Contexte de l’affaireMonsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] sont propriétaires d’un terrain constructible à [Localité 4]. Ils ont confié la construction de leur maison à la société Maisons du Midi, couverte par une assurance responsabilité décennale de la SMABTP, dans le cadre d’un contrat de construction signé le 8 octobre 2002. Une assurance dommages-ouvrage a également été souscrite auprès de la même société. Réception des travaux et premiers désordresLes travaux ont été réceptionnés sans réserve le 28 octobre 2003. Cependant, les époux [E] ont signalé des désordres, qui ont été constatés par un huissier le 26 août 2004 et analysés dans un rapport d’expertise le 29 septembre 2004. Ils ont déclaré des sinistres auprès de l’assureur dommages-ouvrage en octobre 2004 et mai 2005. Expertise judiciaire et indemnisationUne ordonnance de référé a désigné un expert judiciaire le 16 novembre 2004. Les époux [E] ont accepté une première indemnisation de 5.718,47 euros pour des désordres liés au basculement des garages. Un rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 15 décembre 2005, suivi d’une transaction le 27 janvier 2008, où la SMABTP a versé 16.519,24 euros pour divers travaux de réfection. Nouveaux désordres et nouvelles déclarations de sinistreEn juillet 2013, les époux [E] ont signalé de nouveaux désordres, dont des fissures et des infiltrations. La SMABTP a informé les époux que ces désordres ne relevaient pas de leur contrat, mais a tout de même poursuivi les investigations. Une offre d’indemnisation de 3.025 euros a été faite en mai 2015. Procédures judiciairesLes époux [E] ont assigné la société Maisons du Midi et la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Toulon, demandant 36.440 euros pour les réparations et d’autres préjudices. Le tribunal a rendu un jugement le 3 décembre 2019, condamnant les deux sociétés à verser 17.820 euros, ainsi que d’autres sommes pour préjudice de jouissance et frais de justice. Appel des époux [E]Les époux [E] ont interjeté appel le 25 avril 2020, demandant une indemnisation plus élevée de 110.847,44 euros et contestant la responsabilité partielle qui leur avait été attribuée. Ils ont soutenu que la SMABTP n’avait pas respecté son obligation de préfinancement des travaux. Arguments des partiesLes époux [E] ont affirmé que la SMABTP et la société Maisons du Midi étaient responsables des désordres et ont contesté leur propre responsabilité. La société Maisons du Midi a demandé l’irrecevabilité des nouvelles demandes des époux, arguant qu’ils avaient contribué à l’aggravation des désordres. La SMABTP a également contesté sa responsabilité, affirmant que les époux n’avaient pas effectué les travaux nécessaires. Décisions de la cour d’appelLa cour a rejeté la fin de non-recevoir de la société Maisons du Midi concernant les demandes nouvelles. Elle a infirmé le jugement de première instance en ce qui concerne la responsabilité de la SMABTP, la déclarant non responsable des désordres. La cour a également fixé la part de responsabilité des époux [E] à 50% et a condamné la société Maisons du Midi à indemniser les époux pour les travaux de reprise. Indemnisation et préjudicesLa cour a ordonné le paiement de 39.391 euros TTC pour les travaux de reprise, actualisés selon l’indice BT01. Elle a confirmé le préjudice de jouissance à hauteur de 1.000 euros et a condamné la SMABTP à verser 2.500 euros pour les frais d’appel des époux [E]. Les intérêts sur les sommes dues ont été fixés à compter de l’arrêt. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/239
Rôle
N° RG 20/04554
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZQS
[M] [E]
[K] [H] épouse [E]
C/
S.A.S. MAISON DU MIDI
Société d’Assurance SMABTP
Compagnie d’assurance SMABTP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Olivier SINELLE
– Me Agnès ERMENEUX
– Me Isabelle FICI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04095.
APPELANTS
Monsieur [M] [E]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Olivier SINELLE de l’AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, avocat au barreau de TOULON
Madame [K] [H] épouse [E]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Olivier SINELLE de l’AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
S.A.S. MAISON DU MIDI
[Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Grégory NAILLOT, avocat au barreau de TOULON
Société d’Assurance SMABTP
ès-qualité d’assureur décennal de la SAS MAISONS DU MIDI
demeurant [Adresse 1]
et
Compagnie d’assurance SMABTP
ès-qualité d’assureur dommages ouvrage
demeurant [Adresse 1]
représentées par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Georges GOMEZ de la SELAS FAURE-HAMDI-GOMEZ & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marjorie CANEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 25 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.
ARRÊT
Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E], propriétaires d’un terrain constructible situé sur la commune d'[Localité 4], ont confié l’édification de leur maison à la société Maisons du Midi, assurée au titre de la responsabilité décennale par la SMABTP, selon un contrat de construction de maison individuelle du 08 octobre 2002.
Une assurance dommages-ouvrage a également été souscrite auprès de la SMABTP.
Le 28 octobre 2003 les travaux ont été réceptionnés sans réserve.
Les époux [E] se sont plaints de différents désordres, constatés à leur demande par procès-verbal d’huissier du 26 août 2004 et ayant fait l’objet d’un rapport d’expertise établi par Monsieur [J] le 29 septembre 2004 à la demande de la MACIF, assureur protection juridique.
Le 11 octobre 2004 et le 23 mai 2005, ils ont régularisé deux déclarations de sinistre auprès de l’assureur dommages-ouvrage.
Par ordonnance de référé en date du 16 novembre 2004, ils ont obtenu la désignation de Monsieur [O] en qualité d’expert judiciaire.
En cours d’expertise, les époux [E] ont accepté l’offre d’indemnisation de la SMABTP en qualité d’assureur dommages-ouvrage de 5.718,47euros TTC, servie au titre du désordre dit de « basculement des deux garages » et estimée en tenant compte du rapport d’expertise établi par Monsieur [S] à la demande de l’assureur dommages-ouvrage, à partir de l’étude de sols de Monsieur [C], géotechnicien.
Un premier rapport d’expertise judiciaire était déposé le 15 décembre 2005 traitant des autres désordres dénoncés par les époux [E].
Une transaction est ensuite intervenue entre les parties le 27 janvier 2008 pour les désordres retenus par l’expert judiciaire, aux termes de laquelle la SMABTP, recherchée en qualité d’assureur de la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi, a versé aux époux [E] la somme totale de 16.519,24euros au titre du coût des travaux de réfection, du préjudice de jouissance et des dépens, dont 13.171,07 euros TTC au titre du paiement du coût des travaux de réfection des désordres décennaux suivants :
-pente raide sur deux appuis de porte-fenêtre,
-défauts d’étanchéité à l’air des menuiseries,
-envols de l’isolation soufflée dans les combles,
-effritement de l’enduit de façade au niveau des arrêtes.
Déplorant l’apparition de désordres, dont des désordres de fissuration et de basculement des deux garages, les époux [E] ont régularisé une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la SMABTP le 27 juillet 2013.
Par correspondance du 27 septembre 2013, la SMABTP les a informés que les désordres ne relevaient pas du contrat dommages-ouvrage mais qu’elle demandait néanmoins à son expert de poursuivre les investigations concernant les désordres D1 et D4 « affaissement des ailes + fissures », D7 « descente PVC non collée » et D10 « infiltrations fenêtre nord du salon ».
Une offre d’indemnisation leur était adressée par courrier du 11 mai 2015 pour les désordres D7 et D10 à hauteur de 3.025 euros TTC.
Par ordonnance de référé en date du 15 novembre 2013, une nouvelle expertise judiciaire était ordonnée.
Le rapport de cette expertise a été déposé le 21 avril 2015.
Par exploits d’huissier délivrés les 27 juillet et 05 août 2015, Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] ont assigné, devant le tribunal de grande instance de Toulon, la société Maison du Midi et la SMABTP, recherchée en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage et d’assureur de la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi, aux fins d’obtenir la somme de 36.440 euros au titre des travaux de réparation, 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance et 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 16 octobre 2018, le juge de la mise en état a débouté les époux [E] de leur demande d’expertise judiciaire.
Par jugement en date du 03 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulon :
CONDAMNE in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 17.820 euros, indexée sur la variation de l’indice BT01 à compter de la date du rapport de l’expert, le 21 avril 2015, outre les intérêts au taux légal à compter du 05 août 2015 ;
CONDAMNE la SMABTP à payer ces intérêts au taux légal doublé à compter du 05 août 2015 ;
FAIT DROIT à la demande de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
CONDAMNE in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
DIT que la SMABTP, en sa qualité d’assureur décennal, doit sa garantie à la société Maisons du Midi ;
CONDAMNE in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP aux dépens de la seule présente procédure, distraits au profit de Maitre Grégory Pilliard, avocat ;
ORDONNE l’exécution provisoire.
Par déclaration d’appel en date du 25 avril 2020, les époux [E] ont interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 03 décembre 2019, en ce qu’il a :
-condamné in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 17.820 euros, indexée sur la variation de l’indice BT01 à compter de la date du rapport de l’expert, le 21 avril 2015, outre les intérêts au taux légal à compter du 05 août 2015 ;
-condamné la SMABTP à payer ces intérêts au taux légal doublé à compter du 05 août 2015 ;
-condamné in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
-condamné in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-condamné in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP aux dépens de la seule présente procédure.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu’il suit, étant rappelé qu’au visa de l’article 455 du code de procédure civile, l’arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] (conclusions notifiées par RPVA le 29 janvier 2021) demandent à la cour d’appel de :
Dire et juger la société SMABTP et la société Maisons du Midi irrecevables et pour le moins infondées en leurs demandes, fins et prétentions ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la condamnation des intimées à les indemniser ;
L’infirmer en ce qu’il a retenu leur responsabilité partielle et ainsi rejeté partiellement leurs demandes ;
En conséquence :
Condamner in solidum la SMABTP, en sa qualité d’assureur de dommages à l’ouvrage et en sa qualité d’assureur de la société Maisons du Midi, et la société Maisons du Midi, à leur payer la somme de 110.847,44€, indexée sur la variation de l’indice BT01 entre la date de leur évaluation respective, et celle de leur paiement entre leurs mains, outre :
-Intérêts au double du taux légal à compter du 29 juillet 2013 jusqu’à parfait paiement, et capitalisation annuelle, en ce qui concerne la SMABTP, en sa qualité d’assureur de dommages à l’ouvrage,
-Intérêts légaux à compter du 29 juillet 2013 jusqu’à parfait paiement, et capitalisation annuelle, en ce qui concerne la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société Maisons du Midi et la société Maisons du Midi ;
Condamner in solidum la SMABTP, en sa qualité d’assureur de dommages à l’ouvrage et en sa qualité d’assureur de la société Maisons du Midi, et la société Maisons du Midi, à leur payer la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Condamner in solidum la SMABTP, en sa qualité d’assureur de dommages à l’ouvrage et en sa qualité d’assureur de la société Maisons du Midi, la société Maisons du Midi à leur payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, incluant ceux de la présente instance, et ceux de référé, en ce compris les honoraires de l’expert judiciaire, Monsieur [G] [O], d’un montant de 4.613,97 €, dont ceux d’appel distraits au profit de Maître Olivier Sinelle, Avocat, sur son offre de droits, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les époux [E] concluent que la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, a manqué à son obligation de préfinancement de travaux permettant de mettre un terme aux dommages de manière efficace et pérenne et que sa responsabilité contractuelle doit donc être retenue. Ils concluent également que la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi est engagée compte tenu du caractère décennal des désordres et que la SMABTP doit aussi sa garantie à ce titre.
Ils contestent s’être réservés les travaux de gestion des eaux et de drainage ainsi que leur engagement à exécuter les travaux de reprise préconisés par l’expert dommages-ouvrage.
Ils reprochent au tribunal de ne pas avoir retenu la solution d’une reprise totale en sous-‘uvre des fondations alors que tous les murs sont impactés et invoquent l’apparition de nouvelles fissures pour justifier l’augmentation du montant des travaux demandés à la cour d’appel.
La société Maisons du Midi (conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2020) demande de :
VU l’article 564 du code de procédure civile,
VU les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,
DECLARER irrecevable la demande des époux [E] tendant à sa condamnation et à celle de Ia SMABTP tant en qualité d’assureur dommages-ouvrage que d’assureur responsabilité décennale au paiement de Ia somme de 110.847,44 € TIC, cette demande constituant une demande nouvelle,
Subsidiairement,
DECLARER irrecevable Ia demande de condamnation au paiement de la somme de 40.865,44 € TTC au titre de Ia reprise des fissures par agrafages, des trottoirs et des enduits, cette demande constituant une demande nouvelle,
En toutes hypothèses,
DIRE ET JUGER qu’iI résulte du rapport de l’expert judiciaire que les époux [E] sont à l’origine de l’aggravation des désordres dont ils demandent réparation,
En conséquence,
REFORMANT Ie jugement entrepris,
DEBOUTER Ies époux [E] de fins de Ieur appel comme irrecevable et mal fondé,
Subsidiairement
CONFIRMER Ie jugement entrepris en ce qu’iI a condamné Ia SMABTP à indemniser Ies époux [E] pour Ia moitié des seuls frais de reprise préconisés par I’expert [O],
En toutes hypothèses,
CONFIRMER Ie jugement entrepris en ce qu’il a condamné Ia SMABTP à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre eu égard à Ia nature décennale des désordres,
CONDAMNER tout succombant au paiement de Ia somme de 5.000 euros sur Ie fondement de I’articIe 700 du CPC outre aux entiers dépens.
La société Maisons du Midi invoque, d’abord, l’irrecevabilité des demandes des époux [E] en ce qu’ils sollicitent en cause d’appel la somme de 40.865,44 euros TTC au titre de la reprise de fissures par agrafages, des trottoirs et des enduits, somme qui n’avait pas été demandée en première instance et ne prendrait pas sa source dans le dernier rapport d’expertise judiciaire ni dans le devis établi par la société Uretek soumis à l’expert. Selon la société Maisons du Midi, cette demande n’est pas justifiée par la révélation d’un fait nouveau ni par la demande de complément d’expertise rejetée par le juge de la mise en état.
Sur le fond, la société Maisons du Midi conclut que les maîtres d’ouvrage s’étaient réservés certains travaux lors de la conclusion du CCMI, notamment les travaux de drainage et de renforcement des fondations, qu’ils ont accepté de réaliser les travaux de gestion des eaux préconisés par l’expert dommages-ouvrage pour mettre un terme aux désordres de fissurations déclarés en 2004, ce qu’ils n’ont pas fait correctement. Elle en conclut que les époux [E] sont donc les seuls responsables de l’évolution des désordres qui ont les mêmes causes et s’inscrivent dans la continuité de ceux constatés en 2005.
La société Maisons du Midi conteste l’existence d’un préjudice de jouissance puisque les désordres sont esthétiques et que les travaux seront essentiellement extérieurs.
Elle fait valoir, en cas de condamnation, que l’expert judiciaire a retenu que les désordres portent atteinte à la solidité de l’ouvrage, que la garantie décennale de la SMABTP est donc mobilisable et qu’elle doit être relevée et garantie de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
La société d’assurance mutuelle SMABTP (conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2020) sollicite de :
Vu l’article L.121-17 du code des assurances,
Vu l’article R.242-1 du code des assurances,
Vu l’article 1792 et suivants du code civil,
REFORMER le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DEBOUTER les époux [E] de l’ensemble de leurs demandes en ce que :
-ils n’ont pas effectué les travaux réparatoires pour lesquels ils ont été indemnisés et ce en violation du principe légal d’affectation de l’indemnité,
-les dommages objet des réclamations trouvent leur origine exclusive en un défaut de réalisation des travaux réparatoires préconisés par l’assureur dommages-ouvrage, lequel leur est exclusivement imputable,
-les travaux réparatoires ou complémentaires dont il est sollicité l’indemnité et le prétendu fait fautif évoqué par les époux [E] relèvent de travaux n’entrant pas dans l’assiette des garanties souscrites,
REFORMER le jugement querellé en ce qu’il a fait droit à l’allocation d’intérêts au taux double en l’absence de réunion des conditions de l’article L241-1 du Code des assurances, l’assureur dommages-ouvrage ayant pris position dans les délais prévus par les textes,
REJETER tout préjudice de jouissance,
CONDAMNER les époux [E] à verser à la SMABTP la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
CONFIRMER le jugement querellé en ce que la SMABTP tant en qualité d’assureur dommages-ouvrage qu’en qualité d’assureur décennal ne saurait se voir condamnée à une prise en charge excédant 50 % du montant des travaux réparatoires tels que valorisés par l’expert judiciaire et/ou DIRE et JUGER la SMABTP bien fondée à opposer une limitation de garantie à hauteur de 50 % en l’état de ce que les époux [E] de par l’absence de réalisation des travaux et des travaux d’aménagement ont contribué à hauteur de 50 % à la survenance des dommages,
RETENIR comme étant seule valable la valorisation des travaux réparatoires telle que chiffrée par l’expert judiciaire et ECARTER tout devis plus amples ou contraires,
DIRE et JUGER bien fondée la SMABTP à opposer sa franchise s’agissant des garanties facultatives, laquelle s’élève à 10% su sinistre avec un minimum de 78 franchises statutaires,
REJETER toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures et, notamment, les demandes formulées par toutes autres parties en la cause visant à voir la décision dont appel être réformée par le biais d’appels incidents (ou improprement qualifiés tels) et/ou à la voir les relever et garantir des condamnations qui seraient mises à leur charge,
CONSTATER qu’elle se réserve le droit de répliquer à tout appel incident et à toutes demandes qui seraient, dans ce cadre, formées à son endroit,
REJETER toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures.
La SMABTP reproche au tribunal d’avoir retenue sa garantie en qualité d’assureur dommages-ouvrage alors que les époux [E] n’ont pas réalisé les travaux réparatoires pour lesquels ils avaient été indemnisés au titre de l’assurance dommages-ouvrage, qu’ils ont partiellement exécuté eux-mêmes certains travaux de reprise, et ont réalisé des aménagements contre-indiqués, qu’ils ont ainsi contribuer à l’aggravation des dommages qualifiés de « récurrents » par l’expert judiciaire, ce qui constitue une cause extérieure exonératoire de la mise en ‘uvre de la garantie, et qu’ils ont manqué à l’obligation d’affectation de l’indemnité servie par l’assureur dommages-ouvrage. La SMABTP ajoute que les dommages trouvent leur origine dans des travaux que les époux [E] s’étaient réservés, n’entrant donc pas dans le cadre de l’assiette de la police consentie.
Elle reproche au tribunal de l’avoir condamnée au doublement du taux d’intérêt à compter de l’assignation au fond alors que cette sanction est strictement encadrée et n’est pas prévue en cas de manquement à l’obligation de préfinancement.
En sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi, la SMABTP fait valoir les manquements des époux [E] comme étant une cause exonératoire de la responsabilité.
Elle conteste le quantum des demandes relatives aux travaux de reprise, non-examiné par l’expert judiciaire, et considère que la solution maximaliste demandée de reprise totale en sous-‘uvre n’est pas justifiée. S’agissant du préjudice de jouissance, la SMABTP fait valoir qu’il est imputable aux époux [E]. Elle rappelle que sa franchise est opposable aux tiers s’agissant des garanties facultatives.
L’ordonnance de clôture est en date du 27 mai 2024.
L’affaire a été retenue à l’audience du 25 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 24 octobre 2024.
Sur les demandes nouvelles :
L’article 564 du code de procédure civile dispose que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la réalisation d’un fait ».
L’article 565 du même code dispose que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
L’article 566 dispose, quant à lui, que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».
En l’espèce, la société Maisons du Midi conclut qu’en appel, les époux [E] sollicitent désormais sa condamnation in solidum avec la SMABTP à leur payer la somme globale de 110.847,44 euros, soit la somme de 69.982 euros réclamée en première instance et la somme de 40.865,44 euros TTC au titre de la reprise des fissures par agrafages, des trottoirs et des enduits, ce qui constituerait une demande nouvelle en ce qu’elle ne prend pas sa source dans le second rapport d’expertise de Monsieur [O] ou dans le devis du cabinet Uretek et aurait pu être formée devant le premier juge, que cette demande ne serait pas justifiée par la survenance ou la révélation d’un fait nouveau et ne pourrait pas s’appuyer sur la demande d’expertise judiciaire dont ils ont été déboutées par le juge de la mise en état.
En réponse, les époux [E] concluent que leurs demandent se rapportent à de nouvelles malfaçons apparues depuis le jugement attaqué, qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au tribunal et résultent de l’insuffisance de leur prise en charge initiale.
Les époux [E] sollicitent en appel, en plus de la somme de 69.982 euros TTC demandée en première instance au titre de la reprise en sous-‘uvre par injection de résine, une somme de 40.865,44 euros TTC au titre de la reprise des fissures par agrafages, des trottoirs et des enduits qui n’avait pas été précédemment réclamée. Ils justifient cette demande d’indemnisation complémentaire par le fait qu’il s’agirait de travaux venant réparer l’évolution ou l’aggravation des mêmes désordres que ceux débattus depuis le début du litige.
Cette demande vient donc compléter la demande initiale de réparation formée à l’encontre de la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, à laquelle il est reproché de n’avoir pas préfinancé les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres ainsi que la demande formée contre la société Maisons du Midi et la SMABTP recherchée en sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale de ce constructeur pour n’avoir pas pris de dispositions suffisantes pour assurer la gestion de la nature des sols compte tenu de l’absence d’homogénéité de l’ouvrage composé d’un bloc central à deux niveaux qualifié de « rigide » et de deux ailes situées de part et d’autre sur simple rez-de-chaussée. Il ne s’agit donc pas d’une demande nouvelle en ce qu’elle est le complément de la première demande d’indemnisation et tend aux mêmes fins, à savoir la réparation intégrale du dommage.
La fin de non-recevoir invoquée par la société Maisons du Midi sera donc rejetée.
Sur l’origine et la qualification des désordres :
Il résulte des éléments du dossier, en particulier des rapports d’expertises judiciaires, que des fissurations résultant du basculement des deux garages (blocs simples sur rez-de-chaussée disposés de part et d’autre du bloc principal à R+1 plus rigide) ont été constatées en 2005 dans le premier rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [O]. De nouvelles fissurations ont été déplorées et constatées à l’occasion de la seconde expertise judiciaire réalisée en 2014 et 2015.
Le phénomène de fissurations est qualifié par l’expert de « récurrent » de ceux observés en 2005. Selon lui, « les nouvelles fissurations observées sont une évolution de celles observées en 2005 dont la cause provient d’un sol de fondation sensible aux variations hydriques et dont les mesures initiales qui avaient été retenues à l’époque pour remédier à son imbibition n’ont pas été scrupuleusement suivies d’effet ». Selon l’expert judiciaire, les causes de ces fissurations sont les mêmes, à savoir : le tassement des fondations des zones concernées.
L’étude géotechnique réalisée le 31 mai 2005 par Monsieur [C], à la demande de Monsieur [S] expert de la SMABTP (rapport Eurisk du 05 juillet 2005), avait permis d’identifier l’origine des désordres comme étant :
-des sols de fondation constitués d’argiles terreuses à cailloutis sensibles aux variations hydriques,
-des drains présentant des pentes inversées,
-des eaux pluviales et des eaux de toiture dirigées vers ces drains.
Le géotechnicien précisait ainsi que « les désordres affectant cette maison sont la conséquence d’un sol de fondation argileux sensible aux variations hydriques avec une très mauvaise gestion des eaux ».
Des travaux de drainage des eaux permettant de protéger les sols de fondations des variations hydriques avaient donc été préconisés par Monsieur [S], afin de mettre fin aux causes des désordres, à savoir :
-la prolongation du drain interrompu au droit du poteau côté ouest,
-la continuation des trottoirs périphériques en béton,
-l’évacuation des eaux de toiture hors drain.
Les époux [E] ont accepté de prendre en charge ces travaux, pour lesquels ils ont reçu de la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, la somme de 5.718,47 euros TTC, estimée sur la base de devis de la société SVD, ainsi qu’il est établi par le rapport Eurisk du 05 juillet 2005 (page 4/5), par le premier rapport d’expertise judiciaire (voir notamment page 33/42 du rapport ainsi que les annexes 14 et 16) et le second rapport d’expertise judiciaire (voir notamment page 28/40 et annexes 6).
La prise en charge des travaux visant à la gestion des eaux pluviales a pu être acceptée par les époux [E] dans la mesure où ils s’étaient initialement réservés les travaux de raccordements assainissements des eaux pluviales et des eaux usées, entre la maison et les regards en limite de propriété, au réseau public.
Dans son premier rapport d’expertise judiciaire, Monsieur [O] n’a pas approfondi son analyse de ce désordre compte tenu de l’acceptation de l’indemnisation à hauteur de 5.718,47 euros TTC.
Cependant, les opérations d’expertise judiciaire menées en 2014 et 2015 ont mis en évidence que ces préconisations n’ont pas toutes été respectées, en particulier la gestion des eaux de pluies vis-à-vis des sols support des fondations. L’expert judiciaire relève en outre que deux jardinières ont été créées contre les murs de façade de la maison, qu’une pente de pavage a été réalisée pour canaliser les eaux de surface en les renvoyant vers le drain, ce qui est contre-indiqué.
L’expert judiciaire souligne que c’est Monsieur [E] qui a réalisé certains des travaux préconisés par Monsieur [S], ayant donné lieu à indemnisation par la SMABTP, qu’il n’a pas fait appel à la société SVD à l’origine des devis ayant permis l’estimation de l’indemnité versée par cet assureur, ni à aucune autre entreprise, la facture DOMO7 produite n’établissant pas la réalisation des travaux de gestion des eaux préconisés.
Compte tenu de l’évolution des désordres, l’expert judiciaire a préconisé une solution de reprise par injection de résines dans le sol afin de reconstituer une assise pérenne à l’ouvrage pour les murs des façades est, nord et ouest fissurés, selon le devis du cabinet Uretek du 1er juillet 2014, pour un montant de 26.840 euros TTC. L’expert judiciaire précisait bien qu’avant d’engager ces travaux, la gestion des eaux en surface devait être correctement effectuée, qu’il était indispensable de supprimer les deux jardinières pour les remplacer par un dallage béton afin d’assurer l’étanchéité de la zone et de créer un trottoir sur tout le linéaire du mur ouest du bloc à rez-de-chaussée (trottoir actuel insuffisant).
Il n’est pas possible de déduire de la solution de reprise en sous-‘uvre préconisée par l’expert judiciaire dans son second rapport que la solution de gestion des eaux initialement préconisée par l’expert de l’assureur dommages-ouvrage n’était pas efficace ou qu’elle n’a pas apporté une réponse pérenne aux désordres. En effet, il est observé que, dans son étude géotechnique du 31 mai 2005, Monsieur [C] avait d’abord préconisé de détourner toutes les eaux en dehors des argiles de fondation. Il avait ainsi observé que « le drain en PL4 présentait en aval une pente inversée si bien que les eaux s’y accumulent et viennent saturer les argiles de fondation, effet amplifié par les rejets des eaux pluviales et de toiture vers les drains ce qui n’est pas conforme aux règles de l’art ». Il avait ensuite indiqué qu’« après travaux les ouvrages seront mis en observation en cas d’évolution la reprise en sous-‘uvre des fondations sera nécessaire ». Monsieur [C] ne préconisait donc la reprise en sous-‘uvre des fondations que si la solution de la gestion des eaux s’avérait insuffisante. En réponse au dire établi le 03 avril 2015 dans les intérêts des époux [E], l’expert judiciaire justifiait la solution visant à assurer la bonne gestion des eaux en précisant qu’en matière de traitement des fissures d’un ouvrage, les reprises en sous-‘uvre ne se sont pas à retenir systématiquement.
L’expert judiciaire conclut que « la réparation est principalement à imputer au constructeur qui n’a pas pris les dispositions suffisantes pour gérer le type de sol rencontré compte tenu notamment de la non-homogénéité de l’ouvrage [‘] L’évolution de la sinistralité dans le temps est à imputer pour partie aux demandeurs qui d’une part n’ont pas strictement appliqué les préconisations de l’expert [S] et ont par ailleurs sans doute aggravé l’imbibition des sols de fondation par une mauvaise gestion des eaux aux abords immédiats de la construction ».
L’expert judiciaire conclut également que les désordres compromettent la solidité de l’ouvrage.
Sur la responsabilité de l’assureur dommages-ouvrage :
Selon l’article L 242-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur dommages-ouvrage porte sur le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de nature décennale.
En application de ce texte, le maître d’ouvrage est en droit d’obtenir le préfinancement des travaux de nature à assurer leur efficacité pour mettre fin aux désordres et l’assureur dommages-ouvrage ne remplit pas ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres.
L’indemnité qui est versée par l’assureur doit permettre la réparation matérielle intégrale de l’ouvrage.
De son côté, l’assuré doit affecter l’indemnité reçue à la réparation matérielle de l’ouvrage.
L’obligation de préfinancer les travaux de nature à remédier efficacement aux désordres incombant à l’assureur dommages-ouvrage fait peser sur lui la charge de rapporter la preuve de l’absence de lien de causalité entre son intervention et le dommage.
En l’espèce, il résulte des éléments rappelés plus haut que les désordres de nature décennale déclarés en 2004 et 2005 par les époux [E], résultant de la gestion insuffisante, par le constructeur, de la qualité du sol compte tenu de l’absence d’homogénéité de l’ouvrage comportant un bloc central de deux niveaux qualifié de « rigide » encadré de deux ailes à simple rez-de-chaussée, ont fait l’objet d’un préfinancement par l’assureur dommages-ouvrage à hauteur de 5.718,47 euros TTC. Les époux [E] ont alors accepté ce préfinancement ainsi que de réaliser les travaux préconisés par le cabinet Eurisk, sur la base de l’étude géotechnique de Monsieur [C]. Ces travaux visaient à drainer correctement les eaux afin de protéger les sols de fondations des variations hydriques auxquelles ils sont sensibles.
Ces travaux se sont révélés inefficaces puisque de nouveaux désordres « récurrents » sont apparus, avec les mêmes causes.
Cependant, les éléments du dossier démontrent que ce n’est pas la solution préconisée par le cabinet Eurisk, expert de l’assureur dommages-ouvrage, sur la base de l’étude de Monsieur [C], qui s’est révélée inefficace mais sa mise en ‘uvre par les époux [E] qui s’est avérée insuffisante, voire que certains aménagements réalisés par ces derniers ont même aggravé la situation (réalisation de jardinières, pente de pavage orientée vers le drain).
C’est vainement que les époux [E] prétendent ignorer la raison pour laquelle les travaux de gestion des eaux ont été mis à leur charge ou que la SMABTP n’a pas honoré le préfinancement. En effet, il est manifeste, compte tenu des éléments du dossier, qu’au cours de l’expertise amiable du cabinet Eurisk, ils ont accepté d’exécuter les travaux de drainage, relatifs aux trottoirs périphériques et à l’évacuation des eaux de toiture permettant de répondre aux causes des dommages, contre le versement de la somme de 5.718,47 euros TTC, et que la SMABTP a pris en charge les travaux de reprise des joints de dilatation, de scellement d’aciers et d’enduit estimés à 4.167,25 euros TTC (voir le rapport de Monsieur [S] du cabinet Eurisk du 05 juillet 2005 et le courrier de la SMABTP du 25 octobre 2005 en annexe 16 du premier rapport [O]).
Il en résulte que la SMABTP n’a pas manqué à son obligation de préfinancement et que sa responsabilité contractuelle ne peut donc être retenue à ce titre à l’égard des époux [E].
Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la SMABTP, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, à indemniser les époux [E] avec le doublement des intérêts légaux.
Sur la responsabilité de la société Maisons du Midi :
Selon l’article 1792 du code civil :
Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
S’agissant d’une responsabilité de plein droit, la mise en ‘uvre de la responsabilité décennale des constructeurs suppose l’existence d’un lien d’imputabilité entre le dommage constaté et l’activité des personnes réputées constructeurs.
En l’espèce, les premiers désordres de fissurations dit de « basculement des deux garages » déclarés à l’assureur dommages-ouvrage en 2004 et 2005 et les désordres de fissurations déclarés en 2013 sont de nature décennale.
Ils sont partiellement imputables à la société Maisons du Midi en ce qu’elle n’a pas suffisamment pris en compte la nature des sols compte tenu de la particularité de l’immeuble composé d’un bloc central sur R+1 plus rigide que les deux blocs périphériques en rez-de-chaussée. Certes, les époux [E] ont conservé à leur charge les travaux de raccordement eaux de pluies et des eaux usées. Cependant, au moment de la souscription du contrat de construction de maison individuelle, il appartenait à la société Maisons du Midi d’attirer l’attention des maîtres d’ouvrage sur l’importance technique de la gestion des eaux et de vérifier la nature du sol, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait. Dès lors, il n’est pas démontré que les maîtres d’ouvrage avaient une parfaite connaissance du risque qu’ils avaient accepté d’endosser en se réservant certains travaux, ce qui ne permet pas d’écarter purement et simplement la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi.
Cependant, les éléments du dossier, en particulier le second rapport d’expertise judiciaire permet d’établir que la mauvaise exécution des travaux destinés à améliorer la gestion des eaux a contribué à l’apparition des désordres et à leur évolution. Or, les époux [E] s’étaient engagés à réalisés ces travaux. Ces derniers, qui contestent leur rôle causal, n’apportent pas de justificatifs techniques contraires.
Les époux [E] sont donc partiellement responsables des désordres et la part de responsabilité leur incombant doit être fixée à hauteur de 50%.
Ainsi, la société Maisons du Midi, est responsable de plein droit, sur le fondement de l’article 1792 du code civil des désordres de fissurations litigieux, dans une proportion de 50%.
Sur la garantie de l’assureur de la responsabilité décennale :
L’article L124-3 du code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».
La preuve de l’existence du contrat d’assurance doit être rapportée par le demandeur, qu’il s’agisse de l’assuré ou de la victime exerçant l’action directe.
En revanche, l’assuré doit rapporter la preuve du contenu du contrat d’assurance et des conditions de la garantie, tandis que la charge probatoire du tiers victime est allégée en ce qu’une fois qu’il a démontré l’existence du contrat, il incombe à l’assureur de le produire.
En l’espèce, il est établi que la société Maisons du Midi est assurée par la SMABTP au titre de sa responsabilité décennale.
Selon les conditions particulières du contrat d’assurance « Multirisques des constructeurs de maisons individuelles » (pièce n° de la SMABTP), la société Maisons du Midi a aussi souscrit une garantie facultative pour les dommages immatériels.
Il en résulte que les époux [E] sont fondés à se prévaloir de l’action directe à l’encontre de la SMABTP.
Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la SMABTP, en sa qualité d’assureur décennal, doit sa garantie à la société Maisons du Midi.
Il est rappelé qu’aucun plafond ni franchise n’est opposable aux tiers lésés en matière d’assurance obligatoire, couvrant les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale.
En assurance facultative, les limites contractuelles de la garantie de l’assureur (franchise et plafond) sont opposables tant à l’assuré qu’au tiers lésé.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Maisons du Midi et la SMABTP, en sa qualité d’assureur de cette société, doivent être condamnés à l’indemnisation des préjudices subis par les époux [E] du fait des désordres de fissurations litigieux.
Sur les préjudices matériels :
L’expert judiciaire a estimé le coût des travaux de reprise à la somme de 26.840 euros TTC pour les reprises en sous-‘uvre par injection de résines, pour les murs de façades est, nord et ouest fissurés, et 8.800euros TTC pour la reprise des façades, soit 35.640 euros TTC au total.
Les époux [E] produisent le compte-rendu d’accedit du 08/09/2017 du cabinet EUREXO mandaté par leur protection juridique, démontrant que d’autres parties de la maison sont affectées de désordres et qu’il est nécessaire de reprendre la totalité du linéaire des fondations. Ce constat est corroboré par le courrier de la société Uretek du 13 décembre 2018 mentionnant l’apparition de nouvelles fissures en façade et terrasse sud, fissures qui n’existaient pas lors de la réalisation du devis de 2014 retenu par l’expert judiciaire. Pour fixer le montant des préjudices matériels, il y a donc lieu de retenir le montant du devis n°18 172.1 NC du 13 décembre 2018 proposé par la société Uretek, dont le précédent devis avait déjà été retenu par l’expert judiciaire, d’un montant de 69.982 euros TTC.
En revanche, les devis proposés par la société D-M-G-P-P concernant la reprise des fissures par agrafage, des trottoirs et des enduits ne seront pas retenus dès lors qu’ils incluent des travaux qui excèdent le périmètre de la responsabilité décennale de la société Maisons du Midi. La somme de 8.800 euros TTC proposée par l’expert judiciaire sera donc retenue pour les reprises en façades.
Sur le préjudice de jouissance :
Les époux [E] sollicitent la somme de 10.000euros au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance.
En première instance, le tribunal avait fixé le préjudice de jouissance résultant de la présence de fissures à divers endroits de la façade depuis la déclaration de sinistre de juillet 2013 en tenant compte du fait que l’utilisation de la maison n’est pas altérée et qu’il ne s’agit que d’un préjudice esthétique.
Dans son rapport, l’expert judiciaire a précisé, à ce sujet, que la présence de fissures était sans gravité par rapport à la jouissance du bien et que les travaux de reprise seraient essentiellement des travaux extérieurs.
En outre, il a été retenu que les époux [E] ont contribué à leur propre préjudice dans la mise en ‘uvre des travaux de reprise préconisés par l’expert de l’assurance dommages-ouvrage.
Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Maisons du Midi in solidum avec son assureur, la SMABTP, à payer aux époux [E] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance.
En outre, la société Maisons du Midi sera condamnée in solidum avec son assureur, la SMABTP, à payer aux époux [E] la somme de 39.391 euros TTC (soit 69.982 € + 8.800€ = 78.782 € / 2) au titre des travaux de reprise.
La somme accordée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 entre le 21 avril 2015, date du dépôt du rapport d’expertise, et le présent arrêt.
Sur les décisions de fin d’arrêt :
Les intérêts sur les sommes dues, ne courent qu’à compter du présent arrêt conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code de procédure civile.
La capitalisation des intérêts sera due à compter du 27 juillet 2020, date des premières conclusions d’appel des époux [E] conformément à l’article 1343-2 du code civil.
En application de l’article 695 4° du code de procédure civile, les honoraires de l’expert entrent dans l’assiette des dépens.
Le jugement attaqué sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La SMABTP, qui succombe in fine en sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale de la société maisons du Midi, sera condamnée à payer aux époux [E] une indemnité de 2.500euros pour les frais qu’ils ont dû exposer en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire droit aux autres demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETTE la fin de non-recevoir de la société Maisons du Midi relative aux demandes nouvelles,
INFIRME le jugement en date du 03 décembre 2019 en toutes ses dispositions dont appel, sauf en ce qu’il a condamné in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer aux époux [E] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance, en ce qu’il a dit que la SMABTP, en sa qualité d’assureur décennal, doit sa garantie à la société Maisons du Midi, et en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] de leurs demandes contre la SMABTP recherchée en qualité d’assureur dommages-ouvrage,
DIT que Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] sont partiellement responsables des désordres et FIXE la part de responsabilité leur incombant à hauteur de 50%,
DIT que la société Maisons du Midi est responsable des désordres de fissurations, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, dans une proportion de 50%,
CONDAMNE la SMABTP, en sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale, à garantir la société Maisons du Midi dans les termes et limites de la police souscrite,
RAPPELLE qu’aucun plafond ni franchise n’est opposable aux tiers lésés en matière d’assurance obligatoire, couvrant les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale, et qu’en assurance facultative, les limites contractuelles de la garantie de l’assureur (franchise et plafond) sont opposables tant à l’assuré qu’aux tiers lésé,
CONDAMNE in solidum la société Maisons du Midi et la SMABTP à payer à Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] la somme de 39.391 euros TTC au titre des travaux de reprise,
DIT que la somme accordée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 entre le 21 avril 2015, date du dépôt du rapport d’expertise, et le présent arrêt,
DIT que les sommes dues porteront intérêts à compter du présent arrêt, avec la capitalisation des intérêts à compter du 27 juillet 2020, date des premières conclusions d’appel des époux [E], conformément à l’article 1343-2 du code civil,
CONDAMNE la SMABTP à payer à Monsieur [M] [E] et Madame [K] [H] épouse [E] la somme de 2.500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SMABTP à supporter les entiers dépens d’appel,
Accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le bénéfice du recouvrement direct dans les conditions prévues à l’article 699 du code du code de procédure civile,
DEBOUTE la SMABTP et la société Maisons du Midi de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024,
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La Présidente,