Conflit de voisinage et obligations acoustiques : enjeux et conséquences d’une mise en conformité

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Conflit de voisinage et obligations acoustiques : enjeux et conséquences d’une mise en conformité

La SAS Rythmes et Cie a interjeté appel d’un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux, daté du 15 décembre 2022, qui avait condamné in solidum M. [M], la SCI LCR et la SAS Rythmes et Cie à installer des limiteurs acoustiques et à réaliser des travaux de renforcement acoustique pour quatre studios de danse, sous astreinte de 50 euros par jour. Le jugement avait également ordonné la communication des conditions techniques des travaux au syndic et, en cas de refus de l’assemblée générale des copropriétaires, la possibilité de solliciter une autorisation judiciaire pour les exécuter. De plus, les condamnés devaient verser 15 000 euros à Mme [F] [N] pour la perte de valeur de son appartement, ainsi que 2 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, et étaient responsables des dépens.

Mme [F] [N] a ensuite saisi le conseiller de la mise en état pour demander la radiation de l’affaire et l’exécution provisoire du jugement. En réponse, la SAS Rythmes et Cie a contesté ces demandes, les déclarant irrecevables, et a demandé à condamner Mme [F] [N] à payer des frais.

Finalement, les demandes de Mme [F] [N] ont été déclarées irrecevables, et elle a été condamnée à verser 1 000 euros à la SAS Rythmes et Cie ainsi qu’aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG
23/00739
1ère CHAMBRE CIVILE

———————-

S.A.S. RYTHMES ET CIE

C/

Madame [F] [N]

Monsieur [W] [M]

S.C.I. LCR

Syndic. de copro. IMMEUBLE DU [Adresse 3]

———————-

N° RG 23/00739 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NDUO

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DU 16 OCTOBRE 2024

———————-

ORDONNANCE

—————

Nous, Paule POIREL, Présidente chargée de la mise en état de la 1ère CHAMBRE CIVILE de la Cour d’Appel de Bordeaux, assistée de Mélina POUESSEL, greffier placé lors de l’audience incident et de Vincent BRUGERE, Greffier lors du prononcé.

Avons ce jour, dans l’affaire opposant :

S.A.S. RYTHMES ET CIE

Demeurant [Adresse 3] – [Localité 5]

représentée par Me Thomas PERINET de la SELAS OPTEAM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Maître CHIARO

Défenderesse à l’incident,

Appelante d’un jugement (R.G. 19/01095) rendu le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d’appel en date du 13 février 2023,

à :

Madame [F] [N]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 10]

Demeurant [Adresse 2] – [Localité 6]

représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Christelle CAZENAVE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Demanderesse à l’incident,

Intimée,

Monsieur [W] [M]

né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 9]

Demeurant [Adresse 8] – [Localité 9]

S.C.I. LCR

Demeurant [Adresse 8] – [Localité 9]

représentés par Me Emmanuel SUTRE, avocat au barreau de BORDEAUX

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE [Adresse 3] représenté par son syndic de copropriété la SASU J’HABITE EN VILLE, inscrite au RCS Bordeaux sous le n°495332017,dont le siège est au [Adresse 7], [Localité 5]

Demeurant [Adresse 3] – [Localité 5]

Non représentée, assignée à personne habilitée

Intimés,

rendu l’ordonnance réputée contradictoire suivante après que l’incident ait été débattu devant Nous, à la Conférence de la mise en état en date du 11 Septembre 2024.

EXPOSE DE LA PROCEDURE

Par déclaration électronique en date du 13 février 2023, la SAS Rythmes et Cie a interjeté appel à l’encontre de Mme [F] [N], M. [W] [M], la SCI LCR et le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], d’un jugement rendu le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux qui a :

– condamné in solidum Monsieur [M] la SCI LCR et la SAS Rythmes et Compagnie à faire installer un limiteur acoustique pour chacun des quatre studios de danse, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une durée de 6 mois,

– condamné in solidum Monsieur [M] la SCI LCR la SAS Rythmes et Compagnie à faire procéder à des travaux de renforcement acoustique sous astreinte provisoire de 50 euros par jour, dans le délai d’un mois à compter du jugement à intervenir, et pour une durée de 6 mois, ce tels qu’ils sont listés en page 21 du rapport d’expertise, à savoir :

‘ revêtements de sols : désolidarisation périphérique de toutes les salles

‘ reprise des défauts des murs

‘ capotage des conduits

‘ condamnation des conduits de cheminée

‘ doublages acoustiques isolant des plafonds

‘ doublages acoustiques muraux façade et refends

‘ cloisons acoustiques salle 2

‘ menuiserie intérieure

‘ menuiserie extérieure

‘ traitements par pièges à son des gaines existantes de chauffage ou climatisation

‘ condamnation des réseaux électriques encastrés et traitement en goulottes apparentes

‘ traitement par pièges à son des sorties d’aération provenant des locaux en sous sol

– enjoint à Monsieur [M] et la Sci LCR de communiquer au syndic les conditions

techniques des travaux qu’il appartient à l’assemblée générale des copropriétaires d’autoriser ;

Monsieur [M] et la Sci LCR devant le cas échéant, en cas de refus de l’assemblée

générale, solliciter du tribunal l’autorisation judiciaire de faire exécuter les travaux

– condamné in solidum Monsieur [M] la Sci LCR la Sas Rythmes et Compagnie à régler à Madame [F] [N] la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de valeur de son appartement ;

– condamné in solidum Monsieur [M] la Sci LCR et la Sas Rythmes et Compagnie aux entiers dépens, y compris ceux de la procédure de référé et de l’expertise judiciaire;

– condamné in solidum Monsieur [M] la Sci LCR et la Sas Rythmes et Compagnie, à régler à Madame [F] [N] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Monsieur [M] la Sci LCR et la Sas Rythmes et Compagnie de leurs demandes respectives en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Mme [F] [N], par conclusions en date du 7 août 2023, a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins de radiation de l’affaire du rôle et par dernières conclusions en date du 12 mars 2024 elle demande au conseiller de la mise en état de :

-ordonner la radiation du rôle de l’affaire

subsidiairement, au visa de l’article 525-1 ancien du code de procédure civile :

-assortir le jugement rendu par la 7ème chambre du tribunal judiciaire de Bordeaux le 15 décembre 2022 de l’exécution provisoire

En toute hypothèse,

-condamner la SAS Rythmes et Cie au paiement d’une somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile et condamner la même aux entiers dépens de la présente instance d’incident.

Par dernières conclusions d’incident N° 2 en date du 4 septembre 2024, la SAS Rythmes et Cie conclut à :

-l’irrecevabilité de la demande de radiation formulée par Mme [N],

-l’irrecevabilité de sa demande d’assortir le jugement rendu par la 7ème chambre du tribunal judiciaire de Bordeaux le 15 décembre 2022 de l’exécution provisoire,

En tout état de cause, les rejeter purement et simplement ;

-condamner Mme [N] au paiement d’une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [F] [N] aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de radiation du rôle de l’affaire :

Mme [N] poursuit sa demande de radiation du rôle de l’affaire à l’encontre de la société SAS Rythmes et Cie pour n’avoir pas exécuté la décision dont appel en ce qu’elle a condamné cette société, in solidum avec M. [W] [M] et la SCI LCR, à lui régler :

– la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de valeur de son appartement ;

-les entiers dépens, y compris ceux de la procédure de référé et de l’expertise judiciaire;

– la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

et ce nonobstant l’exécution provisoire assortissant la décision.

La société Rythmes et Cie demande de déclarer cette demande irrecevable alors que la décision dont appel n’est pas assortie de l’exécution provisoire et qu’elle ne l’était pas non plus de droit, en vertu des articles 3 et 55 du décret du 11 décembre 2019 ayant modifié l’article 514 du code de procédure civile qui n’appliquent le nouveau régime de l’exécution provisoire qu’aux actions introduites à compter du 1er janvier 2020, l’action ayant été introduite en première instance à la date du 4 février 2019, l’ancien article 514 réservant la recevabilité d’une telle demande aux décisions assorties de l’exécution provisoire de droit ou ayant expressément ordonné l’exécution provisoire.

Les dispositions de l’article 524 nouveau du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant de l’article 3 du décret n° 2019/1333 du 11 décembre 2019 selon lequel, ‘lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision’, ne s’appliquent, selon l’article 55 du même décret, qu’aux actions entreprises devant les juridictions du 1er degré à compter du 1er janvier 2020.

Demeuraient alors applicables aux actions entreprises antérieurement les dispositions de l’article 526 ancien du code de procédure civile prévoyant la sanction de la radiation du rôle de l’affaire dans le même cas d’inexécution d’une décision assortie de l’exécution provisoire de droit ou ordonnée.

Par ailleurs l’article 514 nouveau du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du même décret du 11 décembre 2019, prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement et selon l’article 55 du décret, ces dispositions s’appliquent pareillement aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

Ainsi, antérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 11 décembre 2019, l’exécution provisoire ne pouvait pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n’est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit.

Or, le présent appel porte sur un jugement de condamnation du 13 février 2023,rendu à la suite d’une assignation antérieure au 1er janvier 2020, en date du 4 février 2019, relevant en conséquence des dispositions antérieures au décret du 11 décembre 2019.

La matière ne relève pas en soi de l’exécution provisoire et la procédure n’est pas afférente à une ordonnance de référé, à une décision qui prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qui ordonne des mesures conservatoires ou à une ordonnance du juge de la mise en état qui accorde une provision au créancier.

Le jugement ne relevait donc pas de l’exécution provisoire de droit et c’est en conséquence à tort que le tribunal a rappelé que l’exécution provisoire en était de droit.

Dès lors, le tribunal n’ayant pas prononcé l’exécution provisoire, Mme [N] est irrecevable à solliciter la radiation du rôle de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement dont appel.

Sur la demande subsidiaire d’assortir le jugement de l’exécution provisoire :

Mme [N] poursuit subsidiairement devant le conseiller de la mise en état, sur le fondement l’article 525-1 ancien du code de procédure civile, le prononcé de l’exécution provisoire du jugement déféré laquelle, au regard de l’ancienneté du litige, ne pourra que s’imposer à lui.

La société Rythmes et Cie concluent pareillement à l’irrecevabilité de la demande de Mme [N] sur le fondement de l’article 525-1 du code de procédure civile ancien à défaut pour Mme [N] de remplir les conditions éxigées par ce texte pour solliciter du juge de la mise en état qu’il prononcel’exécution provisoire dès lors qu’en l’espèce le tribunal était expressément saisi d’une demande d’exécution provisoire et qu’il a rappelé à tort que l’exécution provisoire est de droit.

Selon l’article 525-1 ancien du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019, lorsque l’exécution provisoire n’a pas été demandée, ou si l’ayant été, le juge a omis de statuer, elle ne peut être demandée, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état.

Devant le tribunal, dans ses dernières conclusions du 5 octobre 2021, Mme [N] sollicitait que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel.

Statuant dans les motifs de la décision sur les demandes accessoires de Mme [N], le tribunal a dit que ‘l’exécution provisoire est de droit’, ce qu’il a repris au dispositif de sa décision.

Ainsi que l’observe à juste titre la société Rythmes et Cie, le tribunal n’a dès lors pas omis de statuer sur la demande de Mme [N] mais, statuant sur celle-ci, il a ce faisant commis une erreur de droit.

Dès lors, Mme [N] qui ne remplit pas la double condition cumulative pour solliciter du conseiller de la mise en état le prononcé de l’exécution provisoire est irrecevable en sa demande.

Mme [N] qui succombe en son incident supportera les dépens de la présente instance et sera équitablement condamnée à payer à la société Rythmes et Cie une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons irrecevables les demandes de Mme [F] [N] tendant à voir prononcée de la radiation du rôle de l’affaire et ordonnée l’exécution provisoire du jugement dont appel.

Condamnons Mme [F] [N] à payer à la société Rythmes et Cie une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons Mme [F] [N] aux dépens de la présente instance.

La présente ordonnance a été signée par Paule POIREL, présidente chargée de la mise en état, et par Vincent BRUGERE, greffier

Le greffier La présidente


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