Le tribunal judiciaire de Bordeaux a rendu un jugement le 5 décembre 2023, condamnant la S.A.S Développement Maxime Compagnie et la S.A AXA France Iard à verser des dommages et intérêts à la SCI AGLB IMMO pour divers préjudices liés à des désordres dans un projet de construction. Les montants incluent des réparations pour des désordres, des surcoûts, des taxes, des honoraires indus, ainsi que des préjudices locatifs. La responsabilité a été répartie entre les sociétés impliquées, avec des pourcentages spécifiques. AXA a interjeté appel le 5 janvier 2024 et a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement. En réponse, la SCI AGLB IMMO a contesté les demandes d’AXA, soutenant la validité de la décision initiale. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision ultérieure. Dans une ordonnance, il a été décidé d’arrêter l’exécution provisoire et de débouter la SCI AGLB IMMO de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, tout en condamnant cette dernière aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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S.A. AXA FRANCE IARD
c/
S.C.I. AGLB IMMO
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DU 17 OCTOBRE 2024
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Grosse délivrée
le :
ORDONNANCE
Rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le 17 OCTOBRE 2024
Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 09 juillet 2024, assistée de Séverine ROMA, Greffière,
dans l’affaire opposant :
S.A. AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 2]
absente,
représentée par Me Jean MONTAMAT membre de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Maya CHAABAN, avocat au barreau de BORDEAUX
Demanderesse en référé suivant assignation en date du 08 août 2024,
à :
S.C.I. AGLB IMMO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 1]
absente,
représentée par Me Fabrice DELAVOYE membre de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Marion NECTOUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Défenderesse,
A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 03 octobre 2024 :
Selon un jugement en date du 5 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment :
– condamné la société S.A.S DEVELOPPEMENT MAXIME COMPAGNIE et la S.A AXA France Iard in solidum à payer à la SCI AGLB IMMO à titre de dommages et intérêts les sommes de : 359.555,10 euros HT en réparation des désordres ; 111 389 euros HT au titre du surcoût en engendré par le décalage dans le temps du projet global de construction ; 33 197 euros TTC au titre des taxes d’aménagement et redevances ; 45 000 euros TTC en remboursement des honoraires indus versés à la société [W] [X] ; 244 800 euros HT au titre du préjudice locatif actuel ; 61 200 euros HT au titre du préjudice locatif futur ; 98 387, 93 euros TTC en réparation du préjudice lié aux frais bancaires
– fixé la part de responsabilité de chacune des sociétés dans la réalisation du dommage ainsi : la S.A.S Développement Maxime Compagnie 10%, la société AVAC Concept 30% et la société [W] [X] 60%
– condamné la S.A.S Developpement Maxime Compagnie à garantir et relever indemne la S.A AXA France Iard à hauteur de 10% des condamnations
– condamné la S.A AXA France Iard à garantir et relever indemne la S.A.S Développement Maxime Compagnie à hauteur de 60% des condamnations
– autorisé la S.A AXA France Iard à opposer sa franchise contractuelle à la S.C.I AGLB IMMO et la S.A.S Developpement Maxime Compagnie
– condamné in solidum la S.A.S Developpement Maxime Compagnie et la S.A AXA France Iard à payer à la S.C.I AGLB IMMO la somme de 16 000 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire et a rappelé qu’elle est de droit.
La S.A AXA France Iard a interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 5 janvier 2024.
Par acte de commissaire de justice en date du 8 août 2024, la S.A AXA France Iard a fait assigner la S.C.I AGLB IMMO en référé aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Bordeaux, subsidiairement de voir ordonner la consignation sur le compte séquestre de madame la bâtonnière de l’Ordre des avocats de Bordeaux de la somme de 585.717,42 euros à laquelle elle est tenue au titre de l’exécution provisoire du jugement rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Bordeaux et ce jusqu’à l’arrêt qui sera rendu par la Cour d’appel de Bordeaux.
Dans ses dernières conclusions remises le 30 septembre 2024, et soutenues à l’audience, la S.A AXA France Iard maintient sa demande en suspension de l’exécution provisoire et sollicite à titre subsidiaire que soit ordonnée la consignation sur le compte séquestre de madame la bâtonnière de l’Ordre des avocats de Bordeaux de la somme de 969.529,03 euros à laquelle elle est tenue au titre de l’exécution provisoire du jugement rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Bordeaux et ce jusqu’à l’arrêt qui sera rendu par la Cour d’appel de Bordeaux.
A l’appui de ses demandes, elle soutient au titre des moyens sérieux de réformation de la décision, que la garantie « dommages sur chantier-effondrement des ouvrages » n’est pas mobilisable puisque, couvrant le paiement de la réparation des dommages matériels accidentel affectant avant réception les travaux exécutés par l’assuré et résultant d’un effondrement, il s’agit d’une assurance de chose contractée au bénéfice du seul assuré et non au profit du maître d’ouvrage en l’absence de clause de stipulation pour autrui, l’application de la garantie « effondrement ouvrages » au maître d’ouvrage devant être expressément prévue par le contrat d’assurance. Elle ajoute que c’est donc à tort que le tribunal a considéré que la S.C.I AGLB IMMO avait une action directe à l’encontre de la S.A AXA France Iard, alors qu’au surplus les désordres proviennent non pas d’un effondrement mais d’un affaissement des fondations qui n’est pas couvert par l’assurance et qu’une clause d’exclusion de garantie s’appliquait en l’espèce, puisque le constructeur n’a pas tenu compte des réserves relatives à l’affaissement des fondations émises par le maître de l’ouvrage.
Concernant les conséquences manifestement excessives liées à l’exécution du jugement de première instance, elle soutient que la S.C.I AGLB IMMO ne dispose pas de capacités financières lui permettant de faire face à une condamnation ou à la restitution des sommes perçues en exécution de la décision, son capital social s’élevant à 1000 euros et ses comptes annuels n’ayant pas été déposés.
En réponse et aux termes de ses conclusions du 24 septembre 2024, soutenues à l’audience, la S.C.I AGLB IMMO sollicite que la S.A AXA France Iard soit déboutée de ses demandes. Subsidiairement, que soit ordonnée la consignation sur le compte-séquestre de Madame la bâtonnière de l’ordre des avocats de Bordeaux pour l’entièreté des condamnations in solidum mises à la charge de la S.A AXA France Iard, au bénéfice de la S.C.I AGLB IMMO, aux termes du jugement du 5 décembre 2023 rendu par le Tribunal judiciaire de Bordeaux, y compris celles prononcées au titre des dépens et des irrépétibles, en tout état de cause, que la S.A AXA France Iard soit condamnée aux dépens et à lui payer 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la S.C.I AGLB IMMO expose qu’il n’existe aucun moyen sérieux de réformation de la décision déférée, car la garantie est mobilisable lorsque l’ouvrage menace de s’effondrer, que l’affaissement induit nécessairement un effondrement ou une menace d’effondrement avérée, laquelle constitue un dommage accidentel. Elle ajoute que si la garantie constitue une assurance de chose, elle bénéficie directement aux propriétaires successifs de la chose et la demande de condamnation constitue l’exercice du droit propre du bénéficiaire de l’assurance pour compte contre l’assureur de la chose demeurée sa propriété.
Elle fait valoir, enfin, que les exclusions de garantie prévues à l’article 2.7 ne peuvent s’appliquer puisqu’elle n’a pu émettre de réserves en amont car elle n’est pas un professionnel du bâtiment et qu’elle n’a pris connaissance des désordres qu’une fois l’affaissement intervenu, alors qu’en revanche un cabinet d’experts a émis des préconisations qui n’ont pas été suivies.
Elle fait valoir l’absence de conséquences manifestement excessives à l’exécution de la décision, le demandeur ne rapportant pas la preuve complète d’un préjudice irréparable ou irréversible en cas d’infirmation.
Concernant la demande de consignation, elle soutient qu’elle ne couvre pas la totalité de la condamnation.
L’affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
Sur la demande principale de suspension de l’exécution provisoire
L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.
Le moyen sérieux de réformation doit être entendu comme un moyen qui, compte tenu de son caractère pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès.
En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats, notamment le contrat d’assurance en son article 2.1 qu’une garantie « Dommages sur chantier ‘ Effondrement des ouvrages » a été souscrite par la société [W] [X] auprès de la S.A AXA France mobilisable en cas d’effondrement en cours de chantier. Il est admis que cette garantie constitue une assurance de chose au seul bénéfice de l’assuré et en l’absence de clause étendant le bénéfice de la garantie au profit du maître d’ouvrage, elle ne peut être mobilisée par ce dernier. Or, en l’espèce, aucune clause, tant dans les conditions particulières que dans les conditions générales, ne mentionne que cette garantie peut être mobilisable au profit du maître d’ouvrage. Il s’en déduit que la S.A AXA France Iard démontre l’existence d’un moyen sérieux de réformation de la décision dont appel en ce qu’elle a condamné la S.A AXA France Iard in solidum au paiement des dommages et intérêts mis à la charge de son assuré.
Il ressort par ailleurs de la décision dont appel que la S.A AXA France Iard est in solidum condamnée à payer à la S.C.I AGLB IMMO des sommes d’un montant important et que la surface patrimoniale et la surface financière de la S.C.I AGLB IMMO demeurent incertaines alors que le montant de la condamnation est élevé. Il s’en déduit que la S.A AXA France Iard démontre un risque d’incapacité de remboursement de la part de la S.C.I AGLB IMMO en cas de réformation et que l’exécution de la décision aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en cas d’infirmation.
Par conséquent, il y a lieu d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel.
Sur la demande subsidiaire et la demande reconventionnelle de consignation :
Aux termes de l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine.
Il doit être rappelé que cette possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président et n’est pas subordonnée à la condition que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l’espèce, la suspension de l’exécution provisoire étant prononcée par la présente décision, il n’y a pas lieu de statuer sur une demande d’aménagement de cette dernière puisqu’elle est sans objet.
Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La S.C.I AGLB IMMO partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 5 décembre 2023 ;
Dit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de consignation à titre subsidiaire ;
Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande reconventionnelle de consignation ;
Déboute la S.C.I AGLB IMMO de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la S.C.I AGLB IMMO aux entiers dépens de la présente instance.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente