Expertise judiciaire ordonnée en raison de la présence d’amiante dans des travaux de toiture

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Expertise judiciaire ordonnée en raison de la présence d’amiante dans des travaux de toiture

Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] ont assigné la SCI TORRES REBELO devant le tribunal judiciaire d’Évry, demandant une expertise judiciaire concernant des travaux de toiture contenant de l’amiante réalisés par la SCI. Ils ont constaté que ces travaux ne respectaient pas les normes de sécurité, avec des plaques d’amiante stockées à l’air libre et des débris tombant dans leur jardin. Malgré une mise en demeure et l’intervention de la police, les travaux ont continué. La mairie a ensuite pris un arrêté interruptif de travaux. Lors de l’audience, les demandeurs se sont désistés de leur demande de suspension des travaux, mais ont maintenu leurs autres demandes. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les travaux effectués, la présence d’amiante, et les mesures nécessaires pour remédier à la situation. L’expert désigné devra également évaluer les préjudices et les responsabilités éventuelles. Les demandeurs ont été condamnés aux dépens, et la décision est exécutoire par provision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 octobre 2024
Tribunal judiciaire d’Évry
RG
24/01023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 18 octobre 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/01023 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QOAL

PRONONCÉE PAR

Francis BOBILLE, Président,
Assisté de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 8 octobre 2024 et de Fabien DUPLOUY, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

Madame [N] [J]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Sarah CHICA de la SELARL OÏKOS AVOCATS, avocate au barreau de l’ESSONNE

Monsieur [H], [F], [L] [S]
demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Sarah CHICA de la SELARL OÏKOS AVOCATS, avocate au barreau de l’ESSONNE

DEMANDEURS

D’UNE PART

ET :

S.C.I. TORRES REBELO
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Julien DUPUY de la SELARL DBA AVOCATS, avocat au barreau de l’ESSONNE

DÉFENDERESSE

D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

**************
Autorisés le 30 septembre 2024 en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 485 du code de procédure civile, par acte de commissaire de justice en date du 1er octobre 2024, Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] ont fait assigner devant le président du tribunal judiciaire d’Évry la SCI TORRES REBELO, au visa des articles 145, 696, 700 et 835 du code de procédure civile, aux fins de voir :

– Ordonner une mesure d’expertise judiciaire et commettre, pour y procéder, un expert spécialisé en dépollution et désamiantage ;
– Ordonner la suspension des travaux au sein de l’immeuble appartenant à la SCI TORRES REBELO situé [Adresse 3] à [Localité 11], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, et ce à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir et jusqu’au dépôt du rapport de l’expertise judiciaire que désignera la juridiction de céans, sous réserve que celui-ci donne un avis favorable à la réalisation des travaux et que les préconisations qu’il énoncerait soient toutes mises en oeuvre sans préjudice du respect de la réglementation applicable ;
– Condamner la SCI TORRES REBELO à régler la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] ;
– Condamner la SCI TORRES REBELO aux dépens comprenant les frais de signification de l’assignation et ceux de l’ordonnance à intervenir ;
– Rappeler que l’ordonnance à intervenir est exécutoire de plein droit par provision.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 octobre 2024 au cours de laquelle Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S], représentés par leur conseil, se sont désistés de leur demande de suspension des travaux sous astreinte et, pour le surplus, ont maintenu les prétentions et moyens exposés aux termes de leur acte introductif d’instance.

Au soutien de leurs demandes, Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] exposent avoir constaté dès le 13 septembre 2024 que la SCI TORRES REBELO, propriétaire du bâtiment voisin à leur maison d’habitation, avait entrepris des travaux de toiture du bâtiment qu’elle exploite. Ils précisent que les plaques composant ladite toiture sont constituées en fibrociment et contiennent de l’amiante selon les analyses effectuées par le laboratoire ITGA. Ils expliquent que les travaux initiés ne respectent pas les normes de sécurités spécifiques à l’amiante en ce que lesdites plaques contenant de l’amiante sont stockées à l’air libre, sans aucune protection et à proximité immédiate de leur maison, et que divers débris et morceaux de la toiture sont tombés dans leur jardin. Malgré l’envoi d’un courrier valant mise en demeure de cesser les travaux le 16 septembre 2024 et malgré le déplacement de policiers municipaux sur place le 19 septembre 2024, ils indiquent que la SCI TORRES REBELO a continué les travaux sans aucune protection. Ils ajoutent que, alertée par cette situation, la mairie de [Localité 11] a pris un arrêté interruptif de travaux le 25 septembre 2024 lequel a été notifié à la SCI TORRES REBELO le lendemain par les policiers municipaux.

La SCI TORRES REBELO, représentée par son conseil, a formé oralement protestations et réserves sur la mesure d’expertise et sollicité le rejet des autres demandes formulées.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance, aux écritures déposées et aux notes d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 18 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Les demandes des parties tendant à voir «dire et juger» ou «constater» ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

A titre liminaire, il convient de constater le désistement de Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] de leur demande de suspension des travaux sous astreinte.

Sur la demande d’expertise

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

En l’espèce, il résulte des explications des parties et de l’ensemble des pièces versées aux débats, en particulier de l’attestation de propriété des parties demanderesses, du procès-verbal de constat par commissaire de justice daté du 16 septembre 2024, du courrier valant mise en demeure adressé à la SCI TORRES REBELO le 16 septembre 2024, des résultats des analyses effectuées par le laboratoire ITGA le 23 septembre 2024, du dépôt de plainte du 24 septembre 2024, de l’arrêté interruptif de travaux pris le maire de la commune le 25 septembre 2024, des rapports d’intervention de la police municipale, l’existence d’un commencement de preuve suffisant de la présence d’amiante dans les matériaux composant la toiture objet des travaux.

La présence d’amiante est susceptible de fonder une action sur le fondement de la responsabilité civile à l’encontre de la SCI TORRES REBELO, action dont le mérite dépend pour partie d’analyses techniques.

Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] justifie ainsi d’un motif légitime à voir ordonner une mesure d’expertise technique judiciaire au contradictoire de l’ensemble des parties dans la perspective d’une action judiciaire qui est en germe.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner une expertise judiciaire dans les termes du dispositif ci-après.

Les mesures réclamées avant tout procès sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas destinées à éclairer le juge qui les ordonne mais le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite en vue d’un éventuel procès au fond. En conséquence la provision à valoir sur le coût de cette expertise est mise à la charge de Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S].

Sur les dépens

En l’absence de partie succombante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de laisser les dépens à la charge de Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S], dans l’intérêt desquels la mesure d’expertise est ordonnée.

Sur les frais irrépétibles

En absence de partie perdante, l’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais qu’elle a exposés et il n’y a donc pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

CONSTATE le désistement de Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] de leur demande de suspension des travaux sous astreinte ;

ORDONNE une expertise et DESIGNE en qualité d’expert pour y procéder, au contradictoire de l’ensemble des parties :

Monsieur [T] [X]
expert judiciaire près la Cour d’appel de PARIS
spécialisé dans le domaine du plomb et de l’amiante,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Tél : [XXXXXXXX01]
Email : [Courriel 10]

lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;
avec mission de :

* se rendre sur les lieux situés 13 et [Adresse 3] à [Localité 11] après y avoir convoqué les parties,

*se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,

*décrire les travaux effectués par la SCI TORRES REBELO, notamment sur la toiture de l’immeuble, et dire si lesdits travaux ont été réalisés dans le respect des règles de l’art et des normes de sécurité en matière d’amiante selon la réglementation en vigueur,

*procéder à des prélèvements d’échantillon sur le composant de la toiture en fibrociment du local appartenant à la défenderesse et sur les autres éléments et matériaux du local susceptibles de contenir de l’amiante et procéder à leur analyse afin d’en déterminer la composition et de vérifier s’ils contiennent ou non de l’amiante ; et dans l’affirmative, préciser quel type de fibres d’amiante,

*décrire les travaux et précautions nécessaires à suivre pour procéder au confinement et retrait des matériaux amiantés en vue de finaliser les travaux entrepris afin qu’ils respectent les normes applicables en matière d’amiante et en chiffrer le coût,

*après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d’exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’œuvre, le coût de ces travaux,

*procéder à des prélèvements d’échantillon dans la propriété des parties demanderesses, notamment dans leur cour, jardin et à l’intérieur de la maison, afin de mettre en exergue la potentielle présence d’amiante, et le cas échéant, donner son avis sur la ou les causes de cette présence d’amiante,

*effectuer une analyse de l’air dans la maison des parties demanderesses, notamment dans le salon et leur chambre, afin de mettre en exergue la potentielle présence d’amiante, et le cas échéant, donner son avis sur la ou les causes de cette présence d’amiante,

*décrire, le cas échéant, les travaux nécessaires pour procéder à la dépollution / au désamiantage de la propriété de chacune des parties et en chiffre le coût sur la base de devis fournis par les parties,

*fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,

*fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux éventuels à venir,

*dire si des travaux ou mesures conservatoires urgents sont nécessaires pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l’affirmative, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible,

*faire toutes observations utiles au règlement du litige.

DIT qu’en cas d’urgence reconnue par l’expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux ;

FAIT injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d’un fichier PDF enregistré sur un CDROM au greffe du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d’Évry sis [Adresse 7] à [Localité 8], dans le délai de six mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties) ;

DIT que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte rendu aux parties et au juge chargé du contrôle :
– en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
– en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent,
– en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées,
– en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

INVITE les parties à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure dans le but de limiter les frais d’expertise ;

DIT que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;

DIT que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

DESIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

FIXE à la somme de 3.000 (trois mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par moitié entre Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 7] à [Localité 8] ([Courriel 9] / Tél : [XXXXXXXX02] ou 80.06), dans le délai de  six semaines à compter de la délivrance de la présente ordonnance par le greffe aux parties, sans autre avis ;

DIT que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

DIT qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

CONDAMNE in solidum Madame [N] [J] et Monsieur [H] [S] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente est exécutoire par provision ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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