Constitution du contrat de travailLa cour d’appel de Lyon a établi qu’un contrat de travail existait entre la société [5] business communications et M. [L] du 1er janvier 1998 au 28 septembre 2001. En conséquence, elle a ordonné le versement de diverses sommes à M. [L] en raison de la rupture de ce contrat, ainsi que la délivrance de ses bulletins de paie, certificat de travail et attestation destinée à l’ASSEDIC. Interprétation et cassationLa Cour de cassation a annulé un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 8 novembre 2006, qui avait été saisi par M. [L] pour interpréter la décision du 5 janvier 2006, renvoyant les parties à leur état antérieur. Jugement sur les bulletins de paieLe juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a statué le 28 février 2007 que la société [5] avait remis tous les bulletins de paie requis, sans obligation de mentionner les cotisations sociales, et a rejeté la demande de liquidation de l’astreinte. Confirmation par la cour d’appelLa cour d’appel de Versailles a confirmé cette décision le 28 octobre 2010, précisant que les bulletins de paie n’avaient pas à inclure les cotisations non acquittées, conformément à la législation en vigueur. Obtention de la retraite par M. [L]M. [L] a obtenu une retraite personnelle à partir du 1er juillet 2012, calculée sur la base de 144 trimestres d’assurance, après avoir été liquidé pour inaptitude. Contestation des cotisationsLe 19 septembre 2012, M. [L] a contesté l’absence de salaires et de trimestres cotisés pour les années 1998 à 2001, affirmant avoir été salarié de la société [5]. Il a renouvelé sa contestation en janvier 2015. Décision de la cour d’appel de LyonLe 8 mars 2017, la cour d’appel de Lyon a jugé que M. [L] ne prouvait pas que la société [5] devait lui délivrer des bulletins de salaire mentionnant les cotisations pour la période concernée, le déboutant de ses demandes d’indemnisation. Rejet du recours par la CARSATLa commission de recours amiable de la CARSAT a rejeté le recours de M. [L] le 25 juillet 2017, soulignant qu’il ne pouvait prouver que des cotisations avaient été versées à son profit durant les années litigieuses. Rejet du pourvoi par la Cour de cassationLa Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [L] le 16 octobre 2019, confirmant que l’employeur avait exécuté l’injonction de remise de documents et n’avait pas commis de faute. Demande de régularisation de la pensionM. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 20 mai 2020 pour régulariser sa situation concernant ses droits à la retraite. Jugement du tribunalLe 11 février 2022, le tribunal a déclaré irrecevable la demande de régularisation de la pension de retraite de M. [L], tout en déclarant recevable son action en responsabilité contre la CARSAT, qu’il a ensuite débouté de ses demandes. Appel de M. [L]M. [L] a interjeté appel de cette décision le 28 mars 2022, demandant la réformation du jugement et des dommages et intérêts pour perte de chance et résistance abusive. Réponse de la CARSATLa CARSAT a demandé la confirmation du jugement et le rejet des demandes de M. [L], tout en sollicitant sa condamnation aux dépens. Confirmation du jugement par la courLa cour a confirmé le jugement en ce qui concerne la demande de régularisation de la pension de retraite, ainsi que la responsabilité de la CARSAT, considérant qu’aucune faute n’avait été commise et que M. [L] n’avait pas prouvé son préjudice. Décision finaleLa cour a également confirmé le rejet des demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et a condamné M. [L] aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DOUBLE RAPPORTEUR
R.G : N° RG 22/02356 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OGUE
[L]
C/
CARSAT RHÔNE-ALPES
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 11 Février 2022
RG : 20/01082
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2024
APPELANT :
[Y] [L]
né le 04 Janvier 1951 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Christopher REINHARD de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CARSAT RHÔNE-ALPES
Mme [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par M. [I] [S] (Membre de l’entrep.) en vertu d’un pouvoir spécial
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Septembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Christophe GARNAUD, greffier placé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente
– Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
– Anne BRUNNER, conseillère
ARRET : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement le 22 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Par arrêt du 5 janvier 2006, la cour d’appel de Lyon a retenu qu’il existait un contrat de travail entre la société [5] business communications et M. [L], à compter du 1er janvier 1998 jusqu’au 28 septembre 2001, et ordonné, en conséquence, outre l’octroi de diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat, la délivrance à M. [L] sous astreinte de « ses bulletins de paie, certificat de travail et attestation destinée à l’ASSEDIC en conformité avec la présente décision ».
Par arrêt du 13 janvier 2009, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 8 novembre 2006 par la cour d’appel de Lyon qui avait été saisie d’une requête en interprétation par M. [L], et renvoyé les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt.
Par jugement du 28 février 2007, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a jugé que la société [5] (la société) avait remis tous les bulletins de paie mensuels, sans qu’il soit nécessaire de mentionner les cotisations sociales acquittées auprès des divers organismes et, en conséquence, a rejeté la demande en liquidation de l’astreinte prononcée le 5 janvier 2006.
Par arrêt du 28 octobre 2010, la Cour d’appel de Versailles a confirmé cette décision précisant que « si dans le dispositif de l’arrêt (du 5 janvier 2006), il est mentionné que les bulletins de paie, certificat de travail et attestations destinées à l’Assedic doivent être en conformité avec la décision, il n’est pas précisé que doivent figurer sur les bulletins de paie les cotisations et contributions dues par l’employeur aux organismes sociaux et aux caisses et congés payés alors que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2013, seules les cotisations dues à compter de la requalification sont dues par l’employeur ; qu’il ne saurait donc être reproché à la société [5] de n’avoir pas mentionné sur les documents remis des cotisations non acquittées ».
Par notification de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail Rhône-Alpes (la CARSAT) du 3 août 2012, M. [L], né le 4 janvier 1951, a obtenu, à effet du 1er juillet 2012, le bénéfice d’une retraite personnelle substituée à sa pension d’invalidité.
Liquidé au titre de l’inaptitude, son avantage vieillesse a été calculé au taux plein de 50% et sur la base de 144 trimestres d’assurance au régime général arrêtés au 30 juin 2012, dernier jour du trimestre civil précédant la date d’entrée en jouissance de sa pension de retraite.
Le 19 septembre 2012, M. [L] a saisi la commission de recours amiable de la CARSAT aux fins de contester l’absence de salaires et de trimestres cotisés validés à son compte pour les années 1998 à 2001. Il a déclaré avoir travaillé au cours de cette période pour le compte de la société [5] Corporate et avoir été reconnu salarié à la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 5 janvier 2006.
Le 21 janvier 2015, M. [L] a renouvelé sa contestation.
Par arrêt du 8 mars 2017, la cour d’appel de Lyon a jugé en ces termes : « M. [L] ne démontre nullement que la société [5] avait l’obligation, en vertu de cet arrêt du 5 janvier 2006, de lui délivrer des bulletins de salaire précisant le montant des cotisations de sécurité sociale acquittées pour la période du 1er janvier 1998 au 28 septembre 2001 ; qu’il lui appartenait, après la cassation de l’arrêt du 8 novembre 2006, de saisir la cour d’appel de renvoi pour qu’il soit à nouveau statué sur la requête en interprétation déposée devant la cour d’appel de Lyon s’il estimait l’arrêt du 5 janvier 2006 imprécis, ce qu’il n’a jamais fait » et l’a débouté de ses demandes en indemnisation pour perte d’une chance de bénéficier d’une pension de vieillesse à l’encontre de la société, ainsi que pour résistance abusive.
Par décision du 25 juillet 2017, la commission de recours amiable de la CARSAT a rejeté le recours formé par M. [L] au motif que « si la réalité de l’activité exercée par M. [L], du 1er janvier 1998 au 27 décembre 2001 au sein de la société [5] n’est aucunement contestée, il n’en demeure pas moins que l’intéressé, qui a la charge de la preuve, ne peut produire aucun justificatif susceptible d’établir que des cotisations auraient été versées à son profit ou précomptées sur ses salaires au cours des années litigieuses ».
Par arrêt du 16 octobre 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [L] à l’encontre de l’arrêt rendu le 8 mars 2017 par la cour d’appel de Lyon aux motifs que : « par arrêt du 28 octobre 2010, passé en force de chose jugée, le salarié avait été débouté de sa demande en liquidation de l’astreinte prononcée par un arrêt rendu le 5 janvier 2006 et en fixation d’une nouvelle astreinte assortissant la délivrance de nouveaux bulletins de paie, aux motifs que l’employeur avait exécuté l’injonction de remise de documents prescrite par ledit arrêt, la cour d’appel, qui a pu retenir que l’employeur n’avait pas commis de faute, dans la délivrance des bulletins de paie, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
Le 20 mai 2020, M. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de solliciter la régularisation de sa situation au niveau de ses droits à retraite.
Par jugement du 11 février 2022, le tribunal :
– déclare l’action en régularisation de la pension de retraite de M. [L] irrecevable,
– déclare l’action en responsabilité de M. [L] contre la CARSAT Rhône-Alpes recevable,
– dit que la CARSAT Rhône-Alpes n’a pas commis de faute,
En conséquence,
– déboute M. [L] de l’ensemble de ses demandes en réparation,
– déboute M. [L] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne M. [L] aux dépens de l’instance.
Par déclaration enregistrée le 28 mars 2022, M. [L] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2024 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, il demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
– condamner la CARSAT à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d’une pension de retraite intégrant les 16 trimestres travaillés en qualité de salarié au sein de la société [5],
– condamner la CARSAT à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner la CARSAT à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens.
Dans ses écritures reçues au greffe le 24 août 2024 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CARSAT demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris,
– rejeter les demandes de M. [L],
– le condamner aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
SUR LA DEMANDE DE REGULARISATION DE LA PENSION DE RETRAITE
Le jugement repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte.
En l’absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré la demande à ce titre de M. [L] irrecevable.
SUR LA FAUTE DE LA CAISSE
La cour confirme liminairement le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action en responsabilité engagée par M. [L] contre la CARSAT.
Sur le fond, M. [L] soutient que la CARSAT ne pouvait valablement refuser de prendre en compte les périodes de 1998 à 2001 alors qu’il avait été reconnu salarié de la société sur ces années et que cette qualité lui octroyait le droit au paiement d’une pension de retraite.
En réponse, la CARSAT fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité considérant qu’elle s’est contentée d’appliquer les textes en vigueur. Elle ajoute que M. [L] ne rapporte pas la preuve contraire, pas plus qu’il ne justifie d’un préjudice certain au titre de la perte de chance qu’il invoque ; qu’en tout état de cause, il a concouru à son préjudice, notamment en ne saisissant pas à nouveau la cour d’une requête en interprétation après l’arrêt de cassation du 8 novembre 2016.
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Ici, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a écarté la demande de dommages et intérêts de M. [L] fondée sur l’article 1240 du code civil.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Il est constant l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, M. [L] ne démontre pas l’intention de nuire qui caractériserait le caractère abusif de la résistance de la CARSAT. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive de la caisse.
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [L], qui succombe, supportera les dépens d’appel.
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [L],
Condamne M. [L] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE