Conflit entre propriétaires et entrepreneurs : enjeux de responsabilité et de paiement dans un projet de construction.

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Conflit entre propriétaires et entrepreneurs : enjeux de responsabilité et de paiement dans un projet de construction.

Les époux [D] possédaient une parcelle de terre avec deux maisons et ont engagé la SAS BFC Bâtiment pour une extension. Deux devis ont été acceptés, et les travaux ont commencé en mai 2022. En avril 2023, la SAS a réclamé un paiement de 21 121,22 euros pour des travaux de toiture. Les époux [D] ont signalé des malfaçons et ont fait établir un constat et un rapport d’expert, ce dernier évaluant les réparations à 57 698 euros. En février 2024, le juge des référés a ordonné une expertise et a condamné les époux [D] à payer la somme de 21 849,97 euros à la SAS, ainsi qu’une indemnité de 2 000 euros. Les époux [D] ont interjeté appel, demandant des indemnités pour préjudice de jouissance et des frais d’expertise. La SAS BFC Bâtiment a également demandé la confirmation de l’ordonnance initiale. La cour a confirmé l’ordonnance sauf pour la condamnation des époux [D] à payer la somme de 21 849,97 euros, a débouté les demandes provisionnelles des deux parties et a condamné la SAS aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
24/01515
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 24/01515 – N° Portalis DBVK-V-B7I-QFQ2

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 28 FEVRIER 2024

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PERPIGNAN

N° RG 23/00468

APPELANTS :

Monsieur [H] [D]

né le 02 Janvier 1982 à [Localité 6] (ROUMANIE)

de nationalité Roumaine

[Adresse 1]

[Localité 4]

et

Madame [K] [M] épouse [D]

née le 19 Décembre 1981 à [Localité 5] (14)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. BFC BATIMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Septembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 septembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Les époux [D] sont propriétaires d’une parcelle de terre située au [Adresse 1], parcelle sur laquelle sont implantées deux maisons d’habitations. Ils ont fait appel à la SAS BFC Bâtiment afin de réaliser une extension pour relier les deux habitations. Deux devis, pour des montants respectifs de 61 320 euros et 24 007,01 euros, ont été établis et acceptés par les époux [D]. Les travaux ont débuté en mai 2022.

Le 11 avril 2023, la SAS BFC Bâtiment a fait délivrer aux époux [D] une sommation de payer la somme de 21 121,22 euros au titre d’une facture concernant la toiture/charpente.

Se plaignant de désordres, malfaçons et non-façons, les époux [D] ont fait établir le 13 juin 2023 un procès-verbal de constat des travaux par un commissaire de justice. Parallèlement, un expert en bâtiment a rendu un rapport le 9 mai 2023 faisant état de désordres et estimant le coût des réparations à la somme de 57 698 euros.

Sur assignation des époux [D], par ordonnance de référé du 28 février 2024, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Perpignan a notamment :

– ordonné une mesure d’expertise et désigné [T] [R] en qualité d’expert avec la mission de :

‘convoquer les parties et recueillir leurs explications,

‘prendre connaissance des documents de la cause,

‘visiter l’immeuble [Adresse 1], vérifier si les désordres allégués existent, dans ce cas, les décrire et en indiquer la nature et la cause,

‘préciser si les désordres sont imputables à une erreur de conception, vice de la construction ou des matériaux, une malfaçon dans la mise en ‘uvre, une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou quelque autre cause en précisant dans quelle proportion chacun des facteurs examinés a pu contribuer à réaliser le dommage,

‘préciser l’intervenant auquel les dommages sont imputables,

‘préciser s’ils affectent l’un des éléments constitutifs de l’ouvrage pour l’un de ses équipements,

‘préciser si ces désordres constituent une simple défectuosité, des malfaçons ou des vices graves en précisant s’ils sont susceptibles de compromettre la solidité de l’immeuble ou de le rendre impropre à sa destination,

‘indiquer les travaux propres à remédier à ces désordres et à leurs conséquences dommageables et en évaluer le coût,

‘fournir tous éléments permettant d’apprécier le cas échéant les responsabilités encourues et les préjudices subis,

‘s’expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission sur les dires et observations des parties qu’il aura recueillis après avoir indiqué à quel point il en est arrivé dans ses investigations,

‘en cas d’urgence reconnue par l’expert, autoriser la partie demanderesse à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra les travaux qu’il estimera indispensables, sous la direction d’un maître d »uvre choisi par elle, par des entreprises qualifiées de son choix,

‘établir un pré-rapport qui autorisera les dernières observations des parties dans le délai de 20 jours à compter de leur réception avant la rédaction du rapport définitif,

– rejeté les demandes provisionnelles en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et ad litem formées par les époux [D] ;

– condamné les époux [D] à payer à la SAS BFC Bâtiment la somme de 21 849,97 euros correspondant à la facture exigible pour les travaux réalisés sur la toiture et la charpente ;

– condamné les époux [D] à payer à la SAS BFC Bâtiment la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné les époux [D] aux dépens.

Par acte du 18 mars 2024, les époux [D] ont régulièrement interjeté appel de cette ordonnance.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 20 août 2024, les époux [D] sollicitent la réformation de l’ordonnance et demandent à la cour de :

– condamner la société BFC Bâtiment à leur payer une indemnité provisