Conflit de gestion d’un bien immobilier entre concubins en situation d’indivision

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Conflit de gestion d’un bien immobilier entre concubins en situation d’indivision
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Acquisition du terrain et construction

Mme [Z] [M] et M. [C] [V] ont acquis en janvier 2021 une parcelle de terrain pour 150 000 euros, financée par deux prêts. Ils ont ensuite construit une maison sur ce terrain, financée par un prêt supplémentaire de 58 360 euros et un autre de 10 000 euros.

Séparation et impayés

Le couple s’est séparé en avril 2022, alors que les travaux de construction n’étaient pas achevés. Les prêts n’étant plus remboursés, ils ont reçu plusieurs mises en demeure pour régler les impayés entre avril et novembre 2023.

Assignation en justice

En juillet 2024, Mme [Z] [R] a assigné M. [C] [V] devant le tribunal judiciaire de Nîmes, demandant l’autorisation de vendre le bien indivis, en raison de l’obstruction de M. [C] [V] à la vente et de la situation financière précaire de Mme [Z] [R].

Arguments de la demanderesse

Mme [Z] [R] a soutenu que la vente était urgente pour éviter une saisie, précisant que le bien était inoccupé et que les travaux n’étaient pas terminés, ce qui empêchait toute rentrée d’argent pour l’indivision.

Demande de renvoi

Lors de l’audience de septembre 2024, M. [C] [V] a demandé un renvoi pour répondre aux arguments de la demanderesse, tandis que les parties ont été invitées à discuter de la compétence de la 3ème chambre civile.

Incompétence de la 3ème chambre civile

Le tribunal a constaté que les intérêts patrimoniaux des concubins, y compris ceux liés à leur séparation, relevaient de la compétence du Juge aux Affaires Familiales. L’affaire a donc été renvoyée devant ce juge.

Décision finale

Le Juge de la Mise en Etat a déclaré la 3ème Chambre Civile incompétente, renvoyé l’affaire devant le Juge aux Affaires Familiales, et a décidé que les dépens seraient à la charge de Mme [Z] [M].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Nîmes
RG n°
24/03489
Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
la SELARL [7] – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC
la SCP SVA

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
**** Le 24 Octobre 2024
Troisième Chambre Civile

N° RG 24/03489 – N° Portalis DBX2-W-B7I-KSSF
Minute n° JG24/196

JUGEMENT

Le tribunal judiciaire de Nîmes, Troisième Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

Mme [Z] [R]
née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 9], demeurant C/Monsieur et Madame [R] – [Adresse 4]
représentée par la SCP SVA, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, Me Olivia ROUGEOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

à :

M. [C] [V]
né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5]
représenté par la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocats au barreau d’AVIGNON, avocats plaidant

Rendu par mise à disposition au greffe le jugement contradictoire suivant, en application de l’article 473 du code de procédure civile, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 26 Septembre 2024 devant Valérie DUCAM, Vice-Président, sur délégation de Madame la Présidente, conformément aux dispositions régissant la procédure accélérée au fond, assistée de Corinne PEREZ, Greffier, et qu’il en a été délibéré.

N° RG 24/03489 – N° Portalis DBX2-W-B7I-KSSF

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié en date du 26 janvier 2021, Mme [Z] [M] et M. [C] [V] ont acquis à concurrence de moitié chacun une parcelle de terrain destinée à la construction sise [Adresse 8] à [Localité 6] pour la somme de 150 000 euros. L’achat était financé au moyen de deux prêts, l’un de 164 302 euros remboursable en 300 échéances mensuelles, et l’autre de 80 105 euros remboursable en 180 échéances mensuelles.

Les concubins ont édifié une maison d’habitation sur ledit terrain. Les travaux de construction étaient financés au moyen d’un autre prêt d’un montant total de 58 360 euros, remboursable en 36 mois, outre un prêt de 10 000 euros remboursable en 36 échéances mensuelles également.

Mme [Z] [M] et M. [C] [V] se séparaient en avril 2022, alors que les travaux n’étaient pas terminés.

L’intégralité des échéances des prêts n’étant plus réglées, Mme [Z] [M] et M. [C] [V] étaient mis en demeure de régler les impayés par courriers des 13 avril, 6 juin et 14 novembre 2023.

Estimant que M. [C] [V] faisait obstruction à la vente du bien indivis, Mme [Z] [R] a, par exploit du 23 juillet 2024, assigné M. [C] [V] devant le tribunal judiciaire de Nîmes statuant dans le cadre de la procédure accélérée au fond de l’article 481-1 du code de procédure civile, au visa des articles 1380 du code de procédure civile, 815-6 et suivants du code civil, aux fins de voir :
– déclarer Mme [Z] [R] recevable et bien fondée en ses demandes ;
– juger que dans l’intérêt commun de l’indivision, il est urgent d’autoriser la vente de l’ensemble immobilier indivis ;
– constater l’évaluation de l’ensemble immobilier indivis pour un prix compris entre 350 500 euros et 360 000 euros net vendeur ;
– autoriser Mme [Z] [R] à signer seule pour le compte de l’indivision toute promesse de vente et acte authentique portant sur le bien indivis cadastré section A numéro [Cadastre 3] sis [Adresse 8] à [Localité 6] à toute personne se portant acquéreur pour un prix net vendeur compris entre 350 500 euros et 360 000 euros ;
– autoriser Mme [Z] [R] à régulariser au nom et pour le compte de l’indivision tous les actes nécessaires à la vente du bien immobilier ;
– autoriser Mme [Z] [R] à vider l’ensemble immobilier susvisé de tout bien meuble ;
– autoriser Mme [Z] [R] à accomplir seule les formalités, à signer seule tous les actes nécessaires à la régularisation de la vente dudit immeuble ;
– dire et juger que le notaire devra insérer la clause suivante dans l’acte de vente :
« Présence et représentation, Madame agit au présent acte tant en son nom personnel qu’au nom de M. [C] [V] en vertu de l’autorisation qui lui a été donnée en application de l’article 815-6 du code civil aux termes du jugement devenu exécutoire rendu par le Président du tribunal judiciaire de Montpellier, une copie du jugement susmentionné et du certificat justifiant son caractère exécutoire sont annexés aux présentes » ;
– dire qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner M. [C] [V] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d’instance.

Mme [Z] [R] soutient que M. [C] [V] s’oppose fermement et sans motif légitime à la vente de l’immeuble indivis. Elle précise que les échéances du crédit immobilier ne sont plus réglées depuis un an et demi. Elle explique que sa situation financière ne lui permet pas de compenser l’attitude dilatoire de M. [C] [V]. Elle affirme que la vente de l’immeuble est urgente compte tenu de la menace de saisie indiquée par l’établissement de crédit. Elle ajoute qu’il est de l’intérêt commun que le bien soit vendu rapidement puisque d’une part le bien ne peut être entretenu correctement, les travaux n’étant pas terminés, et d’autre part, aucune rentrée de fond ne peut bénéficier à l’indivision, le bien étant inoccupé.

Lors de l’audience du 26 septembre 2024, M. [C] [V] sollicitait le renvoi de l’affaire afin de pouvoir répliquer aux écritures de la demanderesse.

Les parties étaient toutefois invitées à formuler leurs observations sur la compétence de la 3ème chambre civile et sur un éventuel dessaisissement de l’affaire au profit du Juge aux Affaires familiales.

L’affaire était mise en délibéré au 24 octobre 2024.

MOTIFS

Aux termes de l’article L.213-3 du code de l’organisation judiciaire, “Dans chaque tribunal judiciaire, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge aux affaires familiales.
Le juge aux affaires familiales connaît :
1° De l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal judiciaire et du juge des tutelles des majeurs ;
2° Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d’absence ;
3° Des actions liées :
a) A la fixation de l’obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;
b) A l’exercice de l’autorité parentale ;
c) A la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ;
d) Au changement de prénom ;
e) A la protection à l’encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d’un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violent ;
f) A la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé.
4° Des demandes d’attribution à un concubin de la jouissance provisoire du logement de la famille en application de l’article 373-2-9-1 du code civil”.

Il est constant que les intérêts patrimoniaux des concubins s’entendent de tous leurs rapports pécuniaires, y compris ceux nés de la rupture de concubinage.

En l’espèce, la demanderesse demande à être autorisée à signer seule pour le compte de l’indivision toute promesse de vente et acte authentique portant sur le bien indivis cadastré section A numéro [Cadastre 3] sis [Adresse 8] à [Localité 6] à toute personne se portant acquéreur pour un prix net vendeur compris entre 350 500 euros et
360 000 euros.

Il n’est pas contesté que ce bien immobilier a été édifié par Mme [Z] [M] et M. [C] [V] durant leur concubinage, et que le projet de vente résulte de la rupture de ce concubinage.

Dans ces conditions, il conviendra de constater l’incompétence de la 3ème Chambre Civile, et de renvoyer l’affaire devant le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de NIMES.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

Les dépens seront à la charge de Mme [Z] [M] .

PAR CES MOTIFS

Le Juge de la Mise en Etat, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe, susceptible d’appel,

DÉCLARE la Troisième Chambre Civile incompétente ;

RENVOIE l’affaire devant le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de NIMES,

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens seront à la charge de Mme [Z] [M].

Le présent jugement a été signé par Valérie DUCAM, Vice-Président et par Nathalie FORINO, F.F.Greffier présent lors de sa mise à disposition.

Le Greffier, Le Président,


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