En matière de crédit à la consommation, le recours à DocuSign n’est pas systématiquement validé.
En l’absence de preuve de l’utilisation d’une signature électronique qualifiée, il appartient à la partie se prévalant de la signature de l’acte d’établir qu’elle a utilisé pour cette signature électronique un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. En la cause, l’établissement bancaire a produit aux débats le contrat de crédit signé électroniquement, le fichier de preuve concernant le contrat litigieux, créé par la société DocuSign, prestataire de service de certification électronique, accompagné d’une attestation de conformité délivrée par le prestataire Arkhineo qui atteste de l’archivage. Toutefois, il n’est pas justifié d’un certificat de conformité pour la période concernée délivré par un organisme certificateur attestant que le prestataire de service de certification électronique Docusign délivre des services conformes au règlement européen et utilisait donc à l’époque de la signature un processus fiable. De plus, il résulte du fichier de preuve qu’un intermédiaire est intervenu la société Netheos et son produit Trust and Sign sans que son intervention soit explicitée. La société Floa échoue ainsi à établir la preuve pour cette signature électronique de l’utilisation d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. Pour rappel, l’article 1366 du code civil dispose que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. L’article 1367 alinéa 2 du même code dispose que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État. L’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement. |
Résumé de l’affaire :
Constitution du créditLa SA Floa, anciennement Banque du groupe Casino, a accordé à Madame [Z] [T] un crédit personnel de 10.113,89 euros avec un taux d’intérêt nominal de 4,92%, remboursable en 140 mensualités de 117,52 euros, selon une offre préalable datée du 13 août 2021. Mise en demeure et déchéance du termeEn raison d’échéances impayées, la SA Floa a envoyé une mise en demeure à Madame [Z] [T] par lettre recommandée le 5 avril 2022, lui demandant de régler 759,11 euros dans un délai de huit jours. Le 28 juillet 2022, la SA Floa a prononcé la déchéance du terme, réclamant un montant total de 11.349,98 euros. Assignation en justiceLe 14 septembre 2022, la SA Floa a assigné Madame [Z] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis, demandant le paiement de 11.396,87 euros avec intérêts, ainsi que d’autres demandes subsidiaires. Madame [Z] [T] n’a pas comparu ni été représentée lors de l’audience. Jugement du tribunalLe tribunal judiciaire de Senlis a rendu un jugement le 6 janvier 2023, déclarant la SA Floa recevable dans ses demandes mais l’a déboutée, la condamnant aux dépens. La SA Floa a interjeté appel de cette décision le 24 avril 2023. Appel et conclusions de la SA FloaDans ses conclusions du 10 juillet 2023, la SA Floa a demandé à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, d’infirmer le jugement précédent et de condamner Madame [Z] [T] à lui verser 11.396,87 euros, ainsi qu’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Régularité de la signature électroniqueLe premier juge a débouté la SA Floa en raison d’un manque de preuves concernant la régularité de la signature électronique. Selon le code civil, la signature électronique doit être fiable et garantir l’identité du signataire, ce qui n’a pas été démontré dans ce cas. Éléments de preuve insuffisantsLa SA Floa a produit un contrat signé électroniquement et un fichier de preuve, mais n’a pas fourni de certificat de conformité attestant que le processus de signature était fiable. De plus, l’intervention d’un intermédiaire, la société Netheos, a été notée sans explication claire. Conclusion de la courLa cour a confirmé la décision du tribunal de première instance, concluant que la SA Floa n’avait pas établi la preuve de la régularité de la signature électronique. En conséquence, la SA Floa a été condamnée aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
S.A. FLOA
C/
[T]
le 24 octobre 2024
à
Me Defrennes
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 24 OCTOBRE 2024
N° RG 23/02035 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IYEU
JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SENLIS DU 06 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 22/01892)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. FLOA agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65
Ayant pour avocat plaidant Me Francis DEFRENNES, avocat au barreau de LILLE
ET :
INTIMEE
Madame [Z] [T]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Signifié à personne, le 21 juin 2023
***
DEBATS :
A l’audience publique du 25 Juin 2024 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
GREFFIERE : Madame Diénéba KONÉ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 24 Octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.
* *
DECISION
Suivant offre préalable en date du 13 août 2021, la SA Floa, auparavant dénommée la Banque du groupe Casino indique avoir consenti à Madame [Z] [T] un crédit personnel d’un montant de 10.113,89 euros au taux d’intérêt nominal de 4,92%, remboursable en 140 mensualités de 117,52 euros.
Se prévalant d’échéances impayées, par lettre recommandée en date du 5 avril 2022 reçue le 7 avril 2022, la SA Floa a mis en demeure Madame [Z] [T] de régler la somme de 759,11 euros dans les huit jours sous peine de voir acquise la déchéance du terme.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2022 la SA Floa a prononcé la déchéance du terme sollicitant le règlement de la somme de 11349,98 euros.
Par acte d’huissier en date du 14 septembre 2022, la SA Floa a fait assigner Madame [Z] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis afin qu’il la condamne au paiement de la somme de 11.396,87 euros avec intérêts au taux de 4,92% à compter du 30 août 2022 après avoir constaté la déchéance du terme, subsidiairement de la condamner au paiement de la somme de 10.113,89 euros après avoir prononcé la résiliation du contrat, très subsidiairement de la condamner au paiement des échéances impayées jusqu’au jugement et de dire qu’elle devra reprendre les règlements à bonne date sous peine que soit prononcée la déchéance du terme sans formalité, et en tout état de cause au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Bien que régulièrement citée à personne, Madame [Z] [T] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
Suivant jugement en date du 6 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Senlis a déclaré la SA Floa recevable en ses demandes mais l’en a déboutée et l’a condamnée aux entiers dépens.
La SA Floa a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 24 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 10 juillet 2023, expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens invoqués, la SA Floa demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée ; d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau à titre principal de débouter l’intimée de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 11396,87 euros outre une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris ceux d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse et associés.
La déclaration d’appel a été signifiée à Mme [Z] [T] par exploit d’huissier remis à personne le 21 juin 2023 et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par exploit d’huissier remis à personne le 17 juillet 2023.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la régularité de la signature électronique
Pour débouter la SA Floa de sa demande en paiement, le premier juge a considéré qu’il ne disposait pas des éléments de preuve suffisants et plus particulièrement du certificat de fiabilité du processus utilisé et de l’imputation de la signature électronique permettant de justifier de la régularité de celle-ci.
L’article 1366 du code civil dispose que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’article 1367 alinéa 2 du même code dispose que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État.
L’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.
En l’absence de preuve de l’utilisation d’une signature électronique qualifiée, il appartient à la partie se prévalant de la signature de l’acte d’établir qu’elle a utilisé pour cette signature électronique un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.
En l’espèce, l’appelante produit aux débats comme en première instance le contrat de crédit signé électroniquement, le fichier de preuve concernant le contrat litigieux, créé par la société DocuSign, prestataire de service de certification électronique, accompagné d’une attestation de conformité délivrée par le prestataire Arkhineo qui atteste de l’archivage.
Toutefois, il n’est pas justifié d’un certificat de conformité pour la période concernée délivré par un organisme certificateur attestant que le prestataire de service de certification électronique Docusign délivre des services conformes au règlement européen et utilisait donc à l’époque de la signature un processus fiable.
De plus, il résulte du fichier de preuve qu’un intermédiaire est intervenu la société Netheos et son produit Trust and Sign sans que son intervention soit explicitée.
Ainsi le fichier de preuve n° [Numéro identifiant 4] répertorie deux transactions différentes à savoir la transaction N°[Numéro identifiant 2] pour laquelle il est attesté que Madame [Z] [T] a signé électroniquement le 13 août 2021 à 17h48:30 un document OCC à la requête de la société Netheos, et la transaction n°[Numéro identifiant 3] en date du 16 août 2021 à 10h04:20 qui concerne la soumission de documents pour ajout dans le fichier de preuve sans besoin de signature.
Ces éléments permettent d’établir qu’un contrat a été signé le 13 août 2021 au moyen d’un code secret d’identification reçu par SMS sur le téléphone de l’emprunteur, dont le service Protect&Sign a vérifié l’égalité entre le code saisi par l’utilisateur et le code transmis et confirmé par l’envoi d’un courriel à son adresse mais que la seule personne morale signataire des requêtes et documents est la société Netheos.
Il convient par ailleurs d’observer que Mme [T] non comparante en première instance et en appel n’a jamais commencé à rembourser le prêt.
Il ressort de ces éléments que la société Floa échoue à établir la preuve pour cette signature électronique de l’utilisation d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.
Elle ne justifie pas en conséquence du principe de sa créance et il convient de confirmer la décision entreprise.
Succombant en son appel la société Floa sera condamnée aux entiers dépens d’appel
La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne la SA Floa aux entiers dépens d’appel.
La Greffière, La Présidente,