La société Crédit Lyonnais Libre Cours a procédé à une saisie-vente le 2 avril 2024 sur des biens de Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P], en se basant sur un jugement du 22 septembre 2022. En réponse, les époux ont assigné la société le 9 avril 2024 pour annuler la saisie, suspendre toute procédure d’exécution, limiter la saisie à 4590,10 euros, obtenir des délais de paiement, et demander des dommages-intérêts. Lors de l’audience du 19 septembre 2024, la société a demandé le rejet des demandes des époux et a proposé un remboursement de la dette en 24 mensualités. Le 17 octobre 2024, le juge a annulé la saisie-vente, rejeté la demande de délais de paiement, condamné la société aux dépens, et débouté les parties de leurs autres demandes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
17 Octobre 2024
MINUTE : 24/1003
RG : N° 24/04400 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZHOB
Chambre 8/Section 3
Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,
DEMANDEURS
Monsieur [Y] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant
Madame [H] [X] [O] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante par écrit
ET
DEFENDEUR
S.A. CREDIT LYONNAIS LIBRE COURS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS – D430, substitué par Alban CORNETTE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS
Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame HALIFA, Greffière.
L’affaire a été plaidée le 19 Septembre 2024, et mise en délibéré au 17 Octobre 2024.
JUGEMENT
Prononcé le 17 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.
Par acte en date du 2 avril 2024, la société Crédit Lyonnais Libre Cours a fait procéder à une saisie-vente sur des biens présents au domicile de Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P].
Cette saisie a été diligentée sur le fondement d’un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du Raincy du 22 septembre 2022.
C’est dans ce contexte que, par acte extrajudiciaire en date du 9 avril 2024, Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] ont assigné la société Crédit Lyonnais Libre Cours à l’audience du 19 septembre 2024 devant le juge de l’exécution de la juridiction de céans aux fins de :
– annuler la saisie-vente du 2 avril 2024,
– suspendre ladite saisie-vente ainsi que toute procédure d’exécution ultérieure,
– cantonner la saisie-vente à la somme de 4590,10 euros,
– leur octroyer des délais de paiement
– condamner la société Crédit Lyonnais Libre Cours à leur payer la somme de 300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, outre les dépens.
À cette audience, Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P], autorisée à comparaître par écrit, reprennent leur assignation.
La société Crédit Lyonnais Libre Cours, représentée par son conseil, reprend oralement ses conclusions visées par le greffe le jour-même et demande au juge de l’exécution de :
– débouter Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] de l’ensemble de leurs demandes,
– subsidiairement, dire que la dette devra être remboursée sur 24 mensualités également et prévoir une clause de déchéance du terme,
– condamner solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
I. Sur la demande de nullité de la procédure saisie-vente
Aux termes de l’article L221-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier. Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d’opposition. Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d’habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l’exécution.
En l’espèce, le saisie-vente a été diligentée sur le fondement du jugement du 22 septembre 2022 qui a condamné Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] à verser à la société Crédit Lyonnais Libre Cours la somme de 7551,61 euros. Ce jugement a également accordé aux débiteurs des délais de paiement, en les autorisant à s’acquitter de leur dette en 23 versements de 200 euros et un dernier versement égal au solde de leur dette, chaque versement devant intervenir avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du jugement. Ce jugement prévoit qu’en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date exacte, suivi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse durant 15 jours, l’échelonnement sera caduc et la dette redeviendra exigible.
Or, si la société Crédit Lyonnais Libre Cours produit un acte extrajudiciaire du 15 janvier 2024, intitulé » signification de déchéance du terme » et indiquant à Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] qu’à défaut de régularisation des échéances impayées dans un délai de 15 jours la procédure d’exécution sera poursuivie, il ressort des conclusions de la société Crédit Lyonnais Libre Cours que Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] ont bien effectué un paiement de 600 euros couvrant les échéances impayées le 26 janvier 2024, soit dans le délai requis.
En cas de nouvelles échéances impayées, il appartenait à la société Crédit Lyonnais Libre Cours de mettre à nouveau les débiteurs en demeure de régulariser leur situation sous 15 jours, ce qu’elle n’allègue ni ne démontre. Ainsi, faute de mise en demeure infructueuse, la déchéance du terme n’est pas acquise et les délais de paiement sont toujours en cours, suspendant les voies d’exécution.
Par conséquent, il convient d’annuler le procès-verbal de saisie vente du 2 avril 2024.
Les délais de paiement accordés par le jugement du juge des contentieux de la protection étant toujours en cours, les procédures d’exécution sont par conséquent toujours suspendues, sans qu’il ne soit nécessaire de l’ordonner.
Compte tenu de la nullité de la saisie-vente, il n’y a pas non plus lieu d’apprécier la demande de cantonnement de cette saisie.
II. Sur la demande de délais de paiement
Le troisième alinéa de l’article 510 alinéa du code de procédure civile dispose qu’après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie selon le cas, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.
L’article 1343-5 du code civil prévoit que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
En l’espèce, le juge des contentieux de la protection, par jugement du 22 septembre 2022, a déjà accordé aux débiteurs un délai pour s’acquitter de leur dette en 24 mensualités.
Or, il n’est pas possible de proroger les délais de grâce par décisions successives au-delà de la durée maximale prévue par la loi.
Par conséquent, la nouvelle demande de ce chef ne peut qu’être rejetée.
III. Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société Crédit Lyonnais Libre Cours, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Il convient en revanche de rejeter l’ensemble des demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] ne justifiant d’aucun frais irrépétibles et la société Crédit Lyonnais Libre Cours succombant.
La juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Annule la saisie-vente réalisée le 2 avril 2024 à la demande de la société Crédit Lyonnais Libre Cours sur les biens de Monsieur [Y] [P] et Madame [H] [X] [O] épouse [P] ;
Rejette la demande de délais de paiement ;
Condamne la société Crédit Lyonnais Libre Cours aux dépens ;
Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait à Bobigny le 17 octobre 2024.
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION