit
14 126,21 euros).
Dès lors, quand bien même sur certaines années, son revenu annuel a été moindre comparé au revenu annuel de référence, la preuve n’est pas rapportée par la victime que cette perte présente un lien de causalité avec les lésions dues à l’accident, de multiples causes étant susceptibles d’expliquer une diminution de ses gains (perte de clients, conjoncture économique.)
La cour estime en conséquence, au vu de ces éléments, que les périodes indemnisables sont celles correspondant aux arrêts de travail définis par l’expert, soit :
– du 27 décembre 2000 au 31 décembre 2001,
– du 28 janvier 2002 au 30 juin 2002,
auxquelles peuvent s’ajouter les périodes de déficit fonctionnel temporaire total, durant lesquelles M. [I] [Z] était hospitalisé, et n’a donc pu travailler, à savoir :
– du 8 janvier 2001 au 7 février 2001, période incluse dans la période du premier arrêt de travail,
– du 27 février 2008 au 4 mars 2008.
Si M. [Z] a été dans l’incapacité de travailler durant quelques jours en 2008, il ne produit pas aux débats ses revenus de 2008 (le dernier avis d’imposition versé aux débats étant de 2008 sur les revenus 2007), de sorte que la cour ne peut apprécier l’existence d’une éventuelle perte de gains pour cette période.
* pour la période du 27 décembre 2000 au 31 décembre 2001 (1 an et 5 jours)
M. [Z] a perçu, selon les avis d’imposition :
– du 27 au 31 décembre 2000 (5 jours ) : 11 606 (revenu annuel 2000) : 365 x 5 = 158,98 euros,
– pour 2021 : 13 866 euros.
Durant cette période, il a également perçu des indemnités journalières de la part de la société Alptis : 15 107,16 euros cf pièce 2 de l’appelante.
En ce qui concerne les sommes perçues à titre de pension d’invalidité, si la société Aréas Dommages justifie que M. [Z] a perçu une telle pension à compter du 22 novembre 2000, la cour note que l’intimé n’entend pas le contester précisant qu’elle lui a été servie jusqu’en juillet 2002 mais qu’il observe que les sommes perçus sont incluses dans ses revenus déclarés, comme en attestent ses avis d’imposition, ce que la cour peut, en effet, vérifier.
En conséquence, pour cette période, M. [Z] a perçu :
158,98 + 13 866 + 15 107,16 = 29 123,14 euros.
Comparé au revenu annuel de référence, M. [Z] ne justifie donc d’aucune perte de gains professionnels pour cette période.
* pour la période du 28 janvier 2002 au 30 juin 2002 (154 jours)
M. [Z] a déclaré en 2002 un revenu annuel de 6 477 euros.
La société Aréas Dommage justifie qu’il a perçu également des indemnités journalières de 703,54 euros pour la période du 2 avril 2002 au 18 avril 2002.
Si un courrier de la société Alptis indique ‘ne prendre en charge que les périodes d’incapacité temporaire totale’ et indique que son médecin conseil retient une période d’incapacité temporaire totale du 19 mars 2002 au 18 avril 2002, aucune pièce ne vient confirmer cependant que des indemnités lui ont été effectivement versées pour la période du 19 mars 2002 au 1er avril 2002 ; la cour s’en tiendra donc au versement de 703,54 euros.
M. [Z] a donc perçu durant cette période :
6 477 : 365 x 154 = 2 732,76 euros + 703,54 = 3 436,30 euros.
Comparé au revenu de référence, il aurait dû percevoir pour cette période une somme de 5 586,83 euros (13 241,52 : 365 x 154).
Une perte de gains professionnels est donc caractérisée pour la somme de 5 586,83 – 3 436,30 = 2 150,53 euros.
La cour fixe en conséquence la perte de gains actuels de M. [Z] à la somme de 2 150,53 euros et condamne la société Aréas Dommages au paiement de cette somme ; elle infirme en conséquence le jugement en ce qu’il retient à ce titre une somme de 51 048 euros.
– sur le déficit fonctionnel permanent
M. [Z] considère insuffisante la somme allouée à ce titre par le tribunal et sollicite une somme de 34 680 euros. Il demande de fixer ce préjudice à la date de l’aggravation soit le 15 février 1995, alors qu’il était âgé de 47 ans.
La société Aréas Dommages soutient que le premier juge a parfaitement évalué ce préjudice, et ce, à compter de la consolidation, le même préjudice étant, pour la période antérieure, indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.
Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.
Il prend en compte l’âge de la victime à la date de la consolidation et non à la date du début de l’aggravation, le déficit fonctionnel subi à compter de cette date jusqu’à la date de consolidation étant indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.
Il est observé que les dispositions du jugement portant sur la fixation du déficit fonctionnel temporaire ne sont pas critiquées.
Les séquelles de l’aggravation sont décrites comme suit par l’expert :
– un implant comme traitement de la cataracte de l’oeil gauche,
– des séquelles fonctionnelles cardiologiques,
– des cicatrices de thoracotomie,
et l’expert évalue le déficit fonctionnel permanent lié à l’aggravation à 17 %.
Au vu des séquelles précédemment décrites, de l’âge de M. [I] [Z] (né le [Date naissance 4] 1948) à la date de consolidation (le 10 septembre 2009), en l’espèce 60 ans, la fixation de ce préjudice sera fixée par la cour à la somme de 32 130 euros et la société Aréas Dommages condamnée au paiement de cette somme. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il fixe retient à ce titre une somme de 27 200 euros.
– sur le préjudice d’agrément
M. [Z] sollicite l’octroi d’une somme de 10 000 euros.
Il rappelle que l’expert a indiqué qu’il ne pouvait continuer à pratiquer la trompette en raison de l’apparition d’essoufflements, qu’il jouait de cet instrument par passion et de manière régulière.
Il ajoute que ses difficultés respiratoires, l’ont empêché de pratiquer normalement ses activités de loisirs, telles que le vélo, le football, la marche et la baignade.
La société Aréas Dommages s’oppose à la demande formée, objectant que M. [Z] ne justifie pas sa participation à une fanfare il y a 50 ans et l’impossibilité de pratiquer son instrument de musique depuis.
Le préjudice d’agrément est celui qui résulte d’un trouble spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.
L’expert judiciaire a retenu l’existence de ce préjudice, en indiquant qu’il ‘ne pourra plus jouer de la trompette en fanfare.’
M. [Z] a déclaré à l’expert que jusqu’à l’âge de 17 ans, il pratiquait la trompette, mais qu’après l’accident, il a manqué de souffle et n’a pu continuer à pratiquer celle-ci.
Si les déclarations de M. [Z] [P], fils de la victime, né en 1973, selon lesquelles ‘son père jouait de la musique avec la fanfare de [Localité 11] avec son grand-père dans les années 1955-1966 ‘ ne peuvent de toute évidence ressortir de ses propres constatations, n’étant pas né à cette période, elles sont confortées par le témoignage de Mme [R], cousine de la victime, elle-même née en 1949, qui atteste que ‘son cousin [I] [Z] jouait de la musique avec la fanfare de [Localité 11]’.
Il est donc acquis que la victime a pratiqué la trompette avant l’accident et qu’elle s’est trouvée depuis empêchée de poursuivre cette activité musicale.
En l’absence d’éléments permettant de déterminer combien d’années notamment M. [Z] a fait partie de cette fanfare, et de preuve d’une impossibilité d’exercer d’autres activités de loisirs, la cour confirme l’évaluation de l’indemnisation accordée de ce chef.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
La société Aréas Dommages qui succombe en son appel est condamnée aux dépens d’appel.
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe :
Statuant dans les limites de l’appel principal et de l’appel incident,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il :
– fixe à 51 048,60 euros l’indemnisation des pertes de gains professionnels et condamne la société Aréas Dommages à payer cette somme à M. [I] [Z],
– fixe à 27 200 euros l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent, et condamne la société Aréas Dommages à payer cette somme à M. [I] [Z],
Confirme le jugement en ce qu’il fixe à 1 000 euros l’indemnisation du préjudice d’agrément et condamne la société Aréas Dommages à payer cette somme à M. [I] [Z],
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Fixe l’indemnisation des préjudices suivants subis par M. [I] [Z], suite à l’aggravation de son état de santé :
– pertes de gains professionnels actuels : 2 150,53 euros
– déficit fonctionnel permanent : 32 130 euros ;
Condamne la société Aéras Dommages à payer à M. [I] [Z] les sommes suivantes :
– au titre des gains professionnels actuels : 2 150,53 euros
– au titre du déficit fonctionnel permanent : 32 130 euros ;
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ;
Condamne la société Aéras Dommages aux dépens d’appel
Le Greffier La Présidente