Contexte de l’affaireM. [X] [V] et M. [P] [H] étaient associés de la société Aluminium European, SAS, qui a contracté un prêt de 72 000 euros auprès de la BRED Banque Populaire pour l’achat d’un fonds de commerce. Les deux associés se sont portés cautions personnelles et solidaires pour un montant de 86 400 euros chacun. Procédure de liquidation judiciaireLe tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Aluminium European le 10 juin 2015. La BRED Banque Populaire a déclaré sa créance de 49 325,07 euros, qui a été admise au passif de la société. Mises en demeure et assignationAprès la liquidation, la BRED Banque Populaire a mis en demeure M. [V] et M. [H] de rembourser la somme due. Plusieurs mises en demeure ont été envoyées sans réponse, conduisant à une assignation en paiement devant le tribunal de commerce de Créteil en décembre 2021. Jugement du tribunal de commerce de CréteilLe 9 mai 2023, le tribunal a débouté M. [H] de ses demandes de nullité et de prescription, et a condamné M. [H] et M. [V] à verser 51 967,99 euros à la BRED, en plus des intérêts. M. [H] a interjeté appel de ce jugement. Arguments de M. [H] en appelM. [H] a contesté le jugement en invoquant la nullité de l’assignation, la prescription de l’action de la banque, et la disproportion de son engagement de caution. Il a également soutenu que la BRED n’avait pas respecté son devoir d’information et de conseil. Réponse de la BRED Banque PopulaireLa BRED a demandé la confirmation du jugement de première instance, arguant que M. [H] était irrecevable et mal fondé dans ses demandes. Elle a également réclamé le paiement de la somme due avec intérêts. Décisions sur la nullité de l’assignation et la prescriptionLa cour a confirmé que l’assignation était valide et que l’action de la BRED n’était pas prescrite, le délai de prescription ayant été interrompu par la déclaration de créance. Sur la disproportion du cautionnementM. [H] n’a pas réussi à prouver que son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La cour a donc rejeté sa demande d’inopposabilité de son engagement. Obligation d’information et de mise en gardeLa cour a constaté que la BRED n’avait pas respecté son obligation d’informer M. [H] des incidents de paiement, entraînant la déchéance des intérêts conventionnels. Cependant, M. [H] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil. Conclusion et condamnationsLa cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Créteil, en ajustant le montant dû par M. [H] à 40 524,85 euros, avec intérêts, et a condamné M. [H] à payer 1 500 euros à la BRED au titre des frais de justice. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 23 OCTOBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/10799 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZ6P
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2023 – tribunal de commerce de Créteil – 2ème chambre – RG n° 2022F00070
APPELANT
Monsieur [P] [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie-Christine BEGUIN de la SELAS CABINET BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254
INTIMÉE
BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 3]
N°SIRET : 552 091 795
agissant poursuites et diligences du directeur général domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Johanna GUILHEM de l’ASSOCIATION ASSOCIATION LASNIER-BEROSE et GUILHEM, avocat au barreau de PARIS, toque : R239, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence CHAINTRON,conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [X] [V] et M. [P] [H] étaient associés de la société Aluminium European, SAS au capital de 8 000 euros, immatriculée au RCS de Bobigny, sous le numéro 538 126 095, exploitant sous l’enseigne Crealux à [Localité 5].
Par acte sous seing privée du 29 mars 2012, la société BRED Banque Populaire (BRED Banque Populaire) a consenti à la société Aluminium European un prêt d’un montant de 72 000 euros, destiné à l’achat d’un fonds de commerce de menuiserie aluminium remboursable en 84 mois, au taux de 4,50 % (majoré de 3 % en cas d’impayé).
Par deux actes séparés du 20 janvier 2012, M. [V] et M. [H] se sont chacun portés cautions personnelles et solidaires des engagements souscrits par la société Aluminium European au profit de la BRED Banque Populaire dans la limite chacun de la somme de 86 400 euros pour une durée de 108 mois.
Par jugement du 10 juin 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Aluminium European.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 juin 2015, la BRED Banque Populaire a déclaré sa créance, à titre privilégié, pour un montant de 49 325,07 euros au titre du prêt.
Le 21 avril 2016, la créance de la BRED Banque Populaire a été admise au passif de la société Aluminium European à titre privilégié pour la somme de 49 325,07 euros.
Par courrier du 30 août 2016, le mandataire judiciaire a indiqué à la BRED Banque Populaire que les opérations de liquidation judiciaire étaient vouées à une clôture pour insuffisance d’actifs qui a été prononcée le 31 mai 2017.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 juin 2015, la BRED Banque Populaire a mis en demeure, M. [V] et M. [H], en leur qualité de cautions solidaires, de rembourser la somme de 49 325,07 euros restant due par la société Aluminium European.
De nouvelles mises en demeure ont vainement été adressées aux cautions, par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 30 décembre 2016, 9 mai 2018, 23 janvier 2019 et 4 janvier 2021.
Par exploits d’huissier du 27 décembre 2021 signifié à personne pour M. [H] et suivant procès verbal article 659 du code de procédure civile pour M. [V], la BRED Banque Populaire a fait assigner en paiement les cautions devant le tribunal de commerce de Créteil.
Par jugement rendu le 9 mai 2023, le tribunal de commerce de Créteil a :
– débouté M. [H] de sa demande de nullité de l’assignation ;
– débouté M. [H] de sa demande de prescription ;
– débouté M. [H] de sa demande d’inopposabilité pour disproportion de son engagement;
– condamné in solidum M. [H] et M. [V] à verser à la BRED la somme de 51 967,99 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2021 ;
– débouté M. [H] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
– condamné M. [H] à payer à la BRED la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la BRED du surplus de sa demande ;
– condamné solidairement M. [H] et M. [V] aux dépens.
Par déclaration du 19 juin 2023, M. [H] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2024, M. [H] demande, au visa des articles L. 137-2, L. 332-1, L. 343-4, L. 343-5, L. 343-6 et L. 333-1 du code de la consommation, L. 313-22 du code monétaire et financier, 1240 du code civil, 54 et 700 du code de procédure civile, L. 110-4-I du code de commerce, 2219 et suivants du code civil, à la cour de:
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil dont appel en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
A titre principal et in limine litis,
– juger que la prétendue autorisation de l’épouse commune en biens est nulle et de nul effet,
– juger que l’assignation qu’a fait délivrer la société BRED Banque Populaire est nulle,
– juger que l’action de la BRED Banque Populaire est prescrite,
A titre subsidiaire,
– juger disproportionné l’engagement de caution souscrit par lui au regard de ses capacités financières au moment de la souscription et au jour de la mise en ‘uvre,
– juger que la BRED Banque Populaire ne peut pas se prévaloir de la caution à ce titre,
– juger que la caution lui est inopposable,
Subsidiairement,
– juger que la caution donnée par l’appelant est nulle et de nul effet,
A titre très subsidiaire,
– dire et juger que la créance dont le paiement est réclamé par la société BRED Banque Populaire a un caractère incertain dans son montant et est donc non exigible,
– débouter la BRED Banque Populaire de ses demandes, fin et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire,
– juger qu’il n’est pas redevable de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités, dont la déchéance doit être constatée,
En tout état de cause,
– juger que la BRED Banque Populaire n’a pas satisfait à l’obligation d’information et de conseil qui lui incombait en qualité d’établissement financier,
– condamner la BRED Banque Populaire au paiement de 20 000 euros au titre de la violation de son devoir d’information et de conseil,
– débouter la BRED Banque Populaire de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la BRED Banque Populaire à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2023, la BRED Banque Populaire, demande au visa des articles 1103, 1104, 1344, 1231-6, 1313, 2288 et suivants du code civil, à la cour de :
– juger M. [H] irrecevable et mal fondé en son appel et le débouter de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil, en date du 9 mai 2023, en toutes ses dispositions ;
– la juger recevable et bien fondée en ses demandes,
– condamner M. [P] [H], en qualité de caution solidaire de la SARL Aluminium European, à lui payer la somme de 51 967,99 euros, outre intérêts au taux légal, sur la somme en principal de 49 325,07 euros, à compter du 20 octobre 2021, date de l’arrêté de compte, jusqu’à parfait paiement,
– condamner M. [P] [H] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’appelant aux entiers dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024 et l’audience fixée au 12 septembre 2024.
Sur la nullité de l’assignation
M. [H] soulève, au visa de l’article 54 du code de procédure civile, la nullité de l’assignation au motif qu’elle ne comportait, ni sa profession, ni sa nationalité.
La BRED Banque Populaire relève que, d’une part, M. [H] a été régulièrement assigné et a mandaté un avocat pour le représenter, et d’autre part, il ne justifie pas de l’existence d’un grief tiré du défaut d’indication de sa nationalité et de sa profession.
Les mentions prescrites, à peine de nullité, par l’article 54 du code de procédure civile concernent le demandeur à l’action et non le défendeur, de sorte que M. [H] ne peut se prévaloir de ces dispositions pour fonder sa demande de nullité de l’assignation.
En tout état de cause, l’exploit introductif d’instance délivré le 27 décembre 2021 à M. [H] comporte, s’agissant de la BRED Banque Populaire, les mentions prescrites par l’article 54 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de nullité de l’assignation.
Sur la prescription
M. [H] soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la banque. Il soutient au visa des dispositions des articles L. 622-25-1 et L. 110-4 I du code de commerce, que la déclaration de créance datant du 22 juin 2015, le délai de prescription a expiré le 22 juin 2020, de sorte que l’action introduite par assignation du 27 décembre 2021 est irrecevable comme prescrite.
Il se prévaut également, en sa qualité de personne physique, de la prescription biennale édictée à l’article L. 137-2 du code de la consommation et en déduit que, nonobstant une éventuelle interruption de la prescription par la déclaration de créance, la prescription de deux ans est acquise depuis le 31 mai 2019.
La banque réplique que le délai de prescription applicable en l’espèce est le délai de cinq ans prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce. En effet, le régime de prescription de la caution suit celui du débiteur principal, compte tenu du caractère accessoire de l’engagement de caution et de la solidarité. En l’espèce, le délai de prescription a été interrompu par la déclaration de créance effectuée au passif de la liquidation judiciaire de la société Aluminium European, le 22 juin 2015. Cet effet interruptif de prescription opposable aux cautions, s’est poursuivi jusqu’à la clôture de la procédure collective qui est intervenue le 31 mai 2017. A compter de cette date, un nouveau délai de 5 ans a couru jusqu’au 31 mai 2022. Dans ces conditions, la prescription n’était aucunement acquise à la date de l’assignation.
Il est de jurisprudence constante que le cautionnement est de nature commerciale lorsque la caution, même non commerçante, a un intérêt patrimonial personnel à garantir la dette qui est commerciale (Com. 7-7-1969, n° 68-12.804 : Bull. civ. IV n° 262 ; Com. 22-4-1997, n° 882 : RJDA 8-9/97 n° 1077 ; Com. 21-2-2006, n° 05-10.363 F-D : RJDA 6/06 n° 701).
En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre le tribunal, il ressort des statuts de la société Aluminium European, dont M. [H] s’est porté caution, que celui-ci en était associé fondateur et qu’il détenait 50 % des 8 000 parts composant le capital social de cette société (pièce n° 1 de la banque).
Le délai de prescription applicable est donc celui de cinq ans prévu à l’article L. 110-4 du code de commerce, et non, comme le soutient vainement M. [H] le délai de prescription biennale prévu à l’article L. 137-2 du code de la consommation.
Il ressort des dispositions de l’article L. 622-25-1 du code de commerce que la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites. Il est de jurisprudence constante que cet effet interruptif est opposable à la caution.
En l’espèce, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Aluminium European le 10 juin 2015, la BRED Banque Populaire a régulièrement déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 22 juin 2015 à hauteur de la somme de 49 325,07 euros à titre privilégié au titre du prêt d’un montant de 72 000 euros (pièce n° 5 de la banque).
Il ressort de l’extrait Kbis de la société Aluminium European (pièce n° 1 de la banque) que par jugement du 31 mai 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif.
Le délai de prescription de l’action en paiement de la BRED Banque Populaire ayant été interrompu à compter du 22 juin 2015 (date de la déclaration de créance) jusqu’au 31 mai 2017 (date de la clôture de la procédure), l’action en paiement initiée par assignation du 27 décembre 2021, soit dans le délai de 5 ans à compter du 31 mai 2017, est recevable comme non prescrite.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a déclaré recevable comme non prescrite l’action en paiement de la BRED Banque Populaire.
Sur le devoir d’information et la disproportion du cautionnement
M. [H] se prévaut de l’inopposabilité de son engagement de cautionnement en raison de son caractère disproportionné à ses biens et revenus à la date de sa souscription. Il reproche à la banque de ne pas produire de fiche patrimoniale et de ne pas avoir déféré à la sommation de communiquer cette fiche qui lui a été délivrée. Il soutient également qu’il avait ‘besoin d’être informé de la réalité de l’engagement sollicité.’ Il relève encore qu’alors que les époux [H] sont mariés sous le régime de la communauté, la banque n’a pas sollicité l’accord de l’épouse et verse aux débats un faux grossier.
La banque expose que M. [H] ne rapporte pas la preuve de la disproportion de son engagement au moment où il a été signé.
S’agissant du prétendu manquement au devoir d’information de la banque, ainsi qu’indiqué M. [H] était associé de la société cautionnée. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats par la banque que M. [H] détenait 50 % des parts de la SCI Mina, immatriculée au RCS de Créteil le 6 décembre 2012 sous le n° 531 364 834, dont il était également gérant (pièces de la banque n° 19 à 21). Il exerçait également, à la date de son cautionnement, des mandats de gérant au sein des SARL MK Boucherie (RCS de Créteil 508 582 657) immatriculée le 16 octobre 2008 et Boucherie musulmane de [Localité 6] (RCS de Paris 499 094 514) immatriculée le 10 juillet 2007 (pièces de la banque n° 25 et 26).
Il s’en déduit que M. [H] avait parfaitement conscience de la portée de l’engagement de cautionnement souscrit au profit de la société Aluminium European dans la limite de la somme de 86 400 euros, de sorte que la banque n’était tenue à aucune obligation d’information à son égard.
S’agissant du prétendu défaut de consentement de l’épouse de M. [H] au cautionnement donné par son époux, la banque verse aux débats l’acte de cautionnement du 20 janvier 2012 qui comporte la mention manuscrite suivante :
‘Je soussignée Madame [H] née [K] [G] épouse de Monsieur [H] [P], déclare expressément donner mon accord à l’engagement de caution figurant ci-dessus et avoir connaissance que c’est l’ensemble de nos biens communs qui répond de cet engagement.
Fait à Créteil le 20 janvier 2012″
suivie de la signature de Mme [H].
M. [H] soutient vainement que ce texte et celui de la caution auraient été écrits par la même personne au motif que les ‘t’ et le ‘d’ seraient identiques, ce qui est totalement inexact les ‘t’ et les ‘d’ figurant à la mention manuscrite écrite par M. [H] différant de ceux écrits par son épouse.
Il sera donc retenu que Mme [H] a consenti au cautionnement donné par son époux, ce dernier étant débouté de ses demandes à ce titre.
S’agissant de la disproportion alléguée, en application des dispositions de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation, dans sa version en vigueur applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions des textes précités du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu’elle s’engage, dans l’impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s’apprécie lors de la conclusion de l’engagement, au regard du montant de l’engagement, de l’endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude.
En l’espèce, M. [H] se contente dans ses écritures de citer la jurisprudence rendue en application des dispositions de l’article L. 341-4, ancien, du code de la consommation, mais ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier sa situation financière et patrimoniale à la date de la souscription de son engagement, de sorte qu’il ne rapporte pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son cautionnement à la date de sa souscription.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande d’inopposabilité à la banque de son engagement de caution souscrit dans la limite de la somme de 86 400 euros.
Sur l’obligation d’information annuelle de la caution et d’information du premier incident de paiement
M. [H] sollicite, au visa de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités de la banque pour défaut d’information annuelle de la caution. Il forme la même demande, au visa de l’article L. 343-5 du code de la consommation, pour défaut d’information sur le premier incident de paiement.
La BRED Banque Populaire reconnaît qu’elle n’est pas en mesure de verser aux débats les lettres d’information qui ont été adressées à M. [H]. Elle relève, cependant qu’elle n’encourt que la déchéance des intérêts au taux contractuel et qu’il ressort des décomptes versés aux débats qu’elle sollicite des intérêts au taux légal sur la créance admise.
En application de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Cette information est due jusqu’à l’extinction de la dette. La charge de la preuve de l’envoi de l’information incombe à la banque, qui n’a pas à justifier de sa réception. Cette preuve peut être effectuée par tout moyen.
La sanction du défaut d’information annuelle est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, la caution restant néanmoins personnellement redevable des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure dont elle a fait l’objet, par application des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l’espèce, comme elle le reconnaît elle-même, la banque ne justifie ni de l’envoi, ni de la réception des lettres d’information annuelle de la caution.
La déclaration de créance de la banque du 22 juin 2015 au passif de la société Aluminium European comporte des intérêts contractuels sur le capital restant dû au 25 mai 2015 au taux contractuel majoré de 3 points du 25 mai 2015 au 10 juin 2015, sur les échéances échues du 25 décembre 2014 au 25 mai 2015 et sur les échéances impayées au taux contractuel majoré de 3 points du 25 décembre 2014 au 10 juin 2015 à hauteur de la somme totale de 6 463,29 euros qui doit donc être déduite du montant de la créance en principal de la banque qui s’élevait à la somme de 49 325,07 euros.
Il ressort par ailleurs des dispositions de l’article L. 333-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur applicable au litige, que :
‘Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.’
Selon l’article L. 343-5 de ce code, dans sa version en vigueur applicable au litige, ‘Lorsque le créancier ne se conforme pas à l’obligation définie à l’article L. 333-1, la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.’
Il est de jurisprudence constante en application de cet article que l’indemnité forfaitaire de recouvrement constitue une pénalité au sens de ces dispositions (Civ. 1ère 19 juin 2013, n° 12-18.478).
En l’espèce, il n’est pas contesté que la banque n’a pas informé la caution du premier incident de paiement non régularisé survenu le 25 décembre 2014.
La banque doit donc être également déchue du montant de l’indemnité forfaitaire de recouvrement figurant à la déclaration de créance à hauteur de la somme de 2 336,93 euros.
En définitive, le décompte de la créance de la banque à l’égard de la caution s’établit à la somme de 40 524,85 euros (49 325,07 euros – 6 463,29 euros – 2 336,93 euros) à laquelle il convient de condamner M. [H] avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2015, date de la mise en demeure de payer, le jugement déféré étant infirmé en ce qu’il a condamné M. [H] au paiement de la somme de 51 967,99 euros à ce titre, outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2021.
Il n’y a pas lieu de statuer sur le moyen tiré du caractère incertain de la créance de la banque, dès lors que les développements de M. [H] sur ce point tiennent principalement à l’application de l’indemnité de résiliation et aux taux d’intérêts contractuels appliqués, dont la banque a été déchue.
Sur le devoir de conseil et de mise en garde
M. [H] soutient qu’il n’est pas le rédacteur de la mention manuscrite figurant à l’acte de cautionnement au motif que l’écrit différerait de sa signature.
Il allègue par ailleurs que la BRED Banque Populaire a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à son égard, en raison d’un risque d’endettement né de son engagement de caution et sollicite la condamnation de la banque à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre.
La banque réplique que M. [H] avait connaissance de la portée de son engagement. Elle expose qu’elle n’était pas tenue d’un devoir de conseil et de mise en garde à l’égard de M. [H] en sa qualité de caution avertie.
S’agissant de l’allégation de l’appelant selon laquelle, il n’est pas le rédacteur de la mention manuscrite figurant à l’acte de cautionnement, force est de constater que M. [H] ne verse aux débats aucun écrit de sa part et la mention manuscrite ‘je dis ‘figurant’ précédant sa signature qu’il ne conteste pas, est en tous points conformes à la mention manuscrite figurant à l’acte de cautionnement.
Il s’en induit que M. [H] est bien le rédacteur de la mention manuscrite figurant à l’acte de cautionnement.
Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est de jurisprudence constante que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur (Com. 15 nov. 2017 n° 16-16.790 FS-PBI : RJDA 3/18 n° 270′; Com. 9 oct. 2019 n° 18-12.813 F-D : RJDA 1/20 n° 47). Elle ne l’est à l’égard d’une caution avertie que si elle détient des informations que celle-ci ignorait sur les revenus de l’emprunteur garanti, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération (Com. 20 avr. 2017 n° 15-16.184 F-D : RJDA 10/17 n° 664 ; Com. 10 mars 2009, n° 08-10.721; Com. 22 nov. 2011, n° 10-25.197).
En l’espèce, ainsi que précédemment indiqué, M. [H] était gérant de la société cautionnée et exerçait à la date de son cautionnement des mandats de gérant au sein des SARL MK Boucherie depuis le 16 octobre 2008 et Boucherie musulmane de [Localité 6] depuis le 10 juillet 2007. Il était également gérant de la SCI Mina.
Il s’en déduit que M. [H] avait une expérience et de réelles et solides connaissances dans la vie des affaires depuis près de cinq ans lors de la souscription de l’engagement litigieux, de sorte qu’il avait la qualité de caution avertie et que la banque n’était tenue à aucune obligation de mise en garde à son égard, dès lors qu’il n’est pas allégué que la banque aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération, des informations que lui-même aurait ignorées.
C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de M. [H]. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelant sera donc condamné aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, M. [H] sera condamné à payer à la BRED Banque Populaire la somme de 1 500 euros.
LA COUR,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 9 mai 2023, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [P] [H] ;
Statuant à nouveau du chef de la décision infirmée et y ajoutant,
CONDAMNE M. [P] [H] à payer à la société BRED Banque Populaire la somme de 40 524,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2015 dans la limite d’un montant de 86 400 euros ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [P] [H] à payer à la société BRED Banque Populaire la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [P] [H] aux entiers dépens ;
REJETTE toute autre demande.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT