Principe du contradictoire dans le cadre de la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

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Principe du contradictoire dans le cadre de la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

Contexte de la Déclaration de Maladie

M. [R], agent de magasin au sein de la SA [4], a déposé le 30 novembre 2020 une déclaration de maladie professionnelle pour une tendinopathie de l’épaule gauche, accompagnée d’un certificat médical daté du 22 décembre 2020. Après une enquête et un avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne a notifié une décision de prise en charge le 28 juillet 2021. La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté implicitement son recours, entraînant une saisine du tribunal le 10 janvier 2022.

Demandes de la SA [4]

La SA [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, de faire droit à ses demandes, et de juger que la caisse n’avait pas respecté les dispositions légales concernant la prise en charge de la maladie de M. [R]. Elle a également demandé que la décision de la caisse, reconnaissant le caractère professionnel de la maladie, soit déclarée inopposable.

Position de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie

La caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne a requis que le recours de la société soit déclaré recevable en la forme mais mal fondé, demandant son déboutement et la confirmation de l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [R], ainsi que des soins et arrêts de travail y afférents.

Irrégularités de l’Avis du Comité Régional

La société a invoqué l’irrégularité de l’avis du comité régional, arguant qu’il avait statué sans rapport ni avis motivé du médecin du travail, et que les signatures étaient des images numérisées. La caisse a rétorqué que ces motifs ne constituaient pas des conditions d’opposabilité de la décision de prise en charge, rappelant que l’avis du médecin du travail n’était pas requis si la caisse ne l’avait pas demandé.

Transmission du Dossier au Comité

L’employeur a reproché à la caisse d’avoir transmis le dossier au comité avant la fin du délai de consultation de 30 jours. La caisse a répondu que l’employeur avait eu plus de 30 jours pour consulter le dossier. Selon le code de la sécurité sociale, la caisse doit informer les parties de la transmission du dossier et leur permettre de faire des observations, ce qui n’a pas été respecté dans ce cas.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré le recours de la SA [4] recevable et a jugé inopposable à la société la décision de la caisse reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de M. [R], ainsi que toutes décisions subséquentes. La caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne a été condamnée aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG
22/00088
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
28 Octobre 2024

N° RG 22/00088 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XHPK

N° Minute : 24/01437

AFFAIRE

S.A. [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

S.A. [4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Olivier RIVOAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J097

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE
Service Contentieux
[Localité 2]

représentée par Mme [D] [V], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 17 Septembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente
Frédéric CHAU, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Dominique BISSON, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R], agent de magasin au sein de la SA [4], a établi le 30 novembre 2020 une déclaration de maladie professionnelle pour une tendinopathie de l’épaule gauche joignant un certificat médical initial en date du 22 décembre 2020 visant la même pathologie. Après enquête et avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi pour un non respect du délai de prise en charge, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne lui a notifié une décision de prise en charge le 28 juillet 2021. La société a contesté l’opposabilité de la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté implicitement son recours. Elle a alors saisi ce tribunal du litige suivant requête du 10 janvier 2022.

Aux termes de ses conclusions, la SA [4] demande au tribunal de :
– dire son recours recevable et bien fondé,
– faire droit à l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– juger que la caisse n’a pas respecté les dispositions légales et réglementaires de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de M. [R],
En conséquence,
– lui déclarer inopposable la décision de la caisse ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [R], ainsi que toutes décisions subséquentes.

Aux termes de ses conclusions, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne requiert
de :
– déclarer le recours de la société recevable en la forme mais mal fondé,
– l’en débouter,
– lui déclarer opposable la décison de prise en charge de la maladie professionnelle du 18 novembre 2020 de M. [R], et l’ensemble des soins et arrêts de travail y afférent.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les irrégularités invoquées de l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles

En premier lieu, la société sollicite l’inoppposabilité de la décision de prise en charge au motif que l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est irrégulier en ce qu’il a statué sans son rapport, ni l’avis motivé du médecin du travail, que l’avis n’est pas motivé et que les signatures sont en réalité des images numérisées.

La caisse rétorque qu’il ne s’agit pas de motifs d’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Il sera rappelé que pour les maladies professionnelles déclarées à compter du 1er décembre 2019, comme c’est le cas en l’espèce, l’avis du médecin du travail ne doit être communiqué au comité que si la caisse en avait fait la demande au cours de l’instruction qu’elle a préalablement menée, l’article R. 461-9 II du code de la sécurité sociale ne lui en faisant plus l’obligation.

Surtout, les smotifs évoqués ne pourraient que justifier une annulation de l’avis rendu, laquelle n’est pas demandée, ne constituant nullement des conditions d’opposabilité de la décision de prise en charge, aucun texte ne le prévoyant.

Ces moyens sont donc inopérants.

Sur la transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles sans attendre le délai de consultation

L’employeur reproche à la caisse d’avoir transmis le dossier au comité avant même d’avoir attendu la fin du délai de 30 jours donné aux parties pour consulter le dossier, le compléter et faire des observations.

La caisse répond que l’employeur a eu du 23 avril 2021 au 25 mai 2021, soit plus de 30 jours, pour consulter le dossier.

En effet, par lettre du 21 avril 2021 reçue le 23 avril 2021, la caisse informait la société de la transmission du dossier de M. [R] au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lui indiquant qu’Il pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 25 mai 2021 (le 24 étant férié). S’il n’a statué que le 5 juillet 2021, le comité recevait le « dossier complet » le 21 avril 2021 ainsi qu’il résulte de la première page de son avis.

Or l’article R. 461-10 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 1er décembre 2019 dispose : Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information. La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur…

L’article D. 461 – 29 du code de la sécurité sociale ajoute que le dossier examiné par le comité comporte les observations et éléments éventuellement produits par la victime ou ses représentants et l’employeur.

Ce principe doit être rapproché de l’article D. 461 – 30 qui prévoit que l’audition des parties n’est qu’une faculté du comité.

Dès lors, priver l’employeur de pouvoir consulter le dossier avant sa transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles le prive par conséquent aussi de sa possibilité de faire valoir des observations adaptées.

Il en résulte une violation du principe du contradictoire qui doit conduire à déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de M. [R] au titre d’une maladie professionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE le recours de la SA [4] recevable,

DÉCLARE inopposable à SA [4], la décision de la caisse ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée le 30 novembre 2020 par M. [R], ainsi que toutes décisions subséquentes,

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne aux dépens.

Et le présent jugement est signé par Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


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