Cession d’actions de l’associé : le piège de la décôte

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Cession d’actions de l’associé : le piège de la décôte
Ce point juridique est utile ?

Le mécanisme de la décôte en matière de cession des actions de l’associé, peut réduire de façon importante la valeur des actions.

Les modalités de calcul du prix de rachat des actions peuvent donc être défavorables à l’associé qui quitte la société à une date proche de la levée de fonds et donc de la signature du pacte.

En la cause, la promesse de cession de ses actions consentie par M.[E] en cas de départ de la société Skello correspond dans son principe à une clause habituelle dans les pactes d’actionnaires. Un tel engagement figurait déjà dans le premier pacte signé par M.[E], même si les modalités en étaient différentes. L’article 8.1 est libellé de façon claire et parfaitement compréhensible par un manager de société.

Le prix de cession en cas d’exercice de l’option est déterminé en fonction du croisement de deux tableaux. Selon l’article 8.5, le prix des actions en cas d’exercice de l’option, est fonction des trois paramètres suivants:

-la nature du Fait Générateur (Départ Légitime ou Départ Fautif/ Violation Significative du Sortant,

– la date de survenance du Fait Générateur,

– le caractère vesté ou non vesté des actions, les actions ‘Non Vestées’ étant toujours cédées à leur valeur nominale, tandis que les ‘Actions Vestées’ le sont au prix de marché affecté d’un coefficient variant selon la date du Fait Générateur et du motif de départ. La qualification d’actions Vestées ou non Vestées résulte de l’application d’un tableau figurant à l’article 8.2 du pacte.

Ce tableau décline, pour les besoins de l’exercice de l’option d’achat, le pourcentage d’actions qui seront qualifiées de vestées, ce pourcentage étant fonction de la date du départ et du motif de départ.

Ainsi en cas de ‘ Départ Légitime’, qui comprend au sens du pacte une révocation non justifiée par une faute, le pourcentage d’actions qualifiées de vestées dépend de la date du départ du manager. La révocation de M.[E] étant intervenue en novembre 2019, seulement 25% de ses actions revêtaient la qualification d’actions vestées ( tableau 8.2) , le coefficient applicable à la valeur de marché étant de 0,3 (tableau 8.5).

L’article 8.5 prévoit toutefois une disposition spécifique pour M.[E], ainsi libellée ‘ Etant toutefois précisé, par exception à ce qui précède, que dans l’hypothèse où l’Option d’Achat Manager serait exercée relativement à [B] [E] pour des actions souscrites ou à souscrire en exercice de BSPCE, le prix d’acquisition moyen des Titres Acquis par les Bénéficiaires Acquéreurs ne pourra, en cas de Départ Légitime ou de Démission, être inférieur au prix d’acquisition par [B] [E] des Titres en question’.

Ainsi, aux termes de ces clauses, un manager sortant (Départ Légitime) pourra prétendre au rachat de l’intégralité de ses actions à leur valeur de marché sans décôte s’il est resté associé de Skello jusqu’au 1er août 2023 soit au moins 5 ans après la signature du pacte. Avant cette date, le prix de cession augmente progessivement. Comme le soutiennent les intimés, plus le manager reste dans la société, mieux il cède ses actions en cas d’exercice de l’option.

Si les modalités de calcul du prix de rachat des actions ne sont pas favorables au manager qui quitte Skello à une date proche de la levée de fonds et donc de la signature du pacte, cela tient à sa moindre participation dans le temps au développement de la société. La circonstance que M.[E] n’a pu céder ses actions à des conditions favorables au regard du prix de marché tient donc à la date de son départ, intervenu seulement 16 mois après la signature du pacte, ces modalités s’appliquant à tout manager sortant.

Si l’article 8 prévoit un double mécanisme de décote y compris en cas de Départ Légitime, les modalités en sont clairement exposées au pacte au travers de deux tableaux et M.[E] n’établit pas avoir pu se méprendre sur la véritable portée de ce mécanisme, d’autant qu’une clause spécifique a été prévue le concernant afin que lui soit garanti un prix de rachat minimal, correspondant au prix d’acquisition, prix d’acquisition de 300.000 euros qu’il avait en l’occurrence versé un mois plus tôt.

La clause suivante a été validée par la juridiction :

“Chacun des Managers et, le cas échéant, sa Holding Familiale ( un ‘Associé Sortant’) pourra être contraint de céder aux Fondateurs Actifs, aux Nouveaux Investisseurs et/ou à la Société ( les ‘Bénéficiaires de l’Option’), tout ou partie des Titres détenus par l’Associé Sortant en cas de survenance d’un Fait Générateur. A cet effet, chacun des Managers consent irrévocablement aux Bénéficiaires de l’Option une promesse de vente portant sur l’intégralité des Titres qu’il détiendra à tout moment dans la Société (chacune, une ‘Option d’Achat Manager’).

Chaque Bénéficiaire de l’Option accepte les Options d’Achat Manager dont il bénéficie en tant que promesses seulement, et se réserve le droit d’en demander la réalisation dans les conditions ci-après, ou d’y renoncer purement et simplement.”

Par les termes ‘Fait Générateur’, le pacte désigne le ‘Départ d’un Manager ou une Violation Significative par ledit Manager ou sa Holding Familiale’. Le ‘Départ’ correspond, s’agissant d’un Manager, à la cessation de ses fonctions de salarié ou de dirigeant au sein du Groupe pour quelque raison que ce soit.

L’article 8.4 prévoit que l’Option d’Achat Manager pourra être exercée dans un délai de six mois suivant ‘ la Date de départ’, c’est à dire la date à laquelle le Départ du Manager est notifié par le Groupe à ce dernier, le Groupe désignant la société Skello et le cas échéant ses filiales.

Résumé de l’affaire : La SAS Skello, fondée en mai 2016, développe une solution de gestion des ressources humaines pour la restauration et l’hôtellerie. Après une première levée de fonds de 300.000 euros en septembre 2016, M.[E] rejoint la société en décembre 2016 en tant que consultant, avec une promesse d’attribution d’actions. Il devient directeur général en juillet 2017 et reçoit des BSPCE. En février 2018, son contrat est modifié pour aligner ses BSPCE à 150.000, sans période de vesting. En juillet 2018, une nouvelle levée de fonds entraîne un nouveau pacte d’actionnaires, stipulant que les managers doivent céder leurs actions en cas de départ. Les relations se détériorent et M.[E] est révoqué en novembre 2019. En février 2020, il exerce ses BSPCE, mais la présidente de Skello lui notifie l’option d’achat prévue dans le pacte. M.[E] conteste cette clause et demande son annulation. Le tribunal de commerce condamne Skello à lui verser 21.000 euros pour non-concurrence, mais rejette ses autres demandes. M.[E] fait appel et obtient le virement de 300.000 euros. En juin 2023, le conseil de prud’hommes déboute M.[E] de sa demande de requalification de son contrat. En appel, M.[E] demande l’annulation de la clause 8 du pacte et la restitution de ses actions, tandis que les défendeurs demandent l’irrecevabilité de ses nouvelles prétentions. La cour confirme en partie le jugement initial, condamne Skello à verser 24.500 euros à M.[E] pour perte de chance d’assurance chômage, et déboute les parties de leurs demandes d’indemnités procédurales.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/09370
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2024

(n° / 2024, 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09370 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2AN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mars 2022 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2020015741

APPELANT

Monsieur [B] [E]

Né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 30] (59)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 28]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K0065,

Assisté de Me Solène DELAFOND de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061,

INTIMÉS

Monsieur [W] [Z]

Né le [Date naissance 17] 1992 à [Localité 31]

De nationalité française

[Adresse 27]

[Localité 26]

Madame [R] [L]

Née le [Date naissance 14] 1991 à [Localité 31]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 25]

Monsieur [D] [X]

Né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 33]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 20]

Monsieur [J] [F]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 18]

[Localité 21]

Madame [A] [U]

Née le [Date naissance 7] 1992 à [Localité 31]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 19]

[Localité 26]

Monsieur [C] [V]

Né le [Date naissance 15] 1969 à [Localité 31]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 22]

Monsieur [N] [I]

Né le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 32]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 12]

[Localité 26]

S.A.S. SKELLO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 820 275 956,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 29]

Le fonds professionnel de capital investissement (FPCI) XANGE DIGITAL 3, représenté par la S.A.S. SIPAREX PROXIMITE INNOVATION,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 452 276 181,

Dont le siège social est situé c/o S.A.S. SIPAREX PROXIMITE INNOVATION, [Adresse 13]

[Localité 23]

S.C. ZAMZAMAH, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 805 021 003,

Dont le siège social est situé [Adresse 16]

[Localité 26]

S.A.S. AGLAE VENTURES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 828 416 735,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 23]

S.A. FINANCIERE AGACHE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 775 625 767,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 23]

S.A.S. NEOPARTNER, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 451 864 417,

Dont le siège social est situé [Adresse 8]

[Localité 24]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistés de Me Diane LAMARCHE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J002,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Skello, start-up constituée en mai 2016 par Mme [R] [L], présidente, Mme [A] [U], directrice générale, et M.[W] [Z], directeur général, a pour objet le développement et la commercialisation d’une solution de planning et de gestion des ressources humaines pour la restauration et l’hôtellerie.

En septembre 2016, la société Skello a procédé à une première levée de fonds de 300.000 euros et le 13 octobre 2016, un premier pacte d’actionnaires a été signé.

Le 1er décembre 2016, M.[B] [E] a rejoint la société en qualité de consultant en charge du développement commercial. Le principe d’une attribution gratuite d’actions à son profit était alors évoqué, pouvant atteindre 15% des actions de la société Skello, selon un programme s’étalant jusqu’en décembre 2019.

Le 1er décembre 2016, la société Skello et M.[E] ont conclu un contrat de prestations de services, moyennant une rémunération mensuelle de 3 247 euros, aux termes duquel M.[E] accompagnait la commercialisation de la société pendant une durée de sept mois, soit jusqu’au 30 juin 2017.

A l’issue de cette période M.[E] a été nommé directeur général de la société Skello, par décision de l’assemblée générale du 20 juillet 2017. Par contrat du même jour, M.[E] s’est vu offrir 157.941 des 223.750 Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), donnant accès à terme à 157 941 actions, par vesting semestriel sur trois ans, chaque BSPCE donnant droit à une action nouvelle ordinaire de Skello au prix de 2 euros. Concomitamment le 20 juillet 2017, M.[E] a adhéré au pacte d’actionnaires alors en vigueur entre les actionnaires de la société Skello.

En février 2018, il a été demandé à M.[E] de modifier le contrat d’attribution de BSPCE pour aligner le nombre de ses BSPCE à 150 000, afin de maintenir une stricte égalité avec M.[Z], l’un des fondateurs de la société en contrepartie de quoi la période de vesting de trois ans prévue au contrat initial a été supprimée. Un nouveau contrat a été signé en ce sens le 25 juin 2018.

En juillet 2018, une deuxième levée de fonds est intervenue et les sociétés Xange, Aglaé Ventures et Financière Agache sont entrées au capital de Skello.

L’entrée de ces investisseurs a donné lieu à la rédaction d’un nouveau pacte d’actionnaires, signé le 31 juillet 2018, y compris par M.[E]. Le pacte prévoit en son article 8, que les Managers s’engagent à céder tout ou partie de leur participation en cas de départ volontaire ou involontaire de la société, au profit des fondateurs actifs de la société.

Les relations entre les fondateurs de la société Skello et M.[E] se sont par la suite dégradées et le 8 novembre 2019, par décision de l’assemblée générale, M.[E] a été révoqué de son mandat social.

Souhaitant se maintenir au capital de la société Skello, M.[E], qui n’avait pas encore exercé ses BSPCE, a notifié le 6 février 2020 à la société Skello l’exercice de ses droits de souscription d’actions au titre de ses 150.000 BSPCE et a réglé le montant de 300.000 euros correspondant.

Par courrier du 10 mars 2020, Mme [L] a informé M. [E] qu’elle mettait en oeuvre à son profit l’Option d’Achat Manager prévue à l’article 8 du pacte d’actionnaires, pour un prix total de 300.000 euros, correspondant au prix minimum personnellement garanti à M.[E].

Par lettre du 19 mars 2020, M. [E] a contesté la validité de cette clause, et a refusé de recevoir ce paiement. La somme a été virée sur un compte séquestre ouvert auprès de la CARPA.

C’est dans ce contexte que par actes des 25 et 28 février 2020, 2, 4, 6 et 23 mars 2020, M.[E] a fait assigner la société Skello et l’ensemble des signataires du pacte du 31 juillet 2018 pour voir notamment annuler la clause du pacte relative à la promesse de vente.

Par jugement du 11 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné la société Skello à payer à M.[E] une somme de 21.000 euros au titre de l’indemnité contractuelle de non concurrence,

– débouté M.[E] de sa demande de nullité de la promesse de vente consentie à l’article 8 du pacte du 31 juillet 2018, de sa demande tendant à voir juger non écrit l’article 8 du pacte, de sa demande d’indemnisation au titre de l’absence d’assurance chômage, de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

– débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de leur demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé la charge des dépens à M.[E].

M.[E] a relevé appel de cette décision le 11 mai 2022.

En juin 2022, M.[E] a demandé et obtenu le virement des 300 000 euros.

Parallélement, le 22 juin 2023, le conseil de prud’hommes de Créteil a débouté M.[E] de sa demande de requalification de son contrat de prestation de services en contrat de travail.

Dans ses conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 septembre 2023, M.[B] [E] demande à la cour:

– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Skello à lui payer la somme de 21.000 euros à titre d’indemnité contractuelle de non-concurrence,

-statuant au fond, juger nulle la clause 8 du pacte d’actionnaires du 31 juillet 2018, en conséquence condamner Mme [L] à lui restituer 150 000 actions de la société Skello, à charge pour lui de restituer le prix de 300.000 euros reçu,

– subsidiairement, condamner Mme [L] à lui payer la somme de 18,6 millions d’euros à parfaire, correspondant à la contrevaleur en euros des 150 000 actions qu’il détenait, à charge pour lui de restituer le prix de 300.000 euros, la cour pouvant ordonner la compensation entre ces sommes,

– à titre infiniment subsidiaire, si la clause 8 n’est pas jugée nulle, juger sa mise en oeuvre fautive et déloyale et condamner in solidum Mme [L] et Mme [U] à lui payer la somme de 1.856.000 euros à parfaire,

– à titre très infiniment subsidiaire, si la clause 8 n’est pas jugée nulle, condamner Mme [L] à lui payer le solde du prix de cession lui revenant à hauteur de 386.925 euros à parfaire, en application de la clause 8 du pacte d’actionnaires au regard de la valeur du marché réellement constatée de la société,

– en tout état de cause, condamner in solidum les ‘Fondatrices’ et la société Skello

à lui verser une somme qui ne saurait être inférieure à 200.000 euros en réparation de son préjudice moral découlant du caractère abusif et vexatoire de sa révocation, condamner in solidum Mmes [L] et [U], ainsi que M.[Z] et la société Skello à lui verser une somme de 48.997, 20 euros à parfaire, en réparation de son préjudice découlant du défaut de souscription d’une assurance GSC, débouter les intimés de toutes leurs demandes et condamner les intimés in solidum à lui payer 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 septembre 2023, Mme [U], Mme [L], M.[Z], M. [F], la SC Zamzamah, M.[I], la SARL Neopartner, M. [X], M. [V], la FPCI Xange Digital 3, la SAS Aglae Ventures, la SA Financière Agache et la SA Skello demandent à la cour :

– Déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par M.[E] pour la première fois en cause d’appel tendant à titre infiniment subsidiaire, si la clause 8 n’est pas jugée nulle, à juger sa mise en oeuvre fautive et déloyale et à la condamnation in solidum de Mme [L] et Mme [U] au paiement de 1.856 000 euros à parfaire, à la condamnation de Mme [L] au paiement d’un solde du prix de cession de 386 925 euros en application de la clause 8 du Pacte d’Actionnaires au regard de la valeur de marché de la société, à la condamnation in solidum les Fondatrices et de Skello au paiement de 200 000 euros en réparation du préjudice moral découlant du caractère abusif et vexatoire de sa révocation,

– Sur le fond:

1) à titre principal: confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M.[E] de ses demandes de nullité de l’article 8 du pacte d’actionnaires du 31 juillet 2018, de dommages et intérêts pour défaut de souscription d’une assurance chômage, de restitution et de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et débouté M.[E] de sa demande de nullité de l’article 8 du pacte d’actionnaires, de sa demande de restitution des 150.000 actions de Skello,

2) à titre subsidiaire, si la cour jugeait nul l’article 8 du Pacte du 31 juillet 2018 et décidait que les 150 000 actions de la société Skello devaient être restituées en valeur, désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de se faire remettre par les parties tous documents qu’il estimera utiles dans l’accomplissement de sa mission afin de déterminer la valeur de marché des 150.000 actions de la société Skello et de fixer la valeur de marché des 150.000 titres de la société Skello.

3) à titre infiniment subsidiaire, débouter M.[E] de sa demande de condamnation in solidum de Mmes [L] et [U] au paiement de 1.856 000 euros, de sa demande de condamnation de Mme [L] au paiement du solde du prix cession à hauteur de 386.925 euros, subsidiairement, si la cour estimait que la valeur de marché retenue par Mme [L] était incorrecte, désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de se faire remettre par les parties tous documents et pièces qu’il estimera utiles dans l’accomplissement de sa mission afin de déterminer la valeur de marché portant sur l’intégralité des actions de la société Skello à la date du 8 novembre 2019 et fixer la valeur de marché des titres de la société Skello, conformément aux termes du pacte d’associés du 31 juillet 2018 à la date du 8 novembre 2019.

-En tout état de cause, débouter M.[E] de sa demande de condamnation in solidum de Mmes [U] et [L] et de la société Skello au paiement de la somme de 200.000 euros au titre de son préjudice moral découlant du caractére abusif et vexatoire de sa révocation, de sa demande de condamnation in solidum de Mmes [U] et [L], M. [Z] et de Skello au paiement de la

somme de 48.997,20 euros au titre de son préjudice découlant du défaut de souscription d’une assurance GSC, de sa demande de condamnation des intimés au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, condamner M.[E] au paiement d’une amende civile d’un montant de 10.000 euros au titre l’usage abusif de son droit d’appel, à leur payer à chacun d’une somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait de l’appel abusif, au paiement d’une indemnité globale de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l’instance.

SUR CE

Il sera liminairement relevé que la disposition du jugement relative à l’indemnisation de la clause de non concurrence n’est pas contestée à hauteur d’appel, aucune des parties n’en demandant l’infirmation.

– Sur la demande de nullité de la clause 8 du pacte d’actionnaires

M.[E] demande à la cour d’annuler l’article 8 du pacte d’actionnaires signé le 13 juillet 2018, qui comporte une promesse de cession des actions de la société Skello en cas de départ de la société. Il fonde sa demande, d’une part, sur l’existence d’un vice du consentement, d’autre part sur l’absence de toute contrepartie à l’engagement pris au titre de cette clause.

– sur l’erreur

M.[E] expose qu’il n’a consenti au pacte d’actionnaires qu’au mépris d’une erreur sur la réalité de l’engagement souscrit et plus particulièrement sur la portée économique de la clause, que cette disposition a l’apparence d’une clause dite de good et bad leaver, mais en réalité l’oblige à céder ses actions sans aucune contrepartie, puisque même en cas de départ légitime, il n’avait la possibilité ni de garder la propriété des actions, ni même de les vendre à leur valeur réelle. Il précise à cet effet qu’il ne s’est jamais prévalu d’une éventuelle erreur sur la rentabilité économique de l’opération, mais sur sa portée économique, la rentabilité économique renvoyant à l’espérance raisonnable de gains susceptibles d’être générés par cette opération, tandis que la portée économique renvoie à l’adéquation entre la réalité des résultats obtenus à la suite de la réalisation de l’opération considérée et les promesses de cette opération. Il précise ne pas avoir négocié le pacte, n’ayant pas été convoqué à toutes les réunions et notamment à la réunion finale, et n’a donc pas eu l’opportunité de discuter les clauses.

Les intimés répliquent qu’il n’est pas démontré que M.[E] aurait commis une erreur, que la promesse est parfaitement claire et qu’à moins d’insanité d’esprit au moment de la signature du pacte, M.[E] n’a pu se méprendre sur la portée de son engagement et que, contrairement à ce qu’il soutient, il a bien participé aux négociations du pacte d’actionnaires, et notamment de son article 8. Ils font valoir que la présentation de la clause qu’en fait M. [E] se heurte à la réalité, celle-ci prévoyant un calendrier progressif de détermination du prix d’une action en cas de départ d’un associé fondateur, qui permet de garantir son investissement dans la société, et n’emporte nullement renonciation pure et simple à toute possibilité de capter une partie de la richesse créée.Ils ajoutent que la seule erreur dont aurait pu être victime M.[E] serait une erreur sur le prix ou sur la rentabilité économique de l’opération, or il résulte de l’article 1136 du code civil que l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité.

L’article 8 du pacte d’actionnaires signé le 31 juillet 2018, stipule en son point 8.1 que :

‘ Chacun des Managers et, le cas échéant, sa Holding Familiale ( un ‘Associé Sortant’) pourra être contraint de céder aux Fondateurs Actifs, aux Nouveaux Investisseurs et/ou à la Société ( les ‘Bénéficiaires de l’Option’), tout ou partie des Titres détenus par l’Associé Sortant en cas de survenance d’un Fait Générateur. A cet effet, chacun des Managers consent irrévocablement aux Bénéficiaires de l’Option une promesse de vente portant sur l’intégralité des Titres qu’il détiendra à tout moment dans la Société (chacune, une ‘Option d’Achat Manager’).

Chaque Bénéficiaire de l’Option accepte les Options d’Achat Manager dont il bénéficie en tant que promesses seulement, et se réserve le droit d’en demander la réalisation dans les conditions ci-après, ou d’y renoncer purement et simplement.’

Par les termes ‘Fait Générateur’, le pacte désigne le ‘Départ d’un Manager ou une Violation Significative par ledit Manager ou sa Holding Familiale’. Le ‘Départ’ correspond, s’agissant d’un Manager, à la cessation de ses fonctions de salarié ou de dirigeant au sein du Groupe pour quelque raison que ce soit.

L’article 8.4 prévoit que l’Option d’Achat Manager pourra être exercée dans un délai de six mois suivant ‘ la Date de départ’, c’est à dire la date à laquelle le Départ du Manager est notifié par le Groupe à ce dernier, le Groupe désignant la société Skello et le cas échéant ses filiales.

Il est constant qu’au sens défini par le pacte M.[E] est un ‘Manager’ et que sa révocation constitue un ‘Départ’ constitutif d’un ‘Fait Générateur’.

M.[E] a été révoqué de son mandat social le 8 novembre 2019. Le 6 février 2020, il a notifié à la société Skello l’exercice de ses 150.000 BSPCE, moyennant le paiement de la somme de 300.000 euros.

Le 10 mars 2020, Mme [L] a notifié à M.[E] l’exercice à son profit de l’Option d’Achat Manager, conformément aux dispositions de l’article 8 du pacte d’actionnaires sur les 150.000 actions détenues par M.[E], moyennant le prix de 300.000 euros. Le courrier de notification précise qu’en appliquant la formule de calcul prévue à l’article 8.5 le prix de rachat serait de 180.225 euros ( soit 112.500 actions payées à leur valeur nominale de 0,01 et 37.500 actions payées sur la base de leur valeur de marché unitaire de 15,92 euros montant sur lequel s’applique un coefficient de 0,3 compte tenu de la date du départ), et que ce montant étant inférieur au prix plancher de 300.000 euros garanti à M.[E] à l’article 8.5 du pacte, il doit être retenu un prix de cession de 300.000 euros.

La promesse de cession de ses actions consentie par M.[E] en cas de départ de la société Skello correspond dans son principe à une clause habituelle dans les pactes d’actionnaires. Un tel engagement figurait déjà dans le premier pacte signé par M.[E], même si les modalités en étaient différentes. L’article 8.1 est libellé de façon claire et parfaitement compréhensible par un manager de société.

Le prix de cession en cas d’exercice de l’option est déterminé en fonction du croisement de deux tableaux. Selon l’article 8.5, le prix des actions en cas d’exercice de l’option, est fonction des trois paramètres suivants:

-la nature du Fait Générateur (Départ Légitime ou Départ Fautif/ Violation Significative du Sortant,

– la date de survenance du Fait Générateur,

– le caractère vesté ou non vesté des actions, les actions ‘Non Vestées’ étant toujours cédées à leur valeur nominale, tandis que les ‘Actions Vestées’ le sont au prix de marché affecté d’un coefficient variant selon la date du Fait Générateur et du motif de départ. La qualification d’actions Vestées ou non Vestées résulte de l’application d’un tableau figurant à l’article 8.2 du pacte. Ce tableau décline, pour les besoins de l’exercice de l’option d’achat, le pourcentage d’actions qui seront qualifiées de vestées, ce pourcentage étant fonction de la date du départ et du motif de départ. Ainsi en cas de

‘ Départ Légitime’, qui comprend au sens du pacte une révocation non justifiée par une faute, le pourcentage d’actions qualifiées de vestées dépend de la date du départ du manager. La révocation de M.[E] étant intervenue en novembre 2019, seulement 25% de ses actions revêtaient la qualification d’actions vestées ( tableau 8.2) , le coefficient applicable à la valeur de marché étant de 0,3 (tableau 8.5).

L’article 8.5 prévoit toutefois une disposition spécifique pour M.[E], ainsi libellée ‘ Etant toutefois précisé, par exception à ce qui précède, que dans l’hypothèse où l’Option d’Achat Manager serait exercée relativement à [B] [E] pour des actions souscrites ou à souscrire en exercice de BSPCE, le prix d’acquisition moyen des Titres Acquis par les Bénéficiaires Acquéreurs ne pourra, en cas de Départ Légitime ou de Démission, être inférieur au prix d’acquisition par [B] [E] des Titres en question’.

Ainsi, aux termes de ces clauses, un manager sortant (Départ Légitime) pourra prétendre au rachat de l’intégralité de ses actions à leur valeur de marché sans décôte s’il est resté associé de Skello jusqu’au 1er août 2023 soit au moins 5 ans après la signature du pacte. Avant cette date, le prix de cession augmente progessivement. Comme le soutiennent les intimés, plus le manager reste dans la société, mieux il cède ses actions en cas d’exercice de l’option.

Si les modalités de calcul du prix de rachat des actions ne sont pas favorables au manager qui quitte Skello à une date proche de la levée de fonds et donc de la signature du pacte, cela tient à sa moindre participation dans le temps au développement de la société. La circonstance que M.[E] n’a pu céder ses actions à des conditions favorables au regard du prix de marché tient donc à la date de son départ, intervenu seulement 16 mois après la signature du pacte, ces modalités s’appliquant à tout manager sortant.

Si l’article 8 prévoit un double mécanisme de décote y compris en cas de Départ Légitime, les modalités en sont clairement exposées au pacte au travers de deux tableaux et M.[E] n’établit pas avoir pu se méprendre sur la véritable portée de ce mécanisme, d’autant qu’une clause spécifique a été prévue le concernant afin que lui soit garanti un prix de rachat minimal, correspondant au prix d’acquisition, prix d’acquisition de 300.000 euros qu’il avait en l’occurrence versé un mois plus tôt.

M.[E] ne peut pertinemment soutenir qu’il a été contraint d’adhérer au pacte sans avoir pu le négocier, alors que plusieurs échanges sur les versions successives du pacte sont intervenus avant la signature du document final le 31 juillet 2018.En effet, il ressort des pièces 19 à 22 des intimés que Maître Galand, conseil commun, a communiqué par mail avec les quatre managers, dont M.[E], au sujet des versions successives du projet de pacte transmis par ‘Gate’ pour le compte des nouveaux investisseurs, accompagnant cette communication de ses observations. M.[E], qui figure dans les destinataires, ne conteste pas utilement avoir reçu ces messages et a lui-même apporté des observations ou des suggestions. Il n’est pas allégué et en tout cas nullement avéré au vu des versions du pacte communiquées que le mécanisme de double entrée faisant varier le prix de rachat des actions en fonction de la date de sortie du manager n’aurait pas été prévu dans les premières versions du pacte. Dès lors, le moyen pris de ce que M.[E] n’a pas assisté à la réunion finale de négociations sur le pacte du fait d’autres rendez-vous, et alors qu’il ne ressort d’aucun élément qu’il contestait l’article 8 du pacte et entendait débattre à nouveau des conditions de rachat en cas d’exercice de l’option d’achat, n’est pas de nature à établir que M.[E] a consenti par surprise ou erreur à cette clause.

Ce moyen n’est pas fondé.

– sur l’absence de contrepartie

M. [E] soutient que la clause est nulle pour défaut de contrepartie au sens de l’article 1169 du code civil, que cet article est applicable à la promesse de cession convenue à l’article 8, qu’en effet, le fait qu’une promesse soit qualifiée d’unilatérale signifie que seul le promettant est lié par l’engagement de contracter, mais nullement que la promesse est conclue à titre gratuit, qu’il est faux d’affirmer qu’il a conclu la promesse à titre purement gratuit, le simple fait que la promesse n’ait pas été rémunérée par un prix ne suffisant pas à emporter la qualification de contrat à titre gratuit, cette promesse s’inscrivant en l’espèce dans un ensemble d’obligations contractuelles qui trouvent leur contrepartie dans l’intérêt économique global que représente l’accès au capital de la société Skello.

Il fait valoir que la contrepartie réside pour le promettant dans l’obtention d’un prix de cession en échange de la remise de ses titres, mais que le prix de cession prévu au pacte en cas de départ légitime est si dérisoire qu’il revient à priver l’engagement de cession de toute contrepartie, compte tenu du double mécanisme de décote, dégressif en fonction du moment auquel le départ du promettant intervient par rapport à la signature du pacte d’actionnaire. Il ajoute que la disposition spécifique lui garantissant un prix plancher couvrant le prix d’acquisition des actions ne modifie en rien l’absence de contrepartie, puisqu’il ne peut percevoir, au mieux, que le prix plancher correspondant au prix d’exercice des BSCPE.

Les intimés répondent tout d’abord que l’article 1169 du code civil n’est pas applicable à la promesse de vente consentie par M. [E] puisque celle-ci a été consentie à titre gratuit, et que seule une promesse de vente conclue à titre onéreux, c’est-à-dire en contrepartie d’une rémunération spécifique, est susceptible d’annulation sur le fondement de l’article précité. Ils rappellent également que l’appréciation subjective de la contrepartie, consistant en la recherche de l’intérêt économique de la transaction, a été abandonnée par l’ordonnance du 10 février 2016.

En second lieu, ils font valoir qu’à supposer l’article 1169 applicable, l’article 8 du pacte n’en demeure pas moins parfaitement valable, qu’en effet le caractère réel et sérieux du prix ne se confond pas avec la valeur réelle du bien, de sorte qu’un prix très inférieur à la valeur réelle du bien vendu est réel et sérieux. Ils précisent que l’utilité recherchée par les parties n’est pas susceptible de caractériser une contrepartie au sens de l’article 1169, que le prix prévu à la promesse est réel et sérieux, M. [E] étant garanti d’un prix plancher égal au prix d’acquisition de ses titres tout en conservant la faculté de réaliser une plus-value. Enfin, ils rappellent que le critère de ” l’économie générale de l’opération “, propre à la notion de cause subjective, a été abandonné par la Cour de cassation et par l’ordonnance du 10 février 2016.

Sur ce:

Aux termes de l’article 1169 du code civil, en sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, ‘ Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire’.

Si les parties s’accordent sur le fait que la notion de contrepartie ne concerne que les contrats conclus à titre onéreux, elles divergent en revanche sur le point de savoir si la promesse unilatérale de vente doit être qualifiée de contrat à titre onéreux ou à titre gratuit et partant sur l’application même des dispositions sus visées à la promesse de cession.

Selon l’article 1107 du code civil, ‘Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure. Il est à titre gratuit lorsque l’une des parties procure à l’autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie.’

La promesse de vente consentie à l’article 8 du pacte constitue au sens de l’article 1124 du code civil une promesse unilatérale de vente souscrite par chacun des ‘Managers’, le bénéficiaire (Fondateurs Actifs, les Nouveaux Investisseurs et/ou à la Société) demeurant totalement libre de l’exercer.

L’existence d’une contrepartie au sens de l’article 1169 du code civil s’entend d’une contrepartie, qui doit être spécifique à l’engagement souscrit unilatéralement.

Il s’agit donc d’apprécier s’il existe une contrepartie à la promesse elle-même de céder les actions en cas de survenance d’un Fait Générateur et non à ce stade d’apprécier le caractère dérisoire ou non du prix, ce prix étant la contrepartie de la cession de la propriété des actions mais non de la promesse en elle-même.

Or, ainsi que le soutiennent les intimés, le pacte ne prévoit aucune rémunération de cette promesse unilatérale au bénéfice du promettant.C’est en conséquence vainement que M.[E] soutient que la contrepartie à la promesse réside dans l’espoir de réaliser une plus-value.

Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de la contrepartie exigée par l’article 1169 du code civil dans les contrats onéreux n’est pas fondé.

Aucun des moyens de nullité n’étant fondé, la cour confirmera, pour les motifs ci-dessus exposés, le jugement en ce qu’il a débouté M.[E] de sa demande de nullité de l’article 8 du pacte d’actionnaires conclu le 31 juillet 2018.

– Sur la demande de dommages et intérêts au titre d’une exécution déloyale de l’article 8 du pacte

A défaut d’avoir obtenu la nullité de la promesse de vente, M.[E] fait valoir subsidiairement que cette clause a été mise en oeuvre de manière déloyale par Mme [L] en ce qu’elle a été exercée après que les fondatrices lui ont demandé de signer le pacte d’actionnaires et l’ont révoqué ad nutum, décision sur laquelle il n’avait pas la main. Il sollicite à ce titre la condamnation de Mmes [U] et [L] au paiement de la somme de 1.856.000 euros.

– sur la recevabilité

Les intimés soulèvent l’irrecevabilité de cette demande, arguant que M.[E] sollicite pour la première fois à hauteur d’appel la réparation d’un préjudice du fait d’une prétendue exécution déloyale et fautive de l’article 8 du pacte, alors qu’il s’était limité à demander la nullité de cette clause en première instance et que la demande fondée sur la mise en oeuvre fautive et déloyale de l’article 8 du Pacte ne tend pas aux mêmes fins que la demande en nullité de ce même article.

M.[E] réplique que sa demande de dommages et intérêts tirée de l’exécution déloyale et fautive de l’article 8 du pacte est bien recevable en ce qu’elle est l’accessoire ou le complément de la demande de nullité de la clause qu’il avait formée en première instance.

Il est constant que M.[E] n’avait pas formé en première instance de demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue exécution déloyale de la promesse de vente, cette demande étant présentée pour la première fois à hauteur d’appel.

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, ‘A peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

Toutefois, l’article 565 du même code prévoit que ‘ les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent’ et l’article 566 qu’il est permis en appel aux parties d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge, les demandes qui en sont

‘l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’.

Le tribunal était saisi d’une demande de nullité de la clause à raison de son caractère potestatif, ainsi que d’une demande visant à voir juger la clause non écrite pour cause de déséquilibre significatif, ce qui tendait soit à mettre à néant la promesse de cession depuis l’origine, soit à priver la clause de toute application.

La demande de dommages et intérêts formée pour la première fois devant la cour tend au contraire à faire apprécier les conditions d’exécution de cette clause, ce qui postule l’existence même de la clause et de son application, puisqu’il s’agit de résoudre une exécution prétendument déloyale par l’octroi de dommages et intérêts.

Cette demande de dommages et intérêts ne constitue donc aucunement l’accessoire de la demande de nullité. Elle ne s’analyse pas davantage en un complément de la demande de nullité, dont elle est indépendante.

Cette demande nouvelle à hauteur d’appel est en conséquence irrecevable.

– Sur la demande en paiement d’un solde de prix de cession

A défaut d’annulation de l’article 8 du pacte, M.[E] sollicite subsidiairement le paiement d’une somme de 386.925 euros au titre d’un solde de prix de cession correspondant à la différence entre le montant 686.925 euros qu’il estime être le véritable prix de cession et la somme de 300.000 euros réglée par Mme [L].

– sur le recevabilité

Les intimés soulèvent l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en cause d’appel en ce qu’elle tend purement et simplement à l’exécution de l’article 8 du pacte du 31 juillet 2018, alors que la prétention initiale tendait à la nullité de cette même clause. Ils font ainsi valoir que cette demande en exécution ne tendant pas aux mêmes fins que la demande en nullité de cette clause, est irrecevable.

M.[E] soutient que sa demande est recevable en ce que d’une part, elle relève de l’exception prévue par l’article 566 du code de procédure civile étant l’accessoire et le complément nécessaire de la première demande, en ce que d’autre part elle tend aux même fins que la demande de nullité de la clause au sens de l’article 565 du code de procédure civile.

Cette demande en paiement d’un solde de prix de cession est liée à la cession des actions, laquelle résulte de l’exécution de la promesse souscrite à l’article 8 du pacte. Ainsi qu’il a été dit, le tribunal n’avait été saisi que de demandes visant à mettre à néant ou à rendre inapplicable la clause comportant la promesse de vente. Dès lors, cette demande en paiement ne tend aucunement aux mêmes fins que les prétentions soumises aux premiers juges, et n’en constitue pas davantage l’accessoire ou le complément.

Cette demande nouvelle est conséquence irrecevable.

– Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [E] au titre des circonstances de sa révocation

Sur la recevabilité

Les intimés soutiennent que cette demande est irrecevable comme étant nouvelle à hauteur d’appel, M.[E] présentant cette demande pour la première fois devant la cour, après l’avoir expressément écartée en première instance, entend voir reconnaitre un nouveau prétendu préjudice résultant d’une nouvelle faute.

M.[E] objecte que dès la première instance il a contesté les conditions de sa révocation et s’est prévalu d’un préjudice moral, qu’il n’a jamais renoncé à se prévaloir des fautes commises à l’occasion de sa révocation et qu’il sollicite en appel la réparation du même préjudice et pour un même montant.

Il ressort des pièces aux débats que devant les premiers juges M.[E] a sollicité le paiement de 200.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au titre de sa révocation. Le développement en appel de moyens complémentaire au soutien de sa demande de réparation de son préjudice moral lié à sa révocation ne caractérise pas une prétention nouvelle.

Cette demande est en conséquence recevable.

– sur le fond

M. [E] fait valoir que sa révocation est intervenue dans des conditions vexatoires et abusives, qu’elle a été décidée en amont de la décision de l’assemblée générale, de manière non contradictoire et brutale, que sa révocation a été précédée d’une mise à l’écart à compter de décembre 2018 alors que les résultats de l’équipe qu’il dirigeait étaient en forte croissance et que les fondatrices lui ont demandé de cesser brutalement ses fonctions et d’annoncer son départ aux équipes le 31 octobre 2019, sans même que l’assemblée générale n’ait été convoquée et sans préavis. Il ajoute que tous ses accès aux outils de travail ont été fermés le 4 novembre 2019, alors que sa révocation n’avait toujours pas été soumise à l’assemblée générale de Skello, qu’en outre sa révocation est intervenue en fraude des règles statutaires organisant la révocation d’un dirigeant, la tenue d’une assemblée générale n’ayant été organisée que pour respecter un simulacre de procédure prévue par les statuts et un principe contradictoire de façade. Enfin, il fait valoir que toutes les traces de son implication active dans le développement de la société Skello ont été détruites, ce qui est humiliant.

Les intimés répliquent que M. [E] n’a subi aucun préjudice moral tenant aux circonstances de sa révocation, qu’il n’a pas été porté atteinte à sa réputation ou à son honneur, que les relations entre M.[E] et les équipes s’étant dégradées depuis la fin de l’année 2018, les parties en sont arrivées mutuellement à la conclusion que le départ de M.[E] était la meilleure solution pour tous, que M.[E] a quitté la société dans de bonnes conditions et a d’ailleurs continué à échanger et collaborer avec Mmes [U] et [L] après sa révocation par l’assemblée générale et que son exclusion des canaux informatiques n’est due qu’ à un problème informatique ou de communication, qu’enfin l’obligation de loyauté a été parfaitement respectée. Ils ajoutent si le départ de M. [E], convenu d’un commun accord, n’a été soumis aux actionnaires que le jour de l’assemblée générale du 8 novembre 2019, M.[E] a pu présenter ses observations et qu’il n’est nullement rapporté la preuve d’une quelconque fraude aux règles statutaires organisant la révocation du dirigeant.

Conformément aux statuts de la société Skello, M.[E] était révocable de son mandat de directeur général, à tout moment, sans juste motif et sans que cette révocation ne puisse donner lieu à une indemnité de quelque nature que ce soit, par décisions collectives des associés délibérant dans les conditions prévues pour les décisions extraordinaires.

La faculté de révocation ad nutum ne dispense pas la société de donner connaissance à l’intéressé des motifs de sa révocation et de lui permettre de s’expliquer avant que la décision ne soit précise, et peut être réputée abusive et ouvrir droit à indemnisation si elle a été prise dans des circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur de l’intéressé ou si elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction.

L’assemblée générale extraordinaire, réunie le 8 novembre 2019, avec notamment pour ordre du jour la révocation du mandat de directeur général de M.[E], a en sa première résolution décidé, à l’unanimité des voix des associés présents ou représentés, de mettre fin au mandat de directeur général de M.[E] à compter de ce jour sans préavis, ni indemnité et estimé qu’il n’y avait lieu de pourvoir à son remplacement. Il ressort des termes de ce procès-verbal, dont la véracité n’est pas contestée, que M.[E] avait été invité à participer à cette assemblée générale par courrier électronique du 6 novembre 2019, aux fins de faire valoir ses éventuelles observations sur le projet de sa révocation, qu’il était présent à cette assemblée générale et a pu s’exprimer pour exposer qu’il n’avait pas démérité dans la conduite de sa mission, exposant notamment combien le chiffre d’affaires avait progressé pendant la durée de sa mission à la tête de l’équipe commerciale.

Il s’ensuit, qu’il a été avisé deux jours avant la tenue de l’assemblée générale que sa révocation allait être mise au vote et qu’il a pu s’expliquer sur la révocation envisagée avant que celle-ci ne soit votée, étant relevé que les statuts n’imposent pas de préavis avant le vote.

M.[E] soutient toutefois que son départ a été décidé avant la décision de l’assemblée générale et avoir été contraint d’annoncer son départ aux équipes fin octobre 2018, avant que n’intervienne la décision de révocation.

Si les pièces communiquées par M.[E] démontrent qu’il a avisé l’équipe de Skello de son départ avant la décision de l’assemblée générale 8 novembre 2019, cette différence de date doit être resituée dans le contexte décrit ci-dessous.

Dans un courriel du 18 octobre 2019 adressé à Mme [U], sur un ton manifestement cordial, M.[E] lui demande son avis sur le texte qu’il entend communiquer à l’équipe le lundi suivant. Dans ce projet de texte, il fait part de son orientation vers de nouveaux projets entrepreneuriaux et de ce qu’il va quitter opérationnellement la société à la fin du mois. Il y précise que ‘ça fait un petit moment que c’est dans les tuyaux et je pense que c’est le bon moment pour vous le partager’/ Je pense que c’est le bon moment pour moi de laisser la place à la relève qui est désormais assurée :)/ Je tiens tout de même à vous dire que j’ai vécu trois années extraordinaires ici …/ Je crois beaucoup en vous pour la suite, en la société -je reste d’ailleurs actionnaire et je serais votre 1er ambassadeur!’.

Dans un courriel du 31 octobre 2019, intitulé ‘Viva Skello (RDV le 7 novembre !!’ adressé au personnel de Skello y compris Mmes [U] et [L] (la Dream Team), M.[E] écrit: ‘Comme vous le savez tous, aujourd’hui est mon dernier jour parmi vous.[….] Encore une fois MERCI à tous pour votre contribution [….] Histoire de terminer les choses dans les règles de l’art, je vous donne rendez-vous à tous Jeudi prochain pour le Skello Show & Monthly qui sera aussi l’occasion de faire un dernier (bon) trinquage en votre compagnie. [….]’ .Il ne ressort pas des termes de ce courriel la moindre amertume ou surprise quant à son départ de la société et M.[E] ne justifie pas avoir été contraint d’annoncer son départ de la sorte.

Ainsi, la décision de révocation, prise par l’assemblée générale quelques jours plus tard, apparait formaliser un départ préalablement convenu avec M.[E].La circonstance que l’assemblée générale n’a pas acté une démission de M.[E], mais a décidé de sa révocation ne suffit pas à caractériser un manquement à l’obligation de loyauté dans la mise en oeuvre de la révocation, M.[E], qui se savait en partance de la société, ayant pu s’expliquer avant la prise de décision.

Son échange de courriels avec Mme [L] les 6,7 et 8 novembre 2019 en vue de l’assemblée générale du 8 novembre, appelée à se prononcer sur sa révocation ne témoignent d’aucune surprise de la part de M.[E] y compris lorsque son interlocutrice lui demande de ne pas oublier d’apporter le badge F et l’ordinateur.

Il n’est fait état d’aucun propos humiliant ayant accompagné le départ de M.[E].

S’agissant de la coupure aux accès, la cour relève que M.[E] avait annoncé à son équipe dans son mail du 31 octobre 2019, que c’était son dernier jour de travail, de sorte qu’il n’est pas incohérent qu’il ait été retiré le 4 novembre 2019 de l’outil de gestion du travail ‘Trello’ et de l’équipe Skello ou du groupe de travail ‘Slack’ qui permettait d’échanger avec les commerciaux de son équipe. Il en va de même de la remise du badge F d’accès et de son ordinateur professionnel, qu’il lui avait été demandé de rapporter le jour de l’assemblée générale, la décision de l’assemblée générale devant se tenir le lendemain n’apparaissant que comme une formalisation. D’ailleurs dans ses échanges avec Mme [L] des 4 et 27 novembre 2019, donc y compris après la décision de révocation, M.[E] fait dans des termes très cordiaux le point sur différents dosssiers en cours, sur l’aide qu’il apporte pour le suivi de négociations qui étaient en cours pour ‘épauler les KA jusqu’au bout s’ils ont besoin. Sachant qu’on s’est mis un point hebdo par tél avec eux pour descendre les dossiers chauds.’ et s’il évoque le fait qu’il n’a plus accès au drive+ agenda qui ont lui été coupés, c’est pour demander d’un point de vue pratique à son interlocutrice qu’elle crée ‘ un event’ avant de lui envoyer le lien ‘hangouts’ en vue d’une réunion vers 14H.

Il ne ressort pas de l’ensemble de ces éléments que la révocation de M.[E] soit intervenue dans des conditions vexatoires, humiliantes ou déloyales.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M.[E] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au titre des circonstances de sa révocation.

– Sur la demande de dommages et intérêts formée par M.[E] pour défaut de souscription d’une assurance GSC

Reprochant à la société Skello de ne pas avoir souscrit à l’assurance chômage de type GSC qui était prévue à l’article 13 du pacte d’actionnaires, M.[E] sollicite la condamnation in solidum de Skello, de Mmes [L], [U] et de M.[Z] au paiement d’une somme de 48.997,20 euros à titre d’indemnisation d’une perte de chance sérieuse de percevoir une indemnité chômage, ce montant étant déterminé en prenant l’hypothèse conservatrice d’une assurance avec option 70%, formule 12 mois, et en tenant compte de la dernière rémunération brute mensuelle perçue s’élevant à 5.833 euros.Il soutient que l’absence de souscription de cette assurance ne lui est pas exclusivement imputable et que l’existence d’une co-responsabilité ne fait pas disparaitre la responsabilité des autres co-responsables. Il ajoute qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté le formalisme exigé par la police d’assurance GSC dans la mesure où il n’a jamais reçu cette documentation et qu’il est indifférent qu’il ne se soit pas immédiatement inscrit à Pôle Emploi, puisque l’assurance n’avait pas été souscrite.

Les intimés répondent qu’en sa qualité de fondateur et de directeur général de Skello, M.[E] était doublement tenu à l’engagement qu’il avait souscrit à l’article 13 du pacte d’actionnaires, qu’il ne justifie d’aucune tentative de diligence concernant la souscription de cette assurance chômage, ni d’un préjudice puisqu’il n’établit pas avoir été à la recherche d’un emploi au sens des articles L.5421-1 et suivants du code du travail, alors qu’il s’agit d’une condition indispensable à l’octroi d’une indemnité d’assurance perte d’emploi dirigeant.

Il est constant que l’article 13 du pacte, selon lequel ‘Les Fondateurs et la Société s’engagent à faire en sorte que la Société souscrive, dans les trois (3) mois suivant la signature du Pacte, et maintienne en vigueur pendant la durée du Pacte :(….) et une assurance ‘chômage-perte d’emploi’ pour chacun des Fondateurs en cas de perte d’emploi involontaire et assurant une couverture usuelle compte tenu de la taille de la société.’, n’a pas été respecté, de sorte que M.[E] n’a pu bénéficier après sa révocation d’une assurance perte d’emploi du dirigeant.

La circonstance que M.[E] n’a pas veillé à la mise en place de cette assurance, alors qu’il s’y était engagé au même titre que les trois autres fondateurs et la société, n’exclut pas qu’il puisse se prévaloir des manquements imputables aux autres débiteurs de cet engagement, les manquements de ces derniers étant pleinement caractérisés.

Il ressort de son C.V, que M.[E] a retrouvé une activité en mars 2021 en tant que Co-founder &CEO auprès de Flynt.Selon les indications du jugement, non contestées sur ce point, M.[E] n’a formalisé son inscription à Pôle Emploi qu’en décembre 2020.Toutefois, la police d’assurance n’ayant jamais été souscrite, le non respect des conditions générales d’une telle police ne fait pas disparaître l’existence en amont d’une perte de chance. Rien ne démontre en effet que s’il avait bénéficié d’une telle assurance, M.[E] ne se serait pas conformé à ces conditions de mise en oeuvre. Il n’est pas avéré non plus qu’entre sa révocation en novembre 2019 et sa reprise d’activité en mars 2021, M.[E] aurait exercé une activité rémunératrice excluant le bénéfice d’indemnités perte d’emploi.

Il s’ensuit que M.[E] a bien perdu la chance de percevoir une indemnisation dans le cadre d’une assurance perte d’emploi du dirigeant durant 12 mois, calculée sur la base de sa rémunération en vigueur lors de sa révocation. M.[E] ayant contribué par son inertie à l’absence de souscription de cette assurance, la cour fixera la perte de chance à 50% de l’assiette de 48.997,20 euros, soit 24.498,60 euros arrondis à 24.500 euros.

La charge financière de la police si elle avait été souscrite aurait incombé à Skello et non personnellement à ses fondateurs, en conséquence seule la société sera condamnée à payer la somme de 24.500 euros à M.[E].

-Sur les demandes reconventionnelles d’amende civile et de dommages et intérêts pour appel abusif

Si les principales demandes de M.[E], portant sur la promesse de cession et sur les conditions de sa révocation ont été rejetées ou déclarées irrecevables, la cour, infirmant le jugement, a cependant fait partiellement droit à sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de bénéficier d’une assurance perte d’emploi.

L’appel relevé par M.[E] n’a pas excédé le droit dont il dispose de bénéficier d’un double degré de juridiction et ne peut être qualifié d’abusif.

Les intimés seront en conséquence déboutés de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts. Il n’y a pas davantage lieu de condamner M.[E] au paiement d’une amende civile.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

En définitive, l’action engagée par M.[E] lui permet d’obtenir le paiement d’une indemnité contractuelle de non concurrence non remise en cause en appel et, en appel, une indemnisation au titre de la perte de chance de bénéficier d’indemnités de chômage après sa révocation, de sorte qu’il n’y a pas lieu de maintenir la condamnation de M.[E] aux entiers dépens prononcée par le tribunal.Toutefois, le montant très élevé des demandes d’indemnisation au titre de la cession des actions formées à hauteur d’appel, sans rapport avec le montant obtenu sur les deux postes admis, ont compromis un rapprochement qui aurait pu intervenir en vue d’aboutir à une solution négociée sur les postes de réclamation financièrement ‘mineurs’, qui ont été retenus.

Au regard de ces considérations, M.[E] supportera les 3/4 des dépens de première instance et d’appel et les intimés, pris ensemble, le 1/4 restant.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 au profit de quiconque ni en première instance, ni en appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M.[E] de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de bénéficier d’une assurance perte d’emploi et sauf en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M.[E] au titre d’une exécution déloyale et abusive de l’article 8 du pacte d’actionnaires signé le 31 juillet 2018,

Déclare irrecevable la demande de M.[E] en paiement d’un complément de prix de cession,

Déclare recevable, mais mal fondée la demande de dommages et intérêts formée par M.[E] en réparation d’un préjudice moral au titre des conditions de sa révocation,

Condamne la société Skello à payer à M.[B] [E] une somme de 24.500 euros en réparation de sa perte de chance de bénéficier d’une assurance perte d’emploi, et déboute M.[E] de sa demande de ce chef,

Déboute Mme [U], Mme [L], M.[Z], M.[F], la SC Zamzamah, M.[I], la SARL Neopartner, M. [X], M. [V], la FPCI Xange Digital 3, la SAS Aglae Ventures, la SA Financière Agache et la SA Skello de leur demande de condamnation de M.[E] au paiement d’une amende civile et de dommages et intérêts pour appel abusif,

Déboute toutes les parties de leurs demandes en paiement d’indemnités procédurales,

Condamne M.[E] à supporter les 3/4 des dépens de première instance et d’appel et Mme [U], Mme [L], M.[Z], M. [F], la SC Zamzamah, M.[I], la SARL Neopartner, M. [X], M. [V], la FPCI Xange Digital 3, la SAS Aglae Ventures, la SA Financière Agache et la SA Skello les intimés, pris ensemble, le 1/4 des dépens de première instance et d’appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


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