L’action récursoire contre un ancien salarié

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L’action récursoire contre un ancien salarié

LES FAITS CONSTANTS

La société AUTO BILAN, spécialisée dans le contrôle technique automobile, a employé M. [X] [R] en tant que contrôleur technique agréé depuis le 19 juin 2017. Des irrégularités dans les contrôles techniques effectués par M. [X] [R] ont été signalées, notamment des défaillances majeures non relevées sur des véhicules. Le Préfet de [Localité 6] a demandé des explications à M. [X] [R] en octobre 2019, révélant des incohérences dans les contrôles réalisés. En avril 2020, le Préfet a suspendu son agrément pour négligence. M. [X] [R] a démissionné en août 2020, et la société AUTO BILAN a décidé d’engager sa responsabilité civile pour les fautes commises.

LA PROCEDURE

La S.A.S.U AUTO BILAN a assigné M. [X] [R] devant le Tribunal Judiciaire de METZ le 25 octobre 2021, demandant des dommages et intérêts. M. [X] [R] a constitué avocat et a soulevé une exception d’incompétence matérielle au profit du Conseil de Prud’hommes. Après plusieurs rebondissements procéduraux, le tribunal a ordonné la réouverture des débats et a fixé une audience pour le 19 janvier 2023. Le jugement du 23 mars 2023 a invité les parties à présenter leurs observations sur l’exception d’incompétence.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La S.A.S.U AUTO BILAN demande au tribunal de déclarer M. [X] [R] responsable de fautes intentionnelles ayant causé un préjudice, et de le condamner à verser des dommages et intérêts. M. [X] [R] conteste la compétence du tribunal, affirmant que les faits relèvent de l’exécution de son contrat de travail et que le Conseil de Prud’hommes est compétent. Il soutient également qu’il n’a pas commis de faute lourde et que la demande de la S.A.S.U AUTO BILAN est infondée.

MOTIVATION DU JUGEMENT

Le tribunal a d’abord statué sur l’exception de procédure soulevée par M. [X] [R], déclarant qu’il n’était plus recevable à soulever cette exception devant la formation de jugement. Ensuite, il a examiné l’incompétence matérielle, concluant que le Conseil de Prud’hommes était seul compétent pour connaître du litige, étant donné qu’il trouve son origine dans l’exécution du contrat de travail. Le tribunal a donc déclaré son incompétence et a renvoyé l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes de METZ. Les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ont été réservés à la juridiction de renvoi.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Metz
RG
22/02278
Minute n° 24/734

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

N° de RG : 2022/02278
N° Portalis DBZJ-W-B7G-JWRQ

JUGEMENT DU 07 NOVEMBRE 2024

I PARTIES

DEMANDERESSE :

LA S.A.S.U. AUTO BILAN [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Stanislas LOUVEL de la SELARL JEAN-LOUVEL-SAOUDI, avocat au barreau de METZ, vestiaire : C205

DÉFENDEUR :

Monsieur [X] [R], né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Amadou CISSE, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B108

II COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Sabine REEB, Vice-Présidente, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Caroline LOMONT

Après audition le 25 janvier 2024 des avocats des parties

III EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

1°) LES FAITS CONSTANTS

La société AUTO BILAN [Localité 8], dont le siège social se situe [Adresse 3], est spécialisée dans le secteur d’activité du contrôle technique automobile.

Elle a employé M. [X] [R] en qualité de contrôleur technique agréé, suivant agrément n°[Numéro identifiant 1], par contrat à durée indéterminée en date du 19 juin 2017, afin de réaliser des contrôles techniques au sein de l’établissement principal de WOIPYY et les établissements secondaires.

Il a été porté à la connaissance de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] que des contrôles techniques réalisés par M. [X] [R] ne relevaient pas certaines défaillances majeures sur les véhicules.

Par une lettre recommandée avec AR en date du 10 octobre 2019, le Préfet de [Localité 6] sollicitait les explications de M. [X] [R] quant aux conditions de réalisation du contrôle technique sur deux véhicules, celles-ci apparaissant incohérentes au regard du temps de réalisation des opérations nécessaires pour la levée des défaillances majeures et critiques.

Il est alors apparu que M. [X] [R] avait réalisé plusieurs contrôles techniques relevant des défaillances mineures alors que les véhicules présentaient des défaillances importantes ne permettant pas la validation d’un contrôle technique réglementaire.

La S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] recevait des réclamations des clients dont les contrôles techniques avaient été volontairement maquillés par M. [X] [R]. La demanderesse était, à plusieurs reprises, condamnée à verser des dommages et intérêts, ou, avait dû déclarer le litige auprès de son assureur protection juridique.

Par courrier du 9 avril 2020, le Préfet de [Localité 6] informait M. [X] [R] de sa décision de suspendre son agrément de contrôleur technique, du 1er au 31 mai 2020 aux motifs d’avoir fait preuve de complaisance lors du contrôle technique et, a minima, de négligence lors du contrôle technique.

Par lettre en date du 21 août 2020, M. [X] [R] a fait part à son employeur de sa démission avec un délai de préavis d’un mois.

La S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] entend engager la responsabilité civile délictuelle de M. [X] [R] dans la mesure où elle doit répondre des fautes commises par celui-ci et en assumer l’intégralité des conséquences financières.

2°) LA PROCEDURE

Par acte d’huissier du 20 octobre 2020, déposé par RPVA le 25 octobre 2021, la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, a constitué avocat et a assigné M. [X] [R] devant la Première Chambre Civile du Tribunal Judiciaire de METZ, aux fins de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil.

L’affaire a été enregistrée par le Greffe de la Première Chambre Civile sous le numéro RG : 21/02440.

M. [X] [R] a constitué avocat par courrier reçu le 5 novembre 2021 et par RPVA le 22 novembre 2021.

Une ordonnance de radiation a été rendue le 6 septembre 2022.

La S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] a déposé des conclusions de reprise d’instance par RPVA le 23 septembre 2022, laquelle reprise d’instance a été enregistrée par le Greffe de la Première Chambre Civile sous le numéro RG : 22/02278.

Par conclusions notifiées par RPVA le 20 octobre 2022, M. [X] [R] soulève l’exception d’incompétence matérielle du tribunal de céans au profit du Conseil de Prud’hommes.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience en Juge unique du 19 janvier 2023.

Par jugement contradictoire, et avant-dire droit, rendu le 23 mars 2023, le tribunal de céans a :
– ORDONNE la réouverture des débats ;
– INVITE les parties à présenter leurs observations sur :
1) en ce qui concerne l’exception de procédure soulevée par M. [X] [R] par devant le tribunal en sa formation de jugement :
– l’irrecevabilité entachant l’exception d’incompétence soulevée par M. [X] [R] a l’encontre du litige en indemnisation l’opposant à la la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, demanderesse en la cause,
– outre les conséquences à en tirer quant à l’incompétence du présent tribunal en sa formation de jugement, pour connaître subséquemment des moyens d’irrecevabilité articulés par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, sur le fondement des dispositions distinctes des articles 74 et 75 du Code de procédure civile aux fins de déclarer M. [X] [R] irrecevable en son exception d’incompétence ;
2) en ce qui concerne le moyen de droit soulevé d’office par le présent tribunal et tiré de son incompétence matérielle pour connaître du présent litige :
– la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de METZ pris en sa Chambre civile pour connaître du présent litige,
– la compétence matérielle exclusive du Conseil de Prud’hommes pour en connaître en application des dispositions combinées des articles L 1411-1 du Code du Travail et 76 du Code de procédure civile,
– la désignation du Conseil de Prud’hommes territorialement compétent pour en connaître, en application des dispositions de l’article R 1412-1 du Code du Travail ;
– REVOQUE l’ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2022 ;
– RENVOIE la cause et les parties à l’audience du Juge de la mise en état qui se tiendra le mercredi 10 mai 2023 (mise en état silencieuse) ;
– RESERVE les demandes en ce y compris celles formées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

La présente décision est contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.

L’affaire a été fixée à l’audience en juge unique du 25 janvier 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré, initialement au 28 mars 2024 puis, a été à plusieurs reprises prorogée pour finalement être mise en délibéré au 7 novembre 2024.

3°) PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon les termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 novembre 2023, selon les moyens de fait et de droit exposés, la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, demande au tribunal au visa de l’article 1240 du code civil de :
– DECLARER la demande de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] recevable et bien fondée ;
– DECLARER que M. [X] [R] a commis une faute civile intentionnelle par la réalisation de procès-verbaux de contrôle technique de complaisance, qui ont causé un préjudice aux tiers victimes et à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] ;
– DECLARER que M. [X] [R] a commis un abus de fonction, en ayant agi sans autorisation du commettant à des fins étrangères à ses attributions et hors de ses fonctions ;
En conséquence,
– CONDAMNER M. [X] [R] à verser à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] une somme de 9.224,86 € à titre de dommages et intérêts au titre des frais engagés suite à la réalisation des contrôles techniques de complaisance ;
– CONDAMNER M. [X] [R] à verser à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de clientèle, de l’atteinte à son image de marque et de la gestion administrative des litiges occasionnés du seul fait de M. [X] [R] ;
– CONDAMNER M. [X] [R] à verser à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] une somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER M. [X] [R] aux entiers frais et dépens de la procédure ;
– DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir qui est de droit.

Au soutien de ses prétentions, la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] fait valoir que :
– sur l’exception de procédure soulevée par M. [X] [R] par devant le tribunal en sa formation de jugement :
M. [X] [R] oppose une exception de procédure à la demande de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], aux motifs que les dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile sont applicables, la présente instance ayant été introduite postérieurement au 1er janvier 2020, le juge de la mise en état est exclusivement compétent pour en connaître à l’exception de toute autre formation du tribunal, que la cause soutenant l’exception d’incompétence matérielle soulevée par M. [X] [R] est survenue et lui a été révélée antérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, M. [X] [R] n’est donc plus recevable à soulever l’exception d’incompétence matérielle devant le tribunal en sa formation de jugement .
– par voie de conséquence, le tribunal en sa formation de jugement n’est également pas compétent pour connaître des moyens d’irrecevabilité soulevés par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] sur le fondement des dispositions des articles 74 et 75 du Code de procédure civile aux fins de déclarer M. [X] [R] irrecevable en son exception d’incompétence.
– sur le moyen de droit soulevé d’office par le tribunal et tiré de son incompétence matérielle pour connaître du litige au profit du Conseil de Prud’hommes :
– Le Tribunal Judiciaire de METZ, pris en sa Chambre civile, est matériellement compétent dans la mesure où la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] recherche la responsabilité délictuelle de M. [X] [R] pour avoir réalisé des procès-verbaux de contrôle technique de complaisance et volontairement tronqués et erronés, sur des véhicules confiés, en totale connivence avec des vendeurs professionnels, et ce, dans un intérêt exclusivement personnel au préjudice de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] et des tiers victimes.
Les tiers victimes en cause peuvent disposer d’une action contre M. [X] [R], préposé de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8]. Et la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], en sa qualité de commettant, dispose d’une action récursoire contre son ancien salarié devant le Tribunal Judiciaire dès lors qu’elle peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits des victimes ayant subi des préjudices en raison de procès-verbaux de contrôle technique de complaisance dressées par M. [X] [R], que tel est le cas dès lors que M. [X] [R] n’a pas agit dans les limites de la mission qui lui avait été impartie par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], et dès lors qu’il a commis une faute civile intentionnelle, que M. [X] [R] a intentionnellement commis une faute en dressant des procès-verbaux de contrôle technique tronqués, que, même fût-ce sur l’ordre du commettant, une faute intentionnelle ayant porté préjudice à un tiers est de nature à engager la responsabilité civile personnelle du préposé à l’égard de celui-ci, qu’il ait ou non dépassé les limites de sa mission, que M. [X] [R] a volontairement porté préjudice aux victimes et à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], que le lien de causalité entre les fautes imputables à M. [X] [R] et les préjudices subis par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], subrogée dans les droits des victimes qu’elle a été contrainte d’indemniser, est ainsi établi, que la faute ressort directement de la correspondance du Préfet de [Localité 6], en date du 9 avril 2020, informant M. [X] [R] de sa décision de suspendre son agrément contrôleur, qui mentionne que le défendeur a fait preuve de complaisance et a minima de négligence.
– En réplique à M. [X] [R] qui soutient que la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] entend lui imputer des fautes relativement à l’exécution de son contrat de travail, la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] rappelle qu’elle forme sa demande sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle et que la relation de travail qui a pu exister entre les parties a pris fin en raison de sa démission intervenue le 21 août 2020 et non pas à la suite d’un licenciement, qu’elle est de ce fait totalement exclue de la relation de subordination qui a pu exister entre la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] et son ancien salarié.
Il ajoute que le présent litige ne s’élève pas à l’occasion du contrat de travail qui a lié les parties au sens des dispositions de l’article L 1411-1 alinéa 1er du Code du travail, que dés lors il ne relève pas de la compétence exclusive du Conseil de Prud’hommes, que si celle-ci devait être retenue par le tribunal, le Conseil de Prud’hommes de METZ serait alors territorialement compétent en application des dispositions de l’article R 1412-1 du Code du travail, dès lors que la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] est sise à WOIPPY et que M. [X] [R] accomplissait son travail au sein des établissements de [Localité 8] et de METZ.
– sur la responsabilité civile personnelle de M. [X] [R] fondée sur l’article 1240 du Code civil:
M. [X] [R] a intentionnellement réalisé des contrôles techniques de complaisance, sans autorisation de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8], à des fins étrangères à ses attributions et hors le cadre de ses fonctions. Il a causé un dommage direct à la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] qui a dû faire face aux réclamations de ses clients et à des procédures judiciaires engagées à son encontre, à la prise en charge financières des dommages et intérêts ainsi que des frais d’expertise diligentés par son assureur protection juridique.
La société ajoute qu’elle subit un préjudice direct car elle a subi une perte de confiance de sa clientèle et une atteinte à son image de marque du fait des agissements de M. [X] [R], que son gérant a subit des désagréments dans la gestion chronophage des litiges dont la réparation justifie la condamnation de M. [X] [R] à payer des dommages et intérêts.

Selon des conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 4 septembre 2024, qui sont ses dernières conclusions, M. [X] [R] demande au tribunal de :
– CONSTATER l’existence d’un contrat de travail au moment des faits invoqués par la demanderesse ;
– DECLARER le Tribunal Judiciaire incompétent en la matière ;
– CONSTATER la compétence du Conseil de Prud’hommes ;
A titre subsidiaire :
– DECLARER la demande de la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] irrecevable et mal fondée ;
– CONSTATER l’absence de faute lourde de la part de M. [X] [R] ;
– CONSTATER que la demande au titre de la responsabilité délictuelle est infondée ;
– DEBOUTER la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– CONDAMNER la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] à verser à M. [X] [R] la somme de 2.000 € TTC au titre de l’article 700 du Code Procédure Civile ;
– CONDAMNER la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] aux frais et dépens.

M. [X] [R] fait valoir que :
– sur l’incompétence du Tribunal Judiciaire :
– les faits reprochés à M. [X] [R] ont été commis à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail, qu’il s’agissait des contrôles techniques effectués entre septembre 2018 et début 2020, qu’en application de l’article L 1411-1 du Code du travail, l’instance relève de la compétence matérielle du Conseil de Prud’hommes.
– le tribunal est fondé à soulever son incompétence aux termes de l’article 76 du code de procédure civile, les règles d’attribution de compétence revêtant un caractère d’ordre public ;
– sur l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence au regard de l’article 75 du Code de procédure civile : selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, l’obligation de désignation de la juridiction de renvoi est remplie lorsque le demandeur à l’exception donne dans ses écritures des précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine ;
– sur la relation contractuelle de travail :
M. [X] [R] a été employé par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] en tant que salarié au titre d’un contrat de travail, les règles de la responsabilité contractuelle doivent s’appliquer, la responsabilité pécuniaire du salarié à l’égard de l’employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, qui suppose une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, que la charge de la preuve de l’intention de nuire pèse sur l’employeur, que les fautes invoquées par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] ne démontrent pas une intention de nuire de la part de M. [X] [R], et que les conséquences dommageables subies par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] sont dues à ses propres défaillances, notamment en ne mettant pas en oeuvre tous les moyens appropriés afin que les salariés puissent remplir les missions qui leur étaient confiées.
– sur l’absence de fondement des moyens tirés de la responsabilité délictuelle :
Les prétentions fondées sur la responsabilité délictuelle seront écartées d’une part en raison du principe de non cumul des fondements de responsabilité, et d’autre part, la jurisprudence issue de l’arrêt Costedoat (Cour de Cassation, Assemblée Plénière, du 25 février 2000) pose le principe que le préposé n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers lorsqu’il agit sans excéder les limites de la mission qui a été impartie par son commettant, hors le cas où le préjudice de la victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle, que M. [X] [R] a exercé ses missions sans en excéder ou outre-passer les limites fixées par le pouvoir de direction de son employeur.

IV MOTIVATION DU JUGEMENT

1°) SUR l’EXCEPTION DE PROCEDURE

Au termes des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile dans la rédaction applicable en la cause et spécialement prises en leur 1°, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

Il ressort des dernières écritures de M. [X] [R] qu’il soulève une exception de procédure, en l’occurrence l’exception d’incompétence matérielle du tribunal, au moyen de ce que seul le Conseil de Prud’hommes est compétent pour connaître du présent litige.

La présente instance ayant été introduite par voie d’exploit d’huissier délivré le 20 octobre 2021, les dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile, prises en leur 1°, sont applicables comme étant postérieure au 1er janvier 2020.

En conséquence, le juge de la mise en état reçoit compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, telle l’exception d’incompétence, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, et notamment la présente formation de jugement appelée à statuer sur le litige opposant les parties en la cause, présentées postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, les parties n’étant plus recevables à soulever les exceptions de procédure au cours de la même instance, sauf à ce qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Or il apparaît en l’espèce, que la cause soutenant l’exception d’incompétence soulevée par M. [X] [R] dans ses dernières conclusions notifiées à l’avocat de la partie demanderesse par RPVA le 4 septembre 2023, est survenue et lui a été révélée antérieurement au dessaisissement du juge de la mis en état.

Dés lors que M. [X] [R] n’a pas saisi le juge de la mise en état avant son dessaisissement, et à défaut pour lui de rapporter que cette exception d’incompétence ne soit survenue ou soit révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, celui-ci n’est plus recevable à la soulever devant la formation de jugement qui n’est pas compétente pour en connaître.

Subséquemment, n’étant pas compétente pour connaître de l’exception d’incompétence matérielle soulevée par M. [X] [R], la formation de jugement n’est pas davantage compétente pour connaître des moyens d’irrecevabilité articulés par la partie demanderesse sur le fondement des dispositions distinctes des articles 74 et 75 du Code de procédure civile, et donc de l’exception d’irrecevabilité, à l’encontre de celle-ci.

2°) SUR L’INCOMPETENCE MATERIELLE

En application des dispositions de l’article 76 du Code de procédure civile, sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas.

L’article L.1411-1 du Code du travail fixe la compétence d’attribution des Conseils de Prud’hommes.

L’article L1411-4 alinéa 1er du Code du travail dispose que le conseil de prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite.

La compétence exclusive du Conseil de Prud’hommes est d’ordre public.

Il est de jurisprudence établie que le conseil de Prud’hommes est seul compétent pour connaître des litiges visés à l’ article L 1411-4 alinéa 1er du Code du travail même s’il existe un lien de connexité avec d’autres litiges qui ne relèvent pas de leurs attributions .

L’article L.1411-1 du Code du travail dispose que le conseil de Prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient (…).

Il est donc attribué au Conseil de Prud’hommes une compétence matérielle exclusive pour connaître des litiges qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient, dès lors qu’il existe, ou a existé, un contrat de travail entre les parties, et que le litige présente un lien de connexité avec ce contrat.

La circonstance que les parties ne sont plus liées par un contrat de travail est sans incidence sur la détermination de la compétence du Conseil de Prud’hommes pour statuer sur les litiges les opposant, lequel reste exclusivement compétent pour statuer dés lors que le litige trouve son origine dans l’exécution du contrat de travail ayant lié les parties.

En l’espèce, il est constant que M. [X] [R] a été employé par la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] en qualité de contrôleur technique agréé, suivant agrément n° [Numéro identifiant 1], dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en date du 19 juin 2017 et qu’il avait vocation à réaliser des contrôles techniques au sein de l’établissement principal de [Localité 8] et des établissements secondaires.

Il n’est pas davantage contesté que le contrat de travail a pris fin le 21 septembre 2020, M. [X] [R] ayant démissionné le 21 août 2020, avec un préavis d’un mois.

Les parties ne contestent pas l’existence d’un contrat de travail, mais la compétence prud’homale dans le différend qui les oppose est déclinée par l’une d’elles. Le juge devra alors statuer sur la compétence avant de statuer au fond s’il y a lieu, en recherchant si le litige est en relation avec le contrat de travail.

En l’espèce, la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] fonde la compétence du tribunal de céans sur la responsabilité civile délictuelle de M. [X] [R] pour avoir réalisé des procès-verbaux de contrôle technique tronqués et erronés sur des véhicules qui lui ont été confiés dans le cadre de l’exercice de son travail, entre le mois d’avril 2018 et le mois de janvier 2020, dans un intérêt exclusivement personnel au préjudice du demandeur et de tiers victimes de contrôles techniques de complaisance.

Le demandeur expose que les tiers victimes peuvent disposer d’une action en responsabilité civile personnelle contre M. [X] [R] en sa qualité de préposé, et que la S.A.S.U AUTO BILAN [Localité 8] dispose, en qualité de commettant, d’une action récursoire contre son ancien salarié, dés lors qu’elle peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits des victimes, tel est le cas lorsque M. [X] [R] n’a pas agit dans les limites de la mission qui lui avait été impartie par son employeur et dés lors qu’il a commis une faute civile intentionnelle

Cependant, il convient de rappeler que la compétence prud’homale s’étend au contentieux des obligations accessoires au contrat de travail.

Ainsi, il a été jugé par un arrêt de la Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, du 19 janvier 2023, que l’employeur qui a indemnisé la victime d’un dommage provoqué par son salarié, en application de l’article 1242, alinéa 5 du Code civil, dispose d’une action récursoire contre ce salarié dès lors qu’il peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits de la victime, laquelle dispose d’une action contre le préposé lorsque son préjudice résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle.

Mais également précédemment, dans un arrêt de la Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, du 20 décembre 2007, qui dispose que, dans le cas d’un recours de l’employeur qui a désintéressé le tiers victime contre son salarié, « l’employeur ne peut en effet se prévaloir d’aucune subrogation dans les droits du tiers lequel ne dispose d’aucune action contre le préposé qui a agi dans les limites de sa mission, hors le cas d’infraction pénale ou de faute intentionnelle.»

Lequel arrêt a ajouté : « l’examen du litige nécessitant l’appréciation de l’existence d’une faute dans l’exécution du contrat de travail relève de la compétence d’attribution de la juridiction prud’homale ».

En conséquence, le Tribunal Judiciaire en sa 1ère Chambre Civile, qui a la faculté de prononcer d’office son incompétence en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public, se déclare incompétent pour connaître du présent litige.

En application des dispositions de l’article R 1412-1 du Code du travail, l’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le Conseil de Prud’hommes territorialement compétent :
Ce conseil est : 1° soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail (…) ;

Il n’est pas contesté par les parties que M. [X] [R] a accompli son travail au siège de la société situé à [Localité 8] ainsi que dans les établissements secondaires de [Localité 7] et de [Localité 8],

En conséquence, le Conseil de Prud’hommes territorialement compétent est celui de METZ, il convient donc de renvoyer l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes de METZ.

Selon l’article 82 du code de procédure civile, en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l’affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai.

3°) SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 du CODE DE PROCEDURE CIVILE

Il y a lieu de réserver les dépens et les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à la juridiction de renvoi.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal judiciaire, Première Chambre Civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DIT que M. [X] [R] n’est plus recevable à soulever l’exception de procédure d’incompétence matérielle devant la formation de jugement du Tribunal Judiciaire de METZ ;

DIT que, subséquemment, la formation de jugement du Tribunal Judiciaire de METZ n’est pas compétente pour statuer sur les moyens d’irrecevabilité soulevés contre l’exception de procédure d’incompétence matérielle ;

DECLARE la Première Chambre Civile du Tribunal Judiciaire de METZ incompétente pour connaître du présent litige ;

RENVOIE la cause et les parties devant le Conseil de Prud’hommes de METZ ;

DIT qu’à l’issue du délai d’appel, le dossier sera directement transmis à la juridiction désignée par les soins du Greffier dans le respect des dispositions de l’article 82 du Code de procédure civile ;

RESERVE les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile à la juridiction de renvoi.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024 par Madame S. REEB, Vice-Présidente, assistée de Madame Caroline LOMONT, Greffier.

Le Greffier La Présidente


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