Embauche et évolution professionnelleMadame [V] [Z] a été embauchée à la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône en 1983 sous contrats à durée déterminée, puis en 1985 sous contrat à durée indéterminée. Elle a occupé le poste de conseillère éducative pour la santé jusqu’à la fin de sa relation de travail. Déclaration de maladie professionnelleLe 8 juin 2017, madame [V] [Z] a déclaré une maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical daté du 2 décembre 2016, mentionnant un état de stress au travail et un état anxiodépressif. Enquête et avis médicalLa caisse primaire d’assurance maladie du Rhône a mené une enquête, incluant l’avis d’un médecin-conseil qui a confirmé la pathologie, bien qu’elle ne soit pas inscrite dans un tableau de maladies professionnelles. Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) a été estimé à 25 %. Avis favorable du comité régionalLe 31 août 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a donné un avis favorable pour la reconnaissance de la maladie comme professionnelle. En conséquence, la caisse a notifié à madame [V] [Z] la prise en charge de sa pathologie le 4 septembre 2018. Consolidation de l’état de santéL’état de santé de madame [V] [Z] a été déclaré consolidé le 25 septembre 2018, avec un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 10 %, révisé à 20 % par un jugement du tribunal judiciaire de Lyon en mars 2023. Demande de conciliation et action en justiceLe 22 janvier 2020, madame [V] [Z] a demandé une conciliation concernant la faute inexcusable de l’employeur. Faute de conciliation, elle a saisi le tribunal judiciaire de Lyon le 10 mai 2021 pour faire reconnaître cette faute. Arguments de madame [V] [Z]Lors de l’audience du 11 septembre 2024, madame [V] [Z] a soutenu que sa maladie était imputable à la faute inexcusable de son employeur, demandant une expertise médicale et une provision de 10.000 euros, ainsi qu’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponse de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire d’assurance maladie a demandé la désignation d’un second comité régional pour évaluer le lien entre la pathologie et l’activité professionnelle, tout en contestant l’origine professionnelle de la maladie et en rejetant les demandes de madame [V] [Z]. Contexte de travail et conditions de santéMadame [V] [Z] a décrit une dégradation de ses conditions de travail, incluant une surcharge de travail, des difficultés relationnelles, et des problèmes d’insalubrité des locaux. Elle a affirmé que l’employeur était conscient de sa situation sans prendre de mesures pour l’aider. Décision du tribunalLe tribunal a décidé de désigner un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour évaluer le lien entre la maladie de madame [V] [Z] et son travail, suspendant ainsi le jugement sur les autres demandes jusqu’à réception de cet avis. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
6 Novembre 2024
Jérôme WITKOWSKI, président
Stéphanie DE MOURGUES, assesseur collège employeur
En l’absence d’un assesseur, le Président à statué seul avec l’accord des parties présentes ou représentées après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent conformément à l’article L 218-1 du COJ
assistés lors des débats par Doriane SWIERC, greffière
et du prononcé du jugement par Maéva GIANNONE, greffière
tenus en audience publique le 11 Septembre 2024 et prononcé le 6 novembre 2024.
jugement contradictoire, rendu avant dire droit, le 6 Novembre 2024 par le même magistrat
Madame [V] [Z] C/ Caisse CPAM DU RHONE, CPAM DU RHONE
N° RG 21/00987 – N° Portalis DB2H-W-B7F-V2RA
DEMANDERESSE
Madame [V] [Z]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocats au barreau de LYON
DÉFENDERESSES
CPAM DU RHONE
siège social [Adresse 7]
représentée par la SCP AGUERA AVOCATS, avocats au barreau de LYON,
Notification le
Une copie certifiée conforme à :
[V] [Z]
CPAM DU RHONE
la SCP AGUERA AVOCATS, toque 8
la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, toque 49
Une copie certifiée conforme au dossier
Madame [V] [Z] a été embauchée au sein de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône sous contrats de travail à durée déterminée à compter du 2 août 1983, puis sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 mars 1985. Elle occupait au dernier état de la relation de travail un emploi de conseillère éducative pour la santé.
Le 8 juin 2017, madame [V] [Z] a établi une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial du 2 décembre 2016, faisant état des constatations médicales suivantes : « Stress au travail – état anxiodépressif ».
La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône a mené une enquête et notamment recueilli l’avis du médecin-conseil, qui a estimé que l’assurée présentait bien la pathologie figurant sur le certificat médical initial, que cette pathologie ne figurait pas dans un tableau de maladie professionnelle, que le taux d’IPP prévisible était égal ou supérieur à 25 % et que la date de première constatation médicale était fixée au 1er décembre 2016.
A l’issue de cette enquête, la caisse a recueilli l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] Rhône-Alpes, en application des dispositions de l’article L.461-1 du Code de la Sécurité Sociale.
Le 31 août 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles [Localité 6] Rhône-Alpes a rendu un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.
Le 4 septembre 2018, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône a donc notifié à madame [V] [Z] la prise en charge de la pathologie déclarée au titre de la législation professionnelle.
L’état de santé de madame [V] [Z] a été déclaré consolidé le 25 septembre 2018 avec fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle de 10 %, révisé à 20 % selon jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 10 mars 2023.
Le 22 janvier 2020, madame [V] [Z] a saisi la caisse primaire d’assurance maladie d’une demande de conciliation dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
En l’absence de conciliation, madame [V] [Z] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, par requête réceptionnée le 10 mai 2021.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 11 septembre 2024, madame [V] [Z] demande au tribunal de juger que la maladie professionnelle du 2 décembre 2016 est imputable à la faute inexcusable de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, son employeur, et d’ordonner en conséquence la majoration de la rente d’incapacité permanente partielle au taux maximum. Avant dire droit sur l’indemnisation de ses préjudices, elle demande au tribunal d’ordonner une expertise médicale et de lui allouer une provision de 10.000 euros, outre la condamnation de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Oralement lors de l’audience, madame [V] [Z] ajoute ne pas s’opposer à la demande formulée avant dire droit par la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône tendant à la désignation d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour qu’il donne son avis sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle.
Sur l’origine professionnelle de la maladie déclarée, madame [V] [Z] expose qu’elle exerçait ses fonctions de conseillère en éducation santé au sein du centre de santé [5] à [Localité 8] et dénonce une dégradation continue de ses conditions de travail, se traduisant en synthèse par le cumul de plusieurs facteurs, notamment :
L’absence de logiciels adaptés à l’exercice de ses fonctions, alourdissant le traitement de la charge administrative de son travail, et plus généralement l’insuffisance des moyens matériels mis à sa disposition ;L’augmentation significative de sa charge de travail, du fait notamment de l’absence de certains collègues en arrêt de travail, de la gestion de quatre ateliers en lieu et place des deux ateliers initialement fixés, du nombre important d’échanges téléphoniques à assurer dans le cadre du suivi des patients (un entretien par trimestre sur une période de 18 mois) ;Les difficultés rencontrées avec les patients insatisfaits, lorsque le centre n’était pas en mesure d’honorer les rendez-vous fixés ;Les difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, ainsi que la désorganisation de ses tâches ;L’insalubrité des locaux, s’ajoutant à ce contexte déjà dégradé.
Au soutien de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, madame [V] [Z] fait valoir d’une part que l’employeur avait conscience de sa surcharge de travail, ainsi que du risque d’atteinte à sa santé. Elle lui fait grief de n’avoir pris aucune mesure pour l’en préserver.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 11 septembre 2024, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, ès qualité d’employeur, demande au tribunal, avant dire droit, de désigner un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour avis sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée par madame [V] [Z] et son activité professionnelle. Sur le fond, elle demande au tribunal de rejeter l’ensemble des demandes de madame [V] [Z] et, à titre subsidiaire, de débouter celle-ci de sa demande provisionnelle ou la réduire drastiquement à de plus justes proportions.
Au soutien de sa demande de désignation, avant dire droit, d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône se fonde sur les dispositions de l’article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale et confirme oralement contester l’origine professionnelle de la maladie déclarée par madame [V] [Z]. Elle précise que l’arrêt de travail prescrit à la salariée à compter du 1er décembre 2016 est intervenu à la suite d’un échange de madame [V] [Z] avec sa supérieure hiérarchique, au cours duquel elle a nettement perdu son calme et ses moyens ; que cet événement a donné lieu à une procédure disciplinaire aboutissant à la notification d’une mise à pied disciplinaire de sept jours; que la juridiction prud’homale a considéré que cette sanction reposait sur des griefs matériellement imputables à madame [V] [Z] mais que la sanction était disproportionnée ; qu’en tout état de cause, cet événement a fait l’objet d’un refus de prise en charge au titre d’un accident du travail le 9 mai 2017, soit un mois avant la nouvelle demande de prise en charge formulée au titre de la maladie professionnelle.
Sur la faute inexcusable, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône soutient que madame [V] [Z], qui supporte la charge de la preuve, ne démontre ni l’insalubrité alléguée des locaux, ni la situation de surcharge de travail qu’elle dénonce, ni d’une quelconque alerte de sa hiérarchie sur sa propre situation, que ce soit personnellement à l’occasion des entretiens annuels ou par l’intermédiaire des délégués du personnel.
Sur les mesures mises en œuvre, elle précise que dans le contexte de tensions consécutif à la procédure disciplinaire diligentée contre madame [V] [Z], elle a fait établir par sa conseillère en prévention des risques professionnels un diagnostic du travail au sein de l’équipe administrative du centre de santé. Elle indique qu’il en est résulté des préconisations, aboutissant à la mise en œuvre d’un plan d’action s’échelonnant sur les années 2017 et 2018 afin d’accompagner le centre sur les thématiques identifiées. Elle précise que l’intervention de l’inspection du travail est consécutive à l’alerte d’une salariée le 1er septembre 2017, soit postérieurement à l’arrêt travail de la requérante le 2 décembre 2016 mais aussi aux démarches de prévention entreprises, dont l’inspectrice du travail n’a au demeurant pas tenu compte. Elle ajoute enfin que madame [V] [Z] a pu réintégrer l’organisme à l’issue de son arrêt de travail sur un poste de chargé de relation clients pour lequel elle a été déclarée apte sans aucune réserve par le médecin du travail.
Aux termes de ses observations déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 11 septembre 2024, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, ès qualité d’organisme social, demande la désignation d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour avis sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’activité professionnelle.
Elle s’en remet à l’appréciation du tribunal concernant l’existence d’une faute inexcusable et le cas échéant, demande au tribunal de dire que la caisse fera l’avance à madame [V] [Z] de la majoration du capital ou de la rente, de l’éventuelle provision allouée ainsi que sommes allouées à la victime en réparation des préjudices subis et enfin, de dire qu’elle procèdera au recouvrement de ces sommes, ainsi que des frais d’expertise, auprès de l’employeur.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’employeur conserve la faculté de contester le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie à l’occasion de l’action en faute inexcusable dirigée contre lui, même si la décision de prise en charge est devenue définitive en l’absence de recours formé par l’employeur dans le délai imparti pour la contester (Cass., 2ème civ., 5 novembre 2015, n° 13-28373).
L’article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale dispose que : « Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas de l’article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l’avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l’article L. 461-1. Le tribunal désigne alors le comité d’une des régions les plus proches ».
En l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône confirme qu’elle conteste l’origine professionnelle de la maladie de madame [V] [Z].
En application du texte susvisé, qui s’impose au juge comme aux parties, l’avis d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles doit donc être recueilli préalablement à toute décision sur le fond, selon les modalités prévues au dispositif.
Dans l’attente de cet avis, il sera sursis à statuer sur l’intégralité des demandes des parties.
Les dépens seront réservés.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement par décision contradictoire, rendue avant dire droit,
Vu l’article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale,
Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur afin qu’il donne son avis et dise, après examen des documents d’enquête, avis médicaux et autres éléments transmis par madame [V] [Z] et par la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, tant en sa qualité d’employeur que d’organisme de sécurité sociale, si la maladie de madame [V] [Z] déclarée « stress au travail, état anxiodépressif » a pu être directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime;
Invite les parties à communiquer l’ensemble de leurs pièces justificatives au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles désigné :
Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles PACA – CORSE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Renvoie le dossier à la première audience de mise en état utile après transmission de l’avis dudit comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles aux parties ;
Sursoit à statuer sur les autres demandes ;
Réserve les dépens ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique le 6 novembre 2024 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT