Activités concurrentes : l’obligation de loyauté du salarié

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Activités concurrentes : l’obligation de loyauté du salarié

Embauche et Activité Commerciale

M. [F] [O] a été embauché le 5 septembre 2001 en tant que technicien SAV par la société SFI RELIANCE. Le 15 avril 2018, la société a autorisé M. [O] à exercer une activité commerciale personnelle sous le nom de ‘Proreliure’.

Activité Partielle et Licenciement

En mars 2020, M. [O] a été placé en activité partielle en raison de la pandémie de covid-19. Le 15 janvier 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, qui a été notifié le 8 février 2021 pour faute grave.

Contestation du Licenciement

Le 11 mars 2021, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de SFI RELIANCE le 15 mars 2022.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 24 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a débouté M. [O] de toutes ses demandes et a laissé les dépens à sa charge. M. [O] a interjeté appel de ce jugement le 16 février 2023.

Demandes de M. [O] en Appel

Dans ses conclusions du 1er septembre 2023, M. [O] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de fixer au passif de la liquidation judiciaire plusieurs créances, y compris des indemnités de licenciement et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Réponse du Liquidateur Judiciaire

La SELARL ML Conseils, en tant que liquidateur judiciaire, a demandé la confirmation du jugement attaqué. L’AGS CGEA a également demandé la confirmation du jugement et a soulevé des arguments subsidiaires concernant le calcul des créances.

Motifs du Licenciement

La lettre de licenciement reprochait à M. [O] d’exercer une activité concurrente et de restituer son téléphone professionnel vidé de ses données. M. [O] a contesté la réalité de ces faits et a soutenu que le licenciement était injustifié.

Établissement de la Faute Grave

Le liquidateur a prouvé que M. [O] avait exercé une activité concurrente, ce qui constituait une violation de son obligation de loyauté. La procédure de licenciement a été engagée rapidement après la découverte des faits.

Rappel d’Indemnité de Mise en Activité Partielle

M. [O] a été reconnu fondé à demander un rappel d’indemnité de mise en activité partielle, qui a été fixé à 2 213,22 euros, ainsi qu’à des congés payés afférents.

Dommages-Intérêts pour Harcèlement Moral

M. [O] a allégué avoir subi du harcèlement moral. La cour a établi l’existence de certains agissements constitutifs de harcèlement et a accordé 500 euros de dommages-intérêts.

Intérêts Légaux et Garantie de l’AGS

Les créances salariales de M. [O] porteront intérêts à partir de la convocation devant le conseil de prud’hommes. L’arrêt a été déclaré opposable à l’AGS, qui devra avancer les créances dans les limites prévues par la loi.

Remise de Documents de Fin de Contrat

La cour a ordonné au liquidateur de remettre à M. [O] des documents de fin de contrat conformes à l’arrêt, tout en confirmant le débouté de la demande d’astreinte.

Frais de Justice

La cour a alloué à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire. Les dépens ont été mis à la charge du liquidateur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/00498
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/00498 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VWBR

AFFAIRE :

[F] [O]

C/

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [Z] es qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE

AGS CGEA D'[Localité 7] UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 7]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 21/00063

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-emily VAUCANSON

Me Carine COOPER

Me Claude-Marc BENOIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [O]

né le 26 Août 1965 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Marie-emily VAUCANSON, Constituée, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 554

ME Estelle FORZANI, Plaidant, avocat au barreau de Versailles

APPELANT

****************

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [Z] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Carine COOPER, Constituée/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411

Association AGS CGEA D'[Localité 7] UNEDIC

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Claude-marc BENOIT, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,

FAITS ET PROCEDURE,

M. [F] [O] a été embauché à compter du 5 septembre 2001 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de ‘technicien SAV’ par la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE (ci-après la société SFI RELIANCE).

Par lettre du 15 avril 2018, la société SFI RELIANCE a donné son accord pour que M. [O] exerce en parallèle, en son nom personnel, une activité commerciale de mise en relation de professionnels de l’imprimerie par le biais d’un site internet, sous le nom commercial ‘Proreliure’

Dans le courant du mois de mars 2020, M. [O] a été placé en activité partielle dans le cadre des mesures d’urgence liées à la covid-19.

Par lettre du 15 janvier 2021, la société SFI RELIANCE a convoqué M. [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 8 février 2021, la société SFI RELIANCE a notifié à M. [O] son licenciement pour faute grave.

Le 11 mars 2021, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société SFI RELIANCE à lui payer notamment des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse, un rappel d’indemnité de mise en activité partielle et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 15 mars 2022, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE et a désigné la SELARL ML Conseils en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 24 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a :

– débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la SELARL ML Conseils, ès qualités, de ses demandes reconventionnelles ;

– laissé les dépens la charge de M. [O].

Le 16 février 2023, M. [O] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [O] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE sa créance aux sommes suivantes :

* 18’853,17 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

* 6 685,52 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 668,55 euros au titre des congés payés afférents ;

* 50’141,40 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 25’000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral sur le fondement du harcèlement moral ou, subsidiairement, la même somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral sur le fondement de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

* 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non affiliation à la médecine du travail ;

* 2 213,22 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise en chômage partiel et 221,32 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner la remise des documents de fin de contrat actualisés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

– assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de l’introduction de l’instance jusqu’à la date d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

– déclarer opposable à l’AGS l’arrêt à intervenir et la mise en ‘uvre de sa garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 septembre 2023, la SELARL ML Conseils, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SFI RELIANCE, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, demande à la cour la confirmation du jugement attaqué.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, l’AGS CGEA d'[Localité 7] demande la cour de :

1) A TITRE PRINCIPAL

– Confirmer le jugement entrepris,

– Débouter l’appelant de toutes ses demandes,

– A défaut, dire la contrepartie du chômage partiel non garantie par l’AGS,

– Débouter [F] [O] de ses autres demandes

2) A TITRE SUBSIDIAIRE

– Déduire du calcul de l’ancienneté le temps de chômage partiel,

– Réduire l’indemnité pour licenciement injustifié à 3 mois de salaire,

– Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

– Dire le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3253-19 du

code du travail,

– Exclure l’astreinte de la garantie de l’AGS,

– Exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du CPC,

– Dire le jugement opposable dans la limite d’un plafond toutes créances brutes confondues,

– Rejeter la demande d’intérêts légaux,

– Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 5 septembre 2024.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [O], longue de cinq pages, lui reproche en substance :

– l’exercice d’une activité commerciale concurrente auprès des fournisseurs et des clients de la société SFI RELIANCE ;

– avoir restitué son téléphone professionnel vidé de toutes ses données en septembre 2020.

M. [O] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

– la société SFI RELIANCE avait connaissance des faits reprochés dès le 31 août 2020 et n’a pas procédé au licenciement dans un délai restreint ;

– les faits reprochés sont imprécis et non établis.

Il demande en conséquence la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE de créances d’indemnités de rupture et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le liquidateur judiciaire soutient que les faits reprochés sont établis et que la procédure de licenciement a été engagée dans un délai restreint après la totale connaissance de l’étendue des actes de concurrence déloyale commis par M. [O] au préjudice de son employeur. Il conclut donc, comme l’AGS, que le licenciement est fondé sur une faute grave et qu’il convient de débouter M. [O] de ses demandes d’indemnités afférentes.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate. La charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque.

En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que :

– la société SFI RELIANCE avait pour activité notamment la vente de matériel de reprographie et de bureautique, leur installation et leur maintenance, ainsi qu’il ressort des extraits K-bis de cette société et du contrat de travail de M. [O] ;

– le 13 juillet 2020, M. [O] a procédé à une inscription modificative au registre du commerce et des sociétés de son activité commerciale personnelle pour l’étendre à l’activité de ‘commerces de gros et entretien d’autres machines et équipements de bureau’, c’est-à-dire à une activité directement concurrente de celle de la société SFI RELIANCE ;

– le 5 octobre 2020, M. [O] a passé, pour le compte de son activité commerciale personnelle, une commande de matériel de reprographie auprès de la société Delta Dif, fournisseur habituel de la société SFI RELIANCE (pièce n°6-1 du liquidateur judiciaire) ;

– M. [O] a publié, au début du mois de septembre 2020, sur le site internet lié à son activité commerciale personnelle, une annonce aux termes de laquelle il indique que son activité s’étend, pour la période du 8 septembre au 31 décembre 2020 à ‘un service après-vente, spécialisé pour entretenir et dépanner votre matériel de reliure et de façonnage dans le cadre de contrats d’entretien ou à votre demande’, ce qui constitue là encore une offre de services commerciaux directement concurrents de ceux de son employeur, étant précisé que ce grief a bien été visé dans la lettre de licenciement qui fait état de manière générale de proposition de services aux clients de la société SFI Relance (pièce n°23 du liquidateur judiciaire) ;

– le 10 janvier 2021, M. [O] a demandé à la société Delta Dif, le prix et la disponibilité d’un matériel de reprographie dans le but de procéder à un achat dans le cadre de son activité commerciale personnelle (pièce n°6-2 du liquidateur judiciaire).

Le liquidateur judiciaire établit ainsi que M. [O] a exercé une activité concurrente de celle de son employeur, au-delà de celle qui avait donné lieu à une autorisation de la part de ce dernier, ce qui constitue un manquement à l’obligation de loyauté inhérente à son contrat de travail.

En outre, contrairement ce que soutient M. [O], le liquidateur judiciaire établit par la production d’un courriel émanant de la société Delta Dif, envoyé en copie à la société SFI RELIANCE le 11 janvier 2021, que cette dernière a eu une totale connaissance de l’étendue de l’activité concurrentielle exercée par M. [O] à cette date et qu’elle a engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint par l’envoi de la lettre de convocation à entretien préalable le 15 janvier suivant, soit quatre jours après.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, que les manquements répétés de M. [O] à l’obligation de loyauté rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et impliquaient son éviction immédiate de l’entreprise.

La faute grave reprochée à M. [O] est donc établie, comme l’ont justement estimé les premiers juges.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il déboute M. [O] de ses demandes subséquentes d’indemnités de rupture et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de ‘salaire’ afférent à la mise en activité partielle à compter de mars 2020 :

Aux termes de l’article 1er bis de l’ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020 , dans sa version issue de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 : ‘ Pour les salariés ayant conclu, avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, une convention individuelle de forfait en heures au sens des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail incluant des heures supplémentaires et pour les salariés dont la durée de travail est supérieure à la durée légale en application d’une convention ou d’un accord collectif de travail conclu avant cette même date :

1° La durée stipulée au contrat pour les conventions individuelles de forfait ou la durée collective du travail conventionnellement prévue est prise en compte en lieu et place de la durée légale du travail pour l’application du troisième alinéa du I de l’article L. 5122-1 du même code ;

2° Il est tenu compte des heures supplémentaires prévues par la convention individuelle de forfait en heures ou par la convention ou l’accord collectif mentionnés au premier alinéa pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées’.

Aux termes de l’article L. 3121-53 du code du travail : ‘La durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours dans les conditions prévues aux sous-sections 2 et 3 de la présente section’.

En l’espèce, la clause de l’avenant du 23 décembre 2016 relative à la durée du travail et à la rémunération est ainsi rédigée :

‘- salaire de base brut 35 heures = […] 2700 euros

– heures supplémentaires à 25 % : 385,63 euros (4H)

– Prime 13ème mois = 257,13 euros

soit brut de 3342,76 euros […]’.

Il s’en déduit que les parties sont convenues de l’application d’une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures, contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire.

Par suite, par application des dispositions de l’ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020 mentionnées ci-dessus, M. [O] est fondé à soutenir que son indemnité au titre de sa mise en activité partielle dans le cadre de la crise sanitaire liée à la covid-19 devait être calculée en tenant compte des heures supplémentaires prévues par cette convention individuelle de forfait.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de rappel d’indemnité de mise en activité partielle formée par M. [O] et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE une créance à ce titre d’un montant de 2 213,22 euros, étant précisé que ce montant n’est pas critiqué par les intimés, outre 221,32 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points.

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

M. [O] soutient qu’il a été victime d’agissements répétés de harcèlement moral à compter d’août 2016 de la part de son employeur, ayant dégradé ses conditions de travail et son état de santé. Il réclame en conséquence l’allocation de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Le liquidateur judiciaire et l’AGS concluent au débouté.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code : ‘ Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement./ Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.

En l’espèce, M. [O] invoque les agissements suivants :

1) la suppression de la possibilité de prendre cinq semaines de congés payés d’affilée après 2016. Toutefois, aucun élément ne démontre que la société SFI RELIANCE lui avait effectivement octroyé cette latitude, qui est contraire aux dispositions de l’article L. 3141-17 du code du travail et aux stipulations expresses du contrat de travail ;

2) la suppression de l’usage du véhicule de service durant les week-ends. Toutefois, aucun élément ne démontre que la société SFI RELIANCE lui avait également octroyé cette possibilité, qui est d’ailleurs antinomique avec la notion même de véhicule de service ;

3) ‘des reproches’ adressés en public à son retour de congés payés en 2016 et les ‘mesures prises à son encontre’. Toutefois, ce grief, au demeurant très imprécis, n’est étayé que par une lettre que le salarié a adressé à son employeur le 23 septembre 2016, sans que les allégations qui y sont contenues ne soient établies par d’autres éléments ;

4) le placement en activité partielle à compter du 17 mars 2020 pendant la crise sanitaire tandis que ses collègues ont continué à travailler. Toutefois, aucun élément n’est présenté relativement à la situation des autres salariés de l’entreprise pendant cette période ;

5) la suppression de 19 jours de congés payés sur le bulletin de salaire du mois de juin 2020 avant d’être rétablis à la suite de sa protestation, la réalité de ce fait n’étant pas contestée par les intimés;

6) la brutale suppression de la possibilité de prendre cinq semaines de congés payés d’affilée à l’été 2020 alors qu’il avait obtenu ‘l’accord verbal de l’employeur’. Toutefois, aucun élément ne vient établir l’existence d’un tel accord verbal.

7) des accusations racistes et de profiter du chômage partiel pour développer son activité commerciale personnelle contenues dans un courriel du 10 novembre 2020 envoyé par l’employeur. Toutefois, M. [O] n’explique pas en quoi ce courriel contient des accusations racistes et sa lecture n’en fait ressortir aucune. Par ailleurs, il est établi ci-dessus que M. [O] a accompli des actes de concurrence déloyale au détriment de son employeur pendant cette période, ce qui rend les accusations sur ce point fondées.

8) des échanges de courriels ‘extrêmement brutaux’ relatifs à l’organisation d’une visite médicale de reprise à la fin de l’année 2020, sans que toutefois M. [O] n’explique en quoi consiste la brutalité alléguée et sans que ces courriers ne fassent ressortir un caractère excessif ou insultant des propos tenus par l’employeur ;

9) des versements en retard et fractionnés du salaire depuis 2018, ce fait étant établi par les relevés de compte de M. [O] versés aux débats.

10) la minoration injustifiée des indemnités de chômage partiel, ce fait étant établi ainsi qu’il a été dit ci-dessus.

12) la suppression de la portabilité de la prévoyance après le licenciement. Toutefois, le courriel versé par M. [O] sur ce point ne fait en rien ressortir cette suppression par l’employeur.

13) un retard dans la mise à disposition des documents de fin de contrat. Toutefois ces faits sont postérieurs à la rupture du contrat de travail.

15) la mention dans le contrat de travail que la rémunération ‘est révisable au bon vouloir de l’employeur’ . Ce fait est établi mais aucun élément ne démontre que cette clause a été mise en oeuvre par l’employeur.

16) le non-respect de l’obligation d’adaptation à l’emploi et de formation. Ce fait est établi puisque le liquidateur judiciaire ne verse aucun élément démontrant le respect des obligations à ce titre.

M. [O] verse par ailleurs des éléments médicaux relatifs à un arrêt de travail du 2 octobre au 1er novembre 2020 et à des ordonnances de son médecin traitant. Toutefois, aucun élément ne fait ressortir un lien entre la dégradation de sa santé et les conditions de travail dans l’entreprise.

Il résulte de ce qui précède que M. [O] présente, aux points 5), 9) et 10) et 16) mentionnés ci-dessus, des éléments de fait relatifs à une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, lesquels pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour leur part, le liquidateur judiciaire et l’AGS ne prouvent pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, l’existence d’un harcèlement moral est établi.

Le préjudice moral en découlant sera réparé par la fixation passif de la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE d’une créance d’un montant de 500 euros à titre de dommages-intérêts, en l’absence de justification d’un plus ample préjudice par l’appelant.

Sur les dommages-intérêts pour défaut d’affiliation à la médecine du travail :

En l’espèce, M. [O] ne soulève aucun moyen au soutien de cette prétention. Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire.

Sur les intérêts légaux :

En application des dispositions de l’article L. 622-28 du code du commerce, le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 15 mars 2022 qui a prononcé l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société SFI RELIANCE a arrêté le cours des intérêts légaux.

Les créances de nature salariale de M. [O] porteront donc intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes jusqu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective. Les créances de nature indemnitaire allouées par le présent arrêt ne produiront pas intérêts.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur la garantie de l’AGS :

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 7] qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail, et donc en ce compris la créance d’indemnité de mise en activité partielle, et de déclarer que l’obligation de l’AGS de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner au liquidateur judiciaire de remettre à M. [O] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Le débouté de la demande d’astreinte à ce titre sera en revanche confirmé, une telle mesure n’étant pas nécessaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué sur ces deux points.

Au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, la cour alloue au salarié la somme de 1 500 euros.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SFI RELIANCE.

Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge du mandataire liquidateur ès qualités. Ils seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en ce qu’il statue sur le rappel d’indemnité de mise en activité partielle, les dommages-intérêts pour harcèlement moral, les intérêts légaux, la garantie de l’AGS, la remise de documents sociaux, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Confirme le jugement attaqué pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE la créance de M. [O] aux sommes suivantes :

– 2 213,22 euros à titre de rappel d’indemnité de mise en activité partielle et 221,32 euros au titre des congés payés afférents,

– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 7] qui ne devra procéder à l’avance des créances mentionnées ci-dessus et visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et déclare que l’obligation de l’AGS de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE une créance de M. [O] d’un montant de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SELARL ML Conseils, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIETE DE SERVICE ET FACONNAGE INTERBANCAIRE RELIANCE, aux dépens de première instance et d’appel, qui seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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