La mainlevée de la saisie conservatoire de droits d’associé

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La mainlevée de la saisie conservatoire de droits d’associé
Ce point juridique est utile ?

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

En l’espèce, la cour, saisie d’une contestation de saisie conservatoire, doit tenir compte de l’évolution du litige et examiner l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe au jour où elle statue. Or, il résulte du jugement du 7 mars 2024 que le tribunal de commerce de Marseille, saisie de l’action au fond exercée par monsieur [K] [H] pour obtenir un titre exécutoire, a notamment débouté ce dernier de toutes ses demandes et a dit son jugement de plein droit exécutoire à titre provisoire. Si ce jugement a fait l’objet d’un appel, ce dernier n’a pas d’effet suspensif, de sorte que le juge du fond a, aux termes d’une décision motivée, débouté monsieur [K] [H] de ses demandes de condamnation des hoirs [H] à lui payer notamment les sommes respectives de 1 492 569 € et 2 960 239 €.

Ainsi, l’existence d’un principe de créance n’est plus établie dès lors que le jugement du 7 mars 2024 écarte le bienfondé de la créance alléguée par monsieur [K] [H].

En 1985, [C] [H] fonde la société Tradimplex, dont il détient 499 parts sur 500. En 1997, il embauche son frère [K] comme attaché commercial. En 2000, [K] acquiert la part de leur mère. À la suite du décès de [C] en 2007, [K] devient gérant de Tradimplex. En 2011, il crée Fluidimpex, dont il est également gérant. En 2022, une offre d’achat pour les deux sociétés est faite, mais des désaccords sur la répartition du prix de vente émergent.

En décembre 2022, un juge autorise [K] à saisir conservatoirement les droits d’associés de sa mère et de ses frères pour garantir une créance de 4,5 millions d’euros. En janvier 2023, sa mère et ses frères contestent cette saisie. Un jugement de juin 2023 rejette leurs demandes et les condamne aux dépens. Ils font appel en juillet 2023.

Les appelants demandent la nullité de l’ordonnance de saisie et la mainlevée de celle-ci, tandis que [K] conteste la recevabilité de leur appel et demande un sursis à statuer. En septembre 2024, la cour déclare l’appel principal recevable, mais l’appel incident de [K] irrecevable. Elle infirme le jugement de première instance concernant la saisie conservatoire et ordonne sa mainlevée, condamnant [K] à payer une indemnité et les dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/08872
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2024

N° 2024/506

Rôle N° RG 23/08872 N° Portalis DBVB-V-B7H-BLR2I

[R] [N] épouse [H]

[G] [H]

[A] [H]

C/

[K] [H]

S.A.R.L. TRADE IMPORT EXPORT JL INTERNATIONAL (TRADIMPEX JL INTERNATIONAL)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Jean-François JOURDAN

Me Marie BELUCH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de MARSEILLE en date du 20 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/00679.

APPELANTS

Madame [R] [N] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 8] (BELGIQUE),

demeurant [Adresse 6]

Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 4] 1991 à [Localité 9] (13),

demeurant [Adresse 6]

Madame [A] [H]

née le [Date naissance 3] 1995 à [Localité 9] (13),

demeurant [Adresse 6]

Tous représentés par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Géraldine LESTOURNELLE de la SCP LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Monsieur [K] [H]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Laurent LACAZE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Valérie SERRA, avocat au barreau de NICE

S.A.R.L. TRADE IMPORT EXPORT JL INTERNATIONAL (TRADIMPEX JL INTERNATIONAL),

représentée par son gérant en exercice, Monsieur [K] [H], domicilié en cette qualité au siège [Adresse 11]

représentée et assistée par Me Marie BELUCH de la SELARL CABINET PASSET – BELUCH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024,

Signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Faits, procédure, prétentions :

Au cours de l’année 1985, [C] [H] créait la société Tradimplex JL International (ci-après dénommée Tradimplex), ayant pour objet l’import-export de produits véhiculant l’eau, dont il détenait 499 des 500 parts, l’autre part étant détenue par sa mère, madame [M] [H]. En octobre 1997, il embauchait son frère, [K], en qualité d’attaché commercial sous contrat de travail à durée indéterminée. Le 14 septembre 2000, madame [H] cédait sa part à son fils, [K].

Le [Date décès 7] 2007, [C] [H] décédait et laissait pour héritiers, son épouse [R] [N] veuve [H] en qualité d’usufruitière de ses biens et ses deux enfants [G] et [A] en qualité de nu-propriétaires indivis. Le lendemain, une assemblée générale des associés de la société Tradimplex nommait monsieur [K] [H] en qualité de gérant.

Le 6 octobre 2011, monsieur [K] [H] et la société Tradimplex créaient la société Fluidimpex, ayant pour objet social l’import-export et la perception de commissions sur toutes transactions commerciales, négoce France et étranger sur tous matériels, dont monsieur [K] [H] était le gérant et détenait 99 parts du capital social, l’autre part étant détenue par la société Tradimplex.

Le 2 août 2022, une offre d’achat des deux sociétés précitées était formée par une société tierce pour un prix global de 6 000 000 € à charge pour les associés de procéder à la répartition entre eux du prix de vente et sous condition de l’exercice par [K] [H] de la fonction de directeur général de la nouvelle entité. Les parties s’opposaient sur cette répartition.

Une ordonnance du 6 décembre 2022 du juge de l’exécution de Marseille, sur requête d'[K] [H], autorisait ce dernier à faire délivrer une saisie conservatoire des droits d’associés de madame [N] veuve [H] et de ses deux enfants dans le capital de la société Tradimplex aux fins de garantie de paiement de la somme de 4 500 000 €.

Le 14 décembre 2022, monsieur [K] [H] faisait délivrer la saisie précitée, laquelle était dénoncée le 15 décembre suivant à madame [N] veuve [H] ainsi qu’à [G] et [A] [H].

Le 13 janvier 2023, madame [N] veuve [H], monsieur [G] [H] et madame [A] [H] faisaient assigner monsieur [K] [H] devant le juge de l’exécution de Marseille aux fins de rétractation de l’ordonnance du 6 décembre 2022 et de mainlevée de la saisie conservatoire du 14 décembre 2022.

Un jugement du 20 juin 2023 du juge précité :

– disait la contestation des consorts [H] recevable,

– rejetait la demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022,

– déboutait les consorts [H] de leurs demandes,

– condamnait les consorts [H] aux dépens et au paiement d’une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit jugement était notifié par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 23 et 28 juin 2023 par madame [A] [H], [G] [H] et [R] [N] veuve [H].

Par déclaration du 4 juillet 2023, au greffe de la cour, madame [R] [N] veuve [H], monsieur [G] [H] et madame [A] [H], formaient appel du jugement précité.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 26 août 2024, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens, les appelants demandent à la cour de :

– déclarer irrecevable l’appel incident formé par M. [K] [H],

– à tout le moins, déclarer la cour non saisie de la demande d’irrecevabilité de la contestation,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable leur contestation,

-infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté leur demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022,

– annuler purement et simplement l’ordonnance du 6 décembre 2022,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté leurs demandes,

– ordonner en conséquence la mainlevée des saisies conservatoires de leurs titres,

– déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer et subsidiairement débouter monsieur [K] [H] de sa demande,

– condamner monsieur [K] [H] au paiement d’une somme de 300 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive en raison du préjudice subi du fait du maintien d’une saisie conservatoire injustifiée.

– débouter monsieur [K] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner monsieur [K] [H] au paiement de la somme de 12.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens tant d’appel, que de 1ère instance,

ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la Selarl LX Aix en Provence, avocats associés aux offres de droit.

Ils invoquent l’irrecevabilité de l’appel incident d'[K] [H] au visa de l’article 954 du code de procédure civile pour défaut de demande d’infirmation du jugement déféré dans ses conclusions d’intimé.

Ils soutiennent que leurs conclusions notifiées le 15 janvier 2024 sont recevables en ce qu’elles ne répliquent pas à l’appel incident et qu’elles ont au moins pour objet de développer leur argumentation sur leur appel principal en apportant des précisions sur les éléments de fait, en étoffant leur argumentation sur leur appel principal et le caractère infondé de la saisie conservatoire, et en sollicitant à titre subsidiaire un sursis à statuer.

De plus, ils soutiennent avoir répliqué à l’appel incident par leurs conclusions du 2 octobre 2023. En tout état de cause, ils affirment qu’en l’état de l’appel incident, aucune sanction ne peut être appliquée.

Sur la recevabilité de leur contestation, ils soutiennent que l’article R 232-7 CPCE prescrivant la dénonce de la contestation au créancier poursuivant ne concerne que la saisie-attribution et non la contestation de saisie conservatoire.

Par contre, ils invoquent le défaut de mention du délai de contestation sur le procès-verbal de dénonce de la saisie contestée.

Sur les conditions de validité de la saisie conservatoire, ils invoquent l’absence de créance paraissant fondée en son principe dès lors que le juge du fond, dans un jugement du 7 mars 2024, a rejeté l’intégralité des demandes d'[K] [H].

Ils soulèvent l’irrecevabilité de l’exception de sursis à statuer non soulevée avant toute défense au fond et à titre subsidiaire relève l’absence de demande de sursis à exécution du jugement de débouté du juge du fond.

Sur le fond, ils invoquent le caractère contradictoire de l’argumentation d'[K] [H], lequel soutient dans d’autres procédures, le caractère distinct et complémentaire de l’activité des société Tradimplex et Fluidimpex, et relèvent qu’il a tenté de donner le fonds de commerce de la première en location-gérance à une société dont il détiendrait la totalité du capital.

Par contre, devant le juge du fond, il soutenait l’existence d’une société créée de fait entre les deux sociétés précitées, les consorts [N]-[H] et lui-même, laquelle serait dissoute du fait des agissements de ce derniers. Compte tenu des actifs qu’il aurait apportés, il croit pouvoir revendiquer une créance indemnitaire qu’il évalue à 450 000 €.

Ils rappellent que le jugement du 7 mars 2024 a rejeté la thèse de l’intimé en caractérisant l’absence de tout élément de nature à établir l’existence d’un affectio-societatis entre les sociétés Tradimplex et Fluidimpex, les consorts [N]-[H] et [K] [H], l’absence dans les rapports des commissaires aux comptes de mention d’un patrimoine ou exercice commun mais l’existence d’une facturation au centime près et l’incompatibilité entre un apport en industrie et la rémunération importante perçue par l’intimé.

Ils contestent l’existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance en l’absence de volonté de vendre leurs parts dans le capital de la société Tradimplex et au contraire en l’état de leur volonté de manifestée lors de l’assemblée générale du 3 novembre 2022 d’assurer la co-gérance pour développer l’entreprise créée par leur père. L’arrêt du 25 janvier 2024 retient leur volonté d’écarter [K] [H] pour assurer la gérance de l’entreprise, laquelle est devenue effective suite à la révocation de l’intimé et de la désignation d'[G] et [A] [H] comme co-gérants. Ils concluent qu’il n’existe aucun risque de distraction d’un élément d’actif.

Ils fondent leur demande de dommages et intérêts sur la mauvaise foi d'[K] [H] lequel a tenté par tous les moyens d’éviter ou au moins de retarder sa révocation et les a privés de touts revenus résultant de la distribution de dividendes pour les contraindre à lui concéder des avantages exorbitants. Ils invoquent l’absence de distribution de dividendes à hauteur de 300 000 € pour les deux exercices clôturés par l’assemblée générale du 29 mars 2024. Enfin, ils relèvent son refus de donner mainlevée amiable après prononcé du jugement du 7 mars 2024 de débouté de toutes ses demandes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 27 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [K] [H] demande à la cour de :

A titre principal :

– ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir sur l’appel interjeté par Monsieur [K] [H] à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 7 mars 2024,

Subsidiairement :

– déclarer irrecevables les conclusions des appelants notifiées par RPVA le 15 janvier 2024 et le 1er juillet 2024 et toutes conclusions ultérieures des consorts [N]-[H], au besoin en relevant d’office leur irrecevabilité,

– déclarer irrecevables toutes fins de non-recevoir des consorts [N]-[H],

– déclarer recevable et régulier son appel incident et en conséquence,

– débouter les consorts [N]-[H] de leur demande d’irrecevabilité de son appel incident et déclarer ledit appel incident bien fondé,

En conséquence, statuant à nouveau,

– réformer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la contestation de la saisie conservatoire était recevable,

– déclarer irrecevable la contestation de la saisie conservatoire pratiquée,

– à tout le moins, confirmer le jugement déféré pour le surplus et débouter les hoirs [H] de toutes leurs demandes,

A défaut, et plus subsidiairement sur le fond,

– dire les prétentions, moyens, demandes, fins et conclusions des consorts [N]-[H] infondées et injustifiées,

– débouter les appelants de toutes leurs demandes, conclusions, fins de non-recevoir, moyens, fins et prétentions,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022, débouté les consorts [H] de leurs demandes et les a condamnés aux dépens et au paiement d’une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles,

En tout état de cause :

– débouter les consorts [N]-[H] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de leurs frais irrépétibles,

– condamner madame [R] [N]-[H], monsieur [G] [H] et madame [A] [H] à lui payer une indemnité de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les consorts [N]-[H] aux entiers dépens d’appel distraits au profit de Maître Jean-François Jourdan, membre de la SCP Jourdan-Wattecamps et associés.

Il soutient que sa demande de sursis à statuer est recevable au motif que sa cause, le jugement du 7 mars 2024, est postérieure à ses conclusions au fond. De plus, elle n’est pas soumise à une saisine préalable du Premier Président, laquelle était inutile en l’absence de condamnation prononcée par le tribunal de commerce.

Il la fonde sur l’appel formé à l’égard du jugement du 7 mars 2024 dont il demande l’annulation pour des motifs de procédure (composition du tribunal, défaut de motivation, manquement à l’impartialité) et subsidiairement la réformation.

A titre subsidiaire, il invoque l’irrecevabilité des conclusions tardives notifiées le 15 janvier 2024 au visa de l’article 905-2 alinéa 3 au motif que les appelants disposaient d’un délai d’un mois expirant le 16 novembre 2023 pour répondre à ses conclusions d’appel incident du 16 octobre 2023. Il considère que les conclusions d’intimé sur appel incident ayant aussi pour objet d’étayer l’appel principal sont irrecevables.

En outre, il invoque l’irrecevabilité des conclusions tardives du 1er juillet 2024, et des dernières écritures des appelants, au motif qu’elles soulèvent pour la première fois l’irrecevabilité de l’appel incident après l’expiration du délai d’un mois de l’article 905-2 du code des procédures civiles d’exécution.

Il soutient que son appel incident est recevable et régulier au visa de l’article 954 al 2 et 3 au motif que la demande de réformation est mentionnée dans le corps de ses écritures. Cette mention est suffisante et n’a pas besoin d’être reprise dans le dispositif.

Il conteste la recevabilité de la contestation de la saisie conservatoire au visa de l’article R 232-7 du CPCE, lequel s’applique à la saisie conservatoire et impose à l’huissier de dénoncer, le même jour ou le premier jour ouvrable suivant, la contestation à celui qui a délivré la saisie.

Il conteste la demande de nullité du procès-verbal de dénonce de la saisie au motif que les dispositions régissant la saisie conservatoire n’imposent pas un délai de contestation, lequel ne pouvait donc être mentionné. En outre, il invoque le défaut de preuve d’un grief.

Au titre des conditions de validité de la saisie conservatoire des parts sociales des consorts [H], il invoque une créance paraissant fondée en son principe aux motifs qu’il existait une société de fait entre lui, les sociétés Trapimplex et Fluipimdex, et les hoirs [H], laquelle a été dissoute par décision unilatérale du 30 septembre 2022 des appelants. Au titre de la dissolution, il invoque une créance de 2 960 239 € au titre du partage de la plus value (selon un apport en industrie de 100 % ) et de 1 110 156 € au titre du partage de l’actif net (à concurrence de ses droits de 52,74 % fixés par l’assemblée générale).

Au titre des éléments constitutifs de la société de fait, il invoque une offre globale d’achat des deux sociétés avec son maintien en qualité de directeur général, les synergies entre les deux sociétés reconnues par l’acheteur potentiel et la plus value qu’il a lui-même intégralement créé grâce à son seul travail. Enfin, il rappelle que le jugement du 7 mars 2024 n’est pas définitif de sorte qu’il ne peut à lui seul exclure un principe de créance qu’il établit.

Il invoque des circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance établies par le montant de sa créance d’environ 4 000 000 € et un patrimoine des consorts [H] se limitant aux 499 parts qu’ils détiennent en l’absence de tout document produit par eux sur leur solvabilité. Il soutient qu’ils ont la qualité d’associé et peuvent donc décider de vendre leurs parts à tout moment comme ils en ont toujours l’intention, ayant refusé l’offre initiale uniquement pour mettre à néant son droit à la plus-value. En outre, il invoque leurs agissements illégaux relatifs à la tenue d’une assemblée générale du 3 novembre 2022 ultérieurement annulée, la désignation illégale de co-gérants, la prise illégale de contrôle de messagerie et de divers documents.

Il conteste la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en l’absence d’abus de droit dès lors que le jugement déféré fait droit à sa demande. Si l’évolution du litige permet aux appelants d’obtenir mainlevée de la saisie conservatoire, elle exclut l’existence d’un abus. Il considère que son droit n’a pas dégénéré en abus et soutient qu’il a refusé de donner mainlevée amiable compte tenu de son appel et de l’absence de toute garantie de paiement de sa créance. Enfin, il relève que l’assemblée générale du 29 mars 2024 a refusé d’approuver les comptes des exercices clos au 30 septembre 2022 et 2023 alors que l’article L 232-12 du code de commerce dispose que l’approbation des comptes est un préalable à la distribution de dividendes.

L’instruction de la procédure était close par ordonnance du 3 septembre 2024.

A l’audience du 11 septembre 2024, la cour soulevait d’office la question de la recevabilité de l’appel incident pour défaut de demande d’infirmation du jugement déféré dans le dispositif des conclusions d'[K] [H], question débattue dans les écritures des parties.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

– Sur la régularité de l’appel incident formé par monsieur [K] [H],

L’article 905-2 du code de procédure civile dispose notamment que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant, appel incident ou provoqué.

L’article 910-1 du code précité dispose que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige.

L’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il résulte de la combinaison de ces textes que les conclusions d’appel incident exigées par l’article 905-2 sont celles remises au greffe dans le délai prévu et qui déterminent l’objet du litige. Dès lors que l’étendue des prétentions dont la cour est saisie est déterminée par les dispositions de l’article 954, le respect de la diligence prescrite par l’article 905-2 doit être appréciée selon la prescription de l’article 954.

Ainsi, le dispositif des conclusions de l’intimé doit déterminer l’objet du litige, lequel comprend l’objet de la demande (infirmation ou nullité) et les prétentions sur le fond de l’intimé selon les circonstances de l’espèce.

Le défaut de remise par l’intimé de conclusions ayant pour effet de déterminer l’objet du litige, au sens des dispositions de l’article 954, est donc sanctionné par l’irrecevabilité de l’appel incident.

Le droit positif impose à l’appelant et à l’intimé de mentionner dans le dispositif de ses conclusions qu’il demande l’infirmation ou l’annulation du jugement déféré (Civ 2ème 17 septembre 2020 n°18-23.626).

En l’espèce, la cour n’est saisie que des prétentions formulées dans le dispositif des conclusions d’intimé de monsieur [K] [H] notifiées le 16 octobre 2023, dans le mois de la notification des conclusions d’appel des hoirs [H]. Or, le dispositif des écritures de l’intimé ne mentionnent pas de demande d’infirmation du jugement déféré à l’appui de son appel incident de sorte que la cour n’en a pas été saisie dans le délai d’un mois de l’article 905-2. La mention d’une demande de réformation du jugement dans les motifs des écritures ne permet pas de régulariser l’omission précitée dans le dispositif des écritures de monsieur [K] [H]. Son appel incident doit donc être déclaré irrecevable.

L’irrecevabilité de l’appel incident ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel et n’est donc pas contraire aux exigences de l’article 6 §1 de la convention européenne des droits de l’homme (Civ 2ème 24 septembre 2015 et CE 13 novembre 2019).

En l’état de l’irrecevabilité précitée, la cour n’est pas saisie d’une demande d’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la contestation des hoirs [H].

Elle n’est donc pas tenue de statuer sur la demande d’irrecevabilité de la contestation fondée sur le prétendu non-respect de l’article R 232-7 relatif à la saisie-vente de droits d’associé et non à la saisie conservatoire régie par les dispositions spéciales des articles R 524-1 et suivants.

Du fait de l’irrecevabilité de l’appel incident, la demande de rejet des débats des conclusions en réplique des appelants notifiées les 15 janvier 2024, 1er juillet 2024 et de leurs dernières conclusions, pour défaut de respect du délai d’un mois pour répliquer à un appel incident, n’est pas fondée et sera rejetée.

– Sur la demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022,

Selon les dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Ainsi, une nullité d’acte de procédure suppose l’existence d’un texte et d’un grief en lien avec le non-respect de la prescription formelle imposée.

En l’espèce, les appelants n’invoquent plus en cause d’appel le défaut de signature du greffier et la mention erronée ‘ fait à Paris’ au lieu de ‘ fait à Marseille’. En tout état de cause, le premier juge a valablement retenu que les dispositions légales et réglementaires applicables aux mesures conservatoires n’imposent pas la signature du greffier sur l’ordonnance portant autorisation. En outre, la mention ‘ fait à Paris’ au lieu de ‘ fait à Marseille’ constitue une erreur purement matérielle. De plus, les appelants n’invoquent, ni n’établissent l’existence d’un grief en lien avec le vice de forme allégué.

Si les appelants maintiennent en cause d’appel, leur demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022 au motif du défaut de mention, sur la dénonce de la saisie conservatoire de leurs droits d’associé, du délai de contestation devant le juge de l’exécution, ils ont l’obligation de justifier d’une irrégularité et d’un grief.

Cependant, les dispositions législatives et réglementaires relatives aux mesures conservatoires n’instaurent aucun délai de contestation, laquelle peut donc être formée à tout moment.

A défaut d’irrégularité, l’exception de nullité n’est pas fondée.

Par conséquent, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du 6 décembre 2022.

– Sur l’exception de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt sur appel du jugement du 7 mars 2024 du tribunal de commerce de Marseille,

Selon les dispositions de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l’instance jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

En l’espèce, l’exception de sursis à statuer est recevable dès lors que sa cause, constituée par le prononcé du jugement du 7 mars 2024 et l’appel formé à son encontre, est postérieure à l’expiration du délai imparti à monsieur [K] [H] pour déposer ses conclusions d’intimé. De plus, la saisine du Premier Président aux fins de suspension de l’exécution provisoire, dont l’intérêt pose question en l’état du débouté des demandes de monsieur [K] [H], n’est pas une condition de recevabilité de l’exception de sursis à statuer devant le juge de l’exécution.

Monsieur [K] [H] a saisi le juge de l’exécution de Marseille d’une demande de saisie conservatoire des droits d’associé des hoirs [H] avec lesquels il est en conflit depuis plusieurs années, aux fins de garantie de paiement d’une créance évaluée à 4 500 000 € et a fait délivrer la saisie précitée. Cependant, il a été débouté de l’intégralité de ses demandes par un jugement récent du 7 mars 2024 du tribunal de commerce de Marseille revêtu de l’exécution provisoire. Il a donc pris des mesures conservatoires à ses risques et périls dans l’attente de la décision du juge du fond et il n’appartient pas au juge de l’exécution d’apprécier la pertinence des moyens invoqués de nullité et d’infirmation du jugement du 7 mars 2024 à l’appui de son appel, lequel n’a pas fait l’objet d’une fixation à plaider à ce jour.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir sur l’appel formé contre le jugement du 7 mars 2024.

– Sur la demande principale de mainlevée de la saisie conservatoire de droits d’associé,

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

En l’espèce, la cour, saisie d’une contestation de saisie conservatoire, doit tenir compte de l’évolution du litige et examiner l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe au jour où elle statue. Or, il résulte du jugement du 7 mars 2024 que le tribunal de commerce de Marseille, saisie de l’action au fond exercée par monsieur [K] [H] pour obtenir un titre exécutoire, a notamment débouté ce dernier de toutes ses demandes et a dit son jugement de plein droit exécutoire à titre provisoire. Si ce jugement a fait l’objet d’un appel, ce dernier n’a pas d’effet suspensif, de sorte que le juge du fond a, aux termes d’une décision motivée, débouté monsieur [K] [H] de ses demandes de condamnation des hoirs [H] à lui payer notamment les sommes respectives de 1 492 569 € et 2 960 239 €.

Ainsi, l’existence d’un principe de créance n’est plus établie dès lors que le jugement du 7 mars 2024 écarte le bienfondé de la créance alléguée par monsieur [K] [H].

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et la mainlevée des saisies conservatoires de droits d’associé du 14 décembre 2022 sera ordonnée.

– Sur la demande de dommages et intérêts,

L’article L 512-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

L’article L 232-12 alinéa 1 du code de commerce dispose qu’après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.

En l’espèce, les appelants fondent leur demande de dommages et intérêts sur le défaut de distribution des dividendes consécutifs aux exercices clôturées par l’assemblée générale du 29 mars 2024 au motif de la saisie conservatoire du 14 décembre 2022 et sur le refus de donner mainlevée amiable suite au jugement du 7 mars 2024.

Or, les deux assemblées générales du 29 mars 2024 de la société Tradimplex ont voté contre la résolution d’approbation des comptes clos au 30 septembre 2022 et au 30 septembre 2023 de sorte qu’aucune distribution de dividendes ne pouvait, conformément à l’article L 232-12 précité, être opérée. Ainsi, les appelants n’établissent pas le lien de causalité entre la saisie conservatoire contestée et le défaut de distribution de dividendes. Leur demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

– Sur les demandes accessoires,

L’équité commande d’allouer aux appelants une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K] [H], partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable l’appel principal de, madame [R] [N] veuve [H], monsieur [G] [H], madame [A] [H],

DÉCLARE irrecevable l’appel incident de monsieur [K] [H],

DIT n’y avoir lieu à rejet des débats des conclusions des appelants notifiées les 15 janvier 2024, 1er juillet 2024 et 26 août 2024,

DIT n’y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt sur l’appel formé à l’égard du jugement du 7 mars 2024,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a validé la saisie conservatoire du 14 décembre 2022 des droits d’associé, de madame [R] [N] veuve [H], monsieur [G] [H], madame [A] [H],

STATUANT à nouveau,

ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire du 14 décembre 2022 des droits d’associé de madame [R] [N] veuve [H], monsieur [G] [H], madame [A] [H],

CONDAMNE monsieur [K] [H] à payer à, madame [R] [N] veuve [H], monsieur [G] [H], madame [A] [H], ensemble, une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [K] [H] aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de maître Romain Cherfils, membre de la Selarl LX Aix en Provence, avocats.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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