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Face à l’intitulé d’une clause de rémunération du dirigeant ne correspondant pas à son contenu, il y a lieu de rechercher la commune intention des parties.
En la cause, le management package est présenté dans la lettre d’engagement comme la mise en place d’une structure de rémunération incluant une partie d’intéressement pour les associés de la société, ce qui démontre que son objectif est d’avantager les associés fondateurs réunis dans une société par le mécanisme de rétrocession de la plus-value envisagée.. Cette analyse est confortée par le fait que dans le protocole d’entente entre associés, la clause de relution n’est pas dénommée ‘management package’ mais est décrite dans un paragraphe intitulé Intéressement spécifique pour les Fondateurs qui lie la clause de relution à la détention du capital sans faire référence, ni dans le titre, ni dans la rédaction de la clause, à l’exercice d’un mandat social. Les parties ont ainsi manifesté leur souhait d’avantager les associés fondateurs, via leur société commune associée minoritaire, en cas de cession réussie. En outre la clause figurant dans la lettre d’engagement ne saurait être interprétée en faisant référence au fait qu’il est prévu dans le protocole d’entente au chapitre intitulé Pacte d’associés, que les fondateurs ne devront exercer aucune autre activité professionnelle que celle de managers de The Bureau. En effet cette disposition, qui est relative à la gestion de la société, est autonome de la disposition concernant le capital de la société et le partage de la plus-value entre les associés. Le protocole d’entente signé entre les Partie spécifie: – ‘structure de rémunération’: un intitulé ‘Rémunération des Fondateurs’ prévoyant la facturation par la société Laura au titre de la rémunération de ses deux associés, le versement d’un bonus variable annuel en fonction des résultats de la société The Bureau et la perception par la société Laura d’un welcome bonus au closing, – un point intitulé ‘Intéressement spécifique pour les Fondateurs’ prévoyant au-delà d’un certain montant de plus-value que l’investisseur (la société GPG) accepte de rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de Laura selon les modalités suivantes (suivent les modalités de rétrocession en fonction de l’importance de la plus-value) Aux termes de leurs discussions, les Parties se sont entendues sur le fait que l’objectif ultime de leur association dans la société est de maximiser la création de valeur après réalisation de l’opération financière constituée de: – l’acquisition par GPG de l’intégralité des titres détenus par les associés sortants dans le capital social de la société – l’acquisition par GPG de l’intégralité des créances en compte courant inscrites au bénéfice des associés sortants dans les livres de la société – l’augmentation de capital de la société par incorporation de créances en compte courant à hauteur de 1.250.000 euros prime d’émission incluse – la conclusion d’une garantie d’actif et de passif en garantie de l’augmentation de capital – la conclusion d’une convention de nantissement des titres détenus par Laura dans la société en garantie de la GAP – la conclusion du pacte incluant un engagement de GPG de contribuer au programme de développement de la société – la conclusion d’une convention de compte courant à hauteur de la somme de 14.500.000 euros consentie par GPG à The Bureau – la mise en place d’une structure de rémunération incluant une partie d’intéressement pour les associés de Laura. Cette maximisation passera éventuellement par la cession de la Société à un tiers acquéreur. Dans cette hypothèse et au-delà d’un certain montant de plus-value, l’associé majoritaire confirme son engagement de conclure au bénéfice de Laura un management package aux termes duquel il consentira à rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de Laura, selon les modalités suivantes: – Si l’Associé Majoritaire réalise entra deux et trois fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 5% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 39, 422% sur cette tranche de plus-value ; – Si 1’Associé Majoritaire réalise entre trois et quatre fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 10% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 44,422% sur cette tranche de plus-value ; – Si l’Associé Majoritaire réalise plus de quatre fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 15% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 49,422% sur cette tranche de plus-value. Les documents à intervenir entre les parties relativement au Management Package auront un effet rétroactif au 21 septembre 2028. Nous nous engageons par