Interruption de Prescription et Reconnaissance des Droits dans le Cadre d’un Partage Indivis

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Interruption de Prescription et Reconnaissance des Droits dans le Cadre d’un Partage Indivis
Ce point juridique est utile ?

Contexte de la relation

Monsieur [O] et Madame [E] ont d’abord vécu en concubinage avant de formaliser leur union par un pacte civil de solidarité (PACS) le 2 juillet 2010. Leur séparation a eu lieu en juillet 2014, et le PACS a été dissous le 27 mai 2015.

Achat du bien immobilier

En date du 22 juillet 2005, ils ont acquis en indivision un bien immobilier à [Localité 6] (Sarthe), chacun détenant une moitié de la propriété.

Demande d’expertise

Le 4 avril 2017, Madame [E] a assigné Monsieur [O] devant le juge des référés pour obtenir une expertise visant à évaluer la valeur du bien immobilier. Le juge a ordonné cette expertise le 13 juin 2018, avec un rapport à rendre avant le 17 janvier 2019.

Jugement du juge aux affaires familiales

Le 19 février 2020, le juge aux affaires familiales a statué sur le partage de l’indivision, fixant la valeur du bien à 217.000 euros et établissant diverses créances de Madame [E] contre l’indivision. Monsieur [O] a été condamné à payer des frais à Madame [E].

Appel de Monsieur [O]

Monsieur [O] a interjeté appel le 4 avril 2020 concernant certaines créances. Cependant, le 8 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté son désistement d’appel.

Refus de valider le projet de partage

Le 27 juin 2022, le notaire a constaté le refus de Monsieur [O] de valider le projet de partage. Les deux parties ont exprimé leurs positions sur les dépenses et les tentatives de sortie amiable de l’indivision.

Ordonnance du juge de la mise en état

Le 23 janvier 2024, le juge de la mise en état a déclaré certaines demandes de Monsieur [O] prescrites et a condamné ce dernier à verser 1.000 euros à Madame [E] pour les frais de justice.

Appel de l’ordonnance

Monsieur [O] a interjeté appel de cette ordonnance le 7 février 2024, contestant la prescription de ses demandes et la condamnation aux frais.

Arguments des parties

Monsieur [O] soutient que plusieurs interruptions de prescription ont eu lieu, notamment par une lettre de Madame [E] en 2017. Madame [E] conteste ces interruptions et affirme que les demandes de Monsieur [O] sont prescrites.

Décision de la cour

La cour a infirmé l’ordonnance en partie, déclarant prescrites certaines demandes de Monsieur [O] mais a reconnu l’interruption de prescription pour d’autres. Les parties ont été déboutées de leurs demandes de frais irrépétibles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
24/00488
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/00488 – N° Portalis DBVH-V-B7I-JCXS

ACLM

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE PRIVAS

23 janvier 2024

N°22/02919

[O]

C/

[E]

Grosse délivrée le 23/10/2024 à

Me RICHARD

Me MARTEL

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

3ème chambre famille

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

En présence de Mme [N] [F] Assistante de justice

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre

Mme Isabelle ROBIN, Conseillère

Mme Delphine DUPRAT, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffière,

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2024.

APPELANT :

Monsieur [Y] [O]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 7] (72)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Fabienne RICHARD, Postulant, avocat au barreau D’ARDECHE

Représenté par Me Bertrand BEAUX, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

Madame [M] [E]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Olivier MARTEL, Postulant, avocat au barreau D’ARDECHE

Représentée par Me Pierre-Yves FOSTER de la SCP FOSTER BOSTOLFI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 septembre 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre, le 23 octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [O] et Madame [E] ont vécu en concubinage puis ont conclu un pacte civil de solidarité le 2 juillet 2010. Ils se sont séparés en juillet 2014, le pacte civil de solidarité étant rompu le 27 mai 2015.

Par acte authentique en date du 22 juillet 2005, ils ont acquis en indivision, à concurrence de moitié chacun, un bien immobilier situé à [Localité 6] (Sarthe).

Par acte du 4 avril 2017, Madame [E] a fait assigner Monsieur [O] devant le juge des référés du tribunal de grande instance du Mans aux fins de voir ordonner une expertise pour déterminer la valeur du bien immobilier.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 juin 2018, le juge des référés a ordonné une expertise aux fins de déterminer la valeur vénale et la valeur locative du bien immobilier, une provision de 1.000 euros étant mise à la charge de Madame [E], le rapport devant être déposé avant le 17 janvier 2019. Monsieur [O] a été condamné aux dépens et à payer à Madame [E] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

L’expert a proposé la valeur de l’immeuble à 217.000 euros.

Par acte du 11 avril 2019, Madame [E] a fait assigner Monsieur [O] devant le juge aux affaires familiales de Privas.

Par jugement réputé contradictoire en date du 19 février 2020, le juge aux affaires familiales (composition collégiale) a :

– ordonné la cessation et le partage de l’indivision existant entre Monsieur [O] et Madame [E] portant sur l’ensemble immobilier indivis situé sur la commune de [Localité 6] (Sarthe), lieu-dit [Localité 8],

– fixé la valeur du bien immobilier indivis à 217.000 euros,

– débouté Madame [E] de sa demande de dire que Monsieur [O] est redevable envers l’indivision d’une somme de 20.160 euros au titre de l’indemnité d’occupation à parfaire au jour du partage,

– débouté Madame [E] de sa demande de dire que Monsieur [O] est redevable envers l’indivision d’une somme de 17.500 euros au titre des loyers de l’immeuble indivis encaissés par lui,

– fixé la créance de Madame [E] contre l’indivision à la somme de 64.791,28 euros, au titre des mensualités réglées par elle seule pour le compte de l’indivision depuis le mois de février 2005 jusqu’à la date d’échéance du prêt,

– fixé la créance de Madame [E] contre l’indivision à la somme de 415,86 euros, au titre du financement de l’assurance du crédit immobilier afférent au bien indivis,

– fixé la créance de Madame [E] contre l’indivision à la somme de 40.491,57 euros, au titre du financement de dépenses et travaux sur l’immeuble indivis,

– désigné Maître [V], notaire à [Localité 10] (Ardèche) pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision,

– condamné Monsieur [O] à payer à Madame [E] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [O] aux dépens.

Monsieur [O] a, par déclaration du 4 avril 2020, interjeté appel de ce jugement en ses dispositions relatives aux trois créances de Madame [E] à l’encontre de l’indivision.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d’appel de Monsieur [O] et l’extinction de l’instance, et condamné Monsieur [O] aux dépens.

Le 27 juin 2022 le notaire désigné par le juge aux affaires familiales a constaté le refus de Monsieur [O] de valider le projet de partage établi en vertu des dispositions du jugement du 19 février 2020 et a recueilli les dires des parties comme suit :

Dires de Monsieur [O] :

‘Les éléments concernant les dépenses de rénovation, entretien, taxes diverses (impôts locaux notamment) n’ont pu être réunis dans un délai court de par la disparition de documents notamment de relevés bancaires lorsque Madame s’est introduite dans mon logement à [Localité 9] sans mon autorisation ; dépôt de plainte déposée à la gendarmerie du [Localité 11].

Compte tenu du nombre de documents disparus il a fallu faire des recherches de manière à réunir les éléments, ce que j’ai pu faire en 2020. J’ai pu rencontrer un avocat, Me [G], en juin 2020. Mon avocat m’a indiqué que la procédure n’avait pas d’utilité et qu’il fallait rencontrer le notaire pour statuer sur les dépenses à prendre en compte.

Ces éléments sont aujourd’hui réunis, avec un temps certain dû au nombre important de relevés bancaires pour valider les dépenses et retrouver les factures disparues lors du vol.

Initialement Me [U], m’a conseillé de faire appel en avril 2020 pour contester le jugement du tribunal de Privas. J’ai rencontré Me [G] en juin pour faire valoir les dépenses et à l’occasion de deux rencontres il m’a conseillé de rencontrer le notaire pour faire le point sur les dépenses.

Je demande à ce que soit pris en compte un montant de dépense par l’indivision d’un total de 155.164,77 euros outre les taxes d’habitation et taxes foncières sur 13,5 ans soit 11.050 euros, l’assurance de la propriété pour un total de 7.830 euros ainsi que les frais de déplacement pour un montant de 43.738 euros et les frais d’autoroute pour 11.664,00 euros.

J’ai payé une prestation de 4.500 euros à Me [U] pour instruire ce sujet.’

Dires de Madame [E] :

‘Depuis 2016, après plusieurs tentatives orales de sortie amiable de l’indivision j’ai suivi la procédure à savoir trois courriers recommandés pour une invitation chez un notaire pour un partage amiable, puis sans réponse nul n’était tenu de rester dans l’indivision, j’ai suivi la procédure judiciaire pour sortir de cette situation’

Actuellement je valide le projet de partage tel que rédigé par le notaire.’

Les parties ont été convoquées devant le juge commis le 11 octobre 2022, et le greffe a invité les parties, le 15 novembre suivant, à poursuivre l’instance.

Par conclusions du 19 septembre 2023, Madame [E] a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Privas.

Par ordonnance rendue contradictoirement le 23 janvier 2024, le juge de la mise en état a :

– déclaré que les demandes formulées par Monsieur [O] au titre du partage du crédit immobilier, du paiement des taxes foncières et d’habitation, de l’assurance habitation, des frais d’électricité et de chauffage, des taxes d’entretien des rivières, des frais de déplacement et de péage, sont prescrites,

– déclaré que la demande de Monsieur [O] au titre des travaux de conservation et d’amélioration du bien est prescrite à hauteur de 150.642,28 euros,

– condamné Monsieur [O] à verser à Madame [E] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que la présente affaire reviendra à la mise en état du 1er février 2024 pour conclusions du demandeur au fond,

– dit que les dépens de l’audience d’incident suivent le sort de ceux de l’instance principale.

Par déclaration en date du 7 février 2024, Monsieur [O] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions expressément visées.

Par ses conclusions remises le 2 mai 2024, Monsieur [O] demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance rendue le 23 janvier 2024 qui a prononcé l’irrecevabilité des demandes au motif de la prescription et condamné Monsieur [O] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– en conséquence,

– dire et juger que Madame [E] a reconnu le principe du droit de Monsieur [O] à récompense contre l’indivision au titre des investissements réalisés dans le bien commun, interrompant la prescription,

– en conséquence,

– débouter Madame [E] de sa demande tendant à voir constater la prescription des demandes de Monsieur [O] et l’irrecevabilité de ses demandes,

– en tout état de cause, condamner Madame [E] à payer à Monsieur [O] la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d’instance.

Se fondant sur les dispositions des articles 2236, 2238 et 2239 du code civil, l’appelant soutient que le cours de la prescription a été interrompu par :

– le courrier que lui a adressé Madame [E] le 19 octobre 2017, dans lequel elle reconnaît les droits du concluant au titre des investissements effectués sur le bien commun et des charges supportées au titre de ce bien,

– l’assignation en expertise à l’initiative de Madame [E] en suite de l’échec des démarches amiables, le concluant étant présent aux opérations d’expertise qui ont porté uniquement sur la valorisation du bien immobilier,

– l’assignation en partage en suite du dépôt du rapport d’expertise à l’initiative de Madame [E], donnant lieu au jugement rendu le 19 février 2020,

– le procès-verbal de difficultés établi le 18 janvier 2022, reprenant les demandes formées par le concluant.

Il reproche au premier juge d’avoir, aux termes d’une motivation sibylline, déclaré ses demandes prescrites alors même qu’il a admis que la lettre du 19 octobre 2017 adressée par Madame [E] constituait une reconnaissance par le débiteur des droits du créancier, telle que prévue à l’article 2240 du code civil. Il fait en outre grief à la décision d’avoir ajouté une condition à la loi, en retenant, à tort, l’absence de coopération du concluant aux opérations de compte et partage, soulignant que s’il a certes coopéré tardivement, il a déféré à la convocation du notaire du 27 juin 2022 et a formulé ses prétentions, de sorte qu’il ne peut être retenu qu’il n’aurait formulé ses demandes que par ses conclusions du 7 mars 2023.

Par ses conclusions remises le 30 mai 2024, Madame [E] demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– en conséquence débouter Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– y ajoutant,

– condamner Monsieur [O] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens de l’appel.

L’intimée fait valoir que la prescription a été suspendue du 2 juillet 2010 au 27 mai 2015, soit durant le pacte civil de solidarité, que les demandes de Monsieur [O] pour les dépenses antérieures à la séparation devaient donc être formées au plus tard le 27 mai 2020, voire avant pour les dépenses durant la période de concubinage durant laquelle la prescription avait commencé à courir, et qu’il n’a formé ses demandes que soit lors de son dire consigné par le notaire le 27 juin 2022, soit lors de des premières conclusions devant le juge aux affaires familiales le 23 mai 2023.

Elle soutient essentiellement en réplique que :

– la lettre du 19 octobre 2017 dont se prévaut l’appelant ne vaut en rien reconnaissance des droits de celui-ci au sens de l’article 2240 du code civil, ne comportant pas de reconnaissance non équivoque des demandes aujourd’hui formulées par lui, et qu’en outre cette lettre constituait une proposition transactionnelle, laquelle est insusceptible d’interrompre la prescription comme jugé par la Cour de cassation,

– la mesure d’instruction ordonnée par le juge des référés à l’initiative de la concluante ne portait que sur la valeur du bien et n’a donc aucun lien avec les demandes de créance formées par Monsieur [O], et elle n’a donc pu interrompre la prescription,

– l’assignation en partage ne peut avoir interrompu la prescription, puisqu’elle doit émaner de celui qui l’invoque pour interrompre la prescription et puisque la demande doit être expressément formulée au cours de l’instance.

Enfin elle détaille les revendications de créances de Monsieur [O] poste par poste pour souligner l’acquisition de la prescription pour chacune d’elles.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Les créances de l’indivisaire contre l’indivision résultant de l’article 815-13 du code civil, à raison de dépenses d’amélioration ou de conservation du bien indivis, sont soumises à la prescription quinquennale, laquelle court à compter du paiement de la dépense, ou au cas de créances périodiques, telles que les échéances de remboursement d’un prêt immobilier, à compter de chacune des échéances acquittées.

L’article 2236 précise que la prescription ne court pas ou est suspendue entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

L’article 2239 dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, et que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Par ailleurs,

– l’article 2240 prévoit que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription,

– l’article 2241 prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

L’ordonnance déférée reste taisante sur les demandes de créances contre l’indivision formées par Monsieur [O], mais l’appelant, sans donner de précision à cet égard dans ses conclusions, produit toutefois ses conclusions devant le juge aux affaires familiales qui permettent de déterminer qu’il a soutenu les demandes de créances suivantes à l’encontre de l’indivision :

– 155.885,87 euros au titre des travaux de conservation et d’amélioration du bien, sans précision des dates de ces travaux,

– la taxe d’habitation (300 euros par an) et la taxe foncière (550 euros par an) durant 13 ans et demi, soit une somme totale de 11.050 euros,

– l’assurance habitation du logement (480 euros par an) durant 13 ans et demi, soit une somme globale de 6.480 euros,

– les frais d’électricité et de chauffage durant 13 ans et demi, pour une somme globale de 5.400 euros,

– les taxes d’entretien des rivières pour 1.350 euros, sans précision de la période,

– les frais de déplacements pour le suivi des travaux à raison de quatre fois par an en moyenne, soit 55.402 euros, outre une demande de condamnation de Madame [E] à lui payer la somme de 17.775 euros au titre du trop versé par lui au titre du partage du crédit immobilier finançant l’acquisition du bien commun.

Il est constant que :

– Monsieur [O] n’a formalisé ces demandes en justice que par les conclusions devant le juge aux affaires familiales notifiées le 7 mars 2023,

– devant le notaire, aux termes du procès-verbal recueillant les dires des parties, il a formalisé les demandes suivantes : ‘un montant de dépense par l’indivision d’un total de 155.164,77 euros outre les taxes d’habitation et taxes foncières sur 13,5 ans soit 11.050 euros, l’assurance de la propriété pour un total de 7.830 euros ainsi que les frais de déplacement pour un montant de 43.738 euros et les frais d’autoroute pour 11.664,00 euros.’

Monsieur [O] a donc formé devant la juridiction des demandes identiques à ses prétentions devant le notaire, à l’exception des frais d’électricité et de chauffage et du trop versé au titre du crédit immobilier, qu’il n’avait pas mentionnés devant le notaire.

Du 2 juillet 2010 au 27 mai 2015, durée du pacte civil de solidarité, la prescription a été suspendue.

Monsieur [O] se prévaut, sur le fondement de l’article 2240 du code civil, de plusieurs interruptions ou suspensions de la prescription, tandis que Madame [E] les conteste.

– Sur la procédure en référé expertise initiée par Madame [E] par assignation du 4 avril 2017 :

Si l’article 2239 du code civil dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, et que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée, Monsieur [O] ne peut se prévaloir de cette disposition pour prétendre à une suspension de la prescription en l’état de la demande d’expertise formée par Madame [E] devant le juge des référés par assignation du 4 avril 2017, cette suspension ne pouvant profiter qu’à la partie qui a sollicité la mesure d’instruction, soit Madame [E].

– Sur la lettre adressée par Madame [E] à Monsieur [O] le 19 octobre 2017 :

Selon l’appelant ce courrier contient reconnaissance par Madame [E] du droit du concluant contre lequel elle prescrivait et a interrompu le délai de prescription conformément aux dispositions de l’article 2240 du code civil, ce que Madame [E] conteste.

Les termes de cette lettre sont les suivants, après que Madame [E] a rappelé son souhait de sortir de l’indivision et de ne pas conserver le bien indivis, et sa demande de connaître la position de Monsieur [O] quant à la conservation ou non du bien ou quant à sa mise en vente :

‘Je te rappelle que je rembourse seule le prêt que nous avons contractés ensemble pour acheter cette maison en indivision (tu me dois la moitié des mensualités et assurance depuis janvier 2015) tout comme je sais que tu supportes seul certaines charges de ce bien indivis.

Les comptes concernant les investissements de chacun sont à faire ainsi que le partage des loyers que tu as perçus.

Aujourd’hui je souhaite ardemment sortir de cette indivision et que les comptes soient établis.

À défaut de réponse sous 15 jours, je t’informe que je fais provoquer le partage de l’indivision qui subsiste entre nous.’

Ces termes, parfaitement clairs, établissent la reconnaissance sans équivoque par Madame [E] de ce que Monsieur [O] a des droits à faire valoir dans le partage, tant au titre de certaines charges du bien indivis qu’il supporte seul qu’au titre des investissements qu’il a financés dans le bien indivis, peu important que les montants reconnus à ces titres ne soient pas précisés.

Le fait que Madame [E] ait été déboutée de sa demande au titre des loyers qu’elle indiquait avoir été perçus par Monsieur [O] par le jugement en date du 19 février 2020 est invoqué à tort par celle-ci pour prétendre qu’il ne peut être donné une force probante à la phrase relative aux investissements.

Ce courrier ne peut non plus être analysé en des pourparlers transactionnels qui n’interrompraient pas la prescription comme le soutient l’intimée. En effet celle-ci, après avoir rappelé ses souhaits quant à la sortie de l’indivision, y énumère simplement ses droits et ceux de Monsieur [O], en insistant sur sa volonté d’établir les comptes.

Monsieur [O] se prévaut donc à bon droit de l’interruption de la prescription, étant rappelé que, de jurisprudence constante, la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner.

Aux termes de l’article 2231 du code civil, l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

L’interruption de prescription ne peut naturellement concerner les créances déjà prescrites à la date de l’interruption.

En conséquence de la suspension de la prescription durant le pacte civil de solidarité et de l’interruption de la prescription au 19 octobre 2017, sont prescrites toutes les créances antérieures au 25 octobre 2008.

Les demandes formées par Monsieur [O] devant le notaire consignées dans le procès-verbal de dires du 27 juin 2022, soit à une date à laquelle la prescription quinquennale courant depuis le 19 octobre 2017 n’était pas acquise, ne sont pas prescrites, le procès-verbal ayant interrompu la prescription.

En revanche les demandes formées par Monsieur [O] dans ses conclusions postérieures au 27 juin 2022 et postérieures à l’acquisition de la prescription au 19 octobre 2022, sont prescrites, à savoir la créance au titre de dépenses d’électricité et de chauffage et la créance au titre du crédit immobilier qu’il n’avait pas mentionnés devant le notaire.

L’ordonnance est donc infirmée en ce sens, le premier juge ayant retenu à tort d’une part que la reconnaissance faite par Madame [E] dans son courrier du 19 octobre 2017 ne pouvait être invoquée par Monsieur [O] parce qu’antérieure à l’action en référé et au jugement ordonnant l’ouverture des opérations de liquidation et partage, et d’autre part que la carence de Monsieur [O] devant le notaire et lors du jugement du 19 février 2020 l’empêchait de se prévaloir de demandes par conclusions du 7 mars 2023, étant observé que le premier juge n’évoque à aucun moment dans son ordonnance le procès-verbal de dires du 27 juin 2022.

En équité chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles par elle exposés en première instance comme en cause d’appel.

Les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont donc rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, dans la limite de sa saisine, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, à l’exception de la disposition relative aux dépens,

Statuant à nouveau,

Déclare prescrites les demandes de fixation de créances formées par Monsieur [O] :

– pour la période antérieure au 25 octobre 2008,

– à l’encontre de l’indivision au titre des dépenses d’électricité et de chauffage,

– à l’encontre de Madame [E] au titre du crédit immobilier,

Déboute Madame [E] de sa demande de voir déclarer prescrites les autres demandes de fixation de créances formées par Monsieur [O],

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supporte la charge des dépens par elle exposés en appel,

Arrêt signé par la Présidente de Chambre et par la Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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