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LES FAITS CONSTANTSM. [H] [D] a souscrit un contrat d’assurance automobile auprès de la S.A GAN ASSURANCES pour un véhicule AUDI RS4, immatriculé [Immatriculation 4], à partir du 1er octobre 2021. Le 12 novembre 2021, il a signalé le vol de son véhicule à la gendarmerie. Le lendemain, il a modifié sa plainte initiale. La S.A GAN ASSURANCES a ouvert une enquête et demandé des documents justificatifs à M. [H] [D]. Le 26 novembre 2021, il a rempli un questionnaire sur le vol, fournissant une facture d’achat et un certificat de cession. Des incohérences dans ses déclarations ont conduit l’assureur à diligenter une enquête privée. LA PROCEDUREM. [H] [D] a assigné la S.A GAN ASSURANCES devant le Tribunal Judiciaire de Metz le 5 septembre 2022, demandant une indemnité de 20.000 euros. L’assureur a constitué avocat le 24 octobre 2022. L’affaire a été mise en délibéré à plusieurs reprises, avec une audience prévue pour le 25 janvier 2024. LES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIESM. [H] [D] demande au tribunal de condamner la S.A GAN ASSURANCES à lui verser 20.000 euros, des intérêts de retard, 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et les dépens. Il soutient que l’indemnité est due selon le contrat d’assurance et conteste la déchéance de garantie invoquée par l’assureur. La S.A GAN ASSURANCES, quant à elle, demande la déchéance de garantie pour fausses déclarations et réclame le remboursement de frais engagés. MOTIVATION DU JUGEMENTLa S.A GAN ASSURANCES oppose la déchéance de garantie en raison de fausses déclarations de M. [H] [D]. Le tribunal examine la validité des déclarations et des documents fournis par M. [H] [D], concluant à des incohérences et à la remise de faux documents. Les circonstances du vol sont également jugées floues, avec des déclarations contradictoires de M. [H] [D]. En conséquence, le tribunal prononce la déchéance de la garantie contractuelle. LA REPETITION DE L’INDULa S.A GAN ASSURANCES demande le remboursement de 4.064 euros pour des frais de gestion, arguant que ces sommes ont été versées indûment en raison de la fraude. Le tribunal conclut que, bien que la déchéance de garantie soit acquise, les frais de gestion ne peuvent pas être considérés comme indûment versés à M. [H] [D]. DEMANDES DE DOMMAGES ET INTERETSLa S.A GAN ASSURANCES réclame 3.752 euros pour les frais d’enquête engagés. Le tribunal établit un lien de causalité entre les fausses déclarations de M. [H] [D] et les frais d’enquête, condamnant M. [H] [D] à rembourser cette somme. DEPENS ET ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILEM. [H] [D] est condamné aux dépens et à verser 2.500 euros à la S.A GAN ASSURANCES au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Sa demande au titre de cet article est rejetée. EXECUTION PROVISOIRELe tribunal rappelle que le jugement est exécutoire par provision, conformément aux dispositions du Code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
N° de RG : 2022/02014
N° Portalis DBZJ-W-B7G-JUKE
JUGEMENT DU 07 NOVEMBRE 2024
I PARTIES
DEMANDEUR :
Monsieur [H] [D], né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Alain MORHANGE, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B111
DÉFENDERESSE :
LA S.A. GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Philippe ZENTNER de l’ASSOCIATION MES FOUGHALI & ZENTNER, avocat postulant au barreau de METZ, vestiaire : B113, et par Maître Emeric DESNOIX, avocat plaidant au barreau de TOURS
II COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Sabine REEB, Vice-Présidente, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Caroline LOMONT
Après audition le 25 janvier 2024 des avocats des parties
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date.
Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.
Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
1°) LES FAITS CONSTANTS
M. [H] [D] a souscrit un contrat d’assurance automobile auprès de la S.A GAN ASSURANCES pour un véhicule de marque AUDI, de modèle RS4, immatriculé [Immatriculation 4], à effet du 1er octobre 2021.
Il a fourni une copie de la carte grise datée du 14 septembre 2020.
Le 12 novembre 2021, M. [H] [D] a déposé plainte auprès de la gendarmerie pour le vol de son véhicule survenu le même jour en fin d’après-midi alors que celui-ci était stationné sur la voie publique à [Localité 5].
Le 13 novembre 2021, il est retourné à la gendarmerie afin de modifier les termes de son dépôt de plainte initial.
La S.A GAN ASSURANCES a enregistré le sinistre et a mis en place une procédure d’enquête d’usage en sollicitant différents documents justificatifs auprès de M. [H] [D].
Le 26 novembre 2021, M. [H] [D] a rempli « un questionnaire vol » et a joint :
– une facture d’achat du véhicule n° F-2021-0001 émanant de l’entreprise SAS-LORN AUTO, datée du 14 septembre 2020 mentionnant un prix de 20.000 €, réglé en espèces,
– un certificat de cession entre la SAS-LORN AUTO et lui même daté du 14 septembre 2020.
Après avoir constaté plusieurs incohérences dans les déclarations de M. [H] [D], la S.A GAN ASSURANCES a diligenté une enquête privée confiée à l’agence Consulting Recherches Privées.
Une conciliation a été organisée entre M. [H] [D] et la S.A GAN ASSURANCES, le 14 avril 2022, ayant abouti à un constat de carence.
Par courrier du 20 mai 2022, M. [H] [D] a mis en demeure la S.A GAN ASSURANCES de procéder à l’indemnisation de son sinistre.
2°) LA PROCEDURE
Par acte de commissaire de justice, signifié le 29 juillet 2022, et déposé au RPVA le 5 septembre 2022, M. [H] [D] a constitué avocat et a fait assigner la S.A GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, devant la Première Chambre Civile du Tribunal Judiciaire de Metz aux fins de voir cette juridiction condamner la S.A GAN ASSURANCES à verser une indemnité de 20.000 euros en vertu d’un contrat d’assurance automobile ainsi que des intérêts de retard au visa des articles 1193 du code civil et L 211-17 et L 191-7 du code des assurances.
La S.A GAN ASSURANCES a constitué avocat par RPVA le 24 octobre 2022.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023 qui a fixé l’affaire à l’audience en juge unique du 25 janvier 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré, initialement au 28 mars 2024 puis, à plusieurs reprises prorogée, pour finalement être mise en délibéré au 7 novembre 2024.
3°) LES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 30 mars 2023 qui sont ses dernières conclusions, M. [H] [D], selon les moyens de fait et de droit exposés, demande au tribunal de :
– CONDAMNER la S.A GAN ASSURANCES à lui payer a somme de 20.000 € augmentée des intérêts au taux légal majoré de moitié sur la période du 1er décembre 2021 au 31 décembre 2022 et au double du taux légal à compter du 1er février 2022 ;
– CONDAMNER la S.A GAN ASSURANCES à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER la S.A GAN ASSURANCES aux entiers dépens de la procédure en application de l’article 696 du code de procédure civile ;
– RAPPELER que le jugement à intervenir est exécutoire de plein droit.
A l’appui de ses prétentions, M. [H] [D] fait valoir que :
– l’indemnité est due en vertu du contrat d’assurance qui oblige les parties,
– en l’absence de versement de l’indemnité par l’assureur, des intérêts de retard sont dus en application des articles L 211-17 et L 191-7 du code des assurances,
En réplique aux conclusions adverses, M. [H] [D] expose que :
– la demande de déchéance de garantie doit être rejetée car il n’existe pas « un véritable faisceau d’indices précis, graves et concordants de suspicion de fraude « comme le soutien la S.A GAN ASSURANCES, qui n’a engagé aucune procédure pénale,
– la demande en restitution de l’indu au titre des frais d’enquête et des frais d’expertise n’est pas fondée en l’absence de versement des sommes à l’assuré,
– les conditions d’application de l’article L 561-16 du code monétaire et financier relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent permettant à l’assureur de s’opposer à l’indemnisation ne sont pas justifiées en l’espèce, ce d’autant que M. [H] [D] justifie de la vente de son précédent véhicule qui lui a permis de financer en partie l’acquisition du véhicule AUDI RS4, outre les économies provenant de son salaire, ainsi que d’un témoignage attestant que c’est le vendeur qui a proposé un règlement en espèces le jour de l’achat du véhicule.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA, le 5 juin 2024, qui sont ses dernières conclusions, la S.A GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, selon les moyens de fait et de droit exposés, demande au tribunal de :
A titre principal :
– DECLARER applicable et bien fondée la clause de déchéance contractuelle à l’encontre de M. [H] [D] ;
– DECLARER en conséquence M. [H] [D] privé de tout droit à garantie au titre du sinistre du 12 novembre 2021 ;
– CONDAMNER reconventionnellement M. [H] [D] à verser à la S.A GAN ASSURANCES la somme de 4.064 € en remboursement des frais de gestion indûment engagés ;
– DEBOUTER M. [H] [D] de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures, en ce qu’elles sont dirigées contre la concluante ;
A titre subsidiaire :
– DECLARER M. [H] [D] privé de tout droit à garantie au titre du sinistre du 12 novembre 2021, faute pour ce dernier de prouver tant le prix d’acquisition que l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition du véhicule au titre des obligations relatives à la lutte anti-blanchiment ;
– DEBOUTER M. [H] [D] de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures, en ce qu’elles sont dirigées contre la concluante ;
A titre infiniment subsidiaire :
– CONDAMNER reconventionnellement M. [H] [D] à verser à la S.A GAN ASSURANCES la somme de 3.752 € à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais d’enquête ;
– DEBOUTER M. [H] [D] de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures, en ce qu’elles sont dirigées contre la concluante ;
En tout état de cause :
– DEBOUTER M. [H] [D] de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures, en ce qu’elles sont dirigées contre la concluante ;
– CONDAMNER M. [H] [D] à verser à la S.A GAN ASSURANCES la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Philippe ZENTNER, avocat aux offres de droit.
La S.A GAN ASSURANCES fait valoir que :
– si l’assuré bénéficie d’une présomption de bonne foi, celle-ci n’est pas irréfragable, le défendeur est en droit de se prévaloir d’éléments susceptibles de la renverser, la S.A GAN ASSURANCES est fondée à opposer la déchéance de garantie dès lors qu’elle est convaincue de fausses déclarations intentionnelles de M. [H] [D] et d’incohérences du dossier sur la date, les circonstances ou les conséquences du vol du véhicule ;
– selon une jurisprudence constante et ancienne, l’assureur est fondé à réclamer la répétition de la totalité des sommes indûment versées suite à un sinistre déclaré par son assuré lorsque ce sinistre résulte d’une fraude dont l’assuré s’est rendu coupable ;
– à titre subsidiaire : le refus de prise en charge du sinistre est fondé sur les obligations en matière de lutte anti-blanchiment pesant sur la compagnie d’assurances ;
– à titre infiniment subsidiaire : l’enquête privée qu’elle a dû diligenter a permis de confirmer les soupçons à l’encontre de M. [H] [D], le remboursement des frais d’enquête est due à titre de dommages-et-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
IV) MOTIVATION DU JUGEMENT
En l’espèce, à la demande d’indemnisation de M. [H] [D], la S.A GAN ASSURANCES oppose la déchéance totale de garantie arguant de fausses déclarations intentionnelles de M. [H] [D], de la production de faux documents et des incohérences du dossier sur la date et les circonstances du sinistre déclaré, de nature à renverser la présomption de bonne foi dont bénéficie l’assuré.
1°) SUR LA DECHEANCE DE GARANTIE CONTRACTUELLE
En vertu des dispositions de l’article 1193 et s. du code civil, l’indemnité est due en vertu du contrat d’assurance qui oblige les parties.
En application des dispositions du Titre IV intitulé « Les dispositions en cas de sinistre » des Conditions Générales GAN AUTO L’Assurance Automobile, et plus particulièrement du paragraphe 4.1.4 intitulé « Fausses Déclarations », en cas de fausses déclarations faites sciemment sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d’un sinistre, vous perdez pour ce sinistre le bénéfice des garanties de votre contrat.
Il est entendu que cette sanction vous est également opposable si vous fournissez sciemment des documents, des justificatifs en relation avec ce sinistre, de nature à tromper l’assureur ».
Par ailleurs, le volet « Les Conditions Personnelles GAN AUTO » dans le paragraphe intitulé « Conclusion de votre contrat » stipule que :
– les garanties du contrat entre M. [H] [D] et la S.A GAN ASSURANCES prennent effet le 1er octobre 2021,
– les présentes conditions personnelles complètent les conditions générales et leurs annexes, l’ensemble constituant le contrat conclu le 8 octobre 2021 entre GAN Assurances et M. [H] [D],
– « vous déclarez avoir reçu ce jour, pris connaissance et accepté les conditions générales référence 3370-232544-062021 et leurs annexes ».
Il ressort de l’exemplaire remis aux débats par la S.A GAN ASSURANCES que le demandeur a signé le contrat électroniquement le 8 octobre 2021.
Il convient de relever que l’exemplaire remis aux débats par M. [H] [D] au titre de ce même contrat d’assurance (cf. pièce 5) ne comporte pas cette mention, mais que la dernière page mentionne un contrat conclu le 7 février 2022, soit postérieurement au sinistre concerné.
En raison de cette incohérence manifeste, il n’y a pas lieu de tenir compte de cette pièce.
– sur la date d’acquisition du véhicule déclarée à la S.A GAN ASSURANCES
M. [H] [D] déclare avoir acquis le véhicule marque AUDI, de modèle RS4, immatriculé [Immatriculation 4], le 14 septembre 2020 avec son père, M. [Y] [D], et l’avoir fait assuré par celui-ci en qualité de conducteur principal pour des raisons d’économie car il était encore jeune conducteur.
Il produit aux débats la facture d’achat du garage LORN AUTO et le certificat de cession du véhicule.
A la réception de la facture d’achat du véhicule datée du 14 septembre 2020, la S.A GAN ASSURANCES a constaté qu’elle avait déjà conclu un contrat d’assurance pour ce véhicule, le 15 juin 2020 avec M. [Y] [D] se déclarant conducteur principal et désignant M. [H] [D] en qualité d’autre conducteur, comme cela ressort de la lettre de conseil du 15 juin 2020 et des conditions particulières signées par M. [Y] [D] le même jour, et que ce contrat avait été résilié le 2 octobre 2021.
M. [H] [D] avait alors souscrit le contrat en la cause, à son nom et au titre de conducteur principal.
Face à cette incohérence, et suite à la déclaration de vol de M. [H] [D], la compagnie d’assurance a diligenté une enquête privée afin de reconstituer le véritable historique du véhicule.
La S.A GAN ASSURANCES se fonde sur cette enquête privée, produite aux débats, mais dont les investigations sont contestées par M. [H] [D].
Néanmoins, il ressort de cette enquête privée de nombreuses incohérences pour lesquelles les explications M. [H] [D] sont loin d’être satisfaisantes :
– les factures d’entretien du véhicule remises à l’enquêteur privé par le garage QUATTROMOTORS font apparaître qu’elles sont établies au nom de M. [Y] [D] et qu’elles sont antérieures à la date d’acquisition alléguée du véhicule, comme étant datées du 14 août 2020,
M. [H] [D] ne fournit aucune explication quant à l’antériorité des factures d’entretien du véhicule AUDI.
– le contrôle technique du véhicule est daté du 10 septembre 2020.
M. [H] [D] reconnaît avoir apporté lui-même le véhicule au contrôle technique, le 10 septembre 2020 préalablement à l’achat, sans avoir effectué de changement de carte grise, toujours au nom du précédent propriétaire, M. [V] [U]. Il explique qu’il n’en était pas encore le propriétaire n’ayant pas payé l’intégralité du prix de vente.
La véracité de cette explication paraît hautement improbable s’agissant d’un véhicule acheté auprès d’un professionnel de la vente de véhicule d’occasion, la société L’ORN-AUTO selon les propres déclarations de M. [H] [D], voire acquis précédemment par M. [Y] [D] au vu des factures d’entretien du garage QUATTROMOTORS et assuré par celui-ci dés le 15 juin 2020 auprès de la S.A GAN ASSURANCES.
– l’enquête privée auprès de la société L’ORN AUTO a révélé que cette dernière avait acheté le véhicule à M. [V] [U], le 1er avril 2020, puis l’avait revendu, le 15 avril 2020, à la société LOEMBA-TCHIBOLI.
L’enquête privée n’a pas établi le lien entre la société LOEMBA-TCHIBOLI et M. [H] [D]. Et ce dernier conteste l’existence de cette transaction et un lien éventuel avec cette société, produisant aux débats une attestation de témoin de M. [X] [F] attestant avoir été présent le 14 septembre 2020 lors de la vente au garage L’ORN AUTO.
Cependant M. [Z] [W] qui est le gérant de L’ORN AUTO conteste avoir établi la facture d’achat du véhicule AUDI produite par M. [H] [D] à l’assureur à l’appui de sa déclaration de vol, ainsi que le certificat de cession, précisant que le cachet de sa société était différent de celui figurant sur le certificat de cession.
M. [Z] [W] a d’ailleurs maintenu ses affirmations lors de la sommation interpellative du 18 mars 2022.
Le témoignage de M. [X] [F] attestant de sa présence au garage L’ORN-AUTO au moment de la vente du véhicule apparaît peu crédible au regard des explications contradictoires de M. [H] [D] justifiant la présentation de la carte grise au nom de M. [U] lors du contrôle technique par le fait de ne pas encore avoir payé l’intégralité du prix de vente, et l’affirmation de M. [X] [F] d’avoir assisté à une transaction en espèces d’un montant de 20.000 €, correspondant à la totalité du prix de vente réclamé par le vendeur, et enfin, les pièces produites par la S.A GAN ASSURANCES confirmant que le véhicule était en possession de M. [Y] [D] dès le 15 juin 2020.
Mais il ressort également d’éléments objectifs, tel que le certificat de situation administrative daté du 30 mars 2022, que la date de cession du véhicule ne peut être le 14 septembre 2020 :
– 3.04.2020 : achat ou reprise par un professionnel
– 13.06.2020 : cession (vente)
– 14.09.2020 : changement de titulaire (de la carte grise).
Et des déclarations de M. [H] [D] lui-même dans son 3ème dépôt de plainte du 10 mars 2022 : « lors de mon achat du véhicule en juin 2020 » .
Au regard de ces éléments, il est incontestable que M. [H] [D] a fait une fausse déclaration à son assureur quant à la date d’acquisition du véhicule AUDI, objet du sinistre.
Par ailleurs, il est également démontré que M. [H] [D] a remis de faux documents à la compagnie d’assurance dans le cadre de sa déclaration de sinistre (facture d’achat du véhicule AUDI, certificat de cession pour lesquels le cachet de la société L’ORN AUTO est un faux) mais également au tribunal en produisant une copie falsifiée de son contrat d’assurance comme précédemment exposé.
– Sur les circonstances du vol du véhicule AUDI
La S.A GAN ASSURANCES expose que les circonstances du vol demeurent floues au regard des déclarations changeantes, évolutives, voire rectifiées de M. [H] [D].
En effet, dans son premier dépôt de plainte, M. [H] [D] déclare que « la fenêtre conducteur était entre-ouverte mais le véhicule était fermé à clé »,
Dans sa déclaration de sinistre, il affirme avoir deux jeux de clés du véhicule AUDI. Il explique ultérieurement que la clé manuelle, qu’il conserve à son domicile, lui a été remise après la vente.
Le gérant de la société L’ORN AUTO déclare avoir conservé le double de la clé du véhicule en raison d’une dette demeurée impayée.
De même, M. [H] [D] a changé de version sur les faits lors de son 2ème dépôt de plainte, déclarant que la fenêtre conducteur du véhicule était fermée, dès lors que l’assureur lui a indiqué que cette précision pourrait modifier l’indemnisation due au titre du sinistre.
Par ailleurs, M. [H] [D] ne rapporte pas aux débats que le véhicule AUDI, dont la 1ère mise en circulation remonte au 1er mars 2006, était également doté d’un système électronique d’ouverture et de démarrage sans clé qui aurait facilité son vol par la technique du « mouse jacking ».
– Sur les conséquences du sinistre
M. [H] [D] sollicite le paiement de l’indemnité d’assurance pour un montant de 20.000 euros, mais il ne justifie pas du montant de son sinistre car il demeure un flou sur le prix d’achat du véhicule.
Outre le fait que la facture produite aux débats est contestée et que le témoignage de M. [X] [F] apparaît peu crédible, notamment comparé aux déclarations de M. [H] [D] lors de son 3ème dépôt de plainte : « lors de mon achat du véhicule en juin 2020, j’avais proposé un virement ou en espèces pour l’achat. Celui-ci a préféré l’espèce en me faisant une remise de 2.000 euros sur la somme globale de 21.900 euros. Je l’ai donc eu pour 20.000 euros », et surtout de la tentative infructueuse de M. [H] [D] de justifier le financement du prix d’achat du véhicule, réglé selon lui intégralement en espèces le 14 septembre 2020, après avoir proposé d’effectuer un virement, par la vente d’un précédent véhicule de marque BMW Série 3 pour la somme de 11.000 euros remis en espèces selon la déclaration de M. [Y] [D], dont la date exacte demeure inconnue, et le retrait de la somme de 4.500 euros sur le compte de M. [Y] [D] le 29 mai 2019 et de 5.000 euros sur le compte de M. [H] [D], 26 mars 2019, soit plus d’une année avant l’acquisition du véhicule AUDI.
En conséquence, M. [H] [D] sera débouté de sa demande d’indemnisation du sinistre survenu le 12 novembre 2021.
La déchéance totale de garantie contractuelle étant acquise, il n’y a pas lieu de statuer sur le refus de prise en charge en raison des obligations pesant sur la compagnie d’assurance en matière de lutte anti-blanchiment.
2°) SUR LA REPETITION DE L’INDU
En vertu des dispositions de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition.
En vertu des dispositions de l’article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
En l’espèce, la S.A GAN ASSURANCES sollicite le remboursement par M. [H] [D] de la somme de 4.064 euros au titre des frais de gestion (frais d’enquête et frais d’expertise du véhicule), arguant que l’assureur est bien fondé à réclamer la répétition de la totalité des sommes indûment versées suite à un sinistre déclaré par l’assuré lorsque le sinistre déclaré résulte d’une fraude dont ce dernier s’est rendu coupable.
L’assuré perd son droit à garantie à titre de sanction de sa fausse déclaration de sinistre et l’assureur est en droit de réclamer le remboursement des sommes déjà réglées au titre de la répétition de l’indu.
L’action en répétition de l’indu a effectivement pour objectif de permettre un retour au statu quo ante en permettant au solvens de récupérer ce qu’il a payé à l’accipiens alors qu’il ne devait rien.
Cette conséquence s’explique, puisqu’en raison de la fraude constatée, la dette d’indemnité n’existe pas.
Ainsi, en l’espèce, les fausses déclarations commises par M. [H] [D] et la remise de documents falsifiés, précédemment constatées, entraînant la déchéance totale de garantie à l’égard de toutes les parties, la dette de l’assureur est inexistante à l’égard de l’assuré et il peut réclamer le remboursement de l’indemnité déjà versée.
En revanche, les frais de gestion ne s’analysent pas en des sommes indûment versées à M. [H] [D], puisque acquittées auprès de tiers, et qui, de toute manière auraient été défalquées de l’indemnité avant le versement du solde à l’assuré.
En conséquence, il y a lieu de débouter la S.A GAN ASSURANCES de sa demande de remboursement des frais de gestion au titre de la répétition de l’indu.
3°) SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERÊTS
La S.A GAN ASSURANCES sollicite, à titre subsidiaire, le remboursement des frais d’enquête à hauteur de 3.752 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
La S.A GAN ASSURANCES expose qu’une enquête a été nécessaire afin de confirmer les soupçons nés des déclarations incohérentes de M. [H] [D], sur la date d’achat du véhicule AUDI auprès du garage L’ORN AUTO.
Le lien de causalité entre les fausses déclarations et la production de documents falsifiés par M. [H] [D] en méconnaissance de ses obligations contractuelles, et le dommages subi par l’assureur, qui a dû engager des frais d’enquête indispensables pour ne pas être trompé par l’assuré et lui verser des indemnités non dues, est donc établi.
La S.A GAN ASSURANCES justifie avoir déboursé la somme de 3.752 euros selon les factures de l’agence Consulting Recherches Privées des 22 janvier 2022 (2.002,80 €) et 5 avril 2022 (1.749,20 €).
En conséquence, M. [H] [D] sera condamné à rembourser à la S.A GAN ASSURANCES la somme de 3.752 euros à titre de dommages-et-intérêts.
4°) SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie .
En Alsace-Moselle, par application des articles 103 à 107 du Code local de procédure civile demeurés en vigueur, lesquels prévoient une procédure spécifique de taxation des dépens, les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sont inapplicables.
L’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
En l’espèce, M. [H] [D], qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu’à régler à la S.A GAN ASSURANCES la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Compte tenu de la solution apportée au litige, aucune considération d’équité ne commande de faire droit à la demande formée par M. [H] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure pénale, ce dont il sera débouté.
5°) SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a instauré le principe de l’exécution provisoire de droit. Les dispositions du décret relatives à l’exécution provisoire de droit sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Tel est le cas en l’espèce pour une instance introduite le 5 septembre 2022.
Selon l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il y a donc lieu de rappeler l’exécution provisoire de la présente décision.
Le Tribunal judiciaire, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
PRONONCE la déchéance de la garantie contractuelle au titre du sinistre du 12 novembre 2021 ;
DEBOUTE M. [H] [D] de sa demande de paiement de la somme de 20.000 euros, outre les intérêts, au titre de l’indemnité d’assurance ;
DEBOUTE la S.A GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande de paiement de la somme de 4.064 euros en remboursement des frais de gestion indûment engagés ;
CONDAMNE M. [H] [D] à payer à la S.A GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 3.752 euros en remboursement des frais d’enquête à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE M. [H] [D] à payer à la S.A GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [H] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [H] [D] aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 699 du Code de procédure civile en Alsace-Moselle ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire par provision.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024 par Madame S. REEB, Vice-Présidente, assistée de Madame Caroline LOMONT, Greffier.
Le Greffier La Présidente