TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : S.A.S. BIGAZZI-URBALEX, S.C.P. [S] c/ SCP JEAN NOËL CHAMPAGNE LAURENT ROSE NOTAIRES ASSOCIÉS

N°
Du 28 Octobre 2024

4ème Chambre civile
N° RG 22/00122 – N° Portalis DBWR-W-B7G-N6JV

Grosse délivrée à
Me Pierre CHAMI
, la SCP BERLINER-DUTERTRE

expédition délivrée à

le 28 Octobre 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt huit Octobre deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame VALAT Présidente, assistée de Madame BOTELLA, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale.

DÉBATS

A l’audience publique du 20 Juin 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 21 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 28 Octobre 2024 après prorogation du délibéré, signé par Madame VALAT Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSES:

S.A.S. BIGAZZI-URBALEX
[Adresse 2]
[Localité 1]
inscrite au RCS de NICE sous le numéro B 517 856 084, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au dit siège
représentée par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

S.C.P. [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître [C] [S] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS BIGAZZI-URBALEX, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 3 septembre 2015
représentée par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE:

SCP JEAN NOËL CHAMPAGNE LAURENT ROSE NOTAIRES ASSOCIÉS
[Adresse 4]
[Localité 1]
au capital de 750 054 €, immatriculée au RCS de NICE sous le n° D 312 180 292 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Hélène BERLINER de la SCP BERLINER-DUTERTRE, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

La SAS Bigazzi Urbalex exerce une activité dans le domaine de l’urbanisme et a effectué certaines prestations à la demande de la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés.

Par acte d’huissier du 3 janvier 2022, la SAS Bigazzi Urbalex et la SCP [S], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Bigazzi Urbalex, ont fait assigner la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés devant le tribunal judiciaire de Nice afin d’obtenir le règlement de certaines factures restées impayées.

Par conclusions n°1 notifiées le 3 octobre 2024, la SAS Bigazzi Urbalex et la SCP [S] sollicitent la condamnation de la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de :

– 14.614 euros, avec intérêts de droit à compter de l’assignation,
– 4.720 euros, avec intérêts de droit à compter de l’assignation, au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les transactions commerciales,
– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– 3.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de la procédure.

Elles font valoir que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, qu’aucun usage professionnel ne permet de refuser le règlement des prestations effectuées pour les ventes immobilières n’ayant pas abouti et que l’étude notariale qui a demandé ces prestations est seule redevable pour le règlement des factures afférentes. Elle explique que les notes de renseignements d’urbanisme facturées ont été envoyées en original par courrier il y a plusieurs années et qu’au vu de la relation durable et au volume d’affaires traitées, certains ordres de mission ont été passés par téléphone et exécutés en application d’un contrat verbal. Elle précise enfin que le défaut de paiement des factures lui a causé un préjudice indépendant puisqu’elle a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde de justice.

Par conclusions notifiées le 9 janvier 2024, la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés conclut au débouté de la SAS Bigazzi Urbalex de sa demande en paiement des factures correspondant à des ventes n’ayant pas abouties et, en tout état de cause, conclut au débouté de l’ensemble des demandes dirigées à son encontre et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir au visa des articles 1135 et 1160 du code civil que la majorité des factures dont il est réclamé paiement concernent des prestations fournies au titre des ventes n’ayant pas abouti pour lesquelles elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour les payer et qui ne sont pas dues en vertu d’un usage commercial entre notaires et diagnostiqueurs selon lequel les prestations fournies au titre de ces ventes ne sont pas facturées en contrepartie du volume d’affaires transmis par l’étude notariale.
Elle reproche à la SAS Bigazzi Urbalex d’avoir brusquement changé sa politique commerciale en se mettant à éditer des factures pour des prestations anciennes non facturées. Elle soutient qu’en application de l’article L 110-4 du code de commerce la facture n°161231829 datée du 15 décembre 2016 d’un montant de 96 euros est prescrite.
Elle relève également que la SAS Bigazzi Urbalex ne produit pas les ordres de mission correspondant aux prestations dont le règlement est sollicité. Elle fait en outre observer que quatre des factures litigieuses ont été réglées suite à la réalisation de la transaction concernée, à savoir les factures n°1901-37409 du 18 janvier 2019, n°1904-38165 du 19 avril 2019, n°2001-40131 du 29 janvier 2020 et n°2002-40201 du 7 février 2020, pour un montant de 96 euros chacune, soit un total de 384 euros.
Elle affirme ensuite ne pas être personnellement redevable des sommes réclamées et que les prestations doivent être facturées directement à ses clients vendeurs. Elle conteste toute résistance abusive de sa part dès lors qu’elle n’est pas redevable du règlement des factures litigieuses.

La clôture de l’affaire est intervenue le 6 juin 2024 et l’affaire a été retenue à l’audience du 20 juin 2024. Le prononcé de la décision a été fixé au 21 octobre 2024 prorogé au 28 octobre 2024.

Sur la demande principale en règlement des factures

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du même code précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés ne démontre pas que l’usage commercial dont elle se prévaut et selon lequel les prestations relatives à des ventes n’ayant pas abouti ont fait l’objet d’un accord librement négocié et formalisé avec la SAS Bigazzi Urbalex. Les courriers des cabinets Tombarel et Juris Urba de 2014, produits par l’étude notariale au soutien de ses déclarations et indiquant accepter une telle pratique afin de développer leur activité avec l’étude notariale ne permettent pas de démontrer un tel usage établi et reconnu par la profession notariale et les cabinets d’urbanisme et son acceptation par la SAS Bigazzi Urbalex.

A défaut de preuve de l’usage commercial allégué, l’étude notariale reste redevable des factures établies. Elle ne peut pas non plus opposer de façon sélective que les vendeurs sont seuls redevables des frais engagés au titre des prestations réalisées dès lors qu’elle a été à l’origine de la demande de réalisation des prestations litigieuses et qu’elle a réglé sans protestation des factures similaires pour les ventes qui ont abouti.

Seront également rejetés les moyens tirés de l’absence de production des ordres de mission et des copies des notes d’urbanisme réalisées puisque l’étude notariale ne conteste pas la relation d’affaires continue qui a entraîné des demandes de prestations de sa part par voie téléphonique. Elle se contredit par ailleurs en affirmant que les factures impayées correspondent uniquement à des ventes n’ayant pas abouti et qu’elle n’était pas tenue de régler en application de l’usage commercial susmentionné, alors que les factures afférentes à des ventes ayant abouti ont été régler sans opposer l’absence d’ordre de mission et de copie de la note d’urbanisme qui a été établie.

Les factures produites contiennent en outre les informations nécessaires (nom du dossier, numéro de cadastre et type de prestation réalisée, à savoir note d’urbanisme, ERNMT, divers certificats) et permettent de confirmer la réalité des prestations dont le règlement est réclamé.

La SAS Bigazzi Urbalex ne conteste pas en revanche que la demande de règlement de la facture°161231829 datée du 15 décembre 2016 d’un montant de 96 euros est prescrite en application du délai quinquennal prévu par l’article L 110-4 du code de commerce et que les factures n°1901-37409 du 18 janvier 2019, n°1904-38165 du 19 avril 2019, n°2001-40131 du 29 janvier 2020 et n°2002-40201 du 7 février 2020 pour un montant de 96 euros chacune, soit un total de 384 euros, ont déjà été réglées.

La SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés sera par conséquent condamnée à régler à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 14.134 euros (14.614 – 96 – 384), assortie d’intérêt au taux légal à compter de l’assignation, au titre des factures impayées.

Sur la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement

La SAS Bigazzi Urbalex sollicite le règlement d’une somme de 4.720 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement au visa des articles L. 441-3 et L. 441-6 du code de commerce. Les factures produites précisent que le débiteur professionnel des sommes dues, qui ne seraient pas réglées à bonne date, est redevable de plein droit d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d’un montant de 40 euros selon l’article D. 441-5 du même code.

La SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés ne s’oppose pas à cette demande mais fait valoir que la demande de ce chef et celle relative au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive « font double emploi ».

Le dépassement des délais de paiement étant acquis et l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement étant précisée sur les factures produites, il convient de condamner la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 4.520 euros (4.720 – 5 x 40), déduction faite de l’indemnité forfaitaire correspondante à la facture prescrite et aux quatre factures réglées.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive

L’article 1231-6 alinéa 3 du code civil énonce que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires.

En l’espèce, SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés a refusé de régler les factures litigieuses malgré un avis du Conseil supérieur du notariat du 26 juillet 2016 précisant que le « paiement des prestations demandées par les notaires à des cabinets d’urbanisme ne peut, sauf accord avec le prestataire, être retardé à la signature de l’acte » et deux arrêts rendus par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence selon lesquels l’usage commercial allégué ne peut pas être opposé pour le règlement des factures.

Le défaut de règlement de plusieurs factures pendant de nombreuses années et la procédure judiciaire que la SAS Bigazzi Urbalex a été contrainte d’engager afin d’obtenir leur règlement ont contribué à ses difficultés financières entraînant l’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice à son égard. La SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés a ainsi causé à la SAS Bigazzi Urbalex un préjudice indépendant qui sera indemnisé à hauteur de 1.500 euros.
Cette demande ne fait pas double emploi avec la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, comme le soutient l’étude notariale, puisque l’indemnité forfaitaire ne couvre pas la totalité des frais de recouvrement engagés.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante au procès, la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés sera condamnée aux dépens et à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort:

CONDAMNE la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 14.134 euros, assortie d’intérêt au taux légal à compter de l’assignation, au titre des factures impayées ;

CONDAMNE la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 4.520 euros, assortie d’intérêt au taux légal à compter de l’assignation, au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les transactions commerciales ;

CONDAMNE la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés à payer à la SAS Bigazzi Urbalex la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP Jean Noël Champagne Laurent Rose Notaires Associés aux dépens de l’instance.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER                                                    LE PRÉSIDENT