la présente à mettre en place le Management Package dans un délai de 3 mois à compter de ce jour. Aux termes de la lettre d’engagement la société GPG s’engageait à mettre en place le management package dans un délai de trois mois à compter ‘de ce jour’ (le 21.09.2018). Aucun document mettant en place les instruments financiers permettant l’exécution du management package n’a été signé par les parties. Aux termes de l’article 1217 du code civil la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation. L’article 1188 du Code civil dispose que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. L’article 1192 du Code civil dispose qu’ on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. La société Laura, détenue par [P] [O] et [N] [W], est la holding de la SAS The Bureau, spécialisée dans la location d’espaces de coworking. En 2018, la société Groupe Philippe Ginestet (GPG) a proposé d’acquérir 58,86% des titres de The Bureau, entraînant la signature d’un protocole d’entente et d’une lettre d’engagement concernant un management package. Ce package stipulait une rétrocession de plus-value à Laura en cas de cession de GPG, sous certaines conditions. Après l’entrée de GPG au capital de The Bureau, Laura a été nommée présidente, mais a été révoquée en novembre 2019. GPG a alors exercé une promesse de vente pour acquérir les titres de Laura pour un euro, en raison de son départ. Laura a demandé à GPG de mettre en œuvre le management package, mais GPG a refusé, arguant que ce package était destiné aux dirigeants actifs. Laura a assigné GPG pour l’exécution de la lettre d’engagement, mais le tribunal de commerce a débouté Laura, considérant qu’elle n’était plus éligible au package après sa révocation. Laura a fait appel de cette décision. GPG a demandé la confirmation du jugement initial. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement du tribunal de commerce, ordonnant à GPG d’exécuter la lettre d’engagement et de fournir la documentation nécessaire à la rétrocession de plus-value, sous astreinte. GPG a également été condamnée à verser 10 000 euros à Laura et à couvrir les dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09530 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2022 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020013443
APPELANTE
S.A.S. LAURA
[Adresse 1]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 819 569 815
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Frédérik AZOULAY de la SELARL Azoulay & Diallo, avocat au barreau de PARIS, toque : C0038
INTIMEE
S.A.R.L. GROUPE PHILIPPE GINESTET agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Immatriculée au RCS d’AGEN sous le numéro 391 804 945
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre VERMYNCK de l’EURL Alexandre VERMYNCK et de l’AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocate au barreau de PARIS, toque : R045
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie MOLLAT, Présidente, et Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, présidente, et par Mme Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition.
La société Laura est une société détenue à parité par [P] [O] et [N] [W] via leurs holdings respectives.
Monsieur [W] a été désigné président et Monsieur [O] directeur général.
La société Laura est la société holding de la SAS The Bureau, créée en 2016, qui est une start-up spécialisée dans la location d’espaces de coworking haut de gamme., Monsieur [W] en était président et Monsieur [O] directeur général.
Le 3.07.2018 la société Groupe Philippe Ginestet a adressé une lettre d’offre sous conditions suspensives relative à l’acquisition de 58,86% des titres de la société The Bureau détenus par 3 sociétés, chacune associée minoritaire.
Le 28.07.2018, un protocole d’entente a été signé entre la société Laura et la société GPG organisant les principales conditions et modalités d’entrée au capital de la société GPG dans The Bureau et prévoyant, en particulier, une clause de rétrocession de la plus-value par la société GPG à la société Laura en cas de cession de la société et si la plus-value dépasse un certain montant.
Le 21 septembre 2018, la société GPG a signé une lettre d’engagement prévoyant qu’au-delà d’un certain montant de plus-value, l’associé majoritaire confirme son engagement de conclure au bénéfice de Laura un management package aux termes duquel il consentira à rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de Laura, selon les modalités suivantes.
Sont décrites dans la lettre les différents niveaux de rélution en fonction de la plus-value perçue.
La société GPG s’engage à mettre en place le Management Package dans un délai de 3 mois à compter de la date de la lettre d’engagement.
Le même jour un pacte d’associés a été conclu entre les parties, GPG acquérant une participation majoritaire de 65,6% du capital de The Bureau, stipulant des droits de préemption en cas de transfert des titres, un droit de sortie conjointe et une obligation de sortie forcée, et des promesses de vente en cas de départ de Laura, de Monsieur [W] et/ou de Monsieur [O], de la société The Bureau, et en cas de défaut de financement de la société GPG.
Lors de l’entrée au capital de la société GPG Monsieur [W] exerçait les fonctions de président de la société The Bureau.
Suite à l’entrée au capital de la société GPG la société Laura a été désignée pour exercer les fonctions de président de The Bureau.
Par assemblée générale extraordinaire du 27 novembre 2019 la société Laura a été révoquée de son mandat de président de The Bureau et la société GPG a été nommée en ses lieu et place, M. [O] restant directeur général de The Bureau.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, la société GPG a exercé la promesse de vente pour cause de départ que la société Laura lui avait consentie, précisant que la cession devait intervenir pour le prix d’un euro, selon calcul convenu aux termes du pacte d’associés.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2019, la société Laura a mis en demeure la société GPG de lui soumettre dans les 2 jours ‘un projet de documentation de mise en oeuvre du Management Package reflétant les conditions définies dans votre courrier du 21 septembre 2018″.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 décembre 2019, la société GPG a refusé indiquant que l’esprit d’un management package était ‘de rémunérer la performance de dirigeants qui s’investissent et contribuent au développement de leur société’.
La société Laura a assigné la société GPG pour voir ordonner l’exécution forcée de la lettre d’engagement du 21.09.2018 sous astreinte.
Par jugement en date du 8.04.2022 le tribunal de commerce a:
Dit la société Laura mal fondée en ses demandes et l’en a débouté
Condamné la société Laura à payer à la société Groupe Philippe Ginestet la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamné la société Laura aux dépens de l’instance.
Le tribunal a retenu que la clause dite de ‘management package’ ne pouvait s’appliquer que si Laura restait dirigeante de la société et que Laura n’étant plus dirigeante elle n’était plus éligible au bénéfice de ce package depuis la révocation de son mandat social.
La société Laura a formé appel par déclaration en date du 13.05.2022.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 12.09.2023, la société Laura demande à la cour de:
Recevoir la société Laura en son appel et l’en dire bien fondée ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
> Dit la société Laura mal fondée en ses demandes et l’en déboute ;
> Condamne la société Laura à payer à la société Groupe Philippe Ginestet la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
> Condamne la société Laura aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe ;
Et statuant à nouveau :
Condamner la société Groupe Philippe Ginestet à l’exécution forcée en nature de la lettre d’engagement du 21 septembre 2018 ;
Ordonner à la société Groupe Philippe Ginestet de prendre toutes décisions, à la fois en son propre sein et au sein de la société The Bureau, et en quelque qualité que ce soit, pour conférer à la société Laura les droits prévus à la lettre d’engagement du 21 septembre 2018, et cela sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
Et en tout état de cause :
Débouter la société Groupe Philippe Ginestet de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner la société Groupe Philippe Ginestet au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de la société Laura sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Matthieu Boccon-Gibod, Selarl Lexavoué Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 10.10.2022, la société Groupe Philippe Ginestet demande à la cour de:
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 8 avril 2022 en ce qu’il a jugé que l’engagement de Groupe Philippe Ginestet du 21 septembre 2018, relatif à la mise en place d’un management package au profit de la société Laura est caduc, Laura ayant été révoquée de son mandat de Président de The Bureau le 27 novembre 2019
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 8 avril 2022 en ce qu’il a débouté Laura de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 8 avril 2022 dans toutes ses dispositions
En tout état de cause
Débouter la société Laura de toutes ses demandes, fins et prétentions
Condamner la société Laura à payer à GPG 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner la société Laura aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître [Localité 4] Teytaud sans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.
La société Laura expose que la rédaction de la clause du protocole d’entente puis de la clause de la lettre d’engagement doivent se comprendre comme un avantage accordé à l’actionnaire minoritaire au moment de la revente, de façon complètement indépendante du fait que la société Laura soit ou non dirigeante de la société The Bureau en se fondant:
– sur les termes même de la clause discutée qui fait référence aux associés et en particulier sur l’absence de toute référence à la qualité de dirigeant de la société Laura pour la mise en oeuvre des clauses de relution
– sur le fait que lorsque la clause du protocole d’entente a été établie la société Laura n’était pas dirigeante puisque c’est Monsieur [W] qui était dirigeant de la société The Bureau
– sur le fait qu’il n’est à aucun moment prévu que si la société Laura n’est plus dirigeante la clause de relution est caduque et qu’il ne peut être ajouté une conséquence non prévue à la convention.
Elle indique que l’intitulé des clauses comme des management package est une formulation inadaptée qui ne correspond pas au contenu des clauses mais que le juge ne doit pas s’arrêter au sens littéral des termes face à une clause claire et précise.
Elle fait valoir en outre que la mise en oeuvre de l’accord d’intéressement reposait sur la société GPG et il était prévu que celui-ci devait être mis en place dans un délai de trois mois, que la société GPG n’a cependant formalisé un premier projet qu’au printemps 2019 puis apprenant les dissensions entre les associés de Laura, a tardé volontairement à finaliser le projet de telle sorte que l’accord d’intéressement n’a pas été mis en place de par la faute de la société GPG.
Elle conclut que s’il était retenu que Laura doit être dirigeante pour que l’accord d’intéressement soit mis en oeuvre il conviendra d’en faire application au regard du fait qu’il a été jugé par le tribunal de commerce que la révocation de Laura a été décidée sans justes motifs, alors que les statuts prévoient qu’une révocation du dirigeant n’est possible que dans ce cadre.
Elle conteste le fait que la lettre d’engagement soit devenue caduque en application des dispositions de l’article 1186 du code civil au regard de la perte d’un de ses éléments essentiels exposant que le fait que la société Laura exerce un mandat social n’était pas prévu comme un des éléments de l’engagement de la société GPG.
La société GPG soutient que:
– l’intitulé de la clause d’intéressement et sa rédaction démontrent qu’il s’agit d’un accord d’intéressement du dirigeant, la société Laura, à la cession, accord d’intéressement classique pour récompenser l’investissement du dirigeant dans la création de valeur de la société, et qu’en conséquence le management package est caduc puisque la société Laura a été révoquée
– que cette lecture de la lettre d’engagement est confirmée par l’analyse des autres accords entre les parties: le protocole d’entente et le pacte d’associés
– que l’absence de concrétisation du management package avant la révocation est de la responsabilité de Laura qui a tardé à répondre.
– enfin que l’absence de conclusion d’un management package avant la révocation de Laura n’a entraîné aucun préjudice pour celle-ci puisqu’aucune cession à un tiers n’a eu lieu.
Sur ce
Aux termes de l’article 1217 du code civil la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation.
L’article 1188 du Code civil dispose que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
L’article 1192 du Code civil dispose qu’ on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.
Le protocole d’entente signé le 28.07.2019 entre la société Laura et la société GPG spécifie:
– dans le chapitre 5 ‘structure de rémunération’:
un point 5-1 intitulé ‘Rémunération des Fondateurs’ prévoyant la facturation par la société Laura au titre de la rémunération de ses deux associés, le versement d’un bonus variable annuel en fonction des résultats de la société The Bureau et la perception par la société Laura d’un welcome bonus au closing,
un point 5-2 intitulé ‘Intéressement spécifique pour les Fondateurs’ prévoyant au-delà d’un certain montant de plus-value que l’investisseur (la société GPG) accepte de rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de Laura selon les modalités suivantes (suivent les modalités de rétrocession en fonction de l’importance de la plus-value)
– dans le chapitre 7 intitulé ‘pacte d’associés’: 7-1 la période d’inaliénabilité du pacte d’associé, 7-2 le droit de préemption, 7-3 le droit de sortie conjointe, 7-4 la cession de la société, 7-5 l’exclusivité d’activité professionnelle, 7-6 la non concurrence, 7.7 la convention de management fees portant sur l’accompagnement stratégique, juridique et financier de la société, 7-8 l’acquisition immobilière.
La lettre d’engagement de la société GPG en date du 21.09.2019 stipule:
Aux termes de leurs discussions, les Parties se sont entendues sur le fait que l’objectif ultime de leur association dans la société est de maximiser la création de valeur après réalisation de l’opération financière constituée de:
– l’acquisition par GPG de l’intégralité des titres détenus par les associés sortants dans le capital social de la société
– l’acquisition par GPG de l’intégralité des créances en compte courant inscrites au bénéfice des associés sortants dans les livres de la société
– l’augmentation de capital de la société par incorporation de créances en compte courant à hauteur de 1.250.000 euros prime d’émission incluse
– la conclusion d’une garantie d’actif et de passif en garantie de l’augmentation de capital
– la conclusion d’une convention de nantissement des titres détenus par Laura dans la société en garantie de la GAP
– la conclusion du pacte incluant un engagement de GPG de contribuer au programme de développement de la société
– la conclusion d’une convention de compte courant à hauteur de la somme de 14.500.000 euros consentie par GPG à The Bureau
– la mise en place d’une structure de rémunération incluant une partie d’intéressement pour les associés de Laura.
Cette maximisation passera éventuellement par la cession de la Société à un tiers acquéreur.
Dans cette hypothèse et au-delà d’un certain montant de plus-value, l’associé majoritaire confirme son engagement de conclure au bénéfice de Laura un management package aux termes duquel il consentira à rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de Laura, selon les modalités suivantes:
– Si 1’Associé Majoritaire réalise entra deux et trois fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 5% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 39, 422% sur cette tranche de plus-value ;
– Si 1’Associé Majoritaire réalise entre trois et quatre fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 10% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 44,422% sur cette tranche de plus-value ;
– Si l’Associé Majoritaire réalise plus de quatre fois son investissement (tout instrument confondu), des instruments financiers à définir ultérieurement en faveur de Laura lui permettront d’obtenir une relution spécifique de 15% sur cette tranche de plus-value, passant ainsi à un pourcentage économique de 49,422% sur cette tranche de plus-value.
Les documents à intervenir entre les parties relativement au Management Package auront un effet rétroactif au 21 septembre 2028.
Nous nous engageons par la présente à mettre en place le Management Package dans un délai de 3 mois à compter de ce jour.
Aux termes de la lettre d’engagement la société GPG s’engageait à mettre en place le management package dans un délai de trois mois à compter ‘de ce jour’ (le 21.09.2018).
Aucun document mettant en place les instruments financiers permettant l’exécution du management package n’a été signé par les parties.
La société GPG soutient que la mise en oeuvre du management package implique que la société Laura soit présidente de la société The Bureau.
Il existe une contradiction entre l’intitulé de la clause qui fait référence à la direction de la société par l’utilisation du terme ‘management’ et sa rédaction qui ne fait aucunement référence à la qualité de présidente de la société Laura dans la mise en oeuvre de la clause de relution.
En l’état d’un intitulé ne correspondant pas à la rédaction de la clause il y a lieu, de rechercher la commune intention des parties et à ce titre de constater le caractère clair et précis de la clause litigieuse qui en elle-même ne réclame aucune interprétation et qui ne prévoit ni explicitement, ni implicitement la nécessité pour la société Laura d’être présidente de la société The Bureau pour bénéficier de la clause de rétrocession de la plus-value.
En particulier il n’y a pas lieu de rajouter une condition à l’application de la clause de relution au motif d’un titre erroné de ladite clause, sauf à dénaturer ladite clause.
La cour souligne en outre que le management package est présenté dans la lettre d’engagement comme la mise en place d’une structure de rémunération incluant une partie d’intéressement pour les associés de Laura, ce qui démontre que son objectif est d’avantager les associés fondateurs réunis dans la société Laura par le mécanisme de rétrocession de la plus-value envisagée.
Cette analyse est confortée par le fait que dans le protocole d’entente du 28.07.2018 la clause de relution n’est pas dénommée ‘management package’ mais est décrite dans un paragraphe intitulé Intéressement spécifique pour les Fondateurs qui lie la clause de relution à la détention du capital sans faire référence, ni dans le titre, ni dans la rédaction de la clause, à l’exercice d’un mandat social. Les parties ont ainsi manifesté leur souhait d’avantager les associés fondateurs, via leur société commune associée minoritaire, en cas de cession réussie.
En outre la clause figurant dans la lettre d’engagement ne saurait être interprétée en faisant référence au fait qu’il est prévu dans le protocole d’entente au chapitre intitulé Pacte d’associés, que les fondateurs ne devront exercer aucune autre activité professionnelle que celle de managers de The Bureau. En effet cette disposition, qui est relative à la gestion de la société, est autonome de la disposition concernant le capital de la société et le partage de la plus-value entre les associés.
Le société GPG fait également valoir l’existence du pacte d’associés en soulignant que l’article 6.7 stipule une promesse de vente en cas de cessation du mandat social de Laura par le rachat de sa participation par GPG, ce qui démontre que Laura n’avait pas vocation à demeurer ne serait-ce qu’associée de The Bureau si elle n’en était plus manager.
Cependant l’existence de cette clause incluse dans le pacte d’associé prévoyant une promesse d’achat et de vente en cas de départ de Laura, Monsieur [W] et/ou Monsieur [O] ne vient pas en opposition avec une clause prévoyant une rétrocession par l’associé investisseur de la plus-value au bénéfice des fondateurs en cas de cession conjointe des titres à un tiers.
En réalité il apparaît de ces différents actes que les parties ont prévu diverses hypothèses dont
– d’une part le fait qu’elles soient toujours associées lors de la revente permettant de mettre en oeuvre la clause de rétrocession, indépendamment de la qualité de présidente de Laura
– et d’autre part la perte par la société Laura de son mandat social permettant alors la mise en oeuvre de la promesse d’achat par l’associé majoritaire, dont l’une des conséquences est que, la société Laura n’étant plus associée lors de la cession, la clause de rétrocession de plus-value n’est plus susceptible de s’appliquer.
C’est ainsi par la mise en oeuvre de la promesse d’achat que les parties ont décidé de tirer la conséquence de la révocation de la société Laura.
Il en résulte que la mise en oeuvre de la clause de rétrocession n’est pas subordonnée à la qualité de dirigeante de la société Laura, que la perte par la société Laura de son mandat n’est pas de nature à entraîner la caducité de l’engagement pris par la société GPG et que c’est à tort que la société GPG a refusé d’exécuter l’engagement qu’elle avait pris et en premier lieu d’établir la documentation juridique prévue qui détermine les instruments financiers permettant la mise en oeuvre de la rétrocession de la plus-value.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement rendu et d’ordonner l’exécution forcée par la société GPG de la clause de rétrocession à laquelle elle s’est engagée par l’établissement de la documentation juridique permettant sa mise en oeuvre.
La résistance de la société GPG qui a rajouté aux conditions initialement prévues pour s’opposer à la mise en oeuvre de l’engagement qu’elle avait unilatéralement pris impose d’ordonner une astreinte.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il est inéquitable de laisser la société Laura supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il convient de lui allouer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge de la société GPG.
La cour,
infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8.04.2022
et statuant à nouveau
condamne la société Groupe Philippe Ginestet à l’exécution forcée en nature de la lettre d’engagement du 21 septembre 2018,
Ordonne en conséquence à la société Groupe Philippe Ginestet d’adresser à la société Laura la documentation concernant les instruments financiers permettant l’application de la rétrocession de plus-value telle que prévue dans la lettre d’engagement du 21.09.2019, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard passée le délai d’un mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir
Condamne la société Groupe Philippe Ginestet au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de la société Laura sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel
Dit que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Matthieu Boccon-Gibod, SELARL LX Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE