Pacte d’actionnaires : quel est le juge compétent ?

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Pacte d’actionnaires : quel est le juge compétent ?
Ce point juridique est utile ?

L’action en réparation du préjudice subi par l’associé salarié en exécution d’un pacte d’actionnaires trouve sa cause dans son licenciement et constitue en conséquence un différend né à l’occasion du contrat de travail.

Le juge du contrat de travail est compétent pour connaître de cette action.

Le Conseil de prud’hommes est donc compétent pour statuer sur les conditions de mise en oeuvre d’un pacte d’actionnaires.

Résumé de l’affaire : M. [P] [S], engagé par la S.A.S. Naister en tant que directeur ingénierie et développement produit, a été licencié le 14 octobre 2019 pour insuffisance professionnelle et faute lourde, après un entretien préalable. Contestant la validité de son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 20 février 2020, qui a déclaré incompétent pour certaines demandes et a débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes. M. [S] a interjeté appel le 15 février 2022. Par la suite, la société Naister a été placée en liquidation judiciaire le 20 septembre 2023. Dans ses conclusions, M. [S] a demandé l’annulation du jugement du conseil de prud’hommes et la reconnaissance de la nullité de son licenciement, ainsi que diverses indemnités. La société Naister, représentée par son mandataire liquidateur, a demandé la confirmation du jugement initial et a formulé des demandes reconventionnelles contre M. [S]. L’UNEDIC a également demandé la confirmation de l’incompétence du conseil de prud’hommes pour certaines demandes. L’affaire a été fixée à l’audience du 6 juin 2024. Le jugement a finalement été infirmé, déclarant le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse, et fixant les créances de M. [S] au passif de la société Naister, tout en déboutant M. [S] de sa demande d’indemnité pour retrait forcé et la société Naister de sa demande reconventionnelle.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02554
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02554 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFH4V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/01470

APPELANT

Monsieur [P] [S]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. [M]-PECOU ès-qualités de Liquidateur de la SAS NAISTER

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Isabelle ROY-MAHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0527

PARTIE INTERVENANTE FORCEE :

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Anne-France DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

M. [P] [S], né en 1983, a été engagé par la S.A.S. Naister, par un contrat de travail à durée indéterminée signé le 20 avril 2016, et prenant effet le 17 mai 2016 en qualité de directeur ingénierie et développement produit, statut cadre.

 

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils, et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dite SYNTEC.

 

Par lettre datée du 27 septembre 2019, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 octobre 2019.

 

M. [S] a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle et faute lourde par courrier daté du 14 octobre 2019.

 

A la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 3 ans et 4 mois.

 

Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, retrait forcé de la société, et une expertise sur la valorisation d’actions lui ayant appartenu, ainsi que les sommes qui correspondront à leur valeur réelle, M. [S] a saisi le 20 février 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 17 novembre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– se déclare incompétent sur les demandes de M.[P] [S] en lien avec le pacte d’associés de la société Naister sur la valorisation des actions au profit du tribunal de commerce de Paris,

– déboute M.[P] [S] de l’ensemble de ses demandes,

– déboute la société Naister de ses demandes reconventionnelles et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne M.[P] [S] au paiement des entiers dépens.

 

Par déclaration du 15 février 2022, M.[P] [S] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 21 janvier 2022.

 

Par jugement du 20 septembre 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert à l’encontre de la société Naister une procédure de liquidation judiciaire, et a nommé la SELARL [M]-Pecou en la personne de M. [D] [M] en qualité de mandataire liquidateur.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2023, M. [S] demande à la cour de :

– annuler le jugement du 17 novembre 2021 pour défaut de motivation ou subsidiairement,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris, le 17 novembre 2021, 

statuant a nouveau : 

– juger M. [S] recevable et bien fondé en son appel,

– fixer le salaire moyen de M. [S] à la somme de 4 505, 49 € (moyenne des 3 derniers mois travaillés),

sur la rupture du contrat de travail,

à titre principal :

– dire et juger le licenciement de M. [S] nul, 

– fixer au passif de la société Naister au paiement des sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement nul : 54 065, 88 €,

– indemnité légale de licenciement : 3 660, 71 €,

– indemnité compensatrice de préavis : 13 516, 47 €,

– indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis : 1 351, 65 €, 

à titre subsidiaire : 

– juger le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse, très subsidiairement requalifier le licenciement pour faute lourde en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– fixer au passif de la société Naister au paiement des sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 40 549, 41 €,

– indemnité légale de licenciement : 3 660, 71 €,

– indemnité compensatrice de préavis : 13 516, 47 €,

– indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis.1 351, 65 €,

à titre infiniment subsidiaire : 

– indemnités pour procédure irrégulière de licenciement : 4 505, 49 €,

sur le retrait force de M. [S] de la société Naister :

– juger M. [S] recevable sur ses demandes liées à son retrait forcé de la société en ce qu’elles constituent un différend né à la rupture du contrat de travail,

avant dire droit :

– ordonner une mission d’expertise sur la valorisation des 651 actions anciennement appartenant à M. [S] et rachetée par la société à M. [S] en août 2020, avec l’expert qu’il plaira à la cour de désigner,

– condamner à titre provisionnelle la société à une indemnité à valoir sur les frais d’expertise de 5000 €,

à titre principal : 

– fixer au passif de la société Naister à verser à M. [S] la somme qui sera retenue par l’expert comme correspondant à la valeur réelle de ses 651 actions, à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice né du retrait forcé de la société,

à titre subsidiaire :

– fixer au passif de la société Naister à verser à M. [S] :

– dommages et intérêts pour réparation du préjudice né du retrait forcé de la société : 150 000 €,

en tout état de cause :

– fixer au passif de la société Naister à verser à M. [S] :

– inexécution de bonne foi du contrat de travail : 20 000 €, 

– condamner les AGS :

– article 700 du code de procedure civile : 5 000 €,

– débouter la société Naister de ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés et conformes à la décision à intervenir (attestation pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail) sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document à compter du lendemain de la notification de la décision dans la limite de 190 jours et vous réserver le pouvoir de la liquider,

– fixer au passif de la société Naister aux dépens d’appel,

– rappeler que les créances, ainsi fixées au passif, sont opposables de pleins droit aux AGS.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 décembre 2023, la SELARL [M]-Pecou, ès qualités de représentante de la société Naister demande à la cour de :

– dire et juger la société Naister recevable et bien fondée en son appel incident,

en conséquence,

– rejeter la demande de M. [P] [S] en nullité du jugement du conseil de prud’hommes,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris sous le numéro RG n°20/01470 en qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de M. [S] en lien avec le pacte d’associé le liant avec les associés de la société Naister et à renvoyer l’appelant à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce,

– infirmer le jugement en ce qu’il a désigné la juridiction consulaire parisienne en lieu et place de celle de [Localité 8], 

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] [S] de l’ensemble de ses demandes, 

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris sous le numéro RG n°20/01470 en ce qu’il a débouté la société Naister de l’ensemble de ses demandes, 

et statuant à nouveau, 

– inviter M. [P] [S] à mieux se pourvoir auprès du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître de ses demandes en lien avec le pacte d’associé le liant avec les associés de la société Naister,

– débouter M. [P] [S] de toutes ses demandes fins et conclusions,

– condamner M. [P] [S] au paiement de la somme de 400.000 € à titre de réparation du préjudice subi par la société Naister du fait de sa faute lourde et de ses actes déloyaux opérés durant la relation de travail par M. [S],

– condamner M. [P] [S] à payer à la SELARL [M]-Pecou ès qualité de mandataire liquidateur de la société Naister la somme de 10.000,00 € au titre des frais irrépétibles de l’instance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure,

en tout état de cause,

– condamner M. [P] [S] à payer à la SELARL [M]-Pecou ès qualité de mandataire liquidateur de la société Naister la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la partie défaillante aux entiers dépens.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 décembre 2023, l’UNEDIC délégation AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la cour de :

Juger recevable et bien fondée l’UNEDIC DELEGATION AGS en ses demandes,

moyens et conclusions, y faisant droit :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de Monsieur [S] en lien avec le pacte d’associés le liant avec les associés de la société NAISTER et l’a renvoyé à mieux se pourvoir devant le Tribunal de commerce de Paris,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a désigné la Tribunal de commerce de Paris en lieu et place du Tribunal de commerce de Nanterre

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes,

STATUANT A NOUVEAU :

INVITER M.[S] à mieux se pourvoir auprès du Tribunal de commerce de Nanterre pour connaître de ses demandes en lien avec le pacte d’associés le liant avec les associés de la société NAISTER

DEBOUTER M. [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

SUBSIDIAIREMENT et à DEFAUT

Limiter le quantum qui serait éventuellement octroyé au titre des dommages et intérêts à de plus justes proportions :

Si la Cour devait juger nul le licenciement opéré : Limiter l’indemnité au titre du licenciement nul à 6 mois de salaire

Si la Cour devait juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement opéré : Limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum de l’article L 1235-3 du code du travail, soit 3 mois de salaire

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 juin 2024.

 

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande d’annulation du jugement déféré

A titre liminaire, M. [S] conclut à la nullité du jugement entrepris en ce que celui-ci qui l’a débouté de l’ensemble de ses demandes relatives au licenciement est dépourvu de motivation soulignant qu’il ne peut s’agir d’une omission de statuer.

Le liquidateur de la société Naister et l’AGS qui a déclaré se joindre aux arguments de ce dernier, répliquent que les premiers juges ont omis de statuer sur l’ensemble des demandes des parties sauf celles relatives au pacte d’associé et pour laquelle ils se sont déclarés incompétents. Ils concluent au rejet de la demande de nullité en demandant à la cour de statuer sur les chefs omis.

Aux termes des article 455 et 458 du code de procédure civile le jugement doit être motivé à peine de nullité, il est également précisé que la décision est énoncée sous forme de dispositif.

En l’espèce, la motivation des premiers juges était ainsi rédigée après avoir rappelé les dispositions légales applicables :

« Attendu donc que le Conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour statuer sur les conditions de mise en oeuvre d’un pacte d’actionnaires qui ne saurait constituer un accessoire du contrat de travail.

Attendu en conséquence :

Qu’il sera fait droit à la demande d’incompétence présentée par la société Naister ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes respectives, y compris celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile »

et le dispositif indique outre l’incompétence au sujet des demandes en lien avec le pacte d’associés au profit du tribunal de commerce de Paris :

« -Déboute M. [P] [S] de l’ensemble de ses demandes,

-Déboute la société Naister de ses demandes reconventionnelles et au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Il est constant que suite au constat de l’incompétence d’une juridiction pour connaître d’une demande, celle-ci est irrecevable et ne peut en principe faire l’objet d’un débouté.

En l’espèce, il apparaît que les premiers juges ont retenu dans un premier temps leur incompétence pour connaître de la demande de M. [S] relative au pacte d’associés et qu’ils ont dans la foulée débouté les parties de leurs demandes respectives sans aucune motivation ou examen des prétentions relatives à la rupture du contrat de travail, comme si l’incompétence s’étendait à ces demandes et ils ont ce faisant omis de statuer sur ces points. La cour en déduit qu’il n’y a pas lieu à annulation du jugement mais qu’il lui appartient, ainsi que les parties le sollicitent, de statuer sur les points qui lui ont été déférés y compris ceux qui ont été omis par le jugement querellé.

Sur les exceptions de procédure soulevées

Sur l’exception d’incompétence

Pour infirmation du jugement déféré, M. [S] demande à la cour de juger que sa demande d’indemnité liée au retrait forcé de la société est recevable en ce qu’elle constitue un différend né de la rupture du contrat de travail.

Pour confirmation de la décision sur ce point, le liquidateur de la société et l’AGS opposent que la convention dont il s’agit a été conclue entre M. [S] et les principaux associés de la société et que la société Naister n’est pas partie au pacte d’associés convenu, de sorte que seule une juridiction commerciale doit être déclarée compétente. Ils indiquent en revanche que c’est devant le tribunal de commerce de Nanterre que les parties devaient être renvoyées en raison de leur domicile dans le département 92.

Il est acquis aux débats que M. [S] fonde sa demande de dommages et intérêts en raison de la mise en oeuvre par les associés de la société Naister de la procédure de retrait forcé d’associé du pacte d’associés conclu entre eux, suite à son licenciement.

Or, il est de droit que la demande en paiement de dommages-intérêts d’un salarié en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement constitue un différend né à l’occasion du contrat de travail.

Il ressort en effet du dossier que la mise en oeuvre du retrait forcé de M. [S] en sa qualité de d’associé de la société Naister a été décidée en raison de son licenciement de la société pour faute lourde.

La cour en déduit qu’il convient en l’espèce, de considérer que l’action en réparation du préjudice subi par M. [S] en exécution d’un pacte d’actionnaires trouve sa cause dans son licenciement et constitue en conséquence un différend né à l’occasion du contrat de travail. Le juge du contrat de travail est par infirmation de la décision déférée compétent pour connaître de cette action.

Sur l’exception d’irrecevabilité de la demande d’indemnisation au titre du pacte d’associés

Le liquidateur de la société Naister et l’AGS plaident l’irrecevabilité de la demande d’indemnisation formée par M. [S] au titre du pacte d’associé par application de l’article 70 du code de procédure civile en faisant valoir que l’appelant n’a pas formulé cette demande dans le cadre de la saisine du conseil de prud’hommes mais ultérieurement dans ses écritures n°2 datées du 13 octobre 2021.

M. [S] réplique que c’est suite à son licenciement et alors même qu’il avait déjà saisi le conseil de prud’hommes que l’assemblée générale de la société Naister a mis en oeuvre la procédure de retrait forcée de la société et a racheté ses parts .

Aux termes de l’article 70 alinéa 1 du code de procédure civile « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

La cour retient que la procédure de mise en oeuvre de retrait forcée de la société Naister est intervenue effectivement postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes par M. [S] mais que cette demande additionnelle présente incontestablement un lien avec la rupture du contrat de travail et son indemnisation, de sorte que cette demande doit être considérée comme recevable.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement datée du 14 octobre 2019 qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :

« Monsieur,

Nous faisons suite à nos échanges de ces derniers jours.

Le 26 septembre 2019, nous avons tenté de vous remettre en mains propres un courrier de convocation à entretien préalable à une mesure de licenciement. Contre toute attente, vous avez refusé d’en accuser réception et vous êtes alors réfugié dans une attitude de déni et d’obstruction envers votre hiérarchie. C’est la raison pour laquelle, le 27 septembre, nous vous avons adressé cette convocation par voie postale avec accusé de réception.

Ici encore, vous avez ‘ du moins dans un premier temps ‘ refusé d’aller retirer le pli auprès des services postaux.

Nous avons alors pris le soin de vous prévenir directement de la tenue de notre entretien préalable pour le lundi 7 octobre 2019 à 10h00 en nos locaux.

Malheureusement, alors même que vous étiez physiquement dans les locaux et que nous vous attendions, vous avez ostensiblement refusé de déférer à cette convocation.

C’est la raison pour laquelle, en fin de matinée du lundi 7 octobre 2019, nous avons insisté pour qu’un échange informel puisse avoir lieu entre nous.

Lors de celui-ci, vous avez refusé tout échange, vous abstenant de fournir la moindre explication sur ce qui vous était reproché.

Sachez que nous regrettons la tournure que vous donnez à notre relation.

L’entretien du 7 octobre 2019 avait en effet pour objet de vous exposer les motifs nous contraignant à envisager la rupture de votre contrat de travail et recueillir vos explications.

Malheureusement, compte tenu de votre attitude et de votre silence opportunément gardé sur chacune de nos demandes d’éclaircissements, nous n’avons pu modifier notre perception des faits.

C’est la raison pour laquelle, après réflexion, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle (1) doublée d’une faute lourde (2).

1 ‘ Sur votre insuffisance professionnelle

Depuis le 9 mai 2016, vous occupez les fonctions de « Directeur Ingénierie et Développement Produit » avec le statut Cadre de la Convention Collective Nationale du Personnel des Bureaux d’Études Techniques, des Cabinets d’Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils dite « SYNTEC ».

A ce titre, vous devez notamment :

– Créer et mettre en place le cadre technologique (produit et recherche de développement) de la Société ;

– Assister le CEO afin de recruter l’équipe de R&D ;

– Superviser et orienter l’avance de la recherche et du développement de la Société ;

– Définir et mettre en place la stratégie concernant le développement produit ;

– Explorer de nouvelles technologies afin de garantir à la Société un avantage compétitif.

Malheureusement, comme nous avons déjà eu à vous l’exposer, nous déplorons votre insuffisance professionnelle dans l’exercice de ces fonctions et plus particulièrement un manque d’anticipation, de performance, de communication et d’encadrement de vos équipes.

Nous avons tout d’abord à vous reprocher votre incapacité à tenir les délais annoncés pour la finalisation de l’offre technologique NAISTER ainsi que votre propension à tenir votre hiérarchie à l’écart des problématiques rencontrées et des mesures prises pour les corriger.

Nous vous rappelons que nous avions partagé l’ambition de livrer l’ensemble des piliers composant l’offre technologique NAISTER sous trois années. Malheureusement, à l’épreuve des faits, force est de constater qu’après 4 années d’exécution, la réalisation des blocs technologiques dont vous avez la charge n’est toujours pas aboutie ; loin de là.

Vos équipes ont accumulé de nombreux retards sur deux nos 2 piliers fondamentaux

: Content Intelligence Platform et Content Generation @scale.

La plateforme de CI n’existe toujours pas et ce, malgré une stratégie clairement exposée dans nos documents commerciaux début 2018.

Dans ce cadre, vous avez opéré le choix d’arrêter certains développements pour en prioriser d’autres sans toutefois que ces décisions n’aient jamais été partagées avec les dirigeants de l’entreprise.

De même, la solution de génération automatique de contenu n’est que partiellement livrée.

Nous en sommes arrivés à une situation telle que nos deux premiers clients (Disneyland et OnePark) nous ont fait part de leur vif mécontentement et ce, tant en ce qui concerne nos retards que notre incapacité à fournir l’automatisation promise.

Ces manquements ont révélé de graves lacunes dans les avancées de développement sur certains modules.

Or, pour des raisons que nous ignorons, vous n’avez jamais jugé nécessaire d’informer les dirigeants de ces retards.

Nous en sommes arrivés à une situation telle que les lacunes technologiques révélées par les retours clients vous ont contraint à mobiliser toute l’équipe technique et experts marché pour compenser manuellement (sic !) l’absence d’automatisation et d’efficacité de notre solution.

Vous conviendrez sans doute que pour une société spécialisée dans l’Intelligence Artificielle, pareille issue connaît des retentissements négatifs en termes d’image et ce, tant en interne qu’en externe…

Compte tenu de cette situation, nous vous avons demandé de nous fournir une feuille de route technique (« roadmap ») détaillée, planifiée et quantifiée par utilisation des ressources de l’entreprise.

Malheureusement, à ce jour cette demande n’a pas été satisfaite.

Aucune roadmap technique sérieuse n’a été déployée.

De fait, l’utilisation des ressources de l’entreprise demeure approximative, sans vision d’ensemble et en aucun cas partagée avec les dirigeants.

L’ensemble des choix, attribution des tâches aux équipes techniques et priorisations est décidée arbitrairement par vos soins, sans aucune concertation préalable ni souci du respect des promesses clients engagées.

Au-delà de votre incapacité à tenir vos engagements techniques, nous déplorons également vos lacunes dans votre management et votre communication avec vos équipes et la direction.

A cette occasion, sont mises en relief vos lacunes managériales avec vos collaborateurs directs.

Vos instructions sont trop souvent imprécises, décousues et décorrélées de tout schéma directeur clair et partagé.  

Vous adoptez un accompagnement managérial approximatif avec des points équipes non structurés (pas de reporting, pas de partage des actions initiées et/ou arbitrées), ce qui laisse à vos collaborateurs un sentiment d’absence de vision technique claire, de leadership technologique et de maîtrise de la situation.

A titre d’exemple, il a fallu que nous vous imposions la mise en place d’un outil de suivi de l’utilisation des ressources de l’entreprise alors même qu’un tel outil aurait dû être déployé de longue date par vos soins.

Encore faut-il préciser que vous n’avez jamais véritablement adhéré à l’utilisation de cet outil de reporting charges/ressources de sorte qu’à ce jour, il n’est pas véritablement renseigné et ne permet pas de refléter le volume des charges de travail et/ou des actions en cours.

Parallèlement à vos carences managériales, nous déplorons également votre absence de communication avec les dirigeants.

Vous ne faites aucun retour sur les besoins de priorisations technologiques. De même, vous n’avez jamais alerté la Direction des retards et lacunes technologiques rencontrées et de nature à contredire nos engagements envers nos clients.

A chaque fois, nous sommes placés devant le fait accompli, ce qui ne va pas sans générer des tensions inutiles avec nos clients et préjudicie à notre image de marque et de sérieux auprès d’eux.

Nous en sommes arrivés à une situation telle que nous avons un désagréable sentiment d’opacité entretenue autour de votre action ; ce qui, vous en conviendrez, n’est pas sérieusement acceptable.

Ce qui précède aurait déjà pu suffire à justifier la rupture de votre contrat de travail.

Malheureusement, nos griefs à votre égard ne s’arrêtent pas là et, au-delà de votre insuffisance professionnelle, nous avons également à vous reprocher des manquements lourdement fautifs à l’encontre de la Société.

2 ‘ Sur votre comportement lourdement fautif

En votre qualité de Directeur de l’Ingénierie Produit et Développement, vous êtes notamment en possession des droits et mots de passe permettant l’accès et l’administration d’un nombre de plateformes informatiques dont celles de nos comptes ouverts auprès de Google Suite et Amazon Web Services. Dernièrement, nous vous avons demandé de nous transmettre ces droits et mots de passe afin de sécuriser la Société et permettre une procédure de back up en cas de souci ou d’indisponibilité.

Nous rappelons que ces plateformes, notamment celle d’AWS, supportent l’ensemble de nos outils, de nos serveurs de production et donc nos données sensibles.

Or, s’agissant du compte Google Suite, vous avez purement et simplement refusé de nous transmettre les données.

Compte tenu de votre refus, nous avons directement pris l’attache du fournisseur afin de récupérer lesdits codes et identifiants.

Malheureusement, ce dernier nous a indiqué ne pouvoir donner suite à notre demande car vous lui avez expressément interdit de les remettre à la Direction de l’entreprise !

Pareille attitude est tout simplement inadmissible et témoigne d’une réelle volonté de nuire à votre employeur en le privant des outils lui appartenant.

Mais nos griefs à votre égard ne s’arrêtent pas là.

S’agissant du compte Amazon Web Services, lorsque nous vous avons demandé de nous transmettre les codes d’accès, ici encore vous avez tout d’abord refusé de déférer à notre demande.

Puis, sans doute conscient de la gravité de votre acte, vous avez finalement décidé de nous remettre des codes et identifiants.

Du moins c’est ce que nous croyions alors…

Malheureusement, à l’épreuve des faits, il s’est avéré que les identifiants et codes remis à cette occasion n’étaient pas les bons, mais relatifs à un compte fictif que vous aviez probablement créé ces derniers jours et qui ne contenait aucune des données de la Société !

En procédant de la sorte, non seulement vous avez commis un acte d’insubordination caractérisé en refusant de déférer à une instruction claire de votre hiérarchie visant à lui remettre des codes et identifiants lui appartenant, mais vous avez au surplus adopté une attitude d’une particulière déloyauté avec l’intention de nuire à votre employeur.

En refusant de transmettre les codes d’accès à Google Suite, en créant fictivement un compte AWS et en refusant de nous donner l’accès administrateur au compte AWS réel, vous nous privez de tout contrôle sur serveurs et ressources, ce qui met clairement en péril notre production et ; à travers elle, notre relation client. Cette situation est d’autant plus grave que vous avez pleinement conscience de la portée de vos actes et que vous agissez en toute connaissance de cause afin de nous placer dans une situation critique. Au vu de ce qui précède, vous comprendrez que nous n’ayons d’autres choix que de procéder à votre licenciement aux motifs pris de :

– Votre insuffisance professionnelle dans l’exercice de vos fonctions ;

– Vos fautes lourdes commises à l’encontre des intérêts de l’entreprise.

Compte tenu de la nature des faits qui vous sont reprochés, de leur caractère fautif pour certains, de leur gravité et de leur ampleur, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, même durant un éventuel préavis.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de la présente lettre, sans indemnité compensatrice de préavis, ni indemnité de licenciement.

Nous vous remettrons votre solde de tout compte et vos documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation destinée au Pôle Emploi etc’) dans un prochain courrier.

A cette occasion, nous vous demandons de bien vouloir nous restituer l’ensemble des outils et matériels qui vous furent remis pour les besoins de vos fonctions ainsi que les moyens d’accès à nos locaux. Nous vous renouvelons par ailleurs une nouvelle fois notre demande d’avoir à nous remettre l’ensemble des droits, identifiants et code d’accès aux plateformes et solutions Google Suite et AWS qui sont ‘ nous vous le rappelons ‘ la propriété de la Société NAISTER.(…) »

Sur la demande de nullité du licenciement

M. [S] plaide la nullité de son licenciement pour deux motifs, il soutient d’abord avoir été licencié en raison de son état de santé qui s’était dégradé suite au harcèlement moral qui a dégénéré à compter du 27 septembre 2019, qu’il a subi au sein de la société à compter de l’automne 2018 rappelant qu’il était toujours en arrêt de maladie au jour du licenciement. Il invoque par ailleurs une violation des droits de sa défense au motif que le grief relatif à la non-communication des codes d’accès à différents sites internet est postérieur à la date de convocation à l’entretien préalable et qu’il n’a donc pu se défendre sur ces points. Il estime que son licenciement est nul pour violation d’une liberté fondamentale.

En réplique, le liquidateur de la société Naister et l’AGS contestent toute discrimination ou harcèlement moral et soutiennent que la procédure de licenciement était régulière.

Aux termes des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du code du travail précise que lorsque survient un litige relatif à l’application des dispositions de l’article précité, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En outre l’article L1132-1 du code du travail prévoit qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (‘) aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adapation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison notamment de son état de santéà peine de nullité de la décision de licenciement.

En l’espèce, le salarié évoque dans l’exposé des faits pour dénoncer l’existence d’un harcèlement moral les éléments de faits suivants:

-des difficultés dans l’exécution de son contrat de travail suite à la prise de poste à compter de fin 2018 de MM [V] et [Z] respectivement président et directeur général de la société,

-le fait que MM. [V] et [Z] se moquaient ouvertement de lui lorsqu’il utilisait la langue anglaise pour expliquer certains concepts technologiques lors de nombreuses réunions plénières,

-des menaces et intimidations à son encontre en français alors qu’il comprend parfaitement cette langue,

-l’arrêt de travail dont il a bénéficié à compter du 27 septembre 2019,

-l’attestation du Dr [U] datée du 17 février 2020 attestant du trouble psychiatrique subi en raison de ses conditions de travail,

-le courrier que M. [S] a adressé à son employeur daté du 1er octobre 2019 dans lequel il se plaint d’un traitement particulier avec un sentiment de racisme depuis environ deux semaines.

M. [S] produit :

-l’arrêt de travail du 27 septembre 2019 et les arrêts de maladie qui ont suivi (pièce 8),

-le certificat médical du Dr [U],psychiatre qui affirme que M. [S] présentait un état dépressif majeur réactionnel déclenché par des pressions et stress subis au milieu du travail.(pièce 16)

– les courriers de M. [S] datés du 1er octobre 2019 adressés à l’employeur(pièces 6a et 6b).

La cour relève qu’il n’est produit aucun justificatif ou attestations relatifs aux moqueries ou menaces contre M. [S], ni de la dégradation des conditions de travail de l’intéressé à compter de la fin de l’année 2018 et que l’arrêt de maladie du 27 septembre 2019 à lui seul n’établit rien d’autant qu’il est concomitant au déclenchement de la procédure de licenciement, pas plus que les arrêts de maladie postérieurs, étant rappelé que le Dr [U] qui certes a constaté l’état depressif de son patient n’est pas habilité à se prononcer sur le lien de causalité avec d’éventuelles conditions de travail faute d’en avoir été personnellement témoin. Enfin la cour constate que les courriers de M. [S] adressés tardivement à son employeur à compter du 1er octobre 2019, outre qu’ils émanent de l’intéressé lui-même, n’apportent aucune précision sur les faits de harcèlement dénoncés si ce n’est en rapport avec les convocations à l’entretien préalable.

La cour en déduit ainsi que le liquidateur et l’AGS l’ont soulevé, que ces éléments même pris dans leur ensemble, en ce compris les éléments médicaux ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Il en va de même s’agissant d’une éventuelle discrimination eu égard à l’état de santé du salarié, le seul fait que M. [S] ait été licencié alors qu’il était en arrêt de maladie ne suffit pas à établir qu’il a été licencié en raison de son état de santé.

Sur la violation des droits de la défense du salarié

M. [S] soutient qu’il a été licencié pour des faits commis après la date prévue pour l’entretien préalable, il en déduit qu’il n’avait pas la possibilité de se défendre sur ces points. Il estime avoir été victime d’ une violation d’une liberté fondamentale.

Le liquidateur et l’AGS répliquent que M. [S] a régulièrement été convoqué certes pendant son arrêt de maladie, ce qui est tout à fait possible, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les délais impartis qu’il a refusée de retirer, qu’il ne s’est pas présenté à l’entretien préalable fixé le 7 octobre 2019 et qu’il n’a pas demandé de précisions quant au motif de son licenciement.

Il est de droit que la circonstance que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n’a pas été indiqué au salarié lors de l’entretien préalable caractérise une irrégularité de forme qui n’empêche pas le juge de décider que ce grief peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cette irrégularité de procédure n’est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais peut donner lieu à une indemnité.

Il ne s’agit d’une liberté fondamentale du salarié dans l’entreprise reconnue à ce titre par la Cour de cassation, ni d’une violation d’un droit fondamental à la défense.

Il s’en déduit que la nullité du licenciement n’est pas encourue de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement

Il résulte de la lettre de licenciement de M. [S] que la rupture du contrat de travail repose sur deux motifs distincts : l’insuffisance professionnelle de ce dernier ainsi que la faute lourde qu’il a commise en ne communiquant pas des codes d’accès informatiques réclamés par l’employeur.

L’employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu’ils procèdent de faits distincts. Le licenciement peut ainsi reposer sur des motifs disciplinaires et non disciplinaires.

Sur le motif lié à l’insuffisance professionnelle

Selon l’article L.1235-1 du code du travail en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La cour rappelle que l’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, peut constituer une cause légitime de licenciement.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables, imputables au salarié et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Il est constant que l’insuffisance professionnelle procède, non pas d’une faute du salarié, mais d’une exécution défaillante de sa prestation de travail. Il est en effet de droit que l’insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute

La cour relève à cet égard, outre l’ancienneté du salarié, que celui-ci n’a jamais fait l’objet d’aucune alerte ou mise en garde ni critique concernant son travail jusqu’à quelques semaines avant son licenciement, ainsi qu’il le fait observer.

Au titre de l’insuffisance professionnelle le liquidateur invoque deux types de griefs des carences dans ses fonctions techniques d’une part et dans ses fonctions d’encadrement d’autre part.

Au titre des fonctions techniques, il est ainsi reproché aux termes de la lettre de licenciement des insuffisances dans la création et la mise en place du cadre technologique du produit Naister et la définition de la stratégie concernant son développement et son non-respect des délais sans en avertir son employeur. A cet égard il est essentiellement produit aux débats le Pitch Naister (pièce 48 liquidation) en langue anglaise qui est avant tout une présentation ou un argumentaire de projet qui certes présente un calendrier du plan de développement établi dans les grandes lignes s’étendant de 2017 à 2020, dont il ne ressort pas ainsi que le soutient M. [S] qu’un délai de livraison d’un produit (plate-forme CI) était fixé pour septembre 2018 et qu’il a été invité à justifier d’un tel délai, alors que les courriels de mécontentement produits de la société Disney (dont il n’est pas établi qu’ils concernent le même dossier) datent de septembre 2019 et février 2020 (pièces 49 et 58, liquidation) La cour observe également qu’il n’est pas établi clairement que les étapes de ce plan n’ont pas été respectées et pour quel dossier et que cela relevait de la responsabilité de M. [S], qui fait à juste titre remarquer qu’aucun reproche relatif à un retard fin 2018 ne lui a été fait mais qu’il lui a été proposé de devenir associé de la société à la même période. A cet égard, M. [S] est pertinent lorsqu’il observe que les échanges de courriels produits relatifs au défaut d’information de sa hiérarchie sont bien postérieurs pour dater de septembre 2019 et la cour souligne que les courriels produits parfois incomplets, sans respect d’un ordre chronologique, pour certains en langue anglaise et sans référence claire aux dossiers concernés sont en l’état difficilement exploitables.

S’agissant de l’insuffisance de M. [S] dans ses fonctions de supervision et d’orientation de la recherche et du développement de la société, ce dernier souligne à juste titre que les griefs énoncés comme suit «  instructions auprès de son équipe imprécises, décousues et décorrélées de tout schéma directeur clair et partagé » sont particulièrement vagues et imprécis et surtout ne sont corroborés par aucune pièce émanant de son équipe qui aurait eu à souffrir du manque de direction dénoncé. La cour observe que ce n’est que tardivement, en septembre 2019 (pièce 45 et 46) qu’il sera reproché à M. [S], un défaut de présentation des documents et la non utilisation d’une roadmap dont il n’est pas justifié qu’elle était exigée auparavant.

La cour en déduit que l’insuffisance professionnelle de M. [S] n’est pas caractérisée.

Sur la faute lourde reprochée à M. [S]

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l’intention de nuire du salarié.

L’employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article 12 du code de procédure civile.

Il résulte de la lettre de licenciement rappelée ci-avant qu’il est reproché à M. [S] d’avoir conservé par devant lui, pendant son arrêt de maladie et malgré les demandes de son employeur, les codes et identifiants qu’il a définis, d’accès aux comptes administrateurs des solutions Google Suite (logiciels d’exploitation en mode Saas) et Amazon Web Services (AWS) (serveurs de grande capacité et de stockage sur lesquels sont développés les solutions) exploités par la société Naister. Le liquidateur précise que s’agissant du compte AWS l’appelant a fourni des coordonnées donnant accès à un compte qu’il venait de créer sans aucune activité (pièce 9 employeur) pour empêcher l’employeur d’avoir accès avec le statut d’administrateur au véritable compte en modifiant ensuite le mot de passe d’accès interdisant toute connexion avec le mot de passe communiqué (pièces 12 et 43). Le liquidateur ajoute que s’agissant de l’accès au compte Google Suite dont M. [S] était super administrateur, ce dernier a refusé de transmettre le code et s’est opposé à ce que la société Google le remette à la société. Il en déduit un manquement commis avec l’intention assumer de paralyser le fonctionnement de l’activité de l’employeur et donc de lui nuire.

Au soutien de la preuve de la faute lourde qui incombe à l’employeur, il est produit différents échanges de courriels entre les protagonistes.

Il ressort du dossier que par courriel daté du 7 octobre 2019 à 18 h22, (pièce 7, liquidation) M. [V] a réclamé à M.[S] les loggin et mots de passe des plate-forme AWS, Gitlab et Google API lui rappelant par un courriel du même jour ( at 6:27) que ceux-ci étaient la propriété de l’entreprise.

Il est établi que par un courriel du 8 octobre 2019 à 14h55 adressé à M. [K] et en copie à MM [V] et [Z], M. [S] a communiqué les mots de passe des comptes AWS et Gitlab en demandant à ne plus être dérangé. M. [V] par courriel du même jour adressé, envoyé à 17h11 à MM [S] et [K] réclamait en outre le code du compte Google Suite et précisait que le mot de passe communiqué concernant le compte AWS ne correspondait pas au compte utilisé par l’entreprise (n° [XXXXXXXXXX04]) mais à un compte (n° [XXXXXXXXXX05]) qui n’était pas actif et pas utilisé par l’entreprise Naister. Il est à cet égard justifié d’un courriel adressé à AWS le 9 octobre 2019 par M. [Z] en utilisant l’adresse de M. [S], expliquant que la société avait un compte (n° [XXXXXXXXXX04]) dont l’administrateur avait quitté la société sans donner le code d’accès (pièce 8 société).

La cour relève que le liquidateur produit par ailleurs un courriel de la société AWS du 9 octobre 2019 à M. [S] (at 6:03 PM) confirmant que le mot de passe du compte AWS a été mis à jour, il n’est précisé ni le n° de compte concerné et c’est sans certitude que cette manoeuvre a été attribuée à M.[S] lequel le conteste en affirmant qu’il n’a pu accéder au compte puisque le mot de passe avait été changé et qu’en effet dès le 8 octobre 2019 il avait communiqué le mot de passe. Toutefois, la cour retient que si M. [S] ne s’explique pas sur l’existence des deux comptes AWS, il doit être admis au vu du dossier, de l’intervention de M. [Z] auprès d’AWS par le biais de l’adresse mail de M. [S] et en l’absence d’élément contraire que la société Naister avait accès à son compte AWS.

S’agissant ensuite du compte Google Suite, le liquidateur produit en effet un courriel de Google Cloud Support daté du 10 octobre 2019 à 12 heures après une demande d’accès de M. [Z] au compte Google Suite associé au domaine naister.com, l’informant que le superadministrateur actuel du compte (qui n’est toutefois pas identifié) s’opposait à ce qu’il soit promu superadministrateur et l’informant que la procédure ne pouvait avancer et précisant ne pouvant être partie dans ce litige.(pièce 13) Rien ne permet toutefois de mettre en cause directement M. [S] qui conteste avoir été le créateur de ce compte et d’en avoir été responsable et qui maintient avoir donné toutes les informations qu’il détenait en précisant qu’aucun document contractuel n’indique qu’il était en charge de la gestion des plate-forme informatiques de la société Naister ou des mots de passe.

En conclusion, il ressort de ce qui précède que la société Naister a réclamé des codes d’accès à M. [S] qui en a communiqué certains dès le 8 octobre 2019, qu’il n’est pas établi qu’il a tenté de bloquer l’accès au compte AWS en modifiant le mot de passe du compte ni de celui de Google Suite.

La cour retient qu’au regard des seuls faits visés par la lettre de licenciement et en l’état du dossier, aucune faute lourde ni même une faute simple ne peut être retenue à l’encontre de M. [S].

Il s’en déduit que le licenciement de M. [S] doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Celui-ci ouvre droit aux indemnités de rupture à savoir l’indemnité légale de licenciement d’un montant de 3660,71 euros ainsi que l’indemnité compensatrice de préavis de trois mois correspondant au salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé durant celle période, soit une somme de 13 516,47 euros majorés de 1351,65 euros au titre des congés payés afférents, montants non contestés dans leur quantum.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [S] demande à la cour d’écarter le plafonnement légal des indemnités prévues par le code du travail en estimant qu’il n’assure pas une réparation appropriée de son préjudice qu’il évalue à 9 mois de salaire, soit la somme de 40 549,41 euros.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris, eu égard à l’ancienneté du salarié, entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte, soit entre 3 mois et 4 mois de salaire en l’espèce pour trois années complètes d’ancienneté. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Il est constant que les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Aux termes de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (l’OIT), si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Il est de droit que les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne. En effet, la Convention n° 158 de l’OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l’application de la présente convention n’est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l’être par voie de législation nationale. »

Selon la décision du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l’inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

En outre, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter le barème fixé par l’article L.1235-3.

Au jour du licenciement, M. [S] âgé de 36 ans, bénéficiait de 3 années d’ancienneté. S’il soutient ne pas avoir retrouvé de travail, il ne produit aucun justificatif au-delà de l’arrêt de maladie prescrit jusqu’en février 2020.

En conséquence, au vu des bulletins de salaire produits, il convient d’évaluer son préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 14000 euros.

Ces sommes, par ajout de la décision déférée, seront fixées au passif de la liquidation de la société Naister.

Sur la demande d’indemnité au titre du préjudice né du retrait forcé de M. [S] de la société Naister

En réparation du préjudice qu’il estimé avoir subi suite au rachat de ses actions après son retrait forcé de la société en raison de son licenciement, M. [S] réclame dans le corps de ses écritures une indemnité de 150 000 euros et ce n’est que dans le dispositif qu’il sollicite une expertise afin d’évaluation de son dommage.

Pour s’opposer à cette demande, le liquidateur fait valoir que le rachat des actions de M. [S] suite à son retrait forcé décidé par l’assemble générale des associés s’est faite à la valeur nominale des 651 actions détenues au jour de la décision soit un total de 4231,50 euros. Il ajoute qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société Naister rappelant que la décision de retrait forcé de la société émanait de l’assemblée générale des associés et qu’en tout état de cause M. [S] a fait une plus value de 65%.

Il n’est pas contesté que M. [S] a investi lors de son achat d’actions une somme de 65 euros, il ne peut dès lors soutenir que la somme de 4231,50 euros qui lui a été allouée lors de leur rachat était dérisoire faute d’éléments comptables et financiers permettant de retenir une valeur plus élevée à cette date, étant rappelé qu ‘une expertise qui ne doit pas pallier la carence des parties et dont la demande n’est pas motivée dans les écritures n’est pas opportune compte-tenu de la déconfiture de la société Naister ultérieure.

La cour en déduit qu’il convient de débouter M. [S] de ses demandes de ce chef.

Sur l’indemnité pour inexécution de bonne foi du contrat de travail par la société Naister

M. [S] réclame une indemnité de 20000 euros pour inexécution de bonne foi du contrat de travail par la société Naister qui n’a mis en oeuvre le licenciement que dans le but de récupérer les actions qu’il détenait à un prix ridiculement bas, raison pour laquelle a été mise en oeuvre la procédure de retrait forcé de la société.

Le liquidateur s’oppose à cette demande en faisant valoir que M. [S] a changé d’arguments pour fonder sa demande au cours de la procédure et que le licenciement de ce dernier était parfaitement fondé. L’AGS réplique quant à elle que M. [S] ne justifie pas de son préjudice.

La cour retient sans qu’il puisse être reproché à M. [S] d’avoir modifié ses moyens en cours de procédure que ce dernier a subi un préjudice en lien avec la mise en oeuvre à tort de la procédure de retrait forcé de la société puisque son licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, qu’il convient d’évaluer à la somme de 2000 euros qui sera par ajout de la décision déférée fixée au passif de la société Naister.

Sur la demande reconventionnelle de la liquidation de la société Naister

Soutenant que M. [S] a durant l’exécution du contrat de travail commis des actes de concurrence déloyale en violation de ses obligations légales et contractuelles dans l’intention de nuire à son employeur , le liquidateur réclame des dommages et intérêts en réparation du préjudice directement consécutif à la faute de son ancien salarié.

En réplique, M.[S] conteste toute participation à une activité de concurrence déloyale à celle de la société Naister, soulignant que les pièces produites ne prouvent rien.

La cour rappelle que seule la faute lourde, laquelle n’a pas été retenue plus avant, permet d’engager la responsabilité contractuelle d’un salarié, de sorte que la société Naister en liquidation est déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les autres dispositions

Il est ordonné la remise à M. [S] de l’attestation France Travail, solde de tout compte et certificat de travail conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification, sans que le prononcé d’une astreinte ne s’impose.

Il est rappelé que le présent arrêt est opposable à l’AGS dont la garantie s’exercera dans les limites légales et réglementaires en l’absence de fonds disponibles.

L’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’instance et d’appel sont fixés au passif de la société Naister en liquidation.

PAR CES MOTIFS

REJETTE l’exception de nullité du jugement déféré.

INFIRME le jugement déféré.

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

REJETTE l’exception d’incompétence de la juridiction du travail pour connaître de la demande d’indemnité en réparation du préjudice né du du retrait forcé de M. [S] de la société Naister.

DIT que cette demande nouvelle est recevable.

JUGE que le licenciement de M. [P] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

FIXE les créances de M. [P] [S] au passif de la SAS Naister en liquidation aux sommes suivantes :

– 14000 à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3660,71 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 13 516,47 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis majorés de 1351,65 euros de congés payés afférents,

– 2000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail

DEBOUTE M. [P] [S] de sa demande d’indemnité en réparation du préjudice né du retrait forcé de la SAS Naister.

DEBOUTE la SAS Naister en liquidation représentée par la SELARL [M]-Pecou prise en la personne de M. [D] [M] en qualité de mandataire-liquidateur de sa demande reconventionnelle en réparation de la faute lourde commise par M. [P] [S].

ORDONNE la remise à M. [P] [S] de de l’attestation France Travail, solde de tout compte et certificat de travail conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification.

RAPPELLE que le présent arrêt est opposable à l’AGS dont la garantie s’exercera dans les limites légales et réglementaires en l’absence de fonds disponibles.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

FIXE les dépens d’instance et d’appel au passif de la SAS Naister.

La greffière, La présidente.


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