Engagement de caution : enjeux de l’exigibilité et de la disproportion des garanties dans le cadre d’un prêt bancaire.

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Engagement de caution : enjeux de l’exigibilité et de la disproportion des garanties dans le cadre d’un prêt bancaire.

Le 16 avril 2002, la société Sopofre, dirigée par M. [L] [B], ouvre un compte courant professionnel à la SA Société Générale. Le 8 août 2008, M. [L] [B] et son épouse, Mme [E] [F], deviennent cautions solidaires des engagements de Sopofre envers la banque, pour des montants respectifs de 200.000 euros et 100.000 euros, pour une durée de 10 ans. Le 9 novembre 2009, la banque accorde un prêt de 370.000 euros à Sopofre pour une restructuration. En décembre 2010, la banque informe les cautions d’impayés et les met en demeure de payer 187.196,02 euros, correspondant au solde débiteur du compte courant. Le tribunal de commerce de Marseille ouvre une procédure de redressement judiciaire pour Sopofre le 1er juin 2011, convertie en liquidation judiciaire le 6 octobre 2011. La Société Générale déclare ses créances au passif de la procédure collective. En août 2014, la banque met en demeure les cautions de s’acquitter de leurs engagements. Le 16 février 2016, la banque assigne M. [L] [B] et Mme [E] [F] en paiement. Le 14 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille condamne les cautions à payer des sommes dues, tout en limitant leur responsabilité à leurs engagements respectifs. Mme [E] [F] interjette appel le 9 décembre 2019. Dans ses conclusions, elle conteste l’exigibilité de la créance, la disproportion de son engagement de caution, et reproche à la banque un manquement à son devoir de mise en garde. La Société Générale demande la confirmation du jugement de première instance et justifie l’exigibilité de ses créances. La cour confirme le jugement, condamne Mme [E] [F] à payer des frais sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/18706
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2024

N° 2024/119

Rôle N° RG 19/18706 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIR7

[E] [F] divorcée [B]

C/

SA SOCIETE GENERALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Victoria CABAYÉ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/02512.

APPELANTE

Madame [E] [F] divorcée [B]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Antoine BLANC, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMÉE

SA SOCIETE GENERALE, prise en la personne de son directeur général,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Victoria CABAYÉ de l’ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 17 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Le 16 avril 2002, la société Sopofre, ayant pour dirigeant M. [L] [B], a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la SA Société Générale.

Selon actes sous seing privé du 8 août 2008, M. [L] [B] et Mme [E] [F], alors son épouse, se sont portés cautions solidaires de tous les engagements de la SAS Sopofre envers la banque, dans la limite, respectivement, de 200.000 euros et 100.000 euros, et pour une durée de 10 ans.

Par acte du 9 novembre 2009, la SA Société Générale a consenti à la SAS Sopofre un prêt, destiné à financer un besoin de restructuration, d’un montant de 370.000 euros, au taux de 5,60 %, pour une durée de sept ans.

Suivant courriers recommandés du 1er décembre 2010, la banque a informé M. [L] [B] et Mme [E] [F] de ce que des échéances de ce prêt étaient impayées, et par ailleurs les a mis en demeure d’avoir à payer, en leur qualité de cautions de la société Sopofre, la somme de 187.196,02 euros, correspondant au solde débiteur du compte courant de cette dernière dont elle indiquait que la clôture avait été prononcée.

Par jugement du 1er juin 2011, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Sopofre, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 octobre 2011.

La SA Société Générale a déclaré ses créances au passif de cette procédure collective, pour les sommes de, à titre chirographaire, 187.593,64 euros au titre du solde débiteur du compte courant, et de, à titre privilégié nanti, 391.895,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,60 %, au titre du prêt souscrit le 9 novembre 2009.

Par courriers recommandés du 12 août 2014, elle a mis en demeure chacune des cautions d’avoir à s’acquitter sous huit jours de son engagement, soit, respectivement, la somme de 200.000 euros et celle de 100.000 euros.

Selon actes du 16 février 2016, la SA Société Générale a fait assigner M. [L] [B] et Mme [E] [F] en paiement devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 14 novembre 2019, ce tribunal a :

– déclaré recevable l’action de la Société Générale,

– condamné solidairement M. [L] [B] et Mme [E] [F] divorcée [B] au paiement des sommes dues au titre du solde débiteur du compte : 168.709,47 euros outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 1er décembre 2010 et au titre du contrat de prêt : 400.867,98 euros,

– dit que M. [L] [B] ne sera tenu qu’à hauteur de son engagement de caution, soit la somme de 200.000 euros en principal, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du 9 juillet 2017 et que Mme [E] [F] divorcée [B] ne sera tenue qu’à hauteur de son engagement de caution, soit la somme de 100.000 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2017 jusqu’à parfait paiement,

– rejeté les demandes de dommages et intérêts formulées par Mme [E] [F] divorcée [B] et M. [L] [B],

– rejeté la demande d’exécution provisoire,

– condamné solidairement Mme [E] [F] divorcée [B] et M. [L] [B] à payer à la Société Générale la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement Mme [E] [F] divorcée [B] et M. [L] [B] aux dépens.

Suivant déclaration du 9 décembre 2019, Mme [E] [F] a interjeté appel de cette décision à l’encontre de la SA Société Générale.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 13 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 14 novembre 2019,

et statuant à nouveau,

sur l’exigibilité de la créance et le montant des sommes réclamées par la banque :

– juger que la Société Générale n’apporte pas la preuve de l’exigibilité de sa créance à son encontre, en sa qualité de caution, s’agissant du prêt souscrit par la société Sopofre le 9 novembre 2009 et du solde débiteur du compte courant de la société Sopofre,

– débouter en conséquence la Société Générale de l’ensemble de ses demandes dirigées à son encontre en sa qualité de caution,

sur le caractère incertain des sommes réclamées par la caution :

– juger que la Société Générale n’apporte pas la preuve du respect de l’obligation légale d’information des cautions conformément aux articles L.313-22 et L.341-4 du code de la consommation,

– juger que la Société Générale est déchue de son droit aux intérêts conventionnels et déchue de son droit d’appliquer des pénalités,

– débouter la Société Générale de ses demandes,

sur la disproportion manifeste de l’engagement de caution souscrit par elle :

– juger que l’engagement de caution qu’elle a souscrit est manifestement disproportionné en ce qu’il représente plus de trois fois ses revenus annuels,

-juger que la Société Générale ne peut pas se prévaloir de l’engagement de caution en date du 8 août 2008 à son encontre,

sur la responsabilité de la Société Générale pour manquement à son devoir de mise en garde et de diligence :

– juger qu’elle a la qualité de caution profane,

– juger que le moyen soulevé en défense par elle quant au manquement de la Société Générale à son obligation de mise en garde et de diligence à l’encontre de la caution profane n’est pas prescrit puisqu’il s’agit d’un moyen de défense imprescriptible,

– juger que la Société Générale ne justifie pas avoir respecté son devoir de mise en garde à son encontre compte tenu des risques d’endettement liés à la défaillance de la société Sopofre,

– juger que la Société Générale a commis une faute en lien direct avec le préjudice subi par elle,

– juger que la Société Générale a commis une faute en laissant le solde débiteur du compte courant de la société Sopofre s’aggraver, en ne procédant pas de manière rapide à la clôture de ce compte et en ne prononçant pas la déchéance de terme du prêt souscrit par la société Sopofre le 9 novembre 2009,

– juger que cette faute lui a causé un préjudice direct, elle qui est aujourd’hui appelée au titre de l’engagement de caution que la Société Générale lui a fait souscrire le 8 août 2008,

– condamner la Société Générale à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des fautes commises en réparation du préjudice subi,

– ordonner la compensation entre la somme de 100.000 euros à elle allouée à titre de dommages et intérêts et les sommes réclamées par la Société Générale,

en tout état de cause :

– débouter la Société Générale de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

– condamner la Société Générale à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Société Générale aux entiers dépens d’instance, ceux d’appel distraits au profit de Me Pierre-Yves Imperatore, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 23 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SA Société Générale demande à la cour de :

– confirmer le jugement de première instance dans toutes ses dispositions,

– dire qu’elle justifie de l’exigibilité de la créance résultant du compte bancaire et du prêt,

– dire que la créance est exigible à l’égard des cautions tant de par la clôture du compte bancaire que de par l’ouverture de la liquidation judiciaire,

– dire qu’elle justifie du quantum de ses créances,

– dire que l’engagement de caution de Mme [F] divorcée [B] n’est pas manifestement disproportionné,

– dire prescrite la demande en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde et de vigilance,

– dire qu’elle n’était tenue à aucun devoir de mise en garde compte tenu que l’opération n’engendrait aucun risque d’endettement à l’égard des cautions,

– dire qu’elle n’était tenue à aucun devoir de vigilance et de mise en garde compte tenu du caractère averti de la société Sopofre puisqu’elle était assistée d’un avocat dans le cadre d’une opération de rapprochement commercial,

– condamner Mme [E] [F] divorcée [B] au paiement des sommes dues :

‘ 168.709,47 euros outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 9 septembre 2017 jusqu’à parfait paiement, au titre du solde débiteur du compte,

‘ 400.867,98 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2017 jusqu’à parfait paiement, au titre du contrat de prêt,

étant précisé que Mme [F] divorcée [B] ne sera tenue qu’à hauteur de son engagement de caution, soit la somme de 100.000 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2017 jusqu’à parfait paiement,

– condamner Mme [E] [F] divorcée [B] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner aux entiers dépens conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’exigibilité des créances :

L’appelante soutient que les sommes qui lui sont réclamées par la SA Société Générale ne sont pas exigibles, cette dernière ne justifiant pas avoir prononcé la clôture du compte, ni la déchéance du prêt.

Elle fait valoir à cet égard que l’intimée ne verse aux débats aucun courrier adressé à la société Sopofre prononçant la déchéance du terme du prêt, alors d’ailleurs que, selon un décompte produit, la banque a continué à prélever des échéances postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, que, par ailleurs, la déchéance du terme convenu résultant du prononcé de cette procédure collective du débiteur principal n’a d’effet qu’à l’égard de celui-ci et ne peut être étendue à la caution, qu’ainsi, aucune déchéance ne lui est en l’espèce opposable.

Elle précise que la clause dont se prévaut la SA Société Générale ne permet pas de poursuivre la caution en cas de liquidation judiciaire du débiteur, que le courrier du 12 août 2014 qui lui a été adressé se contente de l’informer de l’exigibilité anticipée du prêt, qui serait intervenue le 1er décembre 2010, sans que la banque en justifie.

S’agissant de la convention de compte, elle expose que l’intimée ne communique pas le prétendu courrier de résiliation du 13 août 2010 qui aurait accordé un préavis de 60 jours à la société Sopofre, qu’elle n’apporte pas non plus la preuve que la clôture du compte aurait été effectivement prononcée, ni surtout, que la clôture alléguée serait opposable à la caution.

Mais, si la lettre de préavis du 13 août 2010 à laquelle la SA Société Générale fait allusion dans son courrier du 1er décembre 2010 n’est pas versée aux débats, il reste que, par ce dernier courrier recommandé dont il est justifié que la société Sopofre a accusé réception, la banque a indiqué à sa cliente, qui n’en a d’ailleurs à aucun moment contesté la régularité, procéder à cette date à la clôture de son compte n°0126900020261339, la mettant alors notamment en demeure d’en régler le solde débiteur.

Et, par un courrier du même jour, aux termes duquel elle lui rappelle sa qualité de caution solidaire, l’intimée a informé Mme [E] [F] de ce qu’elle avait maintenant procédé à la clôture de ce compte, dont le solde était exigible, et l’a mise en demeure de s’acquitter de son engagement.

En ce qui concerne le prêt, le courrier qui a été adressé de ce chef à l’appelante le 1er décembre 2010 tend seulement à l’informer de ce que des échéances du prêt consenti à la société Sopofre restaient impayées, aucune déchéance du terme n’étant alors prononcée.

Cette déchéance n’est intervenue, ainsi que le fait valoir à juste titre la SA Société Générale au visa notamment de l’article L.643-1 du code de commerce, qu’en raison de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, comme en attestent les déclarations de créances successives, celle faite dans le cadre du redressement judiciaire ne mentionnant, au titre des créances échues, que les mensualités du crédit alors impayées, les autres à échoir.

Et, dans la mesure où l’acte de caution signé le 8 août 2008 par Mme [E] [F] prévoit expressément, en son article VI intitulé « Mise en jeu de la caution », que « En cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné, y compris les sommes devenues exigibles par anticipation. (…) », la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire de la SAS Sopofre a effet, non seulement à l’égard de celle-ci, mais aussi de l’appelante.

Cette dernière n’est, ainsi que retenu par le premier juge, pas fondée en sa contestation.

Sur le montant de la créance :

Invoquant les dispositions des articles L.313-22 du code monétaire et financier et L.341-1 du code de la consommation, Mme [E] [F] soutient que l’intimée ne justifie pas du caractère certain de sa créance.

Elle expose que la SA Société Générale, qui a déclaré au passif de la société Sopofre les sommes de 187.593,64 euros au titre du solde débiteur du compte courant et 391.895,52 euros au titre du prêt, a postérieurement réclamé, dans son assignation, ses conclusions successives ou les décomptes produits, des montants différents, qu’elle est ainsi dans l’impossibilité de justifier du montant certain de sa créance, sa demande en paiement devant donc être rejetée.

Elle fait valoir qu’en tout état de cause, la banque ne peut pas solliciter le paiement de sommes supérieures à celles qu’elle a déclarées au passif de la procédure collective de la débitrice principale, que, de plus, elle ne justifie pas avoir satisfait à l’obligation légale d’information de la caution par l’envoi d’une lettre annuelle d’information conformément aux dispositions des articles précités, qu’elle ne peut en conséquence exiger le paiement des intérêts conventionnels, ni des pénalités, qu’elle n’a pas davantage informé les cautions quant aux premiers incidents de paiement.

L’intimée réplique que, le 15 décembre 2011, elle a dûment déclaré sa créance, que, dans son assignation, elle a réclamé le paiement de la créance augmentée des intérêts de retard, que, pour autant, il est vrai que le décompte comportait une erreur, qu’elle a produit un nouveau décompte arrêté à la date du 11 janvier 2017 expurgé des intérêts au taux conventionnel pour tenir compte de la sanction du non-respect de l’obligation d’information annuelle de la caution, qu’elle justifie, dès lors, de la réalité de sa créance.

Sur l’information des cautions, elle indique que, l’engagement de caution étant du 8 août 2008, l’information légale n’était due qu’à compter de l’année 2009, qu’elle ne peut verser aux débats les courriers d’information que pour les années 2010, 2011 et 2014, que par ailleurs un incident de paiement se caractérise par l’exigibilité de la créance, que, s’agissant d’un compte bancaire, il résulte de la clôture du compte, dont les cautions ont été informées.

La SA Société Générale ajoute que les cautions restent tenues au paiement des intérêts moratoires au taux légal à compter de leur mise en demeure d’avoir à régler le montant des sommes dues, que, s’agissant du contrat de prêt, les intérêts ne sont pas dus pour les années 2009, 2012, 2013, 2015 en raison de l’absence d’information annuelle de la caution, qu’en outre, ne pouvant justifier de l’envoi des courriers aux cautions pour les années 2010, 2011 et 2014, elle a expurgé le décompte de créance des intérêts et ce, depuis l’origine du prêt.

Sur ce, les prétentions relatives à la créance doivent s’apprécier en deux temps, la créance dont la banque justifie à l’encontre de la débitrice principale, puis celle dont elle peut se prévaloir dans ses rapports avec la caution dans l’hypothèse du non-respect des obligations d’information dont elle est débitrice envers cette dernière en application des textes d’ordre public invoqués.

Au regard des pièces versées aux débats, et notamment, en ce qui concerne le prêt du 9 novembre 2009, le contrat, le tableau d’amortissement, les mises en demeure, la déclaration de créance et les décomptes, le montant de la créance de l’intimée à retenir à l’encontre de la SAS Sopofre s’élève à la somme de 391.895,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,60 % sur la somme de 389.955,77 euros à compter du 6 octobre 2011.

S’agissant du solde débiteur du compte courant, la créance de la SA Société Générale à l’encontre de la titulaire du compte s’élève, au vu des relevés, de la mise en demeure et de la déclaration de créance, à la somme de 187.196,02 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2010.

Dans ses rapports avec la caution, dans la mesure où elle reconnaît ne pouvoir justifier avoir rempli ses obligations d’information, plus particulièrement celle annuelle qui lui incombait en vertu des dispositions de l’article L.313-22 du code monétaire et financier, l’intimée est, par application de ce texte, déchue des intérêts échus depuis le 31 mars de l’année à compter de laquelle l’information devait intervenir pour la première fois, soit 2009 en ce qui concerne le compte, 2010 pour le prêt, les paiements effectués par la débitrice principale étant réputés, dans les rapports entre créancier et caution, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Pour ce qui est du premier incident de paiement, outre que le défaut d’information ne concerne en l’espèce que quelques mensualités du prêt pour une période déjà couverte par celle sus-évoquée, aucune pénalité n’est sollicitée aux termes des décomptes produits, de sorte que la sanction encourue est inopérante.

Par ailleurs, au vu des décomptes de créances, même expurgés de tous intérêts, la déchéance sollicitée est également ici, au regard des montants dont la banque reste fondée à se prévaloir à l’encontre de la caution, sans incidence dans la mesure où Mme [E] [F], tenue dans la limite de son engagement, ne peut être condamnée au-delà de la somme de 100.000 euros, sauf intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l’appelante a personnellement été mise en demeure d’honorer son cautionnement.

Cependant, compte tenu de la demande telle que présentée par l’intimée, notamment quant au point de départ des intérêts, le jugement est confirmé en ce que la condamnation prononcée à l’encontre de Mme [E] [F] à hauteur de 100.000 euros porte intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2017 seulement.

Sur le grief de disproportion :

Au visa des dispositions de l’article L.341-4 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur, l’appelante soutient que, lors de la signature de son engagement de caution, celui-ci était manifestement disproportionné à ses revenus.

Elle fait en outre notamment valoir que le tribunal a retenu, à tort, qu’elle disposait d’un patrimoine immobilier net d’emprunt de 50.000 euros, que, s’agissant de la somme détenue en compte courant à hauteur de 130.000 euros au sein de la société Finespada, elle avait fait l’objet d’une convention de blocage au profit de la SA Société Générale, qui en était donc parfaitement informée, et n’avait en conséquence pas lieu d’être prise en compte.

Aux termes du texte invoqué, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l’application de ces dispositions, c’est à la caution, ainsi que le rappelle à juste titre l’intimée, qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard, d’un côté, de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, d’un autre côté, de ses biens et revenus, sans tenir compte des résultats escomptés de l’opération garantie.

A cet égard, si Mme [E] [F] verse aux débats son avis d’imposition sur les revenus de l’année 2008, dont il résulte qu’elle a perçu des revenus nets imposables de, outre des pensions alimentaires de 7.200 euros, la somme de 28.052 euros au titre des salaires et assimilés, ainsi que des revenus de capitaux mobiliers, certes modestes puisque d’un montant de 107 euros mais justifiant de l’existence d’un patrimoine mobilier, elle ne fournit guère d’éléments sur la nature et la valeur de ce patrimoine, sinon qu’il apparaît, au vu des états financiers de l’exercice clos le 30 septembre 2008 d’une SAS Finespada, qu’elle disposait dans cette société, au capital de 120.000 euros, dont la SAS Sopofre était une filiale, d’un compte courant d’associé alors d’un montant de 147.336,33 euros, ledit compte bloqué, avec celui de son époux à hauteur de 262.347 euros, pour garantir un emprunt souscrit auprès de la SA Société Générale, d’un montant de 686.000 euros à l’origine mais à cette date désormais de 97.375,41 euros, et aucune pièce en ce qui concerne son patrimoine immobilier.

L’intimée, qui n’a cependant pas de ce chef la charge de la preuve, produit quant à elle une fiche de renseignements signée le 8 juin 2008 par la caution, qui en a certifié exacte la teneur, et à laquelle la banque était donc, sauf anomalies apparentes, en droit de se fier sans avoir à vérifier les déclarations de sa cliente, laquelle ne peut par la suite en contester le contenu pour tenter d’échapper à ses obligations.

De ce document, il ressort essentiellement que l’appelante, alors sans emploi, percevait de l’Assedic des indemnités mensuelles de 2.000 euros, soit un revenu annuel à ce titre de 24.000 euros, qu’elle était propriétaire d’un appartement d’une valeur estimée à 200.000 euros, acquis au moyen d’un prêt de 150.000 euros, d’où, à défaut d’indication quant au montant du capital restant alors dû, une valeur nette de à tout le moins 50.000 euros, qu’elle était titulaire d’un compte courant dans la société Finespada de 130.000 euros.

En considération de la situation financière et patrimoniale de Mme [E] [F] telle qu’elle résulte des éléments précités, et même à ne pas tenir compte comme elle le prétend de cette dernière somme, l’engagement litigieux, souscrit le 8 août 2008 dans la limite de la somme de 100.000 euros, n’était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, étant surabondamment observé que, si les époux [B] étaient alors séparés, ils étaient toujours mariés, sous le régime de la communauté, et que le mari déclarait alors, outre un patrimoine dénué de passif, des revenus annuels de 72.000 euros.

Le moyen tiré de l’application de l’ancien article L.341-4 du code de la consommation est écarté, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de la banque :

L’appelante reproche à la SA Société Générale d’avoir manqué à son devoir de mise en garde, en lui faisant régulariser un cautionnement solidaire garantissant l’ensemble des engagements de la société Sopofre sans attirer son attention sur les risques de défaillance de cette dernière, ce manquement étant d’autant plus grave que ladite société connaissait de très importantes difficultés financières.

Elle expose que les premiers juges ont occulté, outre le fait qu’elle était une caution profane, la situation comptable de la société Sopofre, dont les capitaux propres ont diminué de 567.000 euros en 2007 à 420.000 euros en 2008, le poste autres dettes a augmenté de 3.000 euros en 2007 à 339.000 euros en 2008, les dettes et produits constatés d’avance à moins d’un an ont également augmenté de 780.000 euros en 2007 à 885.000 euros en 2008, le chiffre d’affaires net a diminué de 1.755.000 euros en 2007 à 1.739.000 euros en 2008.

Elle invoque par ailleurs, au visa des articles 2313 et 1382 du code civil, la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de diligence, soutenant que l’intimée a laissé volontairement le compte courant de la SAS Sopofre fonctionner de manière débitrice et n’a pas prononcé la déchéance du terme du prêt souscrit par la débitrice principale, ces fautes lui ayant causé un préjudice direct en sa qualité de caution de ladite société.

La SA Société Générale réplique que la demande de Mme [E] [F], qui n’a soulevé sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde que selon conclusions du 20 septembre 2016, alors que l’engagement de caution est du 8 août 2008 et que les cautions ont dûment été mises en demeure par courrier du 1er décembre 2010, est prescrite.

Elle ajoute que l’action est infondée, les conditions du devoir de mise en garde n’étant réunies, ni à l’égard de la caution, ni à celui de la SAS Sopofre, dont notamment le résultat d’exploitation a été doublé entre 2007 et 2008 pour passer de 16.000 euros à 33.000 euros, les charges d’exploitation réduites pour passer de 1.746.000 euros à 1.713.000 euros, et la situation, au jour de l’engagement de caution, loin d’être catastrophique, était celle d’une société dont la gestion est saine, dans un fonctionnement normal.

Par ailleurs, rappelant notamment l’interdiction qui lui est faite de s’immiscer dans les affaires de son client, la banque soutient qu’elle n’était tenue à aucun devoir de vigilance et n’a commis aucune faute.

Sur ce, l’intimée n’est en l’espèce pas fondée à opposer à la caution la prescription de son action en responsabilité dès lors que la demande présentée par cette dernière à ce titre constitue ici un moyen de défense à la demande en paiement.

L’obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit envers une caution est subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie, et l’existence, au regard des capacités financières de cette dernière ou de l’emprunteur, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Au vu des pièces versées aux débats par la banque, il n’est pas établi, le seul fait qu’elle ait signé en qualité de secrétaire un procès-verbal de délibération de l’assemblée de la société Soprofe en juin 2004 n’étant pas suffisant à cet égard, que, lorsqu’elle a souscrit le cautionnement litigieux, le 8 août 2008, l’appelante disposait d’une compétence et d’une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Elle doit dès lors être considérée comme étant une caution non avertie.

Toutefois, au regard de ses capacités financières telles que précédemment évoquées, il n’est pas justifié, la concernant, de l’existence à cette date d’un risque d’endettement né de l’octroi des crédits garantis.

Et, s’agissant des capacités financières de la débitrice principale, les documents, relatifs à l’exercice clos au 30 septembre 2008, ne démontrent pas, contrairement à ce que soutient Mme [E] [F], une situation par elle qualifiée de catastrophique au jour de son engagement de caution, puisqu’il en résulte notamment que, d’un résultat déficitaire en 2007, la société est passée en 2008 à un résultat bénéficiaire.

Étant par ailleurs noté que les « concours bancaires courants, soldes crédit » qui y figuraient pour 273.000 euros en 2007 étaient en 2008 de 121.000 euros, n’est pas établi, par la production du bilan comptable de la SAS Sopofre, le risque d’endettement né de l’octroi des crédits consentis à cette dernière au regard de ses capacités financières allégué par l’appelante.

En conséquence, celle-ci n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de la SA Société Générale au titre d’un devoir de mise en garde dont elle n’était pas débitrice à son égard.

Enfin, s’agissant de la faute que la caution reproche à l’intimée au motif d’un manquement à un devoir de diligence, et qui, telle que formulée, peut s’analyser en un soutien abusif de la banque à l’égard d’une débitrice dont la situation était, selon Mme [E] [F], irrémédiablement compromise, elle n’est, outre qu’elle relèverait alors, compte tenu de la procédure collective dont a fait l’objet la SAS Sopofre, des dispositions de l’article L.650-1 du code de commerce, en l’espèce aucunement établie.

L’appelante est déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne Mme [E] [F] à payer à la SA Société Générale la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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