La réforme du financement de l’audiovisuel public

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La réforme du financement de l’audiovisuel public
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Proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public

La Procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement sur la Proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public.

La loi de finances rectificative pour 2022

La loi de finances rectificative pour 2022 a supprimé, à compter du 1er janvier 2022, la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Le débat parlementaire a conduit au maintien du compte de concours financier, par une fraction du produit de la TVA venant se substituer à la CAP. 

Toutefois, ce mode de financement était, dès le départ, provisoire. En effet, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001, modifiée par l’article 3 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, dispose que l’affectation d’une taxe à un tiers autre que les collectivités territoriales, établissements publics et organismes de sécurité sociale est possible uniquement si ces deux conditions cumulatives sont respectées : disposer de la personnalité morale et un lien existant entre la taxe et la mission de service public. 

Cette disposition rentrera en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Les sociétés de l’audiovisuel public ne répondant pas à ces deux conditions cumulatives, il n’est pas possible de pérenniser, en l’état actuel du droit, leur financement par une fraction du produit de la TVA.

Cet état de fait, ainsi que le contexte politique national et international actuel, appelle à un soutien durable à l’audiovisuel public. 

La question de la TVA

Cette pérennisation du mode de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA poursuit d’abord une visée démocratique essentielle. Elle garantit en effet l’indépendance des médias de service public et concourt à la libre communication des pensées et des opinions, consacrée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et au pluralisme des médias, défini par le Conseil constitutionnel comme une condition d’exercice de la démocratie. Elle permet aux citoyens d’accéder à une pluralité d’opinions et de sources fiables dans un contexte de manipulations de l’information, d’origine nationale comme internationale. 

Cette pérennisation des modalités de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA poursuit ensuite un objectif économique. Elle permet à l’audiovisuel de continuer à peser dans l’espace informationnel français et international, dans lequel la concurrence de médias en ligne et des grandes plateformes s’intensifie, et de maintenir le niveau de soutien à la création française et européenne. Elle garantit aussi l’équilibre du paysage audiovisuel français, face à des acteurs privés puissants qui se financent principalement sur la ressource publicitaire, dans un marché économique déjà contraint. 

Sans modification de la LOLF dans les délais impartis, le financement de l’audiovisuel public serait assuré par le budget général de l’État et non plus par une ressource affectée, comme c’est le cas aujourd’hui.

Cette situation aurait des conséquences importantes pour les sociétés de l’audiovisuel public, notamment sur l’influence de la France sur le plan international. En effet, les sociétés d’audiovisuel public seront considérées comme des médias d’État (notamment en Allemagne sur le land de Berlin pour RFI ou s’agissant des possibilités de diffusion de France Média Monde) et subiront, notamment, une perte de référencement sur YouTube en passant de service public d’information à un service gouvernemental.

Le règlement européen sur la liberté des médias

On rappellera que le règlement européen sur la liberté des médias (« Media Freedom Act »), récemment adopté par l’Union européenne, est d’application directe en France. Son article 5 dispose que « les États-membres veillent à ce que les procédures de financement des médias de service public soient fondées sur des critères transparents et objectifs préalablement établis (…), garantissant des ressources financières suffisantes, durables et prévisibles correspondant à l’accomplissement de leur mission de service public, et leur permettant de se développer dans le cadre de celle-ci (…) et de nature à permettre que leur indépendance éditoriale soit préservée ». 

Le risque lié à la budgétisation du financement des médias de service public a également été relevé dans une étude de la Commission européenne, commandée par la DG CONNECT et publiée en janvier 2024. Elle a souligné les risques « d’interférence politique » et de baisse des ressources qui sont associés à ce mode de financement. 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a reconnu en 2009 la « garantie des ressources de l’audiovisuel public comme un élément constitutif de son indépendance », de même que sa décision du 12 août 2022 a consacré « qu’il incombera au législateur (…) pour la période postérieure au 31 décembre 2024 de fixer le montant des recettes afin que les sociétés de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées. »

Dans ce cadre, une proposition de loi organique avait été déposée par des députés afin de pérenniser un mode de financement affecté pour l’audiovisuel public. Toutefois, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, ce texte est rendu caduc. 

Le Sénat, en tant que chambre haute du Parlement, doit assurer la continuité des institutions et du service public, d’où l’importance de ce nouveau texte.

L’article 1er de la proposition de loi organique modifie l’article 2 de la LOLF afin que des impositions de toutes natures puissent être directement affectées aux organismes de l’audiovisuel public, permettant ainsi un financement par une fraction du produit de la TVA. Ces organismes sont définis dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et comprennent aujourd’hui France télévisions, Radio France, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (France Médias Monde), l’établissement public Institut national audiovisuel (INA), TV5-Monde et la chaîne culturelle européenne portée en France par ARTE-France.

L’article 2 crée une modalité de financement spécifique pour ARTE-France qui ne serait dès lors plus couverte par l’article 2 de la LOLF : un prélèvement sur recettes (PSR) de l’État. Le PSR est un outil budgétaire, prévu à l’article 6 de la LOLF, qui permet de rétrocéder un montant déterminé des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne. Le principal avantage des PSR est d’assurer un budget prévisible, évaluatif, non soumis à variations infra-annuelles.

La chaîne culturelle européenne ARTE a été créée par un traité international, conclu le 2 octobre 1990 entre la France et les États fédérés de la République fédérale d’Allemagne, puis ratifié. Comme tous les traités, il s’impose aux lois organiques et ordinaires nationales, en application de l’article 55 de la Constitution. Ce Traité prévoit et organise l’indépendance éditoriale et financière de chacune des composantes de la chaîne (groupement européen d’intérêt économique -GEIE-, pôle allemand, pôle français). Il résulte ainsi d’une norme internationale que le pôle d’ARTE-France est tenu de fournir les programmes et les moyens financiers nécessaires au fonctionnement de la chaîne franco-allemande, dans une proportion strictement équivalente à celle de la partie allemande, sur la base du budget arrêté par l’assemblée générale du GEIE.

La création d’un PSR contribuera au respect des engagements internationaux de la France en assurant l’indépendance financière de la chaîne et la parité de l’apport de l’État français au financement du GEIE. À noter qu’ARTE-France bénéficie d’un contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’État et est soumis au contrôle des rapporteurs spéciaux du budget et de la Cour des comptes.

La distinction du financement des principales entités de l’audiovisuel public et d’ARTE-France a du sens compte tenu de la durée de validité des documents stratégiques qui lient ces entités à l’État et déterminent la trajectoire de leur financement : quatre ans pour ARTE-France, cinq ans pour les autres entités.

L’article 3 est un article de gage.


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