Contexte de l’affaireDans l’affaire examinée par la cour d’appel de Paris le 14 mai 1993, Mme A…, propriétaire d’un immeuble, a donné à bail aux époux Y… un logement situé dans le bâtiment B. Dans le cadre de travaux de consolidation, elle a relogé provisoirement les époux Y… dans un appartement du bâtiment A. Suite à la cession de sa propriété à la société immobilière Sarette, cette dernière a assigné les époux Y… en expulsion de l’appartement A, en demandant leur réintégration dans les lieux initialement loués et la fixation d’une indemnité d’occupation. Arguments des époux Y…Les époux Y… ont contesté leur expulsion, soutenant qu’ils étaient locataires de l’appartement dans le bâtiment A. Ils ont également demandé des dommages-intérêts pour trouble de jouissance des locaux situés dans le bâtiment B. Leur argumentation repose sur plusieurs points, notamment la reconnaissance d’un bail verbal pour l’appartement A, qui aurait été établi malgré l’absence de régularisation écrite. Violation de l’article 455 du Code de procédure civileLes époux Y… font grief à l’arrêt de la cour d’appel de les déclarer sans droit ni titre locatif pour l’appartement dans le bâtiment A. Ils soutiennent que la cour n’a pas répondu à leur argument selon lequel le bail litigieux n’avait pas pu être régularisé par écrit en raison de la vente de l’immeuble, et non à cause de divergences sur sa durée ou son prix. En ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel aurait violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, qui impose de répondre aux moyens soulevés par les parties. Existence d’un bail verbalLes époux Y… invoquent également l’article 1716 du Code civil, qui stipule que le prix du bail verbal est établi par les quittances. Ils soulignent que la cour d’appel a constaté que la propriétaire avait délivré des quittances, ce qui devrait suffire à établir le montant du loyer. En considérant que ce montant était incertain, la cour aurait violé le texte susvisé, en refusant de reconnaître l’existence d’un bail verbal. Accord des parties sur la chose et le prixUn autre point soulevé par les époux Y… concerne la formation d’un bail, qui résulte de l’accord des parties sur la chose et sur le prix. Ils contestent la décision de la cour d’appel qui a écarté l’existence d’un bail verbal en raison de l’absence de précision sur sa durée. Selon eux, ce motif est inopérant et constitue une fausse application des articles 1709 et 1736 du Code civil. Recherche de la volonté de la propriétaireEnfin, les époux Y… soutiennent que la cour d’appel aurait dû rechercher si la délivrance de « quittances de loyers » par la propriétaire, correspondant à un montant de loyer réévalué conformément aux prescriptions de la loi de 1948, n’établissait pas la volonté de celle-ci de consentir un véritable bail. En s’abstenant de procéder à cette recherche, la cour aurait privé sa décision de base légale, en violation des articles 1709, 1714, 1715 et 1716 du Code civil. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n°
93-19.340
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Esther Y…, née Z…,
2 / M. X…, Albert Y…, demeurant ensemble Buttes Chaumont, …, en cassation d’un arrêt rendu le 14 mai 1993 par la cour d’appel de Paris (1re chambre, section des urgences), au profit de la société immobilière Sarette, société en nom collectif, dont le siège est …, défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 25 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, M. Douvreleur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Fromont, Mme Borra, MM. Villien, Bourrelly, Mme Stephan, M. Peyrat, conseillers, M. Chollet, conseiller référendaire, M. Weber, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des époux Y…, de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de la société immobilière Sarette, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
qu’elle a cédé sa propriété à la société immobilière Sarette qui a assigné les époux Y… en expulsion de cet appartement, réintégration dans les lieux loués initialement et fixation d’une indemnité d’occupation ; que les époux Y… ont soutenu être locataires du logement, dans l’immeuble A, et demandé des dommages-intérêts pour trouble de jouissance des locaux situés dans le bâtiment B ;
qu’en refusant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) qu’il résulte de l’article 1716 du Code civil que le prix du bail verbal est établi par les quittances ; qu’ainsi, la cour d’appel, qui a constaté que la propriétaire avait délivré des quittances, n’a pu considérer que le montant du loyer était incertain, sans violer par refus d’application, le texte susvisé ; 3 ) que la formation d’un bail résulte suffisamment de l’accord des parties sur la chose et sur le prix ;
qu’en écartant l’existence en l’espèce d’un bail verbal au motif que la durée de celui-ci n’aurait pas été précisée, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant, violant par fausse application les articles 1709 et 1736 du Code civil ;
4 / que la cour d’appel ne pouvait statuer ainsi sans rechercher si, comme le soutenaient les époux Y…, la circonstance que la propriétaire ait délivré des « quittances de loyers » correspondant à un montant de loyer réévalué conformément aux prescriptions de la loi de 1948, n’établissait pas la volonté de celle-ci de consentir un véritable bail ;
qu’en s’abstenant de procéder à cette recherche nécessaire, elle a privé sa décision de base légale, au regard des articles 1709, 1714, 1715, et 1716 du Code civil » ;