Contexte du litigePar contrat du 10 septembre 2013, Madame [V] [M] et Monsieur [T] [M] ont engagé Monsieur [O] en tant que maître d’œuvre pour des travaux de rénovation de leur villa et de leur piscine à [Localité 5]. La réception des travaux a eu lieu le 25 mai 2015. Apparition des désordresEn 2021, les consorts [M] ont constaté des fissures sur le revêtement de la piscine. Ils ont alors assigné Monsieur [P] [O] et Monsieur [R] [S] devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes le 7 novembre 2022, invoquant des désordres compromettant la destination de l’ouvrage et relevant de la responsabilité décennale des constructeurs. Responsabilité de Monsieur [P] [O]Les consorts [M] soutiennent que Monsieur [P] [O], en tant qu’architecte maître d’œuvre, n’a pas vérifié les qualifications de Monsieur [S] ni son assurance décennale. Ils affirment également qu’il n’a jamais communiqué son attestation d’assurance, entraînant une perte de chance d’indemnisation pour les désordres. Responsabilité de Monsieur [R] [S]Monsieur [R] [S] est accusé d’avoir exercé son activité sans assurance responsabilité civile décennale et de ne pas avoir respecté les spécifications techniques de la marque SIKA, causant ainsi une non-conformité du revêtement de la piscine. Sa responsabilité décennale est engagée envers les époux [M]. Indemnisation demandéeLes consorts [M] réclament une indemnisation pour le préjudice de jouissance lié aux désordres, incluant des frais de consommation d’eau anormaux. Ils demandent également le paiement de 28.356,35 € pour les réparations, ainsi que 10.000 € de dommages-intérêts et 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Demandes de Monsieur [P] [O]Monsieur [P] [O] a demandé au juge de déclarer irrecevable l’action des consorts [M] pour défaut de saisine préalable de l’Ordre des architectes. Il a également demandé le rejet de toutes les demandes à son encontre et la condamnation des consorts [M] à lui verser 2.000 € pour les frais de justice. Position des consorts [M]Les époux [M] contestent la clause de saisine préalable de l’Ordre des architectes, la qualifiant d’abusive. Ils affirment avoir tenté des démarches amiables sans réponse de Monsieur [P] [O] et demandent la condamnation de ce dernier pour les coûts de reprise des désordres. Décision du juge de la mise en étatLe juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [P] [O], considérant que la clause de saisine préalable n’est pas applicable pour les litiges relatifs à des désordres décennaux. Les demandes des époux [M] ont été jugées recevables, tandis que celles de Monsieur [O] ont été rejetées. Conclusion et prochaines étapesLes demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées, et les dépens réservés. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 9 janvier 2025 pour les conclusions au fond du défendeur. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
❑ certifiée conforme
délivrée le
à la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI
Me Christelle LEXTRAIT
ORDONNANCE DU : 24 Octobre 2024
DOSSIER N° : N° RG 22/05008 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JWTS
AFFAIRE : [T] [M], [V] [M] C/ [R] [S], [P] [O],
MINUTE N° : OR24/
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NIMES
1ère Chambre Civile
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
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M. [T] [M]
né le 26 Novembre 1957 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, et par la SCP SEGUIER-BONNET-PIJOT, avocats au barreau de BEZIERS, avocats plaidant
Mme [V] [M]
née le 05 Mars 1959 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, et par la SCP SEGUIER-BONNET-PIJOT, avocats au barreau de BEZIERS, avocats plaidant
à :
M. [R] [S],
entrepreneur individuel exerçant la profession de maçon, immatriculé sous le SIREN [Numéro identifiant 4],
demeurant [Adresse 6]
n’ayant pas constitué avocat
M. [P] [O],
entrepreneur individuel exerçant la profession d’architecte, répertorié sous le numéro SIREN [Numéro identifiant 3], demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP LEVY BALZARINI SAGNES SERRE LEFEBVRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats plaidant, et par Me Christelle LEXTRAIT, avocat au barreau de NIMES, avocat postulant
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Nous, Nina MILESI, Vice-Présidente, agissant comme juge de la mise en état, assistée de Aurélie VIALLE, greffière,
Après débats à l’audience du 19 septembre 2024 avons rendu l’ordonnance suivante :
Par contrat du 10 septembre 2013, Madame [V] [M] et Monsieur [T] [M] ont fait appel à Monsieur [O], en qualité de maître d’œuvre, pour des travaux de rénovation de leur villa et de leur piscine, situées à [Localité 5].
Le 25 mai 2015, la réception est intervenue.
Se plaignant de désordres à savoir l’apparition de fissures sur le revêtement de la piscine en 2021, les consorts [M] ont, par acte en date du 07 novembre 2022, assigné Monsieur [P] [O] et Monsieur [R] [S] devant le Tribunal Judiciaire de Nîmes, sur le fondement des articles 1792 et suivants, 1231-1, 1217 du Code civil, L241-1 et suivants et L243-2 du Code des assurances, afin de :
Sur la nature des désordres:
JUGER que les désordres grevant le revêtement de la piscine de Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M] compromettent la destination de l’ouvrage et revêtent le caractère décennal.JUGER en conséquence que les désordres objet du litige sont de la nature de ceux pouvant engager la responsabilité décennale des constructeurs, au sens des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil Sur la responsabilité de Monsieur [P] [O], architecte :
JUGER que Monsieur [P] [O], en sa qualité d’architecte maître d’œuvre, n’a pas contrôlé les qualifications de Monsieur [S] et n’a pas vérifié qu’il était bien titulaire de la couverture d’assurance décennale obligatoire JUGER que Monsieur [P] [O] n’a jamais communiqué son attestation d’assurance garantie décennale à Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M]. JUGER que Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M] ont subi une perte de chance d’être indemnisés des désordres de nature décennale du fait du défaut de souscription d’une assurance par Monsieur [R] [S] et du défaut de communication de l’attestation d’assurance décennale par Monsieur [P] [O]. JUGER que Monsieur [O] engage sa responsabilité contractuelle et décennale du fait de ses fautes professionnelles et des désordres de nature décennale grevant la piscine de Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M]. Sur la responsabilité de Monsieur [R] [S], locateur d’ouvrage :
JUGER que Monsieur [R] [S] a eu recours à l’activité de locateur d’ouvrage sans contracter d’assurance responsabilité civile décennale.JUGER que Monsieur [R] [S] n’a pas respecté les cahiers techniques de la marque SIKA en posant un revêtement KATYMPER de 3mm au lieu des 8 mm préconisés par le fabriquant SIKA, causant une non-conformité de l’ouvrage. JUGER que Monsieur [R] [S] engage sa garantie décennale à l’égard de Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M]. JUGER que Monsieur [S] n’a pas souscrit l’assurance obligatoire, ce qui constitue une fauteSur l’indemnisation de Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M]:
JUGER que Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M] ont subi un préjudice de jouissance important du fait des désordres de nature décennale grevant leur piscine et impliquant des frais de consommation d’eau anormaux. JUGER que Monsieur [O] [P] et Monsieur [S] [R] ont tous deux concouru à la réalisation des désordres affectant le bassin des époux [M] CONDAMNER Monsieur [P] [O] et Monsieur [R] [S] in solidum au paiement de la somme de 28.356,35€ à Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M], correspondant aux coûts de réparation de la piscine, somme qui devra être indexée à l’indice BTO1 au jour du Jugement à intervenir. CONDAMNER Monsieur [P] [O] et Monsieur [R] [S] in solidum au paiement de la somme de 10 000€ de dommages-intérêts à Monsieur [T] [M] et Madame [V] [M]. CONDAMNER in solidum Monsieur [P] [O] et Monsieur [R] [S] au paiement de la somme de 5 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens liés à la présente procédure.
Aux termes de leurs écritures valant saisine du Juge de la mise en état notifiées par voie dématérialisée le 10 mai 2023, Monsieur [P] [O] demande au juge de la mise en état, sur le fondement de l’article 122 du Code de procédure civile, de :
DECLARER IRRECEVABLE l’action des consorts [M] envers Monsieur [P] [O] pour défaut de saisine préalable de l’Ordre des architectes pour avis, DEBOUTER les consorts [M] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de Monsieur [P] [O], CONDAMNER au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie dématérialisée le 15 mai 2024, Monsieur [P] [O] demande au juge de la mise en état, sur le fondement de l’article 122 du Code de procédure civile, de :
JUGER que le contrat d’architecte conclu entre Monsieur [O] et les consorts [M] comporte une clause de saisine préalable du Conseil régional de l’Ordre des architectes pour avis, JUGER que les consorts [M] n’ont pas effectué cette saisine au préalable de leur action en justice,ECARTER le caractère présumé abusif de la clause de saisine préalable du Conseil régional de l’ordre des architectes pour avis, JUGER que cette clause a vocation à s’appliquer, DECLARER IRRECEVABLE, pour défaut de saisine préalable de l’Ordre des architectes pour avis, DEBOUTER les consorts [M] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de Monsieur [P] [O], CONDAMNER au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie dématérialisée le 07 août 2024, Madame [V] [M] et Monsieur [T] [M] demandent au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 1792 du Code civil et 122 du Code de procédure civile, de :
JUGER que le caractère abusif de la clause d’adhésion, insérée au contrat de maîtrise d’œuvre imposé par Monsieur [P] [O] aux époux [M] est abusive et vise à les priver du droit d’agir contre leur maître d’œuvre. JUGER que les époux [M] ont tenté plusieurs démarches amiables et Monsieur [P] [O] n’y a jamais donné de suite. JUGER que la demande principale des époux [M] vise à voir condamné Monsieur [P] [O] à leur payer les coûts de reprise des désordres de nature décennale. JUGER que la clause portant obligation de saisir pour avis l’Ordre des architectes au préalable à tout procès est abusive. JUGER que la clause portant obligation de saisir pour avis l’Ordre des architectes au préalable à tout procès n’est pas applicable lorsque la demande principale concerne la réparation de désordres sur le fondement de l’article 1792 du code civil. JUGER que l’action des époux [M] est recevable. REJETER purement et simplement les demandes de Monsieur [P] [O] comme étant infondées, injustifiées, et abusives. CONDAMNER Monsieur [P] [O] à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens liés à la procédure d’incident.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été retenue à l’audience du 19 septembre 2024. La décision a été mise en délibéré au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la fin de non-recevoir
Il est constant que la clause imposant la saisine pour avis de l’ordre des architectes préalablement à toute action judiciaire institue une procédure de conciliation préalable dont la méconnaissance constitue une fin de non-recevoir insusceptible de régularisation (Cass., 3e Civ., 16 novembre 2017, n° 16-24.642). Cette clause n’est pas applicable lorsque le litige porte sur la réparation de désordres de nature décennale relevant des dispositions de l’article 1792 du code civil (Cass., 3e Civ., 23 mai 2007, n° 06-15.668).
La demande principale des époux [M] d’un montant de 28.356,35 euros est fondée sur la responsabilité décennale de l’architecte. Il s’ensuit que cette demande est recevable en dépit de l’absence de saisine de l’ordre des architectes pour avis.
Seule la demande accessoire relative à des dommages-intérêts de 10.000 euros est fondée sur la responsabilité contractuelle et serait susceptible d’être irrecevable.
Toutefois, il est constant que la clause imposant la saisine pour avis de l’ordre des architectes est présumée abusive dans les relations entre consommateur et professionnel (Cass., 3e Civ., 11 mai 2022, n° 21-16.023). Il incombe à l’architecte de rapporter la preuve contraire.
Pour cela, M. [O] se prévaut de ce que le contrat conclu avec les époux [M] ne serait pas un contrat d’adhésion.
Toutefois, s’il est exact que de nombreuses clauses contractuelles sont négociées dans le cadre d’un contrat d’architecte, la clause relative à la saisine préalable de l’ordre des architectes avant toute saisine d’une juridiction ne l’a pas été en l’espèce. Il s’agit d’une clause stéréotypée présente dans de nombreux contrats d’architecte. Il s’ensuit que ce moyen ne peut qu’être rejeté.
M. [O] se prévaut encore de ce que les époux [M] étaient assistés d’un avocat avant la saisine de la juridiction, le litige relevant de la procédure avec représentation obligatoire. Toutefois, le caractère abusif d’une clause ne saurait dépendre du montant du litige. Par conséquent, M. [O] ne rapporte pas la preuve que la clause relative à la saisine préalable de l’ordre des architectes avant toute saisine d’une juridiction n’est pas abusive et ne renverse donc pas la présomption.
Les demandes des époux [M] sont recevables et la fin de non-recevoir soulevée par M. [O] doit être rejetée.
Sur les autres demandes
Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile, de telle sorte que les demandes formulées respectivement par Monsieur [O] et les époux [M] seront rejetées.
Les dépens seront réservés.
Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, susceptible d’appel avec le jugement sur le fond,
REJETONS la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande fondée sur la responsabilité contractuelle ;
REJETONS les demandes formulées par Monsieur [O] et les époux [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS les dépens,
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 9 janvier 2025 à 08h30 pour les conclusions au fond du défendeur.
La présente ordonnance a été signée par Nina MILESI, Vice-Présidente, et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de la mise à disposition.
Le greffier, Le juge de la mise en état,