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L’article L. 4121-1 du code du travail prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ce qui n’inclut pas la protection des données personnelles des salariés, si bien que les griefs formulés par un salarié à l’encontre de son employeur ne sauraient caractériser des manquements à son obligations de sécurité.
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Résumé de l’affaire : La société Laboratoires Copmed, spécialisée dans la vente de compléments alimentaires, a embauché M. [R] en tant que délégué commercial en mai 2016. M. [R] a été en arrêt de travail du 15 février au 30 avril 2019. Le 10 juillet 2019, une rupture conventionnelle a été signée, prenant effet le 16 août 2019. En juillet 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Belley pour des demandes indemnitaires liées à son contrat de travail. Le 27 juillet 2021, le conseil a débouté M. [R] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens. M. [R] a ensuite fait appel de ce jugement. Dans ses conclusions, il a demandé l’irrecevabilité des nouvelles prétentions de la société et a sollicité des indemnités pour divers manquements. De son côté, Laboratoires Copmed a contesté la validité de l’appel et a demandé à être déboutée. La Cour a déclaré recevable la demande de la société, a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes et a condamné M. [R] aux dépens de l’instance d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
4 octobre 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/06537
AFFAIRE PRUD’HOMALE RAPPORTEUR N° RG 21/06537 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NZTJ [R] C/ S.A.S. LABORATOIRES COPMED APPEL D’UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BELLEY du 27 Juillet 2021 RG : F 20/00051 COUR D’APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE B ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2024 APPELANT : [X] [R] né le 21 Juin 1973 à [Localité 5] (69) [Adresse 4] [Localité 2] représenté par Me Olivier BEYER, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Cyrielle MARQUILLY MORVAN, avocat au barreau de VALENCE INTIMÉE : Société LABORATOIRES COPMED [Adresse 3] [Localité 1] représentée par Me Olivier FOURMANN de la SELARL FOURMANN AVOCATS, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Sylvain JACQUES de la SELARL SOPHIA LEGAL SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau de LYON DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Juin 2024 Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : – Béatrice REGNIER, Présidente – Catherine CHANEZ, Conseillère – Régis DEVAUX, Conseiller ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 04 Octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************** EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La société Laboratoires Copmed a pour activité la vente de compléments alimentaires, produits de santé naturel et micronutrition et fait application de la convention collective nationale de commerces de gros (IDCC 573). Elle a embauché M. [X] [R], suivant contrat à durée indéterminée à temps plein, à compter du 23 mai 2016, en qualité de délégué commercial, M. [R] était placé en arrêt de travail sur la période allant du 15 février au 30 avril 2019. Le 10 juillet 2019, les parties signaient une rupture conventionnelle du contrat de travail prenant effet au 16 août 2019. Par requête reçue au greffe le 27 juillet 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Belley de plusieurs demandes à caractère indemnitaire, relatives à l’exécution du contrat de travail. Par jugement du 27 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Belley a débouté M. [R] de l’intégralité de ses demandes, l’a condamné aux dépens et a débouté la société Laboratoires Copmed de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le 9 août 2021, M. [R] a enregistré par voie électronique une déclaration d’appel à l’encontre de ce jugement, en précisant critiquer la disposition le déboutant de l’intégralité de ses demandes. EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, M. [X] [R] demande à la Cour de : à titre liminaire, – à titre principal, déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par la société Copmed dans ses conclusions postérieurement au 14 janvier 2022 – à titre subsidiaire, débouter la société Copmed de l’intégralité de ses demandes en tout état de cause, – infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Belley rendu le 27 juillet 2021, en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens statuant à nouveau, – condamner la société Laboratoires Copmed au paiement des sommes suivantes : 10 000 euros au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, 10 000 euros pour violation du règlement RGPD, 1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, 2 500 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – juger que chacune des sommes allouées produira des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, – condamner la société Laboratoires Copmed aux dépens de première instance et d’appel. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2022, la société Laboratoires Copmed, intimée, demande pour sa part à la Cour de : A titre principal, – juger qu’elle n’est pas valablement saisie par un acte d’appel qui n’emporte aucune dévolution, A titre subsidiaire, – débouter M. [R] de ses demandes et confirmer le jugement dont appel, – condamner M. [R] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées. La clôture de la procédure de mise en état était ordonnée le 26 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION 1. Sur la demande de la société Laboratoires Copmed relative à l’effet dévolutif attaché à la déclaration d’appel ‘ En droit, l’article 910-4 du code de procédure civile prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. En l’espèce, la société Laboratoires Copmed prétend à ce que la déclaration d’appel enregistrée par M. [R] soit privée d’effet dévolutif pour la première fois dans ses conclusions n° 2, notifiées le 21 janvier 2022, cette demande n’ayant pas été formulée dans ses conclusions n° 1. Toutefois, cette demande ne s’analyse pas comme concernant le fond du litige, si bien qu’elle ne contrevient pas au principe de concentration des prétentions prévu par l’article 910-4 du code de procédure civile. En conséquence, la demande de la société Laboratoires Copmed tendant à voir juger que la déclaration d’appel de M. [R] soit privée d’effet dévolutif est recevable. ‘ En droit, l’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En l’espèce, la déclaration d’appel, enregistrée par M. [R] le 9 août 2021, est ainsi rédigée : « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Le présent appel porte sur le jugement en ce qu’il a débouté M. [X] [R] de l’intégralité de ses demandes ». Ainsi, l’appelant critique expressément la disposition du jugement le déboutant de l’intégralité de ses demandes. Il s’en déduit qu’il a régulièrement déféré à la Cour la connaissance de ce chef du jugement. 2. Sur les demandes de M. [R] au fond 2.1. Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité En droit, l’article L. 4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En l’espèce, M. [R] expose qu’en janvier 2019, il a appris par une collègue de travail que l’outil de géolocalisation installé par leur employeur sur les téléphones des salariés était mal paramétré, si bien que ses déplacements étaient visibles en temps réel sur une carte, affichée sur la page internet de la société laboratoires Copmed, accessible à des personnes totalement étrangères à l’entreprise, et ce depuis plus d’un an. Il ajoute que son domicile était également visible. Il verse aux débats cinq captures d’écran (pièces n° 6 de l’appelant), ainsi que l’attestation de cette collègue, Mme [V] (pièce n° 35 de l’appelant). M. [R] reproche à la société Laboratoires Copmed de ne pas l’avoir informé de cette atteinte à sa vie privée, de ne pas avoir informé le CHSCT de sa négligence dans la protection des données personnelles des salariés et de ne pas avoir mis à jour le document unique d’évaluation des risques. Toutefois, la Cour relève que l’examen des pièces versées aux débats ne permet pas d’établir que l’adresse ou les coordonnées GPS du domicile de M. [R] ont été publiées sur la page internet du site de son employeur, si bien qu’il n’y a pas eu sur ce point d’atteinte à l’intimité de sa vie privée. Concernant la publicité sur internet des déplacements professionnels de M. [R], l’article L. 4121-1 du code du travail prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ce qui n’inclut pas la protection des données personnelles des salariés, si bien que les griefs formulés par M. [R] à l’encontre de la société Laboratoires Copmed ne sauraient caractériser des manquements à son obligations de sécurité. En outre, M. [R] ne démontre pas qu’il a subi, en conséquence du manquement à l’obligation de sécurité allégué, un quelconque préjudice. En effet, si un médecin du travail indique qu’il a vu en visite M. [R] les 11 mars et 29 avril 2019 « pour des problèmes de santé récurrents » et si le médecin traitant du salarié certifie que ce dernier « a présenté plusieurs épisodes pathologiques aigü (‘) susceptibles d’avoir été provoqués par ses conditions de travail » (pièces n° 19 de l’appelant), l’appelant n’établit pas que l’altération de son état de santé fait suite à la carence de son employeur, quant aux mesures qu’il lui reproche de ne pas avoir prises pour éviter la publication sur internet de la carte des déplacements professionnels du salarié. Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu’il a débouté M [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. 2.2. Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du règlement général sur la protection des données (RGPD) M. [R] fait valoir que la société Laboratoires Copmed a mis en place un système de collecte des données à caractère personnel des délégués commerciaux (soit un système de géolocalisation associé au numéro IMEI du téléphone de chaque commercial et permettant de tracer les trajets professionnels de ces derniers), qui n’était pas justifié et qui en outre n’était pas sécurisé, ni régulièrement contrôlé, en violation de l’article 32 du RGPD. Il reproche en outre à son employeur de ne pas avoir averti la CNIL, ni les salariés concernés, après la révélation du fait que les trajets professionnels de ceux-ci étaient affichés sur une carte publiée sur la page internet de la société. M. [R] reproche encore à son employeur de ne pas avoir donné suite à son courrier du 26 juillet 2019 (pièce n° 17 de l’appelant), par lequel il demandait l’accès à toutes les données le concernant, relatives à la géolocalisation de son véhicule de société. La société Laboratoires Copmed indique que, si les véhicules confiés à ses délégués commerciaux étaient munis par le constructeur d’un système de géolocalisation, les coordonnées GPS des véhicules ne lui étaient pas transmises en temps réel et elle n’avait en aucun cas accès à ces données. Elle souligne qu’elle n’a jamais utilisé les données des systèmes GPS des véhicules pour contrôler le travail de ses salariés, ce qui au demeurant n’est pas allégué par M. [R]. La société Laboratoires Copmed affirme que seule une application d’aide à la prospection, dont les salariés ont été informés, a été installée sur les téléphones de ces derniers. Cette application permettait uniquement d’indiquer au délégué commercial la présence de clients ou prospects à proximité, conformément aux explications développées dans la notice d’utilisation « Géolocalisation Intra Copmed » (pièce n° 21 de l’intimée). La société Laboratoires Copmed indique qu’elle ne recueillait pas et ne pouvait donc pas conserver les coordonnées GPS relevées par chaque téléphone portable. Au demeurant, M. [R] n’allègue pas que son employeur ait recueilli les données éventuellement contenues dans l’application installée sur son téléphone. M. [T] [S], prestataire informatique de la société Laboratoires Copmed, atteste qu’une application développée aux fins de prospection commerciale est installée sur les téléphones portables des commerciaux de la société et permet, compte tenu des coordonnées GPS du téléphone, d’afficher sur une carte les clients et prospects de la société alors situés à proximité (pièce n° 21 de l’intimée). La Cour retient que le système de géolocalisation évoqué par M. [R] est celui qui était utilisé par l’application utilisée par son téléphone portable pour afficher sur une carte les clients et prospects installés à proximité du salarié, à l’occasion des déplacements professionnels de ce dernier. La société Laboratoires Copmed n’a pas recueilli les données de géolocalisation du téléphone, ni en temps réel, ni en différé et n’a pas utilisé ces données afin de contrôler l’activité du salarié. M. [R] fait valoir, au visa de l’article 4 du RGPD, qu’il a subi une violation de la sécurité, de manière accidentelle, entraînant la divulgation non autorisée de données à caractère personnel ; il ne conclut pas sur une atteinte à l’intimité de sa vie privée et ne vise d’ailleurs pas l’article 9 du code civil. M. [R] réclame des dommages et intérêt pour violations du RGPD, sans démontrer qu’il a subi, en conséquence des violations alléguées, un quelconque préjudice, alors qu’une simple violation du RGPD est insuffisante à conférer un droit à réparation de la personne concernée (en ce sens : CJUE, 25 janvier 2024, affaire C 687/21). En effet, si un médecin du travail indique qu’il a vu en visite M. [R] les 11 mars et 29 avril 2019 « pour des problèmes de santé récurrents » et si le médecin traitant du salarié certifie que ce dernier « a présenté plusieurs épisodes pathologiques aigü (‘) susceptibles d’avoir été provoqués par ses conditions de travail » (pièces n° 19 de l’appelant), l’appelant n’établit que l’altération de son état de santé fait suite à la révélation de sa collègue, concernant la publication sur internet de la carte de ses déplacements professionnels. Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu’il a débouté M [R] de sa demande de dommages et intérêts pour violations du RGPD. 2.3. Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail M. [R] fait valoir que son employeur a publié, le 24 mai 2019, une annonce de recrutement concernant son poste de travail, alors qu’il faisait encore partie du personnel de la société. La société Laboratoires Copmed réplique qu’elle a publié cette offre d’emploi, après qu’elle a pris connaissance de la volonté de M. [R] de s’engager vers une rupture conventionnelle de son contrat de travail. La société Laboratoires Copmed n’a pas commis une faute en cette occasion et M. [R] n’allègue pas avoir subi un préjudice de ce fait. Dès lors, le jugement sera confirmé, en ce qu’il a rejeté la demande de ce dernier en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. 3. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile M. [R], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile. Sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, tant pour les frais irrépétibles exposés en première instance qu’en cause d’appel. Pour un motif tiré de l’équité, la demande de la société Laboratoires Copmed en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS LA COUR, Déclare recevable la demande de la société Laboratoires Copmed tendant à ce que la déclaration d’appel soit privé d’appel dévolutif ; Dit que la déclaration d’appel principal a eu pour effet de lui déférer la connaissance de la disposition du jugement rendu le 27 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Belley déboutant M. [X] [R] de l’intégralité de ses demandes ; Confirme le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Belley en sa disposition déférée ; Ajoutant,, Condamne M. [X] [R] aux dépens de l’instance d’appel ; Rejette les demandes de M. [X] [R] et de la société Laboratoires Copmed en application de l’article 700 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,