Résiliation de bail et conséquences d’une occupation sans droit : enjeux et implications financières

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Résiliation de bail et conséquences d’une occupation sans droit : enjeux et implications financières
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Constitution du bail

Par acte sous seing privé du 9 juin 1997, l’office public d’aménagement et de construction de l’Eure a consenti à [O] [C] et [D] [U] un bail pour un garage situé à [Localité 4], garage n°53, au loyer mensuel initial de 267,92 francs, pour une durée de 6 ans avec tacite reconduction.

Commandement de payer

Le 21 novembre 2022, la SA MON LOGEMENT 27, héritière de l’office public, a délivré un commandement de payer à [O] [C] et [D] [U] pour la somme de 4 622,63 euros en loyers, charges et accessoires, en invoquant la clause résolutoire du bail.

Assignation en référé

Le 19 juillet 2023, la SA MON LOGEMENT 27 a assigné [O] [C] et [D] [U] devant le tribunal en référé pour constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner leur expulsion, assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte, et condamner [O] [C] et [D] [U] à payer des sommes dues.

Décès de [O] [C]

[O] [C] est décédé le 19 juin 2023, laissant [D] [U] et [V] [C] comme héritiers. Le 20 novembre 2023, la SA MON LOGEMENT 27 a assigné [V] [C] en tant qu’ayant droit de [O] [C].

Arguments de [D] [U]

Dans ses conclusions du 28 août 2023, [D] [U] a demandé le déboutement de la SA MON LOGEMENT 27, arguant qu’elle ignorait l’existence du bail et que celui-ci avait été résilié suite à un commandement de payer en 2014, sans qu’aucune mise en demeure n’ait été délivrée par la suite.

Éléments de preuve

Le tribunal a constaté que le couple [C]-[U] avait loué un logement principal jusqu’en 2002 et que des paiements pour le garage avaient continué jusqu’en 2015. Les premiers impayés sont apparus en septembre 2009, et le bail n’a pas été résilié malgré les allégations de [D] [U].

Décision du tribunal

Le tribunal a mis hors de cause [V] [C], constaté la résiliation du bail au 21 décembre 2022, et ordonné l’expulsion de [D] [U] et de tout occupant. Il a également condamné [D] [U] à payer 1924,05 euros pour les loyers et charges échus, ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation de 51,93 euros à compter du 1er janvier 2023.

Intérêts et dépens

Les sommes dues porteront intérêts à compter du commandement de payer, et chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG n°
23/00317
Minute N° 2024/400
N° RG 23/00317 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HLPA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
Le
1 CE + CCC à Me TOUFLET – 17
1 CCC à Me RIAUTE – 36

JURIDICTION DES RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DU 06 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.A. MON LOGEMENT 27
Immatriculée au RCS d’EVREUX sous le numéro 301 898 037
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
représentée par Me Emmanuelle LAILLET-TOUFLET, avocat au barreau de l’EURE

DÉFENDEURS :

Monsieur [O] [C] décédé le 19 juin 2023
né le 08 Mai 1960 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

Madame [D] [U] veuve [C],
à titre personnel et en qualité d’ayant droit de feu Monsieur [O] [C]
née le 22 Novembre 1959 à [Localité 7]
Profession : Retraitée
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 27229-2023-003399 du 08/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Evreux)

représentée par Me Laura RIAUTE, avocat au barreau de l’EURE, substitué par Me Armelle LAFONT, avocat au barreau de l’EURE

Monsieur [V] [C] es-qualité d’ayant droit de feu Monsieur [O] [C]
Profession : Entrepreneur Individuel
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat

PRÉSIDENT : Sabine ORSEL

GREFFIER : Christelle HENRY

DÉBATS : en audience publique du 11 septembre 2024

ORDONNANCE :

– réputée contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,
– mise à disposition au greffe le 09 octobre 2024, prorogée au 06 novembre 2024
– signée par Sabine ORSEL, Présidente du Tribunal Judiciaire et Christelle HENRY, greffier

N° RG 23/00317 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HLPA – ordonnance du 06 novembre 2024

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 9 juin 1997, l’office public d’aménagement et de construction de l’Eure a consenti à [O] [C] et [D] [U] un bail pour un garage situé à [Localité 4], garage n°53, garage Saint Michel, [Adresse 8], au loyer mensuel initial de 267,92 francs, hors taxes et hors charges, pour une durée de 6 ans avec tacite reconduction.

Le 21 novembre 2022, la SA MON LOGEMENT 27, venant aux droits de l’office public d’aménagement et de construction de l’Eure, a fait délivrer à [O] [C] et [D] [U] un commandement de payer la somme de 4 622,63 euros en loyers, charges et accessoires (hors coût du commandement), visant la clause résolutoire comprise dans ce bail.

Invoquant que ce commandement est resté sans effet, par actes du 19 juillet 2023, la SA MON LOGEMENT 27 a fait assigner [O] [C] et [D] [U] devant le président de ce tribunal, statuant en référé, aux fins de voir :
constater l’acquisition de la clause résolutoire ;ordonner l’expulsion de [O] [C] et [D] [U] et de tout occupant de son chef, si besoin avec le concours de la force publique ;assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte de 50 euros par jour de retard ;condamner [O] [C] et [D] [U] à lui payer la somme de 5 209,88 euros, à titre de provision à valoir sur les loyers et les charges impayés ;condamner [O] [C] et [D] [U] à lui payer une provision à titre d’indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges ;condamner [O] [C] et [D] [U] à lui payer la somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le commandement de payer.
[O] [C] est décédé le 19 juin 2023 à [Localité 4], laissant pour lui succéder [D] [U] et [V] [C].

Par acte du 20 novembre 2023, la SA MON LOGEMENT 27 a fait assigner [V] [C], en qualité d’ayant droit de [O] [C], devant le président de ce tribunal, statuant en référé, aux fins de le condamner solidairement avec [D] [U].

Dans ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 28 août 2023, [D] [U] demande au président de ce tribunal, statuant en référé, de :
débouter purement et simplement la SA MON LOGEMENT 27 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;condamner la SA MON LOGEMENT 27 à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la SA MON LOGEMENT 27 aux dépens.
Elle fait valoir que :
[O] [C] s’était tout le long de leur vie commune occupé de la gestion des documents et démarches administratives et l’en avait tenu éloigné ;elle ignorait donc qu’ils étaient toujours locataires d’un garage, loué simultanément à un logement qu’ils ont quitté depuis le mois de septembre 2002 et dont elle pensait que le bail avait été résilié ;il ressort du décompte qu’en mars 2014 un commandement de payer leur a été délivré, et qu’à compter de cela, [O] [C] n’a plus procédé au paiement des loyers, prenant acte de la résiliation du bail ;à compter du commandement de payer, et malgré le non paiement des loyers, aucune demande de paiement, mise en demeure ou exploit de commissaire de justice n’a été délivré ;dès lors, il convient de considérer que le bail a été résilié suite au commandement de payer dont les causes n’ont pas été satisfaites, l’absence de tout règlement postérieur justifiant de l’exécution de cette résiliation ;
N° RG 23/00317 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HLPA – ordonnance du 06 novembre 2024
à titre subsidiaire, quand bien même le bail est jugé comme n’ayant pas été résilié, il y a lieu de constater, conformément aux articles 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et 2222 du code civil la prescription de toute somme due de part et d’autre ;à titre infiniment subsidiaire, le décompte produit n’est pas conforme car il comprend les sommes prescrites, des provisions sur charge alors que le bail n’en prévoit pas et qu’il n’a pas été fait déduction du dépôt de garantie.
À l’audience du 11 septembre 2024, [V] [C] n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise hors de cause de [V] [C]
[V] [C], ainsi que ses trois enfants, ont renoncé purement et simplement à la succession de [O] [C]. Il ne peut dès lors être tenu des dettes de son défunt ascendant et sera mis hors de cause.
Sur le bail
Il ressort des éléments produits que le couple [C]-[U] a loué un logement principal du 1er juillet 1997 au 14 septembre 2002 et le garage à compter du 10 octobre 1997.
Les premiers impayés sont apparus en septembre 2009 et des paiements pour le garage se sont poursuivis par TIP jusqu’en septembre 2015.
Le bail s’étant ainsi manifestement poursuivi au-delà de 2002, avec un paiement volontairement fait chaque mois par [O] [C], il ne peut être sérieusement soutenu qu’il aurait été résilié avec le bail du logement principal.
Si [D] [U] déduit des éléments du décompte qu’un commandement de payer aurait déjà été signifié en 2014, elle n’en rapporte pas la preuve et le bail n’a ainsi pas été résilié à cette date.
Il doit par ailleurs être relevé que [D] [U] a été destinataire du commandement de payer de décembre 2022 et ne justifie pas avoir depuis restitué le garage comme il lui appartient de le faire.

La demande en constatation de résiliation de bail est justifiée par la production aux débats :
du bail du 9 juin 1997 (pièce n°1), qui contient une clause résolutoiredu commandement de payer la somme de 4 622,63 euros, arrêtée au 31 octobre 2022 qui a été délivré le 21 novembre 2022 avec rappel de la clause résolutoire (pièce n°2)du décompte arrêté au 5 juillet 2023 faisant apparaître que les causes du commandement n’ont pas été réglées dans le mois de la délivrance de cet acte (pièce n°3).
[D] [U], à qui il incombe de démontrer s’être acquittée de ses obligations, ne soutient ni ne démontre avoir soldé sa dette locative dans le délai d’un mois à compter de la délivrance du commandement de payer.

Il y a donc lieu de constater la résiliation du bail au 21 décembre 2022.

Sur l’expulsion
L’article 835 du code de procédure civile autorise le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, et même en présence d’une contestation sérieuse, à prescrire « les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

L’occupation sans droit ni titre de la propriété d’autrui constitue un trouble manifestement illicite.
Il convient d’ordonner la libération des lieux, sans nécessité toutefois d’assortir cette décision d’une astreinte.
Sur l’indemnité provisionnelle
L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dispose que « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable », le président du tribunal judiciaire peut « accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que les dispositions du titre I sont d’ordre public et applicables aux locations de garage.

L’article 7-1, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989, dispose que « Toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit. »

En conséquence, la demande de provision est sérieusement contestable pour les sommes antérieures de plus de 3 ans au commandement de payer, soit le 21 novembre 2019.

Il doit par ailleurs être précisé que le paiement des charges est prévu par le bail et que le loyer initial en franc de 267,92 franc correspondait lors du changement de monnaie à la somme de 40,84 euros, ce qui est parfaitement cohérent avec le décompte produit au regard de l’indexation du loyer depuis.

Au 21 décembre 2022, les demandes sont ainsi non sérieusement contestables pour les sommes suivantes :
51,93 euros x 25 pour les loyers de décembre 2019 à décembre 202152,15 x 12 pour les loyers de l’année 2022soit la somme totale de 1924,05 euros.

Celui qui occupe sans droit ni titre la propriété d’autrui lui doit réparation.
Aussi, [D] [U] sera en outre tenue à une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2023, puisque les lieux sont désormais occupés sans droit ni titre.
Cette indemnité d’occupation sera égale au montant du dernier loyer augmenté des charges, soit la somme mensuelle de 51,93 euros, et sera due jusqu’à complète libération des lieux par le preneur.

La somme de 1924,05 euros portera intérêts à compter du commandement de payer.
Les sommes déjà échues porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la présente ordonnance. Les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité.
Sur les demandes accessoires
Au regard des circonstances de l’espèce, caractérisées par la négligence tant du bailleur que des locataires, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et il n’y aura pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le président du tribunal judiciaire,

MET hors de cause [V] [C] ;

CONSTATE la résiliation du bail liant les parties à compter du 21 décembre 2022 ;

CONDAMNE [D] [U] à restituer les lieux situés à [Localité 4], garage n°53, garage Saint Michel, [Adresse 8] dans le mois de la signification de la présente décision ;

ORDONNE, passé ce délai, son expulsion et de celle de tous occupants de son fait par les voies légales, au besoin avec l’assistance de la force publique ;

CONDAMNE [D] [U] à payer à la SA MON LOGEMENT 27, à titre provisionnel :
– 1924,05 euros au titre des loyers et charges échus au jour de la résiliation ;
– une indemnité mensuelle d’occupation de 51,93 euros à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’à la date de libération effective des lieux ;

DIT que la somme de 1924,05 euros portera intérêts à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues portera intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;

REJETTE les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La greffière La présidente
Christelle HENRY Sabine ORSEL


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