Engagement de M. [E] [H]M. [E] [H] a été engagé par la SASU Joti, franchise de la société O’Tacos, en tant que cuisinier le 7 janvier 2019, sous un contrat à durée indéterminée. Sa rémunération était contestée, l’employeur affirmant qu’elle s’élevait à 1 784,22 euros, tandis que le salarié la fixait à 2 184,13 euros. Absences et licenciementLe 13 avril 2020, M. [H] a reçu une mise en demeure de justifier son absence depuis le 1er avril ou de reprendre son poste. Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 21 mai 2020, et a finalement été licencié pour faute grave par courrier reçu le 17 juin 2020. Actions en justiceLe 1er septembre 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, demandant la requalification de son licenciement, la fixation de son salaire à 2 184,13 euros, et le paiement de diverses sommes pour heures supplémentaires, congés payés, travail dissimulé, et dommages-intérêts pour licenciement abusif, entre autres. Demande reconventionnelle de l’employeurL’employeur, en réponse, a demandé la condamnation de M. [H] à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Jugement du conseil de prud’hommesLe 30 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a fixé le salaire de M. [H] à 2 181,33 euros bruts et a condamné la société Joti à lui verser plusieurs sommes, tout en déclarant que le licenciement reposait sur une faute grave. M. [H] a été débouté de la plupart de ses autres demandes. Appel de la société JotiLa société Joti a interjeté appel du jugement le 5 novembre 2021, contestant les décisions relatives aux rappels de salaires et demandant la confirmation de la faute grave justifiant le licenciement. Prétentions des parties en appelDans ses conclusions, la société Joti a demandé l’infirmation du jugement de première instance et le déboutement de M. [H] de toutes ses demandes. M. [H], quant à lui, a demandé la confirmation du jugement pour les rappels de salaires et la requalification de son licenciement. Motivations du jugement d’appelLe jugement d’appel a examiné les éléments relatifs aux heures supplémentaires, à la prise en charge des frais de transport, au rappel de salaire, au travail dissimulé, et à la rupture du contrat de travail. Il a conclu que l’employeur avait justifié la faute grave du licenciement et a infirmé certaines décisions du conseil de prud’hommes. Décisions finalesLe jugement a été infirmé sur plusieurs points, notamment la fixation du salaire et les rappels de salaires, tout en confirmant la faute grave du licenciement. M. [H] a été condamné à rembourser des frais à l’employeur, et les dépens ont été mis à sa charge. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09157 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CETQR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/06220
APPELANTE
S.A.S.U. JOTI
N° SIRET : 818 353 765
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Shirly COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0486, avocat postulant et me Sara MONROIG, avocat au barreau de PARIS, toque : E202
INTIME
Monsieur [E] [H]
Né le 24 mars 1978 à [Localité 5] (Bangladesh)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Marie-Lisette SAUTRON, présidente
Véronique MARMORAT, présidente
Christophe BACONNIER, président
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Lisette SAUTRON, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [E] [H] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 7 janvier 2019 par la SASU Joti, franchise de la société O’Tacos, en qualité de cuisinier (niveau 1, échelon 2).
En dernier lieu, la rémunération du salarié se montait à 1 784,22 euros selon l’employeur et à 2 184,13 euros selon le salarié.
La convention collective applicable est celle de la restauration rapide du 18 mars 1988. L’entreprise compte moins de 11 salariés.
Par courrier du 13 avril 2020, M. [H] a été mis en demeure de justifier son absence depuis le 1er avril, ou de reprendre son poste.
Par courrier recommandé non daté réceptionné par le salarié le 15 mai, M. [H] est convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé à la date du 21 mai 2020.
Par courrier recommandé, non daté, réceptionné par le salarié le 17 juin 2020, M. [H] est licencié pour faute grave.
Le 1er septembre 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant finalement à :
– faire dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– faire fixer son salaire moyen à 2 184,13 euros bruts,
– faire condamner l’employeur à lui payer, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :
. 2 549,03 euros au titre des heures supplémentaires pour l’année 2019,
. 254 euros au titre des congés payés afférents,
. 472,50 euros au titre des heures supplémentaires pour l’année 2020,
. 42 euros au titre des congés payés afférents,
. 639,20 euros à titre de rappel de salaire pour la prise en charge Navigo,
. 1 171,56 euros au titre d’un rappel de salaires du mois de mars 2020,
. 13 104,78 euros au titre du travail dissimulé,
. 8 736,52 euros au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif,
. 773,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 2 181,33 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 218,13 euros à titre de congés payés afférents,
. 252 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
. 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés des retards dans la remise des documents de fin de contrat,
. 2 500 euros au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
– faire condamner l’employeur à lui remettre des documents sociaux conformes au jugement.
A titre reconventionnel, l’employeur a demandé la condamnation du salarié demandeur à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 30 septembre 2021, notifié par lettre du 14 octobre 2021 à l’employeur auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– fixé le salaire de M. [H] à la somme de 2 181,33 euros bruts ;
– condamné la société Joti à payer à M. [H] les sommes suivantes :
‘ 2 549,03 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2019,
‘ 254 euros bruts au titre des congés payés afférents,
‘ 472,50 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2020,
‘ 42 euros bruts au titre des congés payés afférents,
‘ 1 171,56 euros à titre de rappel de salaires du mois de mars 2020,
‘ 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit et jugé que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave ;
– ordonné à la société Joti de remettre à M. [H] les documents sociaux conformes au jugement
– débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Joti de sa demande reconventionnelle ;
La société Joti a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 5 novembre 2021, en chaque chef du dispositif, sauf en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes et dit que le licenciement reposait sur une faute grave.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 1er octobre 2024.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Joti demande à la cour de :
– infirmer le jugement de première instance en chaque chef du dispositif critiqué,
En conséquence, statuant à nouveau :
– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;
En conséquence, il est demandé à la Cour de :
– juger que le licenciement de M. [H] est fondé sur une faute grave,
– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse’ :
– constater que l’article L.1235-3 du code du travail applicable,
– limiter l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à un demi mois de salaire, soit 892,11 euros,
– juger que l’indemnité compensatrice de préavis ne peut être supérieure à 1 mois de salaire brut soit 1 784,22 euros et 178,42 euros à titre de congés payés y afférents.
En tout état de cause,
– fixer le salaire de M. [H] à 1 784,22 euros,
– déclarer que la procédure a été respectée et que le licenciement de M. [H] est donc parfaitement régulier,
– débouter M. [H] du surplus de ses demandes,
– condamner reconventionnellement M. [H] au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamner M. [H] aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 mars 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, M. [H] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de rappels de salaires en raison d’heures supplémentaires pour l’année 2019 et 2020 avec congés payés afférents et indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement pour le surplus et statuant de nouveau,
– condamner l’employeur au versement des sommes suivantes :
. rappel de salaire pour prise en charge Navigo : 639,20 euros,
. indemnité pour travail dissimulé : 13 104,78 euros,
– dire et juger le licenciement de M. [H] nul, à titre principal, et sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,
– condamner la société Joti au paiement des sommes suivantes :
‘ A titre principal, dommages-intérêts pour licenciement nul : 17 473,04 euros,
‘ A titre subsidiaire, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 736,52 euros,
En tout état de cause :
‘ indemnité légale de licenciement : 773,54 euros,
‘ indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 2 181,33 euros,
‘ congés payés afférents : 218,13 euros,
‘ indemnité compensatrice de congés payés (solde de congé à la fin de contrat non payés) : 252,00 euros,
‘ dommages-intérêts pour manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail : 6 000,00 euros,
‘ dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de fin de contrat : 6 000,00 euros,
‘ article 700 appel : 3 000,00 euros,
– condamner la société Joti aux dépens de l’instance.
1- l’exécution du contrat de travail
– les heures supplémentaires
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
L’appelante soutient que le salarié ne justifie pas les heures prétendument effectuées et produit un tableau dactylographié se limitant au seul inventaire année par année des plages horaires qu’il dit avoir effectuées, sans les étayer par d’autres éléments telles des attestations. Il critique la cohérence du décompte au regard des absences, et des repos. Il soutient que les heures supplémentaires effectuées figurent aux bulletins de paie et ont été payées comme telles.
Le salarié prétend, à la faveur de décomptes et de relevés d’heures qu’il produit, effectuer 42 heures de travail hebdomadaires à raison de 7 heures par jour 6 jours par semaine.
L’employeur fait attester deux salariés qui viennent affirmer que M. [H] travaillait 5 jours par semaine avec une pause.
La cour n’est donc pas convaincue de l’existence d’heures supplémentaires de sorte que le salarié doit être débouté de ses demandes par infirmation du jugement.
– prise en charge Navigo
L’employeur soutient que le salarié ne l’a jamais informé de l’existence de frais de transport et n’a jamais fourni, même dans la présente procédure, les justificatifs de ses abonnements.
Le salarié prétend, sur le fondement des articles L 3261-2 et R 3261-1 du code du travail, obtenir paiement de la part employeur dans la prise en charge des frais de transport.
C’est à raison que le conseil de prud’hommes, après avoir, à bon droit, rappelé la règle de l’article L 3261-2 du code du travail, a rejeté la demande faute de justificatifs des débours.
– le rappel de salaire de mars
L’employeur soutient que le salarié a été payé à hauteur de 1 234,54 euros correspondant aux jours travaillés, dont 810 euros payés en espèces.
Le salarié prétend avoir été payé partiellement au mois de mars 2020.
Si le conseil de prud’hommes a pu considérer que l’employeur, qui supporte seul la charge de la preuve du paiement du salaire, était défaillant sur ce point, il ne pouvait faire droit intégralement à la demande dont le quantum contient des heures supplémentaires au paiement desquelles l’employeur n’a pas été condamné, et dont le résultat découle d’une soustraction entre une somme brute et une somme nette.
Or, selon le décompte établi par le salarié, celui-ci a travaillé 140 heures dont 21 heures supplémentaires. Il reste donc 119 heures hors heures supplémentaires alléguées. Le bulletin de salaire de mars 2020 comptabilise 102,67 heures travaillées de sorte qu’il faut y ajouter 16,33 heures pour atteindre le nombre d’heures réellement travaillées conformément au décompte, ce qui permet de totaliser un salaire brut de 1 683,12 euros, hors heures supplémentaires. C’est donc cette somme brute qui est due pour le mois de mars 2020.
L’employeur justifie paiement d’une somme nette de 424,54 euros par virement en mai 2020 comme le prouve son relevé de compte. Il a donc payé 34,67 % du salaire net du mois de mars qui se montait à 1 224,54 euros nets pour 102,67 heures, laissant impayé 65,33% du salaire. Sur la base d’un salaire brut reconstitué de 1 683,12 euros hors heures supplémentaires, l’employeur reste devoir une somme brute de 1 099,58 euros, étant observé, comme l’a fait le conseil de prud’hommes que le paiement en espèces n’est pas justifié. En effet, la seule mention figurant sur le relevé de compte selon laquelle la somme de 424,54 euros complète un versement en espèces de 810 euros, crée par l’employeur lui-même, ne peut valoir à elle seule preuve du paiement, en l’absence d’autres éléments le corroborant.
Par infirmation du jugement sur le quantum, l’employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 1 099,58 euros brute au titre du salaire du mois de mars 2020.
– le travail dissimulé
Le salarié prétend que l’employeur s’est systématiquement abstenu de déclarer l’intégralité des heures effectuées, signant ainsi son intention dissimulatrice, ce qui justifie le paiement de l’indemnité forfaitaire.
L’employeur soutient que l’intention dissimulatrice n’est pas démontrée alors que des heures supplémentaires, quand elles étaient réalisées, étaient payées.
C’est à raison que le conseil de prud’hommes, en l’absence d’intention dissimulatrice, a rejeté la demande, d’autant qu’il n’est pas établi que le salarié a réalisé d’autres heures supplémentaires que celles qui lui ont été payées et qui figurent sur ses bulletins de paie.
– les congés payés
L’employeur soutient que le solde des congés a été payé en juin 2020.
Le salarié soutient être créancier de 4 jours de congés non soldés.
Les bulletins de salaire montrent que le salarié était créancier, à la date de la rupture, d’un solde de 3,5 jours de congés payés avec le salaire du mois de juin 2020, de sorte que c’est par une exacte analyse du dossier que le Conseil de prud’hommes a rejeté la demande dans son jugement qui sera confirmé sur ce point.
– l’exécution déloyale du contrat de travail
Le salarié prétend que l’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail sans critiquer le jugement qui a rejeté la demande au motif que la déloyauté n’était pas démontrée.
En cause d’appel, le salarié se contente de rappeler les dispositions de l’article L 1222-1 du Code du travail et ajoute : ‘il sera démontré à la cour après infirmation du jugement sur ce point de reconnaître que la société manquait à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail de Monsieur [H].
Par conséquent, il est demandé à la cour après information (sic) du jugement sur ce point de condamner la Société à verser à Monsieur [H] la somme de 6.000,00 € au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail’.
En l’état de ces écritures, la cour ignore quels sont les actes que le salarié considère comme constitutifs de déloyauté, et quel est le préjudice qui en est résulté, de sorte que la confirmation du jugement, qui l’a débouté, s’impose.
2- la rupture du contrat de travail
– la nullité
Le salarié soutient la nullité du licenciement au motif que la non-exécution de sa prestation de travail se justifie par les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité en raison de l’absence de mesures sanitaires de protection des salariés face à la contamination d’un des leurs et par la force majeure inhérente à la pandémie mondiale de COVID 19.
L’employeur soutient que le salarié a été absent à compter du 23 mars 2020 sans prévenir son employeur et sans justifications, au mépris de l’article 6 de son contrat de travail, ce qui a désorganisé la structure qui comptait moins de 9 salariés. Elle prétend avoir mis en place un protocole de sécurité, et n’avoir pas été informée de la contamination d’un de ses salariés. Elle souligne que l’exercice du droit de retrait, que le salarié prétend avoir exercé, suppose l’avertissement préalable de l’employeur. Il soutient que la crise sanitaire et les motifs invoqués par le salarié n’étaient pas de nature à l’empêcher de prévenir et de justifier son absence auprès de son employeur.
Ce moyen n’étant pas de nature à entraîner la nullité du licenciement, le jugement, qui a rejeté la demande, sera confirmé.
– le bien fondé
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
‘ …nous nous voyons contraint de vous notifier par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Cette décision est rendue indispensable en raison de votre absence à votre poste de travail de façon continue depuis le 29 mars 2020. Cette absence s’est effectuée sans autorisation de notre part et sans fournir de justificatif et ce, malgré nos nombreuses tentatives pour vous joindre (appels, messages) afin de vous informer de la reprise de notre activité.
Notre société ne saurait admettre une telle attitude démissionnaire.
En raison de votre ancienneté dans l’entreprise, vous bénéficiez d’un préavis de un mois qui débute le 11 juin 2020 (date présumée de première présentation de cette lettre) et se termine le 11 juillet 2020. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement,….’
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir d’une faute grave d’en rapporter la preuve et si un doute subsiste il doit profiter au salarié.
Le salarié soutient qu’il a cessé le travail le 23 mars 2020, que l’employeur l’a convoqué le 19 mai 2020 à un entretien préalable, soit le même jour que la mise en demeure de justifier son absence, et qu’il a attendu 9 semaines pour réagir.
L’employeur expose qu’il ne saurait être tenu pour responsable des retards d’acheminement du courrier en période de pandémie et rappelle qu’il a adressé au salarié plusieurs messages en vue d’une reprise de poste avant de se résoudre à rompre le contrat de travail.
Il n’est pas contesté que le salarié a été absent à compter du 23 mars 2020 sans pouvoir justifier son absence à compter du 1er avril 2020. En effet, entre le 23 mars et le 29 mars 2020, le salarié était en situation de chômage partiel, selon les indications figurant sur son bulletin de salaire du mois de mars 2020.
A compter du 1er avril 2020, il n’est pas contesté que le salarié n’a pas justifié de ses absences. Dans le cadre du présent contentieux, il invoque un souci de préservation de sa santé, à tort, dans la mesure où cette pandémie ne faisait pas obstacle à ce qu’il informe l’employeur des raisons de son absence.
Par ailleurs, le manquement aux règles sanitaires liées à la pandémie de COVID 19 n’est pas établi dès lors que l’employeur prouve qu’il avait établi un protocole de sécurité comprenant l’usage de masques et de gel hydroalcoolique, mis à disposition en quantité suffisante, ce dont le salarié aurait été informé s’il avait communiqué avec son employeur sur les raisons de son absence. Par ailleurs, le salarié qui soutient qu’un collègue avait été hospitalisé suite à une contamination, n’en justifie pas. Au final, son absence reste encore aujourd’hui injustifiée.
A raison l’employeur se prévaut des retards d’acheminement des courriers et justifie que la mise en demeure adressé au salarié de justifier son absence ou de reprendre le travail, datée du 13 avril 2020, a été reçue par le salarié le 15 mai 2020, le jour de la réception de la convocation à l’entretien préalable.
Or, ce manquement contractuel est suffisamment grave pour justifier que l’employeur mette fin au contrat de travail sans préavis dans la mesure où il était continu et que le salarié n’a pas manifesté son intention de revenir travailler dans une petite structure qui ne peut se passer de cuisinier.
Par conséquent, c’est pas une correcte analyse des faits de la cause que le conseil des prud’hommes a débouté le salarié de ses demandes de contestation de son licenciement.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3- les autres demandes
Compte tenu de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur la remise des documents sociaux.
Succombant au sens de l’article 696 du Code de procédure civile, le salarié supportera les dépens et les frais irrépétibles de première instance par infirmation du jugement, ainsi que ceux de l’instance d’appel.
Aussi, sera-t-il débouté de ses demandes à ce titre et condamné à payer à l’employeur la somme de à ce titre 2 000 euros qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Infirme le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le Conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
– fixé le salaire moyen de M. [E] [H] à la somme de 2 181,33 euros bruts,
– condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
‘ 2 549,03 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2019,
‘ 254 euros bruts au titre des congés payés afférents,
‘ 472,50 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2020,
‘ 42 euros bruts au titre des congés payés afférents,
‘ 1 171,56 euros à titre de rappel de salaires du mois de mars 2020,
‘ 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’employeur à remettre au salarié des documents sociaux conformes,
– condamné l’employeur aux dépens de l’instance,
confirme le surplus du jugement déféré,
statuant à nouveau, dans la limite des chefs d’infirmation,
fixe à à 1 753,13 euros la moyenne des salaires des trois derniers mois ;
déboute M. [E] [H] de ses demandes d’heures supplémentaires, et congés payés afférents ainsi que de ses demandes de remise des documents de documents sociaux conformes et d’indemnité de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamne la SAS Joti à payer à M. [E] [H] la somme de 1 099,58 euros en paiement du solde du salaire du mois de mars 2020 ;
dit que de cette somme pourront être déduites les cotisations sociales et salariales éventuellement applicables ;
condamne M. [E] [H] à payer à la SAS Joti la somme de 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne M. [E] [H] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier La présidente