Liquidation des biens et responsabilités fiscales : enjeux et conséquences dans le cadre d’une séparation

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Liquidation des biens et responsabilités fiscales : enjeux et conséquences dans le cadre d’une séparation
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Contexte du mariage et du divorce

Monsieur [B] et Madame [N] se sont mariés le [Date mariage 5] 2002 sous le régime de la séparation de biens. Le divorce a été prononcé par un arrêt de la Cour le 9 avril 2014, confirmé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 29 novembre 2016, sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire.

Liquidation des intérêts patrimoniaux

Les parties ont sollicité Maître [O], notaire, pour procéder à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, ce qui a conduit à un procès-verbal de difficultés le 24 juillet 2017. Monsieur [B] a ensuite assigné Madame [N] le 9 janvier 2018 pour obtenir le paiement de 279.284,63 euros au titre de la soulte.

Expertise judiciaire

Le juge de la mise en état a d’abord débouté Monsieur [B] de sa demande d’expertise le 18 mars 2019, mais a finalement ordonné une expertise le 18 novembre 2019 pour évaluer la valeur d’un bien immobilier acquis par Madame [N] et les travaux réalisés pendant le mariage. Le rapport d’expertise a été déposé le 23 février 2021.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 8 juin 2023, le juge aux affaires familiales a rendu un jugement contradictoire, déclarant irrecevable la demande de remboursement de 67.000 euros de Monsieur [B], condamnant Madame [N] à payer 181.183 euros pour les travaux, et déboutant les deux parties de plusieurs autres demandes, tout en ordonnant l’exécution provisoire du jugement.

Appel de Madame [N]

Madame [N] a interjeté appel le 18 juillet 2023 concernant plusieurs dispositions du jugement, notamment la condamnation à payer 181.183 euros et le débouté de sa demande de redressement fiscal.

Suspension de l’exécution provisoire

Le 19 janvier 2024, le premier président de la Cour a suspendu l’exécution provisoire de la décision, a déclaré qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile, et a condamné Madame [N] aux dépens.

Conclusions de Madame [N]

Dans ses conclusions du 11 janvier 2024, Madame [N] a demandé la confirmation de certaines parties du jugement tout en demandant une réforme concernant la somme de 181.183 euros et d’autres demandes.

Conclusions de Monsieur [B]

Monsieur [B] a, dans ses conclusions du 12 mars 2024, demandé la confirmation de la condamnation de Madame [N] à payer 181.183 euros, tout en faisant appel incident pour d’autres demandes, notamment concernant le remboursement de la SCI [9].

Analyse des demandes de remboursement

Le tribunal a examiné les demandes de remboursement de Monsieur [B] et de Madame [N] concernant les travaux et le redressement fiscal, en tenant compte des éléments de preuve fournis par les parties.

Décision de la Cour

La Cour a déclaré irrecevable l’appel de Madame [N] concernant la somme de 181.183 euros, a confirmé le jugement sauf en ce qui concerne la charge de la dette fiscale, et a statué que Monsieur [B] devait seul supporter cette charge. Les demandes de remboursement des parties ont été rejetées en raison de l’absence de preuves suffisantes.

Conclusion sur les dépens

Chaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens, et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/03503
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/03503 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I72W

ACLM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

08 juin 2023

N°21/00869

[N]

C/

[B]

Grosse délivrée le

23/10/2024 à :

Me VAJOU

Me POMIES RICHAUD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

3ème chambre famille

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre,

Mme Isabelle ROBIN, Conseillère,

Mme Delphine DUPRAT, Conseillère,

En présence de Mme [L] [K], Assistante de justice

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffière,

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2024.

APPELANTE :

Madame [T] [N] (MINEURE)

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me BECHEROT-JOANA de la SELARL D’AVOCATS BECHEROT-GATTA-ARNAUD, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

Représentée par la SELARL LX NIMES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [W] [B]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Martine BAHEUX de la SELAS BAHEUX, Plaidant, avocat au barreau de NICE

Représenté par la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 août 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre, le 23 octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [B] et Madame [N] se sont mariés le [Date mariage 5] 2002 avec contrat de mariage préalable adoptant le régime de la séparation de biens.

Le divorce a été prononcé par arrêt de cette Cour en date du 9 avril 2014, confirmé sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire due par l’époux par arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 29 novembre 2016 ayant statué après renvoi de la Cour de cassation.

Les parties ont saisi Maître [O], notaire, aux fins de procéder à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, lequel a dressé le 24 juillet 2017 un procès-verbal de difficultés.

Par acte d’huissier du 9 janvier 2018, Monsieur [B] a fait assigner Madame [N] devant le juge aux affaires familiales d’Avignon aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 279.284,63 euros au titre de la soulte lui revenant après les opérations de liquidation.

Par ordonnance du 18 mars 2019, le juge de la mise en état a débouté Monsieur [B] de sa demande de commission d’un expert aux fins de détermination de la valeur du bien à la date de son acquisition par Madame [N] et de la valeur dudit bien à la date du divorce des parties.

Puis par ordonnance du 18 novembre 2019, le juge de la mise en état a ordonné une expertise et commis Madame [S] avec mission de déterminer la valeur du bien sis à [Localité 7], acquis par Madame [N], lors de son acquisition, le montant des travaux exécutés pendant le mariage par les époux, la valeur dudit bien à la date du prononcé du divorce, soit le 29 novembre 2016, et la plus-value apportée.

Le rapport d’expertise a été déposé le 23 février 2021.

Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2023, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d’Avignon a :

– déclaré irrecevable la demande en remboursement formée par Monsieur [B] à hauteur de 67.000 euros au titre du remboursement du crédit contracté auprès de la BPE,

– condamné Madame [N] à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183 euros au titre des travaux financés par ses soins sur le bien immobilier appartenant en propre à Madame [N] situé à [Localité 7],

– débouté Monsieur [B] de sa demande supplémentaire relative à la plus-value apportée à l’immeuble par ces travaux,

– débouté Monsieur [B] de sa demande d’un montant de 261.684,35 euros au titre de son compte associé dans la SCI [9],

– débouté Madame [N] de sa demande à hauteur de 101.404,28 euros au titre du redressement fiscal,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné Madame [N] et Monsieur [B] à supporter chacun par moitié le paiement des dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire,

– débouté Madame [N] et Monsieur [B] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration en date du 18 juillet 2023, Madame [N] a relevé appel de la décision en ses dispositions la condamnant à payer la somme de 181.183 euros, la déboutant de sa demande au titre du redressement fiscal, ordonnant l’exécution provisoire, la condamnant par moitié aux dépens, la déboutant de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboutant du surplus de ses demandes.

Par ordonnance du 19 janvier 2024, le premier président de cette Cour, saisi par Madame [N], a suspendu l’exécution provisoire attachée à la décision, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Madame [N] aux dépens.

Par ses dernières conclusions remises le 11 janvier 2024, Madame [N] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

-déclaré irrecevable la demande de remboursement formée par Monsieur [B] à hauteur de 67.000€ au titre du remboursement du crédit contracté auprès de la BPE,

-débouté Monsieur [B] de sa demande supplémentaire relative à la plus-value apportée à l’immeuble par ces travaux.

-débouté Monsieur [B] de sa demande d’un montant de 261.684.35€ au titre du compte associé de la SCI [9].

– Statuant à nouveau,

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

-condamné Madame [N] à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183€ au titre des travaux financés par ses soins sur le bien immobilier appartenant en propre à Madame [N] situé à [Localité 7],

-débouté Madame [N] de sa demande d’un montant de 101.404.28€ au titre d’un redressement fiscal

-condamné Monsieur [B] et Madame [N] à supporter chacun par moitié le paiement des dépens de la présente instance en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

-débouté Madame [N] de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et du surplus de ses demandes.

-ordonné l’exécution provisoire.

– Ce faisant :

– Juger que Monsieur [B] est débiteur de la somme de 101.404,28€ au profit de Madame [N].

– Le condamner à verser ce montant à la concluante.

– En tout état de cause,

– Débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes fins et conclusions, et de plus fort de son appel incident.

– Condamner Monsieur [B] à la somme de 3500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner le même aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions remises le 12 mars 2024, Monsieur [B] demande à la cour de :

– Confirmer la décision rendue par le juge aux affaires familiales du Tribunal Judiciaire d’Avignon le 8 juin 2023 en ce qu’elle a condamné Madame [N] à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183 euros au titre des travaux financés par Monsieur [B] sur la propriété de Madame [N],

– Débouter par conséquent Madame [N] de son appel.

– Faire droit à l’appel incident du concluant

– Infirmer la décision rendue par le juge aux affaires familiales du Tribunal Judiciaire d’Avignon le 8 juin 2023 en ce qu’elle a débouté Monsieur [B] de sa demande au titre du remboursement du boni de liquidation de la SCI [9].

– Condamner Madame [N] à lui payer à ce titre la somme de 127.973,66 Euros, – L’infirmer en ce qu’elle a débouté Monsieur [B] de sa demande en remboursement de la moitié du montant de l’ATD pratiqué par le Trésor public,

– Condamner par conséquent Madame [B] à lui payer la somme de 101.404,26 euros,

– Condamner Madame [N] à payer à Monsieur [B] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du CPC,

– Condamner Madame [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraction faite au profit de la selarl LAMY POMIES RICHAUD, Avocat à la Cour d’Appel de Nîmes.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Sur la somme de 181.183 euros au titre des travaux sur le bien immobilier personnel de Madame [N] :

En première instance, Monsieur [B] demandait au premier juge de donner acte à Madame [N] de ce qu’elle reconnaissait lui devoir la somme de 181.183 euros au titre des travaux qu’il avait réalisés et financés sur son bien personnel, et de la condamner par conséquent à lui payer cette somme.

Il réclamait en outre la condamnation de Madame [N] à lui payer la somme de 89.250 euros au titre de la moitié de la plus-value apportée à l’immeuble par ces travaux.

Madame [N], quant à elle, demandait de juger que Monsieur [B] ne pouvait prétendre qu’au remboursement du coût des travaux qu’il avait réglé, à savoir 181.183 euros, et de le débouter de sa demande au titre de la plus-value.

Le premier juge relevait que :

– le principe même de la créance due par Madame [N] à Monsieur [B] au titre du remboursement des travaux financés par lui à hauteur de 181.183 euros n’était pas contesté,

– le rapport d’expertise judiciaire retenait que la plus-value apportée par les travaux effectués durant le mariage s’élevait à 178.500 euros, alors que la dépense financée par Monsieur [B] s’élevait à 181.183 euros,

– Madame [N] ne contestait que la demande de Monsieur [B] au titre de la plus-value.

Faisant application des dispositions des articles 1543, 1479 et 1469 du code civil aux termes desquelles la créance est en général égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant, et ne peut toutefois être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire, le premier juge a condamné Madame [N] à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183 euros représentant la dépense faite par lui, et a débouté Monsieur [B] de sa prétention au titre de la plus-value comme consistant à se faire indemniser deux fois pour la même dépense.

Devant la cour, le débouté de Monsieur [B] en sa demande au titre de la plus-value n’est pas contesté, et seule Madame [N] forme appel de la disposition l’ayant condamnée à payer la somme de 181.183 euros.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que les travaux ont été financés uniquement par l’emprunt contractés par les époux auprès de la BPE, qu’elle a, pendant l’expertise, justifié des travaux complémentaires qu’elle a faits seule par des factures et des témoignages, et ce grâce à ses revenus professionnels et revenus locatifs saisonniers, et qu’après la séparation, elle a continué à améliorer et entretenir les lieux.

Elle prétend que, durant l’expertise comme durant la procédure, Monsieur [B] s’est contenté de critiquer les factures versées par elle aux débats mais n’a jamais apporté aucune pièce justifiant d’investissements, en dehors de l’emprunt auprès de la BPE.

Elle estime qu’en conséquence Monsieur [B] ne justifie en rien le montant de 181.183€ retenu par l’expert et le tribunal judiciaire, et souligne que dans ses conclusions, il ne formule aucune objection ou argument sur ce point.

Monsieur [B] s’oppose à cette demande, en faisant valoir que Madame [N] n’a jamais contesté le rapport d’expertise et les montants retenus par l’expert, que l’expert a d’ailleurs expressément constaté que la somme due au concluant n’était pas contestée par celle-ci, et en s’étonnant que l’appelante puisse revendiquer avoir réglé les travaux avec des revenus professionnels ou locatifs puisque, d’une part, elle n’a bénéficié de revenus locatifs qu’après exécution des travaux, et d’autre part, elle a fait état tout au long de la procédure de revenus professionnels très modestes, voire inexistants.

– SUR CE :

En application de l’article 546 du code de procédure civile, le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n’y a pas renoncé.

L’appel de celui qui a été rempli de ses droits n’est recevable que si postérieurement aux débats est révélée une information de nature à affecter la teneur de ses prétentions et l’appréciation de celles-ci par le premier juge.

Le défaut d’intérêt à agir en appel est constitutif d’une fin de non-recevoir dont le régime est précisé à l’article 125 alinéa 2 du code de procédure civile. Il peut être relevé d’office par le juge.

Les parties ont été sollicitées sur cette question lors de l’audience avec possibilité de remise d’une note en délibéré, ce dont elles ont fait usage.

Devant le premier juge, Madame [N] a obtenu satisfaction en sa demande, ayant admis la créance de Monsieur [B] au titre des travaux, en son principe comme en son montant, n’ayant sollicité le débouté que pour le surplus des prétentions.

Dans ces conditions, n’invoquant aucune information postérieure aux débats de première instance de nature à affecter la teneur de ses prétentions et leur appréciation par le premier juge, l’appel formé par Madame [N] du chef de sa condamnation à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183 euros au titre des travaux par lui financés est irrecevable.

2/ Sur la somme de 101.404,28 euros au titre du redressement fiscal et sur la demande de Monsieur [B] au titre du remboursement du boni de liquidation de la SCI [9] à hauteur de 127.973,66 euros :

Il est constant que la SCI [9] que les parties avaient constituée a été liquidée suite à la vente du seul bien immobilier qu’elle possédait au prix de 345.000 euros, le produit de la vente devant être, aux termes du rapport du liquidateur amiable du 29 mars 2018, réparti entre les associés à hauteur de 330.782,22 euros en faveur de Monsieur [B] et 7.417,78 euros en faveur de Madame [N].

Le premier juge a relevé qu’était produit aux débats un avis à tiers détenteur du 2 septembre 2010 à hauteur de 189.104 euros au titre de l’impôt sur le revenu 2003, 2004 et 2005, mais qu’aucune des parties n’établissait l’acquittement par le notaire de la somme de 202.808,90 euros suite à cet avis à tiers détenteur ou l’acquittement du prix de vente du bien immobilier qui était détenu par la SCI et qui devait être réparti entre les parties en suite de la liquidation de la SCI.

De plus, indiquant que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale, qui ne constituait pas une charge du mariage, était déterminée au prorata de l’impôt dont ils auraient été redevables s’ils avaient fait l’objet d’une imposition séparée, le premier juge a relevé qu’aucun des époux ne justifiait d’un calcul proportionnel quant aux revenus effectivement perçus par chacun d’eux sur la période visée, ajoutant que le fait pour Madame [N] d’avoir été relaxée pour les faits de fraude fiscale était sans conséquence sur la charge de l’impôt.

C’est dans ces conditions que Madame [N] a été déboutée de sa demande de fixation d’une créance à son profit à l’encontre de Monsieur [B] à hauteur de 101.404,28 euros.

Monsieur [B] présentait également devant le premier juge une demande à ce titre, dont il a été débouté pour les mêmes motifs dans le corps du jugement, le dispositif omettant de reprendre ce rejet.

Appelante de ce chef, Madame [N] prétend que la solidarité légale rend l’obligation de paiement de la dette indivisible, qu’elle a participé au redressement fiscal à hauteur de 101.404,28 euros, et que le règlement de l’avis à tiers détenteur de l’administration fiscale ne peut être supporté à part égale dès lors que le redressement fiscal est imputable au mari. Elle ajoute qu’elle a été relaxée par la Cour d’appel, ce qui n’a pas été le cas de Monsieur [B] qui n’a pas interjeté appel du jugement correctionnel.

Formant appel incident, l’intimé fait valoir que, dès lors que la preuve est rapportée que les sommes appréhendées par le notaire ont bien été reversées à l’administration fiscale, il est fondé à demander que Madame [N] lui rembourse la somme qu’il a versée pour son compte, les époux étant tenus solidairement au paiement de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une commune d’imposition. Il ajoute que l’appelante fait une confusion entre les poursuites pénales et les poursuites exercées par l’administration fiscale en prétendant que le redressement fiscal ne serait imputable qu’au concluant. Enfin il souligne qu’elle avait reconnu devoir s’acquitter de cette dette auprès de l’administration fiscale.

– SUR CE :

Il n’est pas plus produit devant la cour la preuve de ce que le notaire a acquitté entre les mains du Trésor public la somme de 202.808,56 euros au titre de l’avis à tiers détenteur, somme détenue en suite de la vente du bien immobilier appartenant à la SCI au sein de laquelle les époux étaient associés. Si Monsieur [B] prétend verser en pièce 16 un relevé de compte du notaire, la pièce numérotée 16 figurant à son dossier est constituée par une annonce publiée sur le site booking.fr et la consultation de son entier dossier ne permet pas de retrouver un relevé de compte du notaire.

De même il n’est pas justifié devant la cour de l’acquittement du prix de vente du bien immobilier qui était détenu par la SCI et qui devait être réparti entre les parties en suite de la liquidation de la SCI.

La cour n’est donc pas en mesure de statuer sur les demandes de condamnation formées par les parties quant au remboursement du boni de liquidation et de la moitié du montant de l’avis à tiers détenteur (demandes de Monsieur) et quant à la condamnation au titre de l’impôt (demande de Madame) puisqu’il ne peut être répondu à ces prétentions qu’en ayant connaissance du devenir du prix du vente du bien immobilier de la SCI, ainsi que l’a justement fait observer le premier juge.

Cependant, la cour est en mesure de statuer sur la charge de la dette d’impôt.

Il convient de rappeler qu’en principe, s’agissant d’époux mariés sous le régime de la séparation de biens, la dette fiscale ne constitue pas une charge du mariage mais une charge découlant directement des revenus personnels à chaque époux, et la contribution à la dette fiscale est donc déterminée au prorata de l’impôt qu’ils auraient dû payer s’ils avaient fait l’objet d’une imposition séparée.

Toutefois, un époux ne saurait assumer les conséquences d’une fraude fiscale imputable uniquement à son conjoint.

De plus, la solidarité des époux vis-à-vis de l’administration fiscale n’a pas pour conséquence de priver l’un des époux, dans ses rapports avec son conjoint séparé de biens, de faire valoir une créance. Le fait qu’en l’espèce l’épouse ait reconnu auprès de l’administration fiscale que le couple devait s’acquitter de la dette fiscale est donc sans emport sur le litige dont la cour est saisie, l’intéressée étant tenue du fait de la solidarité fiscale.

L’avis à tiers détenteur du 2 septembre 2010 porte sur la somme de 189.104 euros au titre de l’impôt sur le revenu 2003, 2004 et 2005, selon les indications données par le premier juge et non discutées par les parties, lesquelles ne produisent plus le document devant la cour (si Monsieur [B] indique dans le bordereau de communication de pièces le communiquer sous le numéro 13, sa pièce 13 est en réalité une assignation devant le juge de l’exécution, et l’avis à tiers détenteur ne figure pas dans le dossier qu’il a déposé ).

Les époux ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt sur les revenus, sur les sociétés ou la taxe sur la valeur ajoutée, pour les années 2004 et 2005.

Si Monsieur [B] a été définitivement condamné pour cette infraction par jugement du tribunal correctionnel d’Avignon en date du 5 septembre 2011, Madame [N] a au contraire été relaxée par arrêt, définitif, de la chambre des appels correctionnels de la Cour de céans en date du 7 décembre 2012, la juridiction ayant retenu qu’il n’était pas établi que la prévenue ait eu pleinement conscience du caractère illégal des actes que son mari lui avait demandé d’accomplir aux fins, pour lui, de commettre les fraudes fiscales pour lesquelles il a été définitivement condamné.

Dans ces conditions, Madame [N] prétend à bon droit ne pouvoir être tenue au paiement pour moitié des causes de l’avis à tiers détenteur que Monsieur [B] doit seul assumer.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3/ Sur les autres demandes

En équité, chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles comme des dépens par elle exposés en cause d’appel. Les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont donc rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Déclare irrecevable l’appel formé par Madame [N] du chef de sa condamnation à payer à Monsieur [B] la somme de 181.183 euros au titre des travaux par lui financés,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame [N] de sa demande tendant à être exonérée du paiement de la moitié des sommes réclamées par l’administration fiscale ayant donné lieu à avis à tiers détenteur du 2 septembre 2010,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que Monsieur [B] doit seul supporter la charge du règlement de la somme de 189.104 euros au titre de l’impôt sur le revenu 2003, 2004 et 2005 réclamée par l’administration fiscale par avis à tiers détenteur du 2 septembre 2010,

Constate qu’en l’absence de production par les parties d’éléments justifiant de l’acquittement par le notaire de la créance de l’administration fiscale ou de la ventilation du solde du prix de vente de l’immeuble propriété de la SCI entre les parties, il ne peut être statué sur les demandes de créances des parties au titre de remboursements,

En conséquence, confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes de comptes au titre du boni de liquidation et du paiement des causes de l’avis à tiers détenteur,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supporte la charge des dépens par elle exposés en cause d’appel,

Arrêt signé par la Présidente de Chambre et par la Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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