Conflit entre une salariée et son employeur : enjeux de rémunération, de congés et de sécurité au travail.

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Conflit entre une salariée et son employeur : enjeux de rémunération, de congés et de sécurité au travail.

Contexte de l’Affaire

La société WBA, représentée par la société Hoche Eight, a engagé Mme [T] en tant que demi-chef de partie Pâtisserie par un contrat à durée indéterminée à partir du 21 décembre 2016. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, et la société employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat.

Demande de Mme [T]

Le 27 janvier 2021, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir le paiement de diverses sommes, incluant des salaires impayés, des congés payés, une prime d’ancienneté, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres indemnités. À cette date, elle avait une ancienneté de 4 ans et 1 mois.

Réponse de l’Employeur

En réponse, l’employeur a demandé la condamnation de Mme [T] à lui rembourser 2 000 euros pour frais irrépétibles. Le jugement du 20 septembre 2021 a rejeté toutes les demandes de Mme [T], qui a ensuite interjeté appel.

Procédure d’Appel

L’appel a été enregistré le 22 octobre 2021. Une ordonnance du 31 mai 2022 a déclaré la cour compétente pour traiter l’affaire, et l’audience de plaidoiries a été fixée au 1er octobre 2024.

Prétentions de Mme [T] en Appel

Dans ses conclusions du 8 février 2023, Mme [T] a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et a réitéré ses demandes initiales. En réponse, la société Hoche Eight a contesté la recevabilité de l’appel et a demandé la confirmation du jugement initial.

Analyse des Demandes

La cour a examiné les demandes de Mme [T], notamment concernant le paiement des salaires, des congés payés, de la prime d’ancienneté, et d’autres indemnités. Elle a constaté que les demandes de salaires et de congés payés étaient infondées en raison des arrêts de travail de la salariée et des dispositions de la convention collective.

Obligation de Sécurité de l’Employeur

Mme [T] a également allégué un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, en raison de tâches de manutention non prévues dans son contrat. La cour a noté que l’employeur n’avait pas prouvé avoir mis en place des mesures de prévention adéquates, mais a jugé que cela ne justifiait pas une résiliation judiciaire.

Décision de la Cour

La cour a infirmé le jugement en ce qui concerne les préjudices matériel et moral liés aux incidents de paiement des salaires, condamnant l’employeur à verser 1 000 euros pour chacun de ces préjudices. Cependant, elle a confirmé le rejet des autres demandes de Mme [T] et a déclaré incompétente pour statuer sur certaines demandes.

Conclusion

La cour a statué en faveur de Mme [T] pour les préjudices liés aux retards de paiement, tout en rejetant la majorité de ses autres demandes. Les frais de première instance et d’appel ont été mis à la charge de Mme [T].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
21/08857
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08857 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERSP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F21/00818

APPELANTE

Madame [E] [T] épouse [X]

Née le 02.12.1979 à [Localité 5] (Philippines)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique DELAINE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 464

INTIMEE

S.A.S.U. HOCHE EIGHT , prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 817 538 077

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1815

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Marie-Lisette SAUTRON, présidente

Véronique MARMORAT, assesseure

Christophe BACONNIER, assesseur

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Lisette SAUTRON, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société WBA (Sofitel [Localité 6] le faubourg) aux droits de laquelle vient la société Hoche Eight, a engagé Mme [T], épouse [X], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 décembre 2016 en qualité demi-chef de partie Pâtisserie.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants. La société Hoche Eight occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 27 janvier 2021, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demande tendant finalement à :

– faire condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

– 9 773,96 euros bruts, à parfaire, au titre des salaires/USS non payés,

– 6 606,40 euros à titre de congés payés pour la période juin 2018 à décembre 2020 ,

– 781,92 euros à titre de prime d’ancienneté,

– 25 723,08 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 287,18 euros, à parfaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 2 572,31 euros, à parfaire, à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 428,72 euros à titre de congés payés,

– 42,87 euros, à parfaire, à titre de congés payés sur préavis,

– 15 000 euros à titre d’indemnité pour manquements répétés à l`obligation de prévention,

– 5 000 euros en réparation d’un préjudice matériel,

– 5 000 euros en réparation d’un préjudice moral,

– 4 287,20 euros au titre de l’absence de visite médicale préalable à l’embauche,

– 450 euros au titre de l’article R 3246-l du code du travail,

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– faire ordonner sous astreinte la remise des documents de fin de contrat.

A la date de la saisine, Mme [T] avait une ancienneté de 4 ans et 1 mois.

À titre reconventionnel, l’employeur a sollicité la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

Par jugement du 20 septembre 2021, notifié à l’appelante par lettre recommandée du 1er octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rejeté toutes les demandes.

Mme [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 22 octobre 2021, en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et de sa demande reconventionnelle.

Par ordonnance du 31 mai 2022, le conseiller de la mise en état, saisi par la société employeur d’une demande tendant à faire dire l’appel privé d’effet dévolutif, s’est déclaré incompétent au profit de la cour.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 1er octobre 2024.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS

Par conclusions communiquées par voie électronique le 8 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [T] demande à la cour, par infirmation du jugement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, d’écarter le barème légal d’indemnisation, et de faire droit à ses demandes initiales qu’elle réitère.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 26 juin 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Hoche Eight demande à la cour :

in limine litis,

– de juger que la déclaration d’appel de Mme [X] n’opère dévolution à la Cour d’aucun chef critiqué du jugement attaqué, en violation de l’article 562 du Code de procédure civile,

– de juger en l’absence de régularisation, que la Cour n’est saisie d’aucune demande,

– de juger irrecevables l’appel interjeté par Mme [X] et ses demandes, fins et prétentions,

– de juger que la Cour d’appel, en sa chambre sociale, est incompétente pour connaître de la demande de Madame [X] au titre de l’article R. 3246-1 du code du travail ;

– de juger en conséquence irrecevable la demande et en débouter l’appelante,

A titre principal,

– de déclarer l’appel mal fondé ;

– de faire droit à son appel incident,

Statuant à nouveau,

– de confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;

– de débouter l’appelante,

– de la condamner aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel.

MOTIFS DE LA DECISION

1- sur l’effet dévolutif de l’appel

C’est vainement que l’intimé soutient l’absence d’effet dévolutif de l’appel au motif que la déclaration d’appel ne mentionnerait pas les chefs de jugement critiqués, dans la mesure où la déclaration d’appel vise bien le chef du dispositif du jugement ayant débouté l’appelante de ses demandes et dans la mesure où l’article 901 du code de procédure civile n’exige pas dans ce cas que l’appelante reprenne dans sa déclaration d’appel les demandes qui ont été ainsi globalement rejetées.

2- l’exécution du contrat de travail

– le rappel des salaires

La salariée réclame paiement de la somme de 9 773,96 euros bruts correspondant aux salaires des mois de septembre 2020 à décembre 2020 ainsi que les quotes-parts du 13e mois habituellement versées en novembre et décembre aux salariés.

L’employeur soutient que le non-paiement des salaires de septembre à décembre 2020 est justifié au regard des versements d’indemnités journalières de sécurité sociale et du trop-perçu à ce titre pour la période du 27 mars au 31 août 2020. Il ajoute que le 13ème mois a été proratisé en raison de l’absence de la salariée, conformément à l’accord collectif relatif aux négociations annuelles obligatoires du 11 avril 2003, modifié en 2019.

Il résulte des pièces du dossier que la salariée était en arrêt de travail pour cause d’accident du travail à compter du 3 mai 2019, qu’elle a été consolidée le 22 octobre 2020, et qu’elle n’a pas repris avant le 12 septembre 2022.

C’est donc à tort que la salariée réclame paiement de son salaire intégral pour les mois de septembre à décembre 2020, d’autant que la demande, formulée sans fondement juridique, ne concerne pas le paiement d’indemnités journalières mais bien le paiement de l’entier salaire.

Or, en raison de l’absence de la salariée, l’employeur n’était pas redevable des salaires d’autant que le droit au maintien du salaire est limité par les articles L 1226-1, D 1226-1 du code du travail et par l’article 29 de la convention collective applicable à la relation de travail, à une période de 90 jours postérieur à l’expiration du délai de carence suivant le premier arrêt de travail.

Pour ce qui concerne le 13e mois, c’est à raison que l’employeur prétend avoir appliqué les accords d’entreprise prévoyant la proratisation du 13e mois en fonction du temps de présence dans l’entreprise.

En effet, selon les accords collectifs de 2003 révisés en 2015, le 13e mois est payé à hauteur de moitié au mois de juin, puis à hauteur de 40 % mois de novembre, et enfin de 10 % au mois de décembre. Toutefois, ces mêmes accords prévoient une proratisation en fonction des absences en précisant que les absences pour maladie professionnelle ou accident du travail sont assimilés à du temps de travail effectif dans la limite d’une année. Ainsi, les absences supérieures à 10 jours sont prises en considération dès le premier jour d’absence entre le 1er décembre et le 30 mai pour la fraction payée au mois de juin, puis celle du 1er juin au 30 novembre de l’année en cours pour la fraction payée au mois de décembre.

Or, la salariée était en arrêt de travail continu pour cause d’accident du travail pendant une année du 3 mai 2019 au 3 mai 2020, puis, à compter de cette date, jusqu’au 31 décembre 2020 en arrêt de travail non assimilable à du temps de travail effectif. Dès lors, pour le mois de juin 2020, sur la base d’un salaire de 2171,99 euros, et en tenant compte d’une absence partiellement assimilable à du temps de travail effectif, elle pouvait prétendre à une prime de 863,90 euros. Compte tenu de son absence totale pour la période de juin à novembre 2020, elle n’avait pas droit à la fraction du 13e mois de novembre et décembre. Or, l’employeur lui a versé au total la somme de 1 459,86 euros, par deux versements identiques de 729,93 euros faits en juin et décembre 2020.

Remplie de ses droits à ce titre, la salariée est mal fondée à venir réclamer paiement d’un rappel de salaire incluant le 13e mois.

– les congés payés pour la période de juin 2018 à décembre 2020

La salariée soutient que c’est à tort que l’employeur a arrêté son compteur de congés payés au 31 mai 2020 alors qu’elle devait continuer à acquérir des droits pendant ses arrêts maladie. Elle y inclut le paiement du 1er mai chômé qui aurait dû être payé double.

L’employeur fait observer que la salariée n’indique pas quelle année est concernée par le paiement du jour chômé alors qu’il prétend justifier le paiement fait pour les années 2018, 2019. Il prétend que la salariée a été remplie de ses droits à congés, dès lors que celle-ci a pu acquérir des droits à congés pendant la période ininterrompue d’un an d’arrêts de travail pour cause d’accident du travail, mais qu’elle n’a pu acquérir les mêmes droits à compter de juin 2020, étant en consolidation depuis le mois de mars 2020.

La demande s’analyse en une demande d’indemnité compensatrice, puisque la salariée demande paiement des congés payés sans exercer les droits congés correspondants.

Or, le paiement de l’indemnité compensatrice ne se conçoit qu’en cas de rupture du contrat de travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la résiliation étant ci-après, rejetée.

Par confirmation du jugement, la salariée sera donc déboutée.

– la prime d’ancienneté

La salariée soutient que selon la convention collective applicable, elle aurait dû percevoir une prime d’ancienneté à compter du 21 décembre 2019 et en sollicite paiement pour un total de 781,92 euros.

L’employeur soutient qu’il n’existe pas de prime d’ancienneté mais une prime de fidélité pour les salariés de dix ans d’ancienneté et plus, ce qui n’était pas le cas de la salariée.

En effet, la convention collective ne prévoit pas de prime d’ancienneté et l’accord d’entreprise de 2015 auquel employeur se réfère prévoit une prime de fidélité pour les salariés de plus de 10 ans d’ancienneté, ce qui n’est pas le cas de Mme [T].

– l’absence de visite médicale préalable à l’embauche

La salariée soutient avoir passé la visite médicale d’embauche 4 mois après son embauche, ce qui constitue selon elle une faute génératrice d’un nécessaire préjudice, de nature à engager la responsabilité de l’employeur. Elle argue de ce que ce manquement l’a privée d’une chance de faire déceler les fragilités physiques dont elle était porteuse et qui auraient dû conduire à lui épargner les tâches de manutention.

L’employeur soutient à raison que la salarié a bénéficié de la visite médicale le 25 avril 2017, au terme de laquelle le médecin du travail n’a pas formulé de réserves d’aptitude, de sorte que le préjudice allégué n’est pas justifié et que la demande ne peut aboutir.

C’est donc à raison que le conseil de prud’hommes, constatant l’absence de preuve du préjudice consécutif à l’organisation tardive de la visite médicale d’embauche, a rejeté la demande dans son jugement qui sera confirmé sur ce point.

– l’obligation de prévention

La salariée soutient que l’employeur lui faisait faire un travail de manutention qui n’était pas prévu au contrat, qu’il n’a rien fait pour mettre en place des mesures de prévention après qu’elle lui ait transmis un certificat médical contre-indiquant le port de charges de plus de 5 kg, ce qui a été la cause de son accident du travail.

L’employeur soutient que la salariée n’apporte pas la preuve que des tâches de manutention lui ont été confiées ni qu’elle devait se rendre au niveau -1 pour les assurer, étant fait observer que des chariots et ascenseurs entretenus étaient mis à sa disposition. Il affirme au contraire avoir pris toutes dispositions pour adapter le poste de travail de la salariée dès qu’il a eu connaissance de la contre-indication médicale. Il en déduit que l’accident du 3 mai 2019 n’est pas lié à un manquement à son obligation de sécurité.

L’employeur, tenu à une obligation de sécurité, supporte la charge de la preuve de la mise en ‘uvre des moyens préventifs et curatifs de nature à préserver la sécurité et la santé des salariés, en application des dispositions des articles L 4121-1 à L 4121-5 du code du travail.

C’est vainement qu’il vient soutenir l’absence de preuve que la salariée était soumise à un travail de manutention dans la mesure où des collègues de la salariée attestent du contraire, et que la chef pâtissière elle-même affirme que le métier comporte un travail de manutention ‘plus que dans n’importe quel autre métier’. Elle confirme dans son attestation que Mme [T] avait des charges de manutention, que celle-ci lui avait remis un certificat médical de son médecin traitant contre-indiquant le port de charges de plus de 5 kg, certificat dont elle a pris connaissance en expliquant qu’elle allait faire désormais très attention. Ce certificat qui figure au dossier de la salariée a été émis par son médecin traitant le 20 mars 2019, soit moins de deux mois avant l’accident du travail du 3 mai 2019 causé par la manutention de marchandises. Or, l’employeur ne justifie pas avoir mis en place un dispositif propre à préserver la santé de sa salariée. L’existence d’ascenseurs, dont l’entretien est justifié par l’employeur, mais dont les pannes récurrentes sont documentées dans les réunions du comité d’hygiène et de sécurité, ainsi que l’existence de chariots, ne sont pas de nature à éviter les manipulations de marchandises, qui auraient dues être soustraites des tâches de la salariée.

Le manquement ainsi démontré à l’obligation de sécurité, ne peut toutefois motiver la condamnation requise par la salariée, dans la mesure où le dommage causé à sa santé, résultant de l’accident du travail, doit être réparé dans ce cadre par la juridiction compétente le cas échéant.

Faute d’explications dans les écritures sur la nature du dommage subi et faute de justification d’un préjudice distinct de celui inhérent à l’accident du travail, la demande ne peut aboutir et le jugement sera confirmé sur ce point.

– l’article R 3246-1 du code du travail

La salariée demande paiement de l’amende de la troisième classe prévu à l’article R 3246-1 du code du travail.

L’intimée soutient à bon droit, que la cour est incompétente s’agissant d’une demande ressortissant à la compétence du juge pénal, de sorte que la salariée sera renvoyée, sur ce point, à mieux se pourvoir.

– la réparation du préjudice matériel et moral né du paiement tardif du salaire

La salariée soutient avoir dû affronter de graves problèmes financiers suite à l’arrêt de sa rémunération. Elle évoque ainsi une difficulté à trouver un logement après la résiliation de son bail, l’annulation des vacances familiales avec perte des arrhes versés.

L’employeur souligne l’absence de preuves, et refuse de se faire imputer la résiliation du bail du logement de la salariée en raison d’une reprise par le bailleur, qui lui est étrangère. Il affirme n’avoir commis aucun manquement. Elle assure que la demande fait double emploi avec la demande d’indemnisation de des conséquences de la résiliation judiciaire qui s’appuie sur les mêmes griefs.

Or, alors que l’employeur était subrogé dans les droits de la salariée, et qu’il était tenu, de par l’article L 1126-1 du code du travail et 29 de la convention collective à une obligation de maintien de salaire pendant 90 jours, il a attendu les versements de la caisse d’assurance maladie en août 2019 pour reverser à la salariée les indemnités journalières, la laissant sans revenu pendant 4 mois au mépris de ses obligations.

Ce manquement a généré un préjudice matériel pour la salariée puisque l’absence de revenus a nécessairement généré des difficultés de cet ordre dans sa vie économique.

Aussi, les préjudices matériel et moral qui en découlent doivent être réparés par l’allocation d’une somme de 1 000 euros au titre du préjudice matériel et 1 000 euros au titre du préjudice moral.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

3-la rupture du contrat de travail

La salariée| qui demande la résiliation judiciaire du contrat de travail, doit justifier des griefs qu’il impute à l’employeur, et qui doivent être suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail. Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si le manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles présentent une gravité suffisante pour justifier la résiliation.

Le juge saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit examiner l’ensemble des griefs invoqués| au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté. Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision.

La résiliation judiciaire du contrat de travail à l’initiative de la salariée et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et le salarié doit être indemnisé par le versement des indemnités de rupture et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculée en application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail.

La salariée sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail en faisant reproche à l’employeur du paiement tardif des salaires et indemnités journalières sur la période du mois de mai à août 2019. La salarié soutient qu’elle a été en arrêt maladie à compter du 3 mai 2019 en raison d’un accident du travail contesté par l’employeur, mais reconnu par la caisse d’assurance maladie. Elle affirme que l’employeur, qui a adopté le mécanisme de la subrogation, a tardé à lui payer les indemnités journalières et l’a laissé 4 mois sans salaires, en ne réglant les salaires des mois de mai à août 2019 que le 29 août 2019.

Elle en déduit que la rupture doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec paiement subséquent des indemnités de rupture. Elle demande à la cour d’écarter le barème légal en raison de son inconventionnalité au regard des articles 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de l’organisation internationale du travail.

L’employeur intimé soutient n’avoir pas manqué à ses obligations en arguant de ce que la salariée a subi un accident du travail le 3 mai 2019, qu’elle a été en arrêt de travail du 4 mai 2019 au 11 septembre 2022. Il affirme avoir demandé la mise en place du système de subrogation dès le 4 mai 2019 et avoir subi les retards de traitement de sa demande en raison de la contestation du caractère professionnel de la maladie mais également du retard mis par la salariée dans la communication à la caisse des feuilles d’arrêt de travail correctement complétées. Elle ajoute que la caisse d’assurance maladie lui a versé le 1er août 2019 les indemnités journalières correspondant à la période du 4 mai au 20 juin 2019 et qu’elle a immédiatement mis en paiement les sommes dues outre celle incluant la période échue au 31 août 2019, avec la paye du mois d’août, réglée comme d’usage en fin de mois. Elle soutient avoir réglé les indemnités journalières jusqu’en août 2020 alors que le salariée était consolidée en mars 2020, en rappelant que la consolidation ferme les droits à indemnités journalières. Elle affirme avoir cessé de payer les indemnités journalières à compter de septembre 2020 faute d’en recevoir règlement de la caisse d’assurance maladie. Elle affirme que sur la période de mars à septembre 2020 elle a versé à la salarié 10 174,27 euros qui n’ont finalement été régularisés par la caisse qu’à hauteur de 6 657,12 euros, de sorte qu’elle a avancé sans en être réglée, la somme de 3 516 euros, laquelle sera couvert par un versement de la caisse en janvier 2021 à hauteur de 2 424,06 euros. elle note que le solde de 1 234,50 euros trop payé. Elle affirme avoir ouvert un dossier de prévoyance pour permettre le paiement d’un complément de salaire versé à compter de janvier 2022 jusqu’en mai 2022.

C’est à raison que la salariée soutient que l’employeur l’a laissée plusieurs mois sans salaires. En effet, il ressort des bulletins de paie que sur la première période du 5 mai au 20 juin 2019, l’employeur n’a pas versé les salaires ni les indemnités journalières, et a attendu d’avoir reçu, le 1er août 2019 de la caisse primaire d’assurance-maladie, les indemnités journalières, pour les reverser immédiatement avec le salaire du mois d’août 2019, alors qu’il était subrogé dans ses droits.

Toutefois, ce grief ne saurait être considéré comme suffisamment grave pour entraîner la résiliation du contrat de travail dans la mesure où la salarié elle-même considère que le problème était réglé à la fin du mois d’août 2019 soit plus d’un an et demi avant la saisine de la juridiction prud’homale.

Par confirmation du jugement, la salariée sera déboutée de sa demande à ce titre.

4-les autres demandes

La salariée qui succombe doit supporter les dépens de première instance par ajout, le conseil de prud’hommes ayant omis de statuer sur ce point, ainsi que ceux d’appel.

L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point et les demandes en cause d’appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande tendant à faire dire l’appel privé d’effet dévolutif ;

Infirme le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral nés des incidents de paiement des salaires et indemnités journalières et de sa demande en paiement de l’amende prévue à l’article R 3246-1 du code du travail ;

statuant à nouveau et dans cette limite,

Se déclare incompétente pour statuer sur la demande en paiement de l’amende prévue à l’article R 3246-1 du code du travail ;

Renvoie, sur ce point, la salariée à mieux se pourvoir ;

Condamne la SASU Hoche Eight à payer à Mme [E] [T] les sommes suivantes :

– 1 000 euros en réparation du préjudice matériel né des incidents de paiement des salaires et indemnités journalières,

– 1 000 euros en réparation du préjudice moral né des incidents de paiement des salaires et indemnités journalières,

Confirme le surplus du jugement déféré ;

y ajoutant,

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [T] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente


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