[B] et [I] [M] ont construit une maison à [Adresse 5], tandis que [N] [U], sous-traitant de PCA, a effectué des travaux de terrassement en septembre 2013. Les voisins, [E] [J] et [L] [V], ont constaté des désordres (micro fissures et affaissement de terrasse) et ont fait appel à un huissier en septembre 2019. Un expert judiciaire a été désigné, et son rapport a été déposé en janvier 2015. Les époux [J] ont assigné [B] [M], [I] [R], [N] [U] et AVIVA en indemnisation. Les époux [J] ont demandé des sommes pour les travaux, les désordres, la dépréciation de leur bien et un préjudice moral, ainsi qu’une constatation de trouble anormal de voisinage. Les défendeurs ont demandé le rejet des demandes et la garantie de l’assureur. Le tribunal a rejeté les demandes des époux [J] et les a condamnés à payer des frais aux défendeurs. Les époux [J] ont fait appel, et le jugement a été confirmé en appel, avec des condamnations supplémentaires pour les frais.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 17 OCTOBRE 2024
mm
N°2024/334
Rôle N° RG 21/05230 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHID5
[E] [J]
[L] [P] épouse [J]
C/
[I] [R] épouse [M]
[B] [M]
Société [U] [N]
SOCIETE ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée Compagnie d’assurances ABEILLE IARD
Copie exécutoire délivrée le :
à :
SCP RIBON – KLEIN
SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO
Me Cécile RODRIGUEZ
SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 25 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06467.
APPELANTS
Monsieur [E] [J]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON – KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Madame [L] [P] épouse [J]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON – KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMES
Madame [I] [R] épouse [M]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
Monsieur [B] [M]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
Monsieur [N] [U], exercant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, dont le siège social [Adresse 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/009068 du 26/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Cécile RODRIGUEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
SOCIETE ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES, SA, dont le siège social [Adresse 2], poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, y domicilié
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-Jacques DEGRYSE de la SELARL CABINET DEGRYSE ET MASSUCO, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc MAGNON, Président, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Marc MAGNON, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[B] et [I] [M] ont fait construire un bien à usage d’habitation sis [Adresse 5]. [N] [U], en qualité de sous-traitant du constructeur PCA, assuré auprès de la compagnie AVIVA, a réalisé les travaux de terrassement en septembre 2013.
[E] [J] et [L] [V] épouse [J], sont propriétaires d’ une maison d’habitation acquise le 12 octobre 2012 située sur la parcelle voisine et se sont plaints de l’apparition de désordres consécutivement à la réalisation des travaux de terrassement (micro fissures en façade externe et affaissement de la terrasse). Ils ont fait procéder à un premier constat d’huissier, par Maître [D], le 21 septembre 2019.
Ils ont obtenu par ordonnance en date du 16 juillet 2014, du Président du tribunal de grande instance de Draguignan, la désignation d’un expert judiciaire.
L’expert, M. [W] [K], a déposé son rapport le 19 janvier 2015.
Suivant actes d’huissier des 26 juin 2015, 22 juillet 2015, et 6 août 2015, [E] [J] et [L] [V] épouse [J] ont fait assigner [B] [M] et [I] [R] épouse [M], l’entreprise [N] TERRASSEMENT, la compagnie d’assurance AVIVA devant le tribunal de grande instance de Draguignan en indemnisation de leurs préjudices.
Suivant actes d’huissier des 2 et 7 février 2017, les époux [J] ont fait assigner [N] [U] exerçant à titre individuel sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la SA AVIVA.
Par ordonnance du 16 juin 2017 les deux instances ont été jointes.
Les époux [J] ont demandé au tribunal de :
DEBOUTER Monsieur et Madame [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
DEBOUTER la compagnie d’assurance AVIVA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
CONDAMNER M. et Mme [M], Monsieur [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 23.732,40 € au titre des travaux préconisés par l’expert, à parfaire,
CONDAMNER M. et Mme [M], Monsieur [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 9.170,54 € au titre des autres désordres non pris en compte par l’expert judiciaire, à parfaire,
CONDAMNER M. et Mme [M], Monsieur [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 25.000 € au titre de la dépréciation de la valeur de leur bien immobilier consécutive aux désordres occasionnés par l’utilisation des BRH( brises roches hydrauliques),
CONDAMNER M. et Mme [M] à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 15.000 € titre du préjudice moral effectivement subi,
CONSTATER que l’édification de la maison à usage d’habitation de Monsieur et Madame [M] est de nature à leur occasionner une perte d’ensoleillement et de vue, et une perte d’intimité, entraînant par la même un trouble anormal du voisinage,
Vu la réalisation du Procès-verbal de constat d’huissier réalisé par Maître [X] du mois d’octobre 2017 au mois de février 2018,
En conséquence,
CONDAMNER M. et Mme [M], solidairement, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 35.000 € au titre de ce trouble anormal de voisinage consécutif à la perte d’ensoleillement, de vue et de jouissance, de leur bien immobilier,
ORDONNER L’exécution provisoire de la décision à intervenir,
CONDAMNER M. et Mme [M], Monsieur [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER M. et Mme [M], Monsieur [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, et la compagnie d’assurance AVIVA aux entiers dépens de la procédure.
[B] [M] et [I] [M] ont demandé au tribunal de :
DÉBOUTER purement et simplement les consorts [J] de l’intégralité de leurs demandes.
A titre subsidiaire, de :
CONDAMNER la société [N] TERRASSEMENT à relever et garantir les consorts [M] de l’intégralité des condamnations dont ils pourraient faire l’objet,
CONDAMNER les consorts [J] au paiement de la somme de 4500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, aux motifs que seule l’utilisation du brise roche par l’entreprise [N] a pu avoir des conséquences dommageables sur la propriété des demandeurs, par l’apparition de micro fissures en façade externe et par l’affaissement de la terrasse ; qu’en leurs qualités de maître d’ouvrage, leur responsabilité est recherchée sur le trouble anormal du voisinage et qu’ils sont fondés à se prévaloir des fautes commises par l’entrepreneur.
[N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, a demandé au tribunal de :
DEBOUTER Monsieur et Madame [J] de l’intégralité de leur demande ;
DEBOUTER l’ensemble des parties des demandes qu’ils formulent à l’encontre de Monsieur [N] [U] ;
A titre subsidiaire et en cas de condamnations financières :
DIRE ET JUGER QUE Monsieur [U] ne sera condamné qu’à hauteur de 20% des sommes réclamées, soit, conformément au chiffrage de l’Expert, à la somme de 4746,48 euros ;
DIRE ET JUGER QUE la société AVIVA devra relever et garantir Monsieur [U] de toutes condamnations en sa qualité d’assureur ;
À titre reconventionnel :
CONDAMNER Monsieur et Madame [J] à payer à Monsieur [N] [U] la somme de 3 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, et ce aux motifs que :
-le rapport d’expertise exclut sa responsabilité :
-en sa qualité de sous-traitant du constructeur, c’est à ce dernier qu’il appartenait de fournir les éléments liés au risque d’utilisation d’un brise roche,
-il n’existe pas de lien de causalité entre les désordres allégués et sa sphère d’intervention.
La SA AVIVA ASSURANCES a demandé au tribunal de :
DEBOUTER Monsieur et Madame [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de la société AVIVA ASSURANCES, prise en sa qualité d’assureur allégué de «l’entreprise [N] TERRASSEMENT»,
A titre subsidiaire,
DEBOUTER Monsieur et Madame [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de la société AVIVA ASSURANCES,
DEBOUTER Monsieur et Madame [J] de toutes leurs demandes formées au titre des préjudices immatériels, lesquelles ne sont établis ni dans leur principe, ni dans leur montant
CONDAMNER Monsieur et Madame [J] et/ou tout succombant à payer à la société AVIVA ASSURANCES la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL CABINET FOURMEAUX, représentée par Maître Jean-Philippe FOURMEAUX, Avocat aux offres de droit et ce, aux motifs que :
‘ L’entreprise [N] TERRASSEMENT n’est pas son assurée, seul [N] [U] a souscrit une garantie auprès d’elle;
‘ aucune pièce n’a été communiquée pour démontrer que les travaux de terrassements ont été exécutés par l’assuré et sont à l’origine des désordres;
‘ le rapport d’expertise judiciaire est insuffisant pour permettre de la condamner ;
‘ les dommages ne sont pas justifiés.
Par jugement réputé contradictoire du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a statué dans les termes suivants:
REJETTE les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture ;
DEBOUTE [E] [J] et [L] [P] épouse [J] de l’intégralité de leurs demandes;
CONDAMNE [E] [J] et [L] [P] épouse [J] à payer à [B] [M] et [I] [R] épouse [M], [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, la compagnie d’assurance AVIVA, chacun, la somme de 2.500 € soit 7.500 € au total au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE [E] [J] et [L] [P] épouse [J] aux dépens ;
DIT que les dépens seront distraits conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,
REJETTE le surplus des demandes.
Aux motifs que « [E] et [L] [J] se fondent sur la théorie du trouble anormal du voisinage et sur la responsabilité délictuelle pour solliciter la condamnation in solidum des parties défenderesses.
Le droit d’un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Il s’agit d’une responsabilité sans faute à laquelle est tenue le maître de l’ouvrage et le constructeur locateur d’ ouvrage en tant que voisin occasionnel, du seul fait de l’apparition du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Il appartient au voisin, victime de dommages matériels et/ou immatériels, de démontrer le lien d’imputabilité entre les désordres allégués, l’action du maître de l’ouvrage ou du voisin occasionnel et le trouble anormal subi.
En l’espèce, il résulte du rapport d’ expertise judiciaire que :
‘ la balustrade de la terrasse couverte Nord Ouest présente des micros fissurations à la jonction des éléments préfabriqués en béton qui proviennent d’un défaut de construction ;
‘ la façade présente des fissures à la jonction plafond terrasse-poutre, sur les fenêtres du niveau bas, dans la cuisine et les deux chambres, dont l’apparition serait « très certainement » liée à l’« utilisation de BRH brise roche hydraulique pour réaliser les terrassements de l’immeuble voisin », « que plusieurs témoignages sur l’honneur joints au dossier affirment qu’avant les travaux de terrassement ces fissures n’existaient pas » que le rapport du cabinet GEOSCIENCES CONSEIL « permettrait peut être de démontrer avec une pleine certitude que les vibrations ont eu un impact sur la structure de la maison de Monsieur et Madame [J] »
‘ la terrasse présente un léger affaissement, pouvant être lié au compactage du remblai sous-jacent ou par un mauvais compactage initial du remblai accéléré par les ondes sismiques transmises au remblai par le BRH ;
‘ que le mur de clôture, le sol du garage, le mur coupe-vent, le trottoir du jardin, l’escalier extérieur, le mur de soutènement, présentent des fissures d’importances variées, qui résultent d’une mauvaise exécution antérieure aux travaux de terrassement.
‘ Il est remarqué qu’aucune constatation de l’état du bien des demandeurs n’a été réalisée antérieurement à l’utilisation du brise-roche.
Un constat d’huissier réalisé à la demande de [E] et [L] [J] le 21 septembre 2013, soit quelques jours après le commencement des travaux de terrassement litigieux, constate l’existence de fissures à l’angle de la terrasse, au niveau du bandeau de l’escalier, au niveau des appuis de fenêtres sans qu’il ne soit possible d’en fixer l’antériorité.
Plusieurs attestations produites par les demandeurs mentionnent que leur habitation n’a jamais présenté de fissures. Pour autant il est établi par l’attestation du précédent propriétaire du bien appartenant aux demandeurs que l’ouvrage présentait une fissuration au niveau de l’escalier, en contradiction avec les termes des autres attestations produites.
Il n’est donc pas permis d’affirmer formellement que la maison des demandeurs ne présentait aucune fissure avant le mois de septembre 2013.
Le rapport établi en 2014 par GEOSCIENCES CONSEIL, à la demande de [E] et [L] [J], retient que compte tenu de la situation de la plate-forme de terrassement à une distance de 8 mètres de la maison des demandeurs, de l’utilisation d’un brise-roche hydraulique, et de la nature géologique du sous-sol il est probable que ces travaux aient eu un impact sur la structure du bâti, sans pour autant être en mesure de l’affirmer en l’absence d’étude complémentaire de mesures géophysiques destinée notamment à évaluer les risques vibratoires.
Le lien de causalité entre l’utilisation d’un BRH et la présence de fissures, qualifié de probable, n’est donc pas formellement caractérisé. Ce d’autant que de manière certaine, le bien présentait avant septembre 2013 des phénomènes de fissuration au niveau de l’escalier, la balustrade, du mur de clôture, du garage, de l’escalier extérieur, le mur de soutènement, selon les constatations retenues par l’expert, en contradiction avec les attestations produites.
Enfin, l’expert indique en ces termes « aux dires de M [J] les désordres seraient apparus lors des travaux de terrassement. Il n’y a pas d’autre moyen pour le prouver».
Or ni ses conclusions ni les pièces produites ne permettent d’affirmer de manière indiscutable que les vibrations causées par l’utilisation d’un brise-roche sont nécessairement et exclusivement la cause unique des fissures et micro fissures relevées. Et ce alors même qu’un certain nombre d’entre elles sont liées à un défaut de construction antérieur à l’événement litigieux.
S’agissant de l’affaissement de la terrasse, l’expert retient que celui-ci est majoritairement imputable à une insuffisance de compactage du remblai sous dallage lors des travaux de construction de la maison des demandeurs, les travaux de terrassement ayant selon lui accéléré ce phénomène. Il n’est donc pas d’avantage démontré que l’affaissement de la terrasse soit exclusivement lié à l’utilisation du BRH, les défaillances structurelles initiales du remblai étant considérées comme la cause déterminante.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les demandeurs échouent à démonter que les phénomènes de fissuration subis par leur bien sont en lien direct avec l’utilisation du BRH lors des opérations de terrassement. La défaillance de construction de la balustrade, la structure insuffisante du remblai, le caractère non pertinent des attestations et l’impossibilité de déterminer précisément le moment de l’apparition des fissures en façade ne permettent pas d’imputer les désordres à l’activité des défendeurs.
Les demandeurs allèguent également de la présence de fissures en allège de la fenêtre dans le salon, dans le couloir, dans les toilettes, et au plafond de la salle de bains. Ces désordres, qui n’ont pas fait l’objet du rapport d’expertise, ont été constatés par le procès-verbal de constat d’huissier du 10 août 2017, soit postérieurement au dépôt du rapport d’expertise en 2015. Il n’est donc pas davantage permis de les considérer comme formellement liés aux travaux de terrassement.
L’ensemble des demandes indemnitaires tant matérielles que morales formées par [E] et [L] [J] seront rejetées. »
Par déclaration du 9 avril 2021, les époux [J] ont relevé appel de ce jugement.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Vu les conclusions notifiées le 8 juillet 2021 par les époux [J] tendant à :
Vu l’article 544 du Code Civil,
Vu les articles 1382 du Code Civil,
Vu la jurisprudence
Vu le rapport d’expertise judiciaire de M. [K],
Vu l’avis technique du cabinet LAMY du 31.01.2018
Vu le rapport de consultation de M.[H] [S]
Vu le rapport du cabinet d’expertise CABINET FONCIER Mme [O] du 20 décembre 2020
REFORMER la décision dont appel ;
JUGER que M. et Mme [M] et M. [U] ont commis une faute en faisant procéder, sans étude préalable, à des travaux de terrassement réalisés au moyen de deux BRH utilisés par M. [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, et que ces travaux ont constitué un trouble anormal du voisinage ;
CONDAMNER solidairement M. et Mme [M], M. [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement à payer à M. et Mme [J] la somme de 23.732,40 € au titre des travaux préconisés par l’expert, à parfaire;
CONDAMNER solidairement M. et Mme [M], M. [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à M. et Mme [J] la somme de 9.170,54 € au titre des autres désordres non pris en compte par l’expert judiciaire, à parfaire;
CONDAMNER solidairement M. et Mme [M], M. [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA, solidairement, à payer à M. et Mme [J] la somme de 41.000 € au titre de la dépréciation de la valeur de leur bien immobilier consécutive aux désordres occasionnés par l’utilisation des BRH;
CONDAMNER solidairement M. et Mme [M] à payer à Monsieur et Madame
[J] la somme de 25.000 € au titre du préjudice moral effectivement subi ;
JUGER « que la perte d’ensoleillement de vue, de leur bien immobilier, de la maison à usage d’habitation de M. et Mme [J] et l’édification de la maison à usage d’habitation de M. et Mme [M] est de nature à occasionner une perte d’ensoleillement de vue, et perte d’intimité, de leur bien immobilier, à Monsieur et Mme [J] entraînant par la même un trouble anormal du voisinage »(SIC)
CONDAMNER M et Mme [M], solidairement, à payer à M. et Mme [J] la somme de 39.000 € au titre de ce trouble anormal de voisinage consécutif à la perte d’ensoleillement, de vue et de leur bien immobilier ;
ORDONNER L’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
DEBOUTER M. et Mme [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
DEBOUTER la compagnie d’assurance AVIVA de l’intégralité de ses demandes, fins
et conclusions ;
CONDAMNER M. et Mme [M], M. [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, et la compagnie d’assurance AVIVA, chacun, à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER M. et Mme [M], M. [N] [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT et la compagnie d’assurance AVIVA aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les conclusions notifiées le 26 décembre 2023 par la société ABEILLE IARD SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES tendant à :
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Draguignan,
En conséquence,
DEBOUTER M. et Mme [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de la société ABEILLE IARD & SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES.
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que M. et Mme [J] ne peuvent prétendre à l’indemnisation d’autres désordres que les micro-fissures en façade.
DEBOUTER en conséquence, M. et Mme [J] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires formées au titre des préjudices matériels.
DEBOUTER M. et Mme [J] de toutes leurs demandes formées au titre des préjudices immatériels, lesquels ne sont établis ni dans leur principe ni dans leur montant.
A titre très infiniment subsidiaire sur ce point,
DECLARER la société ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES fondée à opposer à M. et Mme [J] le montant de la franchise contractuellement prévue, opposable aux tiers s’agissant d’une garantie facultative.
En tout état de cause,
CONDAMNER M. et Mme [J] et/ou tout succombant à payer à la société ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES la somme de 6000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
LES CONDAMNER aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avocat, aux offres de droit
Vu les conclusions notifiées le 14 février 2022 par M. [N] [U], tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 28 septembre 2021 par les époux [M] tendant à :
Vu les dispositions de l’article 1382 ancien du code Civil ;
CONFIRMER purement et simplement le jugement du 25/03/21 rendu par le Tribunal Judiciaire de Draguignan,
DÉBOUTER purement et simplement les consorts [J] de l’intégralité de leurs demandes.
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société [N] TERRASSEMENT et la compagnie AVIVA à relever et garantir les consorts [M] de l’intégralité des condamnations dont ils pourraient faire l’objet,
CONDAMNER les consorts [J] au paiement de la somme de 6.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Sur la procédure :
A titre liminaire, il convient de rappeler que selon les dispositions de l’article 954 alinéas 1 à 3 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée; que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur celles qui y sont énoncées.
Les demandes de « constater » ou « dire et juger » ou même « juger », lorsqu’elles s’analysent en rappels de moyens ne constituent pas de telles prétentions et ne saisissent pas la cour qui examinera en revanche les seuls moyens invoqués dans la discussion au soutien des prétentions figurant au dispositif des conclusions.
Sur le fondement de l’action des époux [J] :
Les époux [J] recherchent la responsabilité de M. et Mme [M], maîtres de l’ouvrage selon eux à l’origine des désordres apparus sur leur maison, et celle de M. [U], constructeur exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, en charge des travaux de terrassement de la maison de leurs voisins et ce, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, aux termes duquel : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
Ils invoquent également les dispositions de l’article 544 du code civil et la théorie des troubles anormaux du voisinage. Selon ce texte, « la propriété est le droit de jouir et de disposer de sa chose de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Selon une jurisprudence constante, « le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ». Cette responsabilité est une responsabilité sans faute, à partir du moment où l’existence et l’anormalité du trouble sont établies.
Au soutien de leur appel, les époux [J] font valoir que le lien de causalité entre les désordres retenus par l’expert et l’intervention de l’entreprise [N] TERRASSEMENTS de M [N] [U] est établi.
Il s’agit des micro-fissures de façade également constatées par le cabinet d’expertise LAMY, dans son rapport du 31 janvier 2018, et par le cabinet d’expertise [T] dans son rapport du 24 novembre 2020, tous deux mandatés par les concluants.
Il s’agit également de l’affaissement du dallage de la terrasse imputé par l’expert judiciaire, à hauteur de 20 %, à l’utilisation des brises roches hydrauliques(BRH) utilisés par l’entreprise [N] TERRASSEMENTS. Toutefois, les époux [J], s’ils sont d’accord avec le rôle causal de l’intervention de ce constructeur, contestent le pourcentage retenu par l’ expert, estimant que 80 % de ce dommage doit être imputé à l’intervention du terrassier et 20 % seulement au tassement différentiel du remblai sous dalle, phénomène prévisible, admis par les DTU, qui a été aggravé par les vibrations des BRH. Là aussi , les époux [J] se fondent sur les avis des experts-conseils LAMY et [T] qu’ils ont missionnés.
Ils contestent en revanche le rapport d’expertise judiciaire en ce que M. [K] a exclu les autres désordres pourtant rattachables, selon eux et leurs experts-conseils, aux vibrations provoquées par l’utilisation des brises roches.
Il s’agit en l’occurrence :
-des fissures constatées sur la balustrade de la terrasse Nord-Ouest, composée d’ éléments modulaires en béton assemblés par collage ;
-de la fissure de l’escalier extérieur ;
-de la fissuration du sol du garage ;
-de la fissuration de la génoise et des tuiles cassées ;
-des fissures constatées sur le mur de clôture.
A cela s’ajoutent les fissures apparues à l’intérieur de la maison, omises par l’expert judiciaire ou apparues après le dépôt de son rapport et constatées par Maître [D], huissier de justice le 10 août 2017.
Ils concluent à la condamnation des époux [M], in solidum avec M. [N] [U], au paiement de la somme de 23732,40 euros TTC retenue par l’expert judiciaire, « à parfaire », outre celle de 9170,54 euros TTC, « à parfaire » au titre des désordres exclus par l’ expert judiciaire, mais retenus par leur expert-conseil M [T] et dont celui-ci a chiffré le coût des travaux de reprise, auquel s’ajoute le montant des factures de l’entreprise [Z] qui avait refait les peintures intérieures en début d’année 2013, avant les travaux de terrassement sur la parcelle voisine, et qui atteste de l’absence de fissures dans cette maison quelques mois auparavant. Les époux [J] produisent d’autres attestations pour rendre compte de l’absence de fissurations sur la maison avant les travaux réalisés par l’entreprise de M. [U].
Au delà du coût des travaux de reprise, les appelants demandent réparation des dommages résultant de :
‘ la dépréciation de leur bien, par suite des désordres constatés et de la proximité de la maison des époux [M] qui a provoqué une perte d’ensoleillement six mois par an, à l’origine d’humidité et de gel sur la terrasse, l’hiver, et de frais de chauffage plus importants.
‘ du préjudice moral résultant de :
-l’attitude des époux [M] durant toute la durée du chantier et encore à la date de leurs conclusions ( refus de stopper les travaux de terrassement, provocations insultes, dégradations survenues dans leur jardin : projection de divers détritus, bois, pierres, ciment, crépis, terre sur le carrelage de la terrasse côtés Nord-Est et Sud-Est, fumées toxiques issues des feux intempestifs réalisés sur la propriété des époux [M] pour brûler plastiques, bombes de silicone usagées et autres détritus toxiques du chantier ;
-des dégradations survenues curieusement depuis le début de la procédure « à l’intérieur et aux abords et dans la propriété de M et Mme [J] ( grillage dégradé, véhicule cabossé, crépis sur le véhicule, crépi abîmé à coups de marteau, carrelage abîmé à coups de marteau, vélo et effets de M [J] abîmés de la même façon, travertin extérieur cassé également à coups de marteau ) » ;
-de l’entassement, depuis plus de 10 mois, d’un tas de matériaux et d’objets divers contre le mur de clôture de la propriété de M et Mme [J] et celui de M et Mme [M] ;
-de l’impossibilité de trouver une issue amiable avec M et Mme [M] qui passent leur temps à surveiller les concluants du haut de leur terrasse dominante ou de la fenêtre de la chambre à les insulter, à jeter des pierres et « autres déchets innommables »; tous les arbustes et plantes des époux [J] étant détruits chaque année depuis l’installation des époux [M], ce qui a conduit les époux [J] à installer des caméras de surveillance ;
-de la pulvérisation de produits diffusés à l’aide d’un pulvérisateur, ce qui fait que les époux [J] ont été intoxiqués le 24 avril 2020, toussant pendant plusieurs jours et ayant des maux de ventre et maux de tête ; l’ensemble de ces faits ayant provoqué la dégradation de l’état de santé de M [J], qui est soigné pour dépression ;
‘ Un trouble anormal du voisinage résultant de la perte d’ensoleillement et de vue, de l’atteinte à leur intimité et de la promiscuité créées par la proximité et l’élévation de la maison de M et Mme [M].
Les époux [M] répliquent qu’ils sont bien fondés à se prévaloir d’une part de la faute commise par l’entrepreneur, l’entreprise [N] TERRASSEMENT, mais aussi du fait que cette faute est la cause exclusive des désordres prétendus.
Ils soutiennent notamment que l’entrepreneur qui utilise un matériel tel que le brise-roche doit prendre différentes précautions à savoir :
-avertir le maître d’ouvrage des risques inhérents à l’utilisation d’un tel matériel,
-prendre toutes précautions dans les conséquences directes induites par l’utilisation de ce matériel ;
que l’entreprise [N] TERRASSEMENT, qui est intervenue sur le terrain de M et Mme [M] à la demande de la société PCA MAISONS, pour effectuer les travaux de terrassement, n’a pas pris ces précautions, engageant ainsi sa responsabilité, sous réserve que les désordres invoqués soient avérés ; qu’ elle ne peut s’exonérer de cette responsabilité en renversant la charge de la preuve et en soutenant que le maître de l’ ouvrage n’ établit pas ne pas avoir été informé par l’entrepreneur des risques inhérents au brise-roche; que l’expert judiciaire rappelle lui même dans son rapport qu’il n’est pas d’usage, sauf cas particulier, de procéder à une étude du sol et qu’il appartenait, au besoin, à l’entreprise [N] TERRASSEMENT , d’alerter le maître de l’ouvrage de la nécessité d’avoir recours à une telle étude.
Ils ajoutent que l’entrepreneur en charge de la construction de l’ouvrage, en tant que voisin occasionnel, ne doit pas, selon la jurisprudence, causer un trouble anormal aux voisins du maître de l’ouvrage, au cours de l’exécution du chantier.
Sur l’obligation de la compagnie AVIVA, ils indiquent qu’ [N] [U] exploite sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, sous un même numéro de SIREN et que c’est bien son entreprise qui est couverte par la police d’assurance souscrite auprès d’ AVIVA qui ne peut dénier sa garantie.
A titre subsidiaire, sur la réalité des désordres, les époux [M], répliquent que les époux [J] ne développent aucun argument de nature à remettre en cause les conclusions de l’expert judiciaire et que même si celui-ci reconnaît l’existence possible d’un lien entre l’utilisation du brise-roche et les fissures, les demandeurs ne rapportent pas la preuve suffisante de ce que ces fissures n’existaient pas avant la mise en oeuvre du brise roche ; que d’autres travaux de terrassement ont été réalisés sur des terrains de même nature géologique, avec le même type de matériel, sur des parcelles directement voisines de celle de M et Mme [J] ; qu’il est dès lors difficile d’affirmer que seuls les travaux de terrassement réalisés sur le fonds des concluants seraient à l’origine des désordres invoqués par les époux [J].
Dans l’hypothèse où ils seraient condamnés à réparer les préjudices subis, ils considèrent qu’étant subrogés dans les droits du tiers voisin victime, du trouble anormal de voisinage, ils seraient subrogés dans les droits des époux [J] contre l’entreprise [N] TERRASSEMENT qui devraient les relever et garantir de toute condamnation.
S’appuyant sur le rapport d’expertise judiciaire , ils contestent le fait que les désordres puissent impacter la valeur du bien des époux [J] et réfutent l’existence d’un préjudice lié à une perte d’ensoleillement et de vue, les photographies non horodatées produites par les époux [J], le rapport foncier [O] sur lequel ils s’appuient et les attestations qu’ils versent aux débats étant dépourvus de force probante.
M.[N] [U] exerçant sous l’ enseigne [N] TERRASSEMENT réfute toute responsabilité de sa part au motif notamment que l’expert judiciaire aurait retenu qu’aucun désordre ne peut avoir de lien avec les travaux de terrassement, ou en tout cas, pour l’affaissement de la terrasse et les micro-fissurations en façade, de lien certain avec les travaux de terrassement réalisés à l’aide d’un brise roche hydraulique.
Il considère qu’en l’absence d’étude géotechnique telle que celle préconisée par le cabinet GEOSCIENCES CONSEIL il n’est pas possible d’affirmer que les vibrations ont eu un impact sur la structure de la maison des époux [J] .
Il rappelle qu’il est intervenu comme sous traitant de l’entreprise PCA MAISONS, constructeur en charge des travaux de construction de la maison des époux [M], qui a mis à sa disposition le brise-roche utilisé, et qu’il n’avait pas de lien contractuel avec les époux [M], de sorte que l’obligation de fournir aux maîtres de l’ouvrage les informations pré-contractuelles et contractuelles sur les risques inhérents au chantier pesait sur l’entrepreneur principal.
Il considère avoir exécuté sa mission dans les règles de l’art et souligne que l’absence de constat d’huissier sur les avoisinants, avant le démarrage des travaux, si tant est qu’il lui revenait de réaliser cette formalité à la place de l’entrepreneur principal, ne remet pas en cause le respect des règles de l’art au cours des travaux de terrassement et n’établit pas l’absence de précautions dans l’utilisation du brise-roche.
Enfin, il fait valoir qu’il existe un sérieux doute sur la date d’apparition des désordres, l’expert n’étant pas en mesure d’affirmer que les désordres constatés n’existaient pas avant le début des travaux de terrassement.
La société ABEILLE IARD & SANTE, anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES, assureur de M [N] [U], conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, aux motifs notamment que pas plus les époux [M] que les époux [J] ne sont en mesure d’établir la réalité de l’intervention de « l’entreprise [N] TERRASSEMENT » dans la réalisation des travaux à l’origine des désordres ; aucun marché de travaux, ni facture n’étant produits, alors qu’il n’est nullement fait mention de la réalisation des travaux par M [U].
En second lieu, la compagnie d’assurance fait observer qu’aucun constat avant travaux de l’état de la maison des époux [J] n’a été dressé, de sorte qu’il n’est pas établi que l’apparition des fissures serait consécutive aux travaux de terrassement au moyen d’un brise roche.
Elle souligne les insuffisances du rapport d’expertise de M [K] à qui elle reproche notamment de n’avoir ni sollicité ni obtenu la communication de documents comportant les spécifications techniques du BRH utilisé, pour connaître sa puissance, de façon à vérifier si les vibrations maximales émises étaient de nature à provoquer des micro-fissures en façade de l’habitation voisine.
Elle souligne que l’expert, qui s’est contenté de simples constats visuels n’a procédé à aucune investigation, et n’a pas examiné les autres causes possibles des micro-fissures, au regard de la date de construction récente de la maison des époux [J]( quatre ans au moment des travaux sur le fonds [M]) telles que la rétractation du mortier de pose des agglos et de l’enduit de finition, ou de légers mouvements des fondations.
Enfin, la compagnie ABEILEE IARD SANTE conteste les préjudices et leur évaluation. Elle considère ainsi, s’agissant du préjudice matériel, que l’existence d’un lien de causalité entre l’utilisation du brise roche et l’affaissement du dallage de la terrasse n’est pas démontrée. Elle réfute également l’ existence d’une quelconque perte de valeur de la maison des époux [J], et la perte d’ensoleillement et d’intimité , s’agissant de villas édifiées dans une zone urbaine, ou l’ existence de tout préjudice moral distinct.
Sur le rapport d’expertise judiciaire et les autres constats techniques :
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [K], les éléments suivants :
L’expert a constaté différents types de désordres mais n’en a finalement retenu que deux possiblement en lien avec les travaux de terrassement réalisés sur le fonds des époux [M] :
‘ Sur la balustrade de la terrasse couverte Nord-Ouest :
Présence de micro-fissurations à la jonction des éléments préfabriqués en béton de la balustrade. Certaines de ces micro-fissures se prolongent sur la longrine maçonnée et enduite en soubassement de la balustrade. La cause en est selon M. [K] un vice de construction de la balustrade. Les pièces en béton préfabriquées du retour de la balustrade, côté entrée de la terrasse, ne sont pas scellées, ni liaisonnées entre elles, si bien qu’une simple traction ou poussée la fait basculer sur sa longrine support. Cette balustrade n’est pas conforme aux normes de solidité et de sécurité d’un garde-corps du fait de sa construction et de ses caractéristiques dimensionnelles. M [K] estime que ces désordres sont imputables à un vice de construction et non à l’utilisation du brise-roche hydraulique(BRH) par M [U].
Cet avis est contesté par M [F] [T], expert-conseil mandaté par M et Mme [J] pour les assister et qui , quant à lui, s’il admet l’absence ou l’insuffisance de colle au niveau des joints de construction qui se fissurent, considère que les autres micro-fissures, au milieu des balustrades, ou sur les soubassements , sans rapport avec des joints de construction, proviennent des vibrations causées par les travaux voisins qui ont nécessité l’emploi de BRH de grande capacité.
L’expert a pris en compte cet avis transmis avec un dire des époux [J] et y a apporté la réponse suivante : « contrairement à ce qu’affirme M [T], la présence de fissurations en partie basse de la balustrade ne nous semble pas justifier un lien de cause à effet entre les vibrations occasionnées par l’utilisation d’un BRH et les désordres constatés dans la balustrade. Ces désordres s’expliqueraient plutôt par une insuffisance de dilatation entre les éléments de la balustrade trop jointifs et les maçonneries avoisinantes .
‘ Sur les fissures en façade :
-A la jonction plafond terrasse/poutre, à gauche côté entrée terrasse : micro-fissure autour de la poutre béton
-Façades : Sur la plupart des fenêtres du niveau bas : micro-fissurations d’ouverture de 1 à 2 dixièmes de mm et de longueur variable, en partie haute vers le milieu des linteaux allant jusqu’au chaînage du plancher haut et en partie basse à proximité de l’un des angles de la pièce d’appui, allant jusqu’au sol. Des fissurations identiques se retrouvent sur les fenêtres de l’étage depuis un angle de la pièce d’appui en direction du plancher étage.
-Dans la cuisine et deux chambres, ces fissurations en façade correspondent à une fissuration intérieure verticale du doublage placo à proximité d’un angle de l’allège ou dans l’angle supérieur de la fenêtre.
Sur la cause de ces fissurations, l’expert judiciaire estime qu’elle réside très certainement dans l’utilisation du BRH employé pour réaliser les terrassements de l’immeuble des époux [M]. Il rappelle qu’un BRH est un outil se connectant à l’extrémité articulée du bras d’une pelleteuse, destiné à la destruction d’obstacles durs (béton, roche) et qui agit à la manière d’un gros marteau piqueur.
Il explique que de telles micro-fissures apparaissent quelques fois dans le temps, du fait de variations de conditions climatiques provoquant des dilatations de matériaux ou de légers mouvements de sol, suite à une alternance de périodes humides et sèches dans les sols argileux. Mais le sol, ici, n’est pas argileux et il est certain que l’utilisation d’un engin puissant frappant à coups répétés sur un sol rocheux très dur, pour le casser, a provoqué des ondes vibratoires dans la structure de la maison de M et Mme [J], située à moins de 8 mètres de celle de leurs voisins et dont les fondations reposent sur la même formation géologique.
« Ces ondes vibratoires n’ont pu que provoquer de telles micro-fissures, si elles n’existaient pas auparavant ».
L’expert relève, à cet égard, que les attestations communiquées par les époux [J] sont affirmatives sur l’absence de fissures avant les travaux de terrassement exécutés sur le fonds [M].
‘ La terrasse haute jouxtant la propriété [M] présente un léger affaissement de sol d’environ 1 cm, à sa jonction avec l’immeuble [J] du côté de l’escalier et une très légère contre-pente vers l’immeuble.
L’expert considère que cet affaissement situé à proximité de murs de soutènement est caractéristique d’un tassement du remblai mis en oeuvre derrière ces murs. Il ajoute que selon l’ avis du cabinet GEOSCIENCES CONSEIL établi à l’initiative de M [J] avant l’expertise, il est possible que les ondes sismiques transmises au remblai sous-jacent de la terrasse aient eu pour effet de le compacter, réduisant ainsi son volume et amenant à l’affaissement observé par réorganisation intragranulaire sous l’effet de la vibration.
Mais cet affaissement peut tout aussi bien résulter d’un mauvais compactage du remblai et, dans ce cas, des ondes sismiques transmises au remblai par le BRH qui ont pu simplement accélérer dans le temps un phénomène de tassement qui était prévisible. L’expert judiciaire estime que cet affaissement peut résulter à 80 % d’un mauvais compactage du remblai et pour 20 % des ondes sismiques transmises par le BRH utilisé pour réaliser les terrassements de M et Mme [M] .
Sur ce point, l’expert conseil, M. [T] estime que les pourcentages doivent être inversés, la cause principale du dommage provenant à 80 % des travaux voisins et de l’utilisation du BRH, et la cause secondaire pouvant provenir d’un tassement différentiel naturel du remblai, non établi à défaut d’étude du sol par carottages sous la terrasse. Il observe que selon M [J] le phénomène aurait été soudain et serait apparu en quatre jours, concomitamment aux travaux réalisés avec le BRH sur la propriété [M]. Appelé à se prononcer sur cet avis, M. [K] a maintenu son analyse en estimant que l’utilisation du BRH a pu accélérer un phénomène prévisible de tassement du remblai. L’état des lieux ayant changé depuis les terrassements , il n’est pas sûr, selon lui, que des mesures géotechniques permettent de façon sûre d’établir une relation de cause à effet entre le tassement du dallage et les ondes sismiques générées par l’utilisation d’un BRH.
‘ Les autres désordres :
-Le mur de clôture de la propriété [J]/[M] présente de très légères fissures verticales dues, selon l’expert judiciaire, à l’absence de joints de fractionnement et à un mauvais chaînage en tête comme le montre la physionomie des fissures, et non à l’utilisation du BRH.
-Le sol du garage dallé en béton présente une fissure centrale, une fissure perpendiculaire à la façade et une fissure parallèle à la façade aux deux-tiers de la profondeur du garage. Ces fissures semblent correspondre selon M [K] à des reprises de bétonnage. Cet avis est contesté par M [T], expert conseil, aux motifs qu’il n’existe aucun désaffleurement, ni enfoncement, ni soulèvement de la dalle ; qu’il ne peut donc s’agir d’un tassement différentiel naturel. En réponse aux dires des époux [J], l’expert judiciaire maintient cependant que ces fissures ne sont pas caractéristiques d’un affaissement de la fondation du dallage sous l’action des vibrations du BRH , mais dénotent une mauvaise mise en oeuvre du dallage du sol du garage coulé en plusieurs fois et non désolidarisé des murs périphériques.
-Le mur coupe-vent séparant la terrasse située devant l’immeuble, du jardin, présente une micro-fissure à la jonction du mur et de la maison, à gauche de la porte métallique. Cette fissure résulte, selon l’expert judiciaire, d’une mauvaise exécution antérieure aux travaux de terrassement sur la propriété voisine, le mur étant soumis à la frappe de coups de la porte.
-L’escalier extérieur d’accès au jardin : l’expert a relevé une fissuration et un décollement du crépi au niveau du relevé d’étanchéité du mur, au dessus des marches, à la jonction du mur et de la terrasse, ainsi qu’une fissure du dallage travertin du trottoir, perpendiculairement à la façade, désordres non imputables selon lui à l’utilisation du BRH, mais à une mauvaise exécution antérieure aux travaux de terrassement sur la propriété [M], contrairement à l’avis de M [T].
-L’escalier extérieur descendant au studio présente des petites fissurations de ses marches, indépendantes, selon l’expert judiciaire, de l’utilisation du BRH et qui proviennent d’une mauvaise exécution de l’ouvrage, avis contredit par l’expert conseil, M [T], qui observe que la fissuration est marquée à la liaison du ciment de cohésion et des pierres des marches de l’escalier, pourtant assis sur des blocs rocheux. Il exclut en conséquence un tassement différentiel, estimant que la soudaineté d’apparition de ces fissures et l’analyse de GEOSCIENCE CONSEIL indiquent que le dommage trouve vraisemblablement son origine dans des vibrations importantes provoquées par l’utilisation du BRH.
En réponse aux dires des époux [J] , M [K] a maintenu que cette petite fissuration n’ est pas symptomatique d’un mouvement lié aux vibrations induites par les travaux de terrassement, mais dénote plutôt un manque d’homogénéité du sol d’assise et la résistance constructive insuffisante des marches en pierres simplement liaisonnées au mortier.
-Le mur de soutènement de la terrasse à droite de l’escalier présente à sa jonction avec le mur de la maison une petite fissure avec un petit désaffleurement marquant un très léger dévers, phénomène dû, selon M [K], à la poussée des terres et non aux vibrations du brise roches hydraulique
-Le mur de soutènement de la terrasse à gauche de l’escalier et perpendiculaire à celui-ci présente un décollement du mortier de l’arase supérieure, dû à des dilatations thermiques, selon l’expert judiciaire, et non à la propagation des vibrations du BRH comme le retient M [T], qui rappelle qu’il avait réalisé, fin 2012, un constat sur la maison des époux [J] , censé lister toutes les malfaçons de la construction et qui n’avait relevé aucune micro-fissure.
-Fissure et décollement de l’enduit de la cheminée : l’expert n’impute pas ce désordre aux travaux de terrassement exécutés sur la propriété [M], mais au décollement de l’épaisse peinture imitant le crépi qui a été appliquée sur un support métallique.
-La génoise fissurée et quelques tuiles cassées : L’expert judiciaire n’a pas retenu ces désordres, bien qu’ayant constaté que quelques tuiles scellées au mortier de la génoise étaient fendues perpendiculairement à la façade. Selon M [K] , contredit en cela par M [T], ce désordre résulte des dilatations thermiques différentielles de la génoise, dont le mortier de pose des tuiles est trop riche. Il exclut tout rôle causal des vibrations engendrées par les travaux au BRH. Quant aux quelques tuiles cassées sur la couverture, ce désordre est sans rapport selon lui avec les travaux de terrassement au BRH mais à des causes accidentelles (marche en toiture ou chute d’objets). L’étanchéité de la couverture, assurée par des plaques de fibrociment sous les tuiles, n’est pas affectée.
Malgré l’avis de l’expert conseil [T], qui lui a été communiqué, M. [K] a maintenu ses conclusions et rattaché aux vibrations provoquées par l’utilisation de BRH de terrassement les seuls désordres suivants :
‘ Les micro-fissures en façades dont il a évalué le coût des travaux de reprise à 10170,00 euros TTC sur la base du devis de l’entreprise [B] LEUCI, prix base 2014 révisable suivant l’indice BT 01 ;
‘ L’affaissement du dallage de la terrasse, impliquant une réfection complète de son support et de son revêtement, dont il a évalué le coût des travaux de reprise, sur la base du devis de l’entreprise AGFC, rectifié et complété, à 23732,40 euros TTC, prix base 2014 révisable suivant l’indice BT 01.
S’ agissant des précautions qui auraient dû être prises, l’expert judiciaire indique qu’à sa connaissance aucune étude de sols visant à évaluer l’impact des vibrations sur les immeubles voisins n’a été réalisée antérieurement aux travaux de terrassement, tout en ajoutant que, sauf cas particuliers, il n’est pas d’usage de procéder systématiquement à une étude géologique spécifique avant de réaliser des travaux de terrassement de profondeur faible ou moyenne. Par contre , il est d’usage de faire procéder à un constant d’ huissier de l’état des avoisinants avant travaux, ce qui n’a pas été accompli par l’entreprise [N] TERRASSEMENTS.
L’expert estime cependant qu’ à partir du moment où les époux [J] avaient alerté le terrassier de l’importance des vibrations causées à leur immeuble, la réalisation d’une étude géologique visant à évaluer l’impact de ces vibrations s’imposait à titre de précaution, avant d’achever les travaux.
Sur le mécanisme vibratoire, l’étude définitive du cabinet GEOSCIENCES CONSEIL, datée du 24 mars 2014, admise par l’expert judiciaire, conclut que « Le terrain se compose de formations rhyolithiques permiennes présentes en bancs massifs et alternant avec des passages sableux. Nos investigations nous ont permis de poser différentes hypothèses quant aux désordres observés sur la villa de Monsieur [J]. Le lien entre les travaux au brise-roche hydraulique et les désordres ne peut pas, en l’état actuel, être montré, mais reste tout à fait probable . En outre, il existe un important potentiel d’impact qu’il conviendra de démontrer par des mesures géophysiques. Pour se faire, il serait indispensable de réaliser une étude géophysique précise comprenant des relevés d’ondes sismiques et vibratoires à l’aide de géophones permettant de déterminer la vitesse de propagation des ondes ainsi que la vitesse particulaire et ainsi conclure sur l’impact ou non des travaux sur les récents désordres observés ».
L’expert judiciaire a cependant exclu de procéder à cette étude complémentaire qui consisterait à simuler les vibrations d’un BRH au moyen d’un marteau piqueur frappant le sol d’origine dans la propriété [M] et à installer des capteurs sur l’immeuble [J] pour mesurer l’intensité des vibrations. L’expert [K] a estimé cette opération onéreuse, irréalisable sans démolition des aménagements de terrain réalisés par les époux [M] au dessus du sol d’assise des immeubles, alors que la fiabilité du résultat n’est pas certaine.
Sur les conséquences des désordres, l’expert judiciaire indique que les micro-fissures en façade sont sans incidence sur la solidité de l’immeuble et d’un très faible impact esthétique. Elles ne sont pas infiltrantes mais pourraient à terme le devenir.
L’affaissement du dallage de la terrasse a pour conséquence une légère stagnation des eaux pluviales en surface à proximité des murs de l’immeuble. Cette stagnation peut à terme entraîner des infiltrations dans les murs du sous-sol.
Sur l’imputation des causes des désordres retenus au terme de l’expertise judiciaire, M. [K] répond, en conclusions de son rapport, que les micro-fissures en façade sont « très certainement liées à l’utilisation de BRH pour réaliser les terrassements de l’immeuble voisin propriété de M. et Mme [M] ».
L’affaissement du dallage de terrasse, quant à lui, « situé à proximité des murs de soutènement, est caractéristique d’un tassement du remblai mis en oeuvre derrière ces murs…Il peut résulter pour 80 % d’un mauvais compactage du remblai et pour 20 % des ondes sismiques transmises au remblai par le BRH utilisé pour réaliser les terrassements de l’immeuble voisin de M et Mme [M]. Ces vibrations ont accéléré dans le temps un phénomène de tassement qui était prévisible ».
Les époux [J] versent aux débats trois autres documents techniques :
‘ Un second rapport de M [F] [T], daté du 24 novembre 2020, qui confirme ses constatations initiales et son avis sur l’origine des désordres. La plupart des fissures sont stabilisées, l’ une, cependant, s’est allongée depuis 2014 (la fissure autour de la poutre BA à l’entrée à droite en accédant à la terrasse couverte ), la fissuration le long de l’escalier extérieur s’est aggravée du fait des infiltrations d’eau qui affouillent désormais le support et favorisent un tassement plus important. L’affaissement de la terrasse, à la liaison carrelage/plinthe est passé de 1cm à 1,5 cm. Des infiltrations dans le garage en sous-sol sont constatées comme l’annonçait l’expert judiciaire. Ce rapport conclu également à une perte d’ensoleillement caractérisée, du fait de l’élévation de la maison et du mur séparatif des époux [M].
‘ Le rapport d’expertise-conseil Lamy du 31 janvier 2018, non communiqué à l’expert, qui rattache tous les désordres aux vibrations des briseurs de roches hydrauliques utilisés sur le chantier [M], durant la phase de terrassement.
Sur l’affaissement de la dalle de la terrasse avec contre-pente, il indique que si le tassement du remblai peut être dû à un défaut de compactage au moment de la construction, avec apparition progressive de fissurations, ce phénomène est généralement prévisible uniquement durant les deux premières années qui suivent la fin de chantier. Il estime que cette hypothèse peut être écartée au vu de la date de construction de la maison en 2009 et de la date d’apparition des premiers désordres le 19 septembre 2013, date à laquelle les travaux de terrassement ont débuté.
‘ La note technique de M. [H] [S], expert honoraire, en date du 30 juillet 2019, lequel est d’avis que :
-Le décollement des balustrades « apparaît bien » relever des vibrations engendrées par l’exécution d’un terrassement en amont de la propriété [J], au moyen d’engins de chantier équipés de brises roches.
-Les fissures et crevasses qui affectent le pied de mur, qui a priori apparaissent relever de tassements différentiels à l’endroit des fondations de la villa, peuvent bien avoir été occasionnées par les vibrations précitées ; vibrations constituant un phénomène déclenchant.
-A l’endroit de la fissure qui affecte la paroi séparative entre les propriétés, l’absence de joint sec ou de joint de construction est à l’origine de la micro fissure initialement constatée. Néanmoins, l’ aggravation de la micro-fissure préexistante constatée par Maître [D] ( huissier) apparaît bien également occasionnée par les vibrations précitées.
Sur les responsabilités recherchées:
En réponse au premier moyen soulevé par l’assureur AVIVA, il convient de retenir que l’intervention sur le chantier de la maison des époux [M] de M [N] [U], exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT, est reconnue par ce dernier et par les époux [M]. Elle est par ailleurs confirmée par les photographies annexées au procès-verbal de constat d’huissier établi par Me [X] le 26 septembre 2013 , sur lesquelles un tracto-pelle portant la raison commerciale et le numéro de téléphone de l’entreprise [N] TERRASSEMENT est visible sur la parcelle des époux [M].
S’il conteste tout lien contractuel avec les maîtres de l’ouvrage, M. [U] admet avoir utilisé un brise roche hydraulique fourni par l’entrepreneur principal, PCA MAISONS, dont il était le sous-traitant, pour réaliser les travaux de terrassement litigieux.
En second lieu, si l’expert a retenu un lien de causalité possible entre les travaux de terrassement réalisés sur la parcelle des époux [M] et l’affaissement de la dalle terrasse, à proximité des murs de soutènement, caractéristique selon lui d’un tassement du remblai mis en oeuvre derrière ces murs, M [K] n’est nullement affirmatif sur la cause de ce désordre.
En effet, il conclut qu’il résulte à 80 % d’une insuffisance de compactage du remblai sous dalle et à 20 % des travaux de terrassement réalisés au brise roche par l’entreprise [N] TERRASSEMENT, lesquels ont accéléré dans le temps, par les vibrations transmises, un phénomène de tassement qui était prévisible.
Or, il ressort du procès-verbal de constat établi le 14 février 2013 par Me [G] [X], huissier de justice mandaté par les époux [J] dans le contexte d’un litige les opposant à leur vendeur, M [A], que la terrasse de la maison des appelants présentait déjà un affaissement et une fissure à la jonction façade-sol, visibles notamment sur le cliché n° 7 annexé à ce procès-verbal, cette photographie correspondant à celle figurant en page 14 du rapport d’assistance à expertise de M [T] et à celle de la page 1 du rapport de l’expert judiciaire. Ce constat a été réalisé avant l’intervention de l’entreprise [N] TERRASSEMENT.
Par ailleurs, selon le second rapport établi par M [T] en 2020 , cette fissure qui mesurait 1cm de large en 2014, mesurait 1,5 cm de large six ans plus tard , ce qui traduit un phénomène évolutif qui avait commencé avant l’intervention de l’entreprise [N] TERRASSEMENT.
Ce désordre ne saurait dans ces conditions être imputé aux travaux de terrassement au marteau brise roche exécutés par l’entreprise de M [N] [U].
Quant aux micro-fissures en façade, force est de constater que les conclusions de l’expert [K] à leur sujet sont hypothétiques.
En effet, l’expert judiciaire indique tour à tour : « la cause des micro-fissures en façade est très certainement l’utilisation du BRH pour réaliser les terrassements de l’immeuble voisin propriété de M et Mme [M] » … « de telles micro-fissures apparaissent quelques fois dans le temps du fait de variations climatiques provoquant des dilatations des matériaux ou de légers mouvements de sols suite à une alternance de périodes humides et sèches dans les sols argileux. Mais le sol n’est pas argileux et il est certain que l’utilisation d’un engin puissant frappant à coups répétés un sol rocheux très dur pour le casser a provoqué des ondes vibratoires dans la structure de la maison de M. et Mme [J] située à moins de 8 m et dont les fondations reposent sur la même formation géologique . Ces ondes vibratoires n’ont pu que provoquer de telles micro-fissures si elles n’ existaient pas auparavant »… « des mesures géophysiques à faire réaliser par un bureau d’études géotechnique spécialisé permettraient peut-être de démontrer avec une pleine certitude que les vibrations ont eu un impact sur la structure de la maison de M et Mme [J] »… « la fiabilité du résultat n’est pas certaine »… « plusieurs témoignages sur l’honneur joints au dossier affirment qu’avant les travaux de terrassement les fissures n’existaient pas. Les désordres de micro-fissuration constatés en façade nous semblent résulter directement des travaux de terrassement réalisés au BRH par l’entreprise [N] TERRASSEMENTS ».
L’expert judiciaire a ainsi retenu ce désordre en s’appuyant sur les attestations sur l’honneur, mais peu circonstanciées, produites par les demandeurs, certifiant que la maison des époux [J] était exempte de fissures avant les travaux réalisés à l’aide du brise roche sur le fonds voisin, alors qu’il ressort au contraire de l’attestation du précédent propriétaire, M [A], qu’il existait au moins « une légère fissure sur le mur de l’escalier gauche en montant l’escalier » ce qui correspond à la fissuration observée par M [K] au niveau du relevé d’étanchéité de l’escalier extérieur ; alors également que toutes les autres fissures présentes sur l’ouvrage et non retenues par cet expert ont nécessairement pour cause des malfaçons ou défauts de construction antérieurs à l’intervention de l’entreprise de M [U].
Partant du postulat que les attestations excluaient la présence de micro-fissures avant la mise en oeuvre du brise-roche hydraulique sur la parcelle voisine, l’ expert a ainsi ignoré la possibilité d’une micro-fissuration due à une dilatation des matériaux de construction, en l’espèce des enduits et de leurs supports, sous l’effet des variations des conditions climatiques, phénomène qu’il évoque pourtant pour mémoire. Ce faisant, il n’a pas formellement exclu cette cause alternative de micro-fissuration, en se fondant sur un avis et des investigations techniques, ce qui lui était pourtant demandé.
Les conclusions de l’expert judiciaire sont d’autant plus incertaines que lui-même indique, dans le corps de son rapport, « aux dires de M [J], les désordres seraient apparus lors des travaux de terrassement. Il n’y a pas d’autre moyen pour le prouver », Or, ni l’ étude du phénomène vibratoire produit par l’utilisation du marteau brise roche , non réalisée car trop coûteuse et aléatoire, ni les avis des experts conseils sollicités par M [J] ne permettent d’ imputer avec certitude à l’intervention de l’entreprise de M [U] , les micro-fissures en façade observées et décrites par l’expert en pages 2 et 3 de son rapport( § 3.2 ).
Les désordres non évoqués par M [K] et constatés par procès verbal d’huissier du 10 août 2017( fissures en allège de la fenêtre dans le salon, dans le couloir, dans les toilettes et au plafond de la salle de bains) ne peuvent non plus être rattachés à l’intervention de l’entreprise [N] TERRASSEMENT, quatre ans plus tôt.
Il résulte de l’analyse qui précède que M et Mme [J] échouent à démontrer que les micro-fissures et autres désordres qu’ils invoquent à l’appui de leur action sont en lien direct avec l’utilisation d’un brise roche hydraulique au cours des travaux de terrassement réalisés par M [N] [U].
Ils doivent en conséquence être déboutés des demandes formulées à ce titre, tant à l’encontre de M [U] exerçant sous l’enseigne [N] TERRASSEMENT qu’à l’encontre de la société ABEILLE IARD SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES qu’envers les époux [M] .
Sur le trouble du voisinage résultant de la hauteur et de l’implantation de la maison des époux [M], à l’origine d’une perte d’ensoleillement et d’intimité pour les époux [J].
Les époux [J] s’appuient sur les avis des expert-conseils précédemment évoqués et surtout sur l’expertise qu’ils ont confiée au cabinet foncier [O], pour dénoncer le trouble anormal du voisinage qui résulterait de l’élévation d’un étage sur rez de chaussée de la maison des époux [M], à quelques mètres de la façade Sud de leur maison. Ce trouble consiste selon eux en une perte d’ ensoleillement six mois par an et une perte d’intimité compte tenu de la présence d’un balcon terrasse qui permet aux époux [M] d’avoir une vue en surplomb sur la terrasse et la maison des demandeurs.
S’agissant de la perte d’ensoleillement, cette expertise amiable qui s’est déroulée de façon non contradictoire s’appuie sur les résultats d’un logiciel Sketchup pro 2019 qui géolocalise les propriétés les unes par rapport aux autres et produit une simulation des ombres à différentes dates et heures des mois les plus touchés, soit janvier février, mars, septembre octobre , novembre et décembre. Mme [O], au terme de cette simulation, conclut que les mois d’octobre à février sont les plus touchés par l’ombre. Durant les mois de novembre à janvier la terrasse de la maison [J] est pratiquement toute la journée à l’ombre . La chambre reste privée de soleil jusqu’à midi en décembre et janvier. Il en résulte selon elle une perte d’ensoleillement sur la maison, les terrasses, l’escalier extérieur, l’aire de retournement/stationnement d’accès à la propriété. Les escaliers et terrasses sont dangereux et glissants par températures négatives. Cette perte d’ensoleillement aurait engendré des frais de chauffage et d’électricité en augmentation depuis 2013/2014.
L’édification de la maison [M], imposante selon ce rapport, et le rehaussement du mur de clôture entraîneraient également une gêne visuelle avec sensation d’enfermement et une privation de vue.
La fenêtre et la terrasse de l’étage de la maison [M] offrirait une vue plongeante et directe dans les chambres donnant au Sud, la salle de bains, le WC et cuisine américaine des époux [J], ainsi que sur leur terrasse, les privant d’intimité à l’intérieur et à l’extérieur de leur logement, les exposant également à des nuisances sonores de voisinage qui n’existaient pas auparavant.
Après avoir pris en compte l’ensemble de ces facteurs, Mme [O] a évalué à 41000 euros la perte de valeur vénale de la maison des époux [J], en partant du postulat que si la maison des époux [M] n’existait pas, il n’y aurait pas de vis-à-vis, pas de perte d’intimité, pas d’ombre, pas de sensation d’enfermement, et une vue dégagée. La valeur du m² de terrain construit étant comprise dans une fourchette de 1500 euros à 3000 euros, elle a retenu une valeur de 2500 euros qu’elle a multipliée par la superficie du logement principal et du T2 annexe, terrain intégré, obtenant une valeur théorique de 310475,00 euros et une valeur dépréciée de 269 500 euros, en tenant compte de la proximité de la maison des époux [M].
Cependant, ce rapport qui n’a pas été établi au contradictoire des parties intimées n’est corroboré par aucun élément pertinent concernant la perte d’ensoleillement, par rapport à la situation qui préexistait à l’édification de la maison des époux [M]. Le même constat doit être fait s’agissant de la perte de vue, alors que la parcelle des époux [J] se situe naturellement en contrebas de la parcelle des époux [M] édifiée au sommet d’ une colline, ce qui conduit à relativiser le caractère imposant de la construction des époux [M], d’une hauteur sous faîtage de 6m92 mais par rapport au niveau de la propriété [J] située en contrebas. Par ailleurs , les deux parcelles sont de petite dimension : 610 m² pour les époux [J] et 500 m² pour les époux [M] et se situent dans une zone urbanisée, de parcelles de dimensions comparables, ce qui crée une proximité inévitable, les unes par rapport aux autres, des habitations construites sur chaque fonds, avec peu de possibilités d’implantation du bâti. Compte tenu de ces éléments, les époux [J] ne peuvent se prévaloir d’un droit acquis à une vue dégagée vers le Sud , alors qu’ils ont acheté, en connaissance de cause, une habitation située en contrebas d’une parcelle lotie ayant vocation à recevoir une construction.
Quant à la perte d’ensoleillement alléguée, durant les mois d’automne et d’hiver, elle n’ est pas constitutive d’un trouble anormal du voisinage compte tenu de cette configuration des lieux. Au regard de ses dimensions réduites, la fenêtre de la chambre du 1er étage de la maison [M] qui ne constitue pas une vue droite ou oblique irrégulière, n’est pas non à l’origine d’un trouble anormal du voisinage, par perte d’intimité, pas plus que ne l’ est la terrasse sur porche située dans le prolongement de la chambre de l’étage, orientée vers l’Ouest.
Les époux [J] sont en conséquence déboutés de l’ensemble de leur demandes indemnitaires fondées sur le trouble anormal du voisinage résultant de la perte de vue, d’ensoleillement et d’intimité mais également de leur demande de réparation d’un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance et fondé notamment sur l’imputation aux époux [M] de comportements constitutifs d’incivilités ou de dégradations volontaires qui ne reposent sur aucun élément probant objectif, ni ne sont en lien avec les désordres et les troubles de voisinage allégués.
Sur les demandes annexes :
Les époux [J], parties perdantes, supporteront les entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise judiciaire, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande de ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans recevoir provision.
L’équité justifie de condamner les appelants à payer à chacune des parties intimées la somme de 2000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel, le jugement étant confirmé sur l’application faite en première instance des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d’appel
Y ajoutant,
Condamne les époux [J] aux dépens d’appel,
Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans recevoir provision,
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Condamne [E] [J] et [L] [P] épouse [J] à payer aux époux [B] et [I] [M], à [N] [U] et à la compagnie d’assurance ABEILLE IARD SANTE venant aux droits d’AVIVA ASSURANCES, respectivement, une somme de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT