Clarification des Obligations de Décompte dans le Cadre des Saisies-Attributions

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Clarification des Obligations de Décompte dans le Cadre des Saisies-Attributions

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges (CRCA) a accordé un prêt immobilier de 495 000 euros à la SCI LE CREUX DES SAULES, garanti par des cautions. En mars 2015, la CRCA a notifié la déchéance du terme du prêt et a demandé le remboursement de 408 986,38 euros. Après un paiement partiel, un nouveau tableau d’amortissement a été établi. En février 2017, la CRCA a de nouveau notifié la déchéance du terme, réclamant 296 747,09 euros. En juillet 2021, la CRCA a procédé à une saisie-attribution sur les comptes de M. [U] [J] pour un montant de 93 918,52 euros. M. [U] [J] a contesté cette saisie, arguant d’irrégularités dans le décompte des sommes dues. Le juge de l’exécution a reconnu la créance de la CRCA mais a ordonné la réouverture des débats pour examiner la régularité de la saisie. En février 2024, le juge a débouté M. [U] [J] de sa demande d’annulation de la saisie, mais a réduit le montant à 16 056,23 euros. M. [U] [J] a fait appel, demandant l’annulation de la saisie et des dommages-intérêts. La CRCA a demandé la confirmation du jugement. La cour d’appel a partiellement infirmé le jugement, cantonnant la saisie à 6 481 euros et déboutant M. [U] [J] de ses demandes de dommages-intérêts et d’application de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Nancy
RG
24/00457
République Française

Au nom du peuple français

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Cour d’appel de Nancy

Chambre de l’Exécution – JEX

Arrêt n° /24 du 17 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 24/00457 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FKLR

Décision déférée à la cour :

Jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G.n° 21/011899, en date du 26 février 2024,

APPELANT :

Monsieur [U] [J]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 4] (88) , domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMEE :

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

société coopérative de banque immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° 437 642 531 dont le siège social est [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me David COLLOT de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Septembre 2024, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 17 octobre 2024 date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié reçu le 25 juin 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges (ci-après la CRCA) a consenti à la SCI LE CREUX DES SAULES un prêt immobilier d’un montant de 495 000 euros, remboursable sur une durée de 240 mois au taux fixe de 4,20% pendant 180 mois, puis à un taux annuel révisable basé sur l’EURIBOR 1 an pendant 60 mois, garanti par les cautionnements personnels et solidaires de MM. [U] [J] et [V] [E], ainsi que de Mme [O] [E], associés, dans la limite de 643 500 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les intérêts de retard.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception du 3 mars 2015, la CRCA a notifié à la SCI LE CREUX DES SAULES et aux cautions la déchéance du terme du prêt, et les a mis en demeure de lui payer la somme de 408 986,38 euros.

Suite à un règlement de 103 000 euros provenant de la vente d’un bien immobilier de la SCI LE CREUX DES SAULES, un nouveau tableau d’amortissement a été notifié le 12 novembre 2015.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception du 7 février 2017, la CRCA a notifié à la SCI LE CREUX DES SAULES et aux cautions la déchéance du terme du prêt, et les a mis en demeure de lui payer la somme de 296 747,09 euros.

Par acte d’huissier dressé le 9 juillet 2021, dénoncé à M. [U] [J] le 16 juillet 2021, la CRCA a fait procéder à la saisie-attribution des comptes ouverts en son nom dans les livres du Crédit Agricole Anjou Maine pour avoir paiement de la somme de 93 918,52 euros, en vertu de la copie exécutoire de l’acte de prêt du 25 juin 2007. Après déduction du SBI, l’assiette de la saisie a été ramenée à la somme de 281 150,26 euros.

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Par acte d’huissier en date du 9 août 2021, M. [U] [J] a fait assigner la CRCA devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal afin de voir prononcer l’annulation de la saisie-attribution et ordonner sa mainlevée.

Il s’est prévalu de l’irrégularité de la saisie au regard des dispositions de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution et d’un décompte ne mentionnant pas le détail des sommes dues, tel que sanctionné par le juge de l’exécution le 9 septembre 2022 dans un litige opposant la banque aux époux [E]-[Z].

La CRCA a conclu au débouté des demandes en sa qualité de titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible détenue à l’encontre de M. [U] [J].

Par jugement en date du 17 avril 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal a :

En premier ressort,

– déclaré M. [U] [J] recevable en sa contestation,

– dit que la CRCA dispose à l’encontre de M. [U] [J] d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible,

Avant dire-droit sur les demandes portant sur la régularité du procès-verbal de saisie attribution,

– sursis à statuer sur ces demandes,

– ordonné la réouverture des débats,

– enjoint :

* au demandeur : de produire une copie complète du procès-verbal du 9 juillet 2021 et de sa dénonciation, ainsi que de sa pièce n°4,

* à la défenderesse : de produire un décompte actualisé de sa créance, faisant apparaître tous les versements réalisés par les débiteurs (y compris débiteur principal et autres cautions), ainsi que les dates de ces versements,

– invité les parties à faire toutes observations utiles sur les nouvelles pièces produites,

– renvoyé l’affaire à l’audience du 15 mai 2023,

– réservé les dépens, ainsi que les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Après la réouverture des débats, M. [U] [J] a maintenu que le décompte figurant à l’acte de saisie-attribution faisant mention d’une somme due au principal de 93 446,99 euros, était irrégulier, en ce que le précédent décompte établi le 19 avril 2021 indiquait que ladite somme correspondait en réalité à des sommes dues en principal, frais et intérêts, pénalité de retard, déduction faite de certains des versements intervenus. Il s’est prévalu à ce titre du jugement rendu le 9 septembre 2022 à l’égard des époux [E]-[Z], également cautions, et portant sur la même créance, ayant annulé deux procès-verbaux de saisie-attribution pour absence de décompte détaillé et compréhensible leur ayant occasionné un grief.

Il a également fait valoir que par jugement du 8 novembre 2018, ayant autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution avait cantonné ladite créance à la somme de 175 611,91 euros à l’égard de ses cofidéjusseurs (époux [E]), et qu’il pouvait s’en prévaloir en sa qualité de caution, en relevant que les versements opérés provenaient de la vente des biens de la SCI cautionnée. Il a conclu que le décompte figurant au procès-verbal de saisie attribution, en ce qu’il ne tenait pas compte du montant arrêté par le jugement du 8 novembre 2018, ni de certains autres versements, était erroné.

La CRCA a soutenu que le cantonnement du montant de la créance accordé aux époux [E] par jugement intervenu le 8 novembre 2018 correspondait à une situation personnelle et factuelle desdits époux, dont M. [U] [J] ne pouvait se prévaloir, et que le jugement rendu le 9 septembre 2022 avait pris en compte celui du 8 novembre 2018, s’agissant de statuer sur l’irrégularité du procès-verbal de saisie-attribution.

Elle s’est prévalue de la régularité du décompte figurant au procès-verbal de saisie-attribution du 9 juillet 2021 dont il faisait partie intégrante. Elle a fait état d’un jugement du juge de l’exécution d’Angers du 10 mars 2022, rendu à l’encontre du cotitulaire des comptes saisis, ayant déclaré valable la saisie-attribution basée sur le même procès-verbal, de sorte que l’autorité de la chose jugée devait s’appliquer à M. [U] [J].

La CRCA a versé aux débats un décompte actualisé de la créance évaluée à la somme de 16 056,23 euros, en tenant compte de tous les versements, notamment celui de 80 000 euros intervenu suite au jugement du 10 mars 2022.

Par jugement en date du 26 février 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal a :

– débouté M. [U] [J] de sa demande tendant à voir déclarer nul le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 9 juillet 2021,

– débouté en conséquence M. [U] [J] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2021 par la CRCA sur ses comptes ouverts dans les livres du Crédit Agricole Anjou Maine, en vertu de la copie exécutoire de l’acte de prêt du 25 juin 2007,

– réduit les causes de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2021 à la somme de 16 056,23 euros, hors frais de recouvrement (suivant décompte du 7 juin 2023),

– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

– débouté M. [U] [J] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [U] [J] à verser à la CRCA la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [U] [J] aux dépens,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Le juge a retenu que le jugement du 8 novembre 2018, en ce qu’il avait cantonné le montant de la créance à la somme de 175 611,91 euros, au regard des versements intervenus, était opposable à M. [U] [J], en sa qualité de caution solidaire de ladite créance. Il a jugé en revanche que le jugement rendu le 10 mars 2022 à l’égard du cotitulaire des comptes saisis, ne permettait pas à la CRCA d’opposer à M. [U] [J] l’autorité de la chose jugée.

Le juge a énoncé que le décompte annexé au procès-verbal de saisie-attribution ne répondait pas aux exigences des prescriptions de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, en ce qu’il ne distinguait pas les sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, s’agissant de la somme de 93 446,99 euros mentionnée comme due au principal au 19 avril 2021 (alors que correspondant au montant total des sommes dues en principal, frais et intérêts échus, déduction faite des versements, selon décompte dudit jour), et en ce qu’il ne tenait pas compte du montant arrêté par le jugement du 8 novembre 2018 opposable à M. [U] [J] en sa qualité de caution solidaire. Il a cependant jugé que ces irrégularités n’avaient pas causé grief à M. [U] [J] qui avait la possibilité de vérifier les montants réclamés par la banque grâce au décompte détaillé en date du 19 avril 2021, dont il est établi qu’il était annexé au procès-verbal de saisie.

Au regard du décompte actualisé au 7 juin 2023, le juge de l’exécution a cantonné la saisie.

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Le 8 mars 2024, M. [U] [J] a formé appel du jugement tendant à son annulation, sinon son infirmation en tous ses chefs critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises le 13 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [U] [J], appelant, demande à la cour, sur le fondement des articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :

– d’infirmer le jugement du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire d’Epinal du 26

février 2024 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution,

Statuant à nouveau,

– de déclarer nul le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 9 juillet 2021 par la SELAS ANGLE DROIT VOSGES,

En conséquence,

– d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2021 par la SELAS ANGLE DROIT VOSGES,

– de condamner la CRCA à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la CRCA à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi,

– de condamner la CRCA aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [U] [J] fait valoir en substance :

– que le juge de l’exécution a retenu à juste titre que le décompte figurant dans le procès-verbal de saisie-attribution mentionnait un principal dû au 19 avril 2021 de 93 446,99 euros, alors que, selon le décompte du 19 avril 2021 annexé audit procès-verbal, la somme de 93 446,99 euros correspondait au principal, augmenté des intérêts, des échéances impayées et du capital restant dû, ainsi que l’indemnité contractuelle de 7%, de sorte que le décompte du procès-verbal de saisie-attribution ne répondait pas aux prescriptions de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

– que le juge de l’exécution a retenu à juste titre que le décompte ne tenait pas compte du jugement rendu par le juge de l’exécution le 8 novembre 2018, qui opposait les époux [E] au Crédit Agricole, et qui avait cantonné la somme due au montant de 175 611,91 euros, en ce que le cantonnement de la créance devait lui être opposable ; que ce jugement ne figurait pas au décompte du procès-verbal de saisie-attribution, ni dans le décompte annexé ;

– que le juge de l’exécution a néanmoins relevé que M. [U] [J] avait la possibilité de vérifier les montants grâce au décompte détaillé du 19 avril 2021, annexé au procès-verbal de saisie-attribution, alors que ledit décompte était entaché d’erreurs puisqu’il ne reprenait pas les termes du jugement du 8 novembre 2018 arrêtant la créance à 175 611,91 euros auquel il n’était pas partie ; que dans de telles circonstances (mêmes montants, décompte et sommes), le juge de l’exécution d’Angers a jugé le 9 septembre 2022 (dans le litige opposant les époux [E] au Crédit Agricole) que ‘ l’absence de décompte détaillé et compréhensible permettant à la débitrice de vérifier par elle-même les sommes réclamées, constitue un vice de forme ayant nécessairement occasionné un grief à cette dernière, qui s’est vue contrainte d’introduire une action devant le Juge de l’Exécution pour obtenir des éclaircissements sur les sommes restantes dues ‘ ; que selon le décompte des sommes dues par la SCI LE CREUX DU SAULES au jour de la saisie-attribution litigieuse, la débitrice principale restait devoir la somme de 31 209,79 euros compte tenu de versements effectués depuis le cantonnement ;

– que la banque a failli à son obligation de produire un décompte loyal et compréhensible, et que les irrégularités de chaque décompte confine à une absence totale d’information de bonne foi ; qu’il a été placé dans l’impossibilité de vérifier sa créance ; que selon le dernier décompte, le montant des sommes dues s’élève à 16 056,23 euros au 7 juin 2023 ; que pourtant, le cantonnement de la somme due par M. [U] [J] n’y figure pas, et des versements mentionnés dans un historique établi depuis le 6 février 2017 ne sont pas mentionnés (5 329,25 euros et 820 euros les 12 juillet 2019 et 24 février 2021) ; qu’une somme de 80 000 euros est déduite, saisie suite au jugement du 10 mars 2022, alors que le relevé de compte bancaire de la société fait état d’une somme virée de 89 575,23 euros, correspondant aux causes de la saisie ; que selon un décompte des remboursements perçus, une somme de 338 471,33 euros a été remboursée sur une somme due de 332 768 euros, de sorte qu’aucune somme n’est due ;

– que l’absence de transparence de la banque justifie l’allocation de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions transmises le 28 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CRCA, intimée, demande à la cour sur le fondement des articles L. 211-3 et R. 211-4 du code des procédures civiles d’exécution :

– de confirmer le jugement rendu le 26 février 2024,

– de débouter M. [U] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– de condamner M. [U] [J] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. [U] [J] aux dépens.

Au soutien de ses demandes, la CRCA fait valoir en substance :

– que la réclamation d’une somme supérieure à celle contenue dans le titre ne saurait entrainer la nullité de la saisie ; que le décompte ne doit pas reprendre dans le détail l’imputation des règlements, du moins pas à peine de nullité ; que la rectification en cours de procédure en cas de contestation est autorisée ; que dès lors que la créance est liquide, certaine et exigible, un décompte erroné peut être régularisé et n’entraine pas la nullité de l’acte de saisie-attribution ; que la somme de 93 918,52 euros prend en compte le principal, les intérêts, l’indemnité contractuelle, les frais de procédure, alors que la somme due à hauteur de 26 830,76 euros au 31 décembre 2021 ne correspond qu’au capital en retard, qui n’a pas été réglé par la SCI LE CREUX DES SAULES ;

– que le décompte du 19 avril 2021 annexé dans le procès-verbal de saisie-attribution du 9 juillet 2021 répond aux exigences de l’article R. 211-1du code des procédures civiles d’exécution puisqu’il fait état des sommes réclamées en principal, intérêt et frais, mais également des règlements intervenus qui ont été déduits, et fait partie intégrante du procès-verbal de saisie-attribution ; que M. [J] et les époux [E] ont fait l’objet de procédures distinctes qui ont conduit la banque à émettre des décomptes dans chaque procédure ; qu’en aucun cas, elle n’a réclamé des sommes qu’elle ne pensait pas dues et a toujours rectifié ses erreurs ;

– que le décompte du 7 juin 2023 fait état de tous les versements intervenus, à savoir la somme de 122 513,87 euros entre 2017 et 2021 (comprenant la somme de 102 460 euros, outre 5 329,25 euros et 820 euros versés respectivement le 23 février 2021 et le 24 juin 2021) ; que la somme de 80 000 euros (et non 89 575,23 euros) a été prise en compte à l’issue du jugement rendu par le juge de l’exécution d’Angers le 10 mars 2022 ; que ce décompte fait état d’un principal dû à hauteur de 276 174,02 euros, auquel il faut ajouter les intérêts, les frais de procédure, l’indemnité contractuelle de 7 %, soit un total 354 527,36 euros, dont il convient de déduire les remboursements s’élevant à 338 471,13 euros au 3 janvier 2023, soit la somme due de 16 056,23 euros ;

– que M. [U] [J] ne peut prétendre à l’allocation de dommages et intérêts ; qu’il ne peut lui être reproché un manque de transparence alors qu’elle a tenté à de nombreuses reprises de régler amiablement la situation en autorisant des paiements échelonnés suite aux promesses de vente des biens immobiliers ; que lorsque les débiteurs sont en situation contentieuse et que le prêt est déchu du terme, la situation se complique pour imputer les éventuels versements partiels qui peuvent venir de différentes sources (versements volontaires par les débiteurs ou les cautions, mesures d’exécution), de sorte qu’il est donc possible que des erreurs interviennent, mais qu’elles ont toujours été régularisées.

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La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité de l’acte de saisie

Selon l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie doit mentionner, à peine de nullité, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.

En l’espèce, le juge de l’exécution a retenu à juste titre que ‘ le décompte figurant au procès-verbal de saisie-attribution du 9 juillet 2021, en ce qu’il intègre dans la ligne intitulée « principal  » des sommes correspondant à des intérêts et à des frais, ne répond pas aux prescriptions de l’article R. 211-1 susvisé, qui exige dans le procès-verbal un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus. ‘

Par suite, l’article 649 du code de procédure civile prévoit que la nullité des actes d’huissier est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, en particulier les articles 112 et suivants relatifs aux vices de forme.

Aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Aussi, il incombe à M. [U] [J] qui se prévaut de la nullité de l’acte de saisie, à défaut de décompte détaillant les sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.

En l’espèce, M. [U] [J] a repris les termes du jugement rendu le 9 septembre 2022 par le juge de l’exécution d’Epinal dans le cadre de la contestation des saisies-attribution pratiquées sur les époux [E] (cautions) selon lesquels ‘ l’absence de décompte détaillé et compréhensible permettant à la débitrice de vérifier par elle-même les sommes réclamées, constitue un vice de forme ayant nécessairement occasionné un grief à cette dernière, qui s’est vue contrainte d’introduire une action devant le Juge de l’Exécution pour obtenir des éclaircissements sur les sommes restantes dues’.

Toutefois, dans le cadre de la contestation litigieuse, le premier juge a constaté à juste titre que la somme retenue au principal dans le décompte mentionné à l’acte de saisie était détaillée dans le décompte du 19 avril 2021, figurant en annexe, auquel il faisait référence.

Dans ces conditions, ce décompte annexé à l’acte de saisie permettait à M. [U] [J] de vérifier le détail de la somme mentionnée en totalité, déterminant l’absence de grief.

Pour le surplus, l’indication du montant de la créance litigieuse, tel que cantonné par jugement du 8 novembre 2018 rendu à l’encontre d’autres cautions solidaires, ne constitue pas une mention obligatoire au sens des dispositions de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui n’imposent pas que ledit jugement, auquel M. [U] [J] n’était pas partie, soit annexé à l’acte de saisie à peine de nullité.

En effet, la réclamation d’une somme supérieure à celle constatée par le titre exécutoire n’entraîne pas la nullité de la saisie en ce qu’il appartient au juge de l’exécution d’effectuer le cas échéant les redressements nécessaires.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la contestation du montant actualisé de la créance

M. [U] [J] fait valoir que le décompte en date du 7 juin 2023 mentionnant une créance de 16 056,23 euros ne porte pas mention du cantonnement de la somme due par jugement du 8 novembre 2018, ni des versements mentionnés dans un historique établi depuis le 6 février 2017 (à hauteur de 5 329,25 euros et 820 euros les 12 juillet 2019 et 24 février 2021), ajoutant qu’une somme de 80 000 euros correspondant à la saisie autorisée par jugement du 10 mars 2022 a été déduite, alors que la somme virée par la débitrice principale est de 89 575,23 euros. Il en déduit que selon un décompte des remboursements perçus, une somme de 338 471,33 euros a été remboursée sur une somme due de 332 768 euros, de sorte qu’aucune somme n’est due.

La CRCA explique au contraire que le décompte du 7 juin 2023 fait état de tous les versements intervenus, à savoir la somme de 122 513,87 euros entre 2017 et 2021 (comprenant la somme de 102 460 euros, outre 5 329,25 euros et 820 euros versés respectivement le 23 février 2021 et le 24 juin 2021), et que la somme de 80 000 euros (et non 89 575,23 euros) a été prise en compte à l’issue du jugement rendu par le juge de l’exécution d’Angers le 10 mars 2022, de sorte que ce décompte fait état d’un principal dû à hauteur de 276 174,02 euros, auquel il faut ajouter les intérêts, les frais de procédure, l’indemnité contractuelle de 7 %, soit un total de 354 527,36 euros, dont il convient de déduire les remboursements s’élevant à 338 471,13 euros au 3 janvier 2023, soit la somme due de 16 056,23 euros.

En l’espèce, il convient de considérer au préalable que le cantonnement de la créance à la somme de 175 611,91 euros correspondant au montant du capital restant dû retenu au jugement rendu le 8 novembre 2018, résultait de la sanction de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts et pénalités de retard en raison du manquement à son obligation d’information annuelle de M. [E], en sa qualité de caution solidaire.

Aussi, ce montant n’a pas à figurer aux décomptes du saisissant et M. [U] [J] ne peut utilement se prévaloir de ce jugement.

En outre, il y a lieu de constater que le décompte de la CRCA fait état de sommes dues à hauteur de 354 527,36 euros, correspondant au capital restant dû au 6 février 2017 (276 174 euros), aux intérêts contractuels (56 594 euros), aux frais (2 427,10 euros) et à l’indemnité conventionnelle de 7% (19 332,18 euros), dont il convient de déduire des versements opérés pour la somme totale de 338 471,13 euros.

Or, M. [U] [J] ne peut utilement affirmer que les sommes sont dues à hauteur de 332 768 euros, sans qu’il soit tenu compte des frais et de l’indemnité contractuelle de 7%, par ailleurs non contestés en leur principe et en leur montant.

De même, il convient de relever que la somme déduite au titre des remboursements à hauteur de 338 471,13 euros comprend les versements réalisés les 12 juillet 2019 et 24 février 2021 à hauteur respective de 5 329 euros et 820 euros, ainsi que des sommes saisies à hauteur de 80 000 euros suite au jugement du juge de l’exécution d’Angers du 10 mars 2022 rendu à l’encontre du cotitulaire des comptes saisis en vertu du prêt litigieux.

Pourtant, M. [U] [J] fait état du virement d’une somme de 89 575,23 euros effectué par la société FED FONCIER AMENAGEMENT au bénéfice de l’étude de commissaires de justice SELAS ANGLE DROIT VOSGES, conformément au jugement du 10 mars 2022 ayant cantonné à ce montant la créance litigieuse au 28 septembre 2021, et produit les relevés bancaires de ladite société en attestant.

Il en résulte que M. [U] [J] justifie de paiements non comptabilisés à hauteur de 9 575,23 euros (89 575,23 – 80 000), de sorte que le montant des remboursements doit être évalué à hauteur de 348 046,36 euros au 7 juin 2023 (338 471,13 – 9 575,23).

Dans ces conditions, la créance de la CRCA détenue à l’encontre de M. [U] [J] au titre du prêt notarié reçu le 25 juin 2007 peut être évaluée à hauteur de 6 481 euros, hors frais de recouvrement (354 527,36 – 348 046,36).

Au surplus, il convient de constater que la somme de 6 481 euros correspond au différentiel d’intérêts de retard sollicité entre le décompte produit devant le juge de l’exécution d’Angers (50 113,06 euros au 28 septembre 2021) et le décompte produit dans le cadre de cette instance (56 594,06 euros au 12 mai 2023 évalués sur la période précédant le paiement de la somme de 89 575,23 euros en exécution du jugement du 10 mars 2022).

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a réduit les causes de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2021 à la somme de 16 056,23 euros, hors frais de recouvrement, et statuant à nouveau, le montant de la saisie-attribution sera cantonné à la somme de 6 481 euros, hors frais de recouvrement.

Sur l’absence d’information de bonne foi du saisi

M. [U] [J] soutient que la banque a failli à son obligation de produire un décompte loyal et compréhensible, et que son absence de transparence justifie l’allocation de dommages et intérêts.

Au contraire, la CRCA expose qu’elle a autorisé des paiements échelonnés suite aux promesses de vente des biens immobiliers, et que l’imputation des versements partiels après la déchéance du terme, venant de différentes sources, pouvait donner lieu à des erreurs qui ont toujours été régularisées.

En l’espèce, il y a lieu de constater que les courriers d’information annuelle adressés à M. [U] [J] les 28 février 2020 et 26 mars 2021 mentionnaient uniquement le montant du ‘ capital en retard ‘ à ces dates, de sorte qu’ils ne pouvaient correspondre au montant sollicité dans le cadre de la saisie-attribution.

Néanmoins, le décompte figurant à l’acte de saisie-attribution, ainsi que le décompte annexé, permettaient à M. [U] [J] de vérifier le détail de la créance en principal, intérêts et frais, tel que développé plus avant.

Par ailleurs, il est constant que les montants portés sur les décomptes de créance avaient vocation à être revus en fonction des règlements issus de la vente des biens immobiliers de la débitrice principale, ainsi que des paiements des autres cautions, ayant elles-mêmes fait l’objet de procédures de recouvrement forcé distinctes.

Aussi, il ne saurait en résulter dans ces conditions un manquement de la CRCA à l’information de bonne foi du débiteur saisi.

Dès lors, M. [U] [J] sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [U] [J] qui succombe en sa demande de mainlevée de la mesure de saisie-attribution à hauteur de cour supportera la charge des dépens d’appel, et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

ORDONNE le cantonnement de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2021 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à l’encontre de M. [U] [J] à la somme de 6 481 euros, hors frais de recouvrement,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [U] [J] de sa demande en dommages et intérêts,

DEBOUTE M. [U] [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [J] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur MARTIN, président de chambre à la cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Minute en douze pages.


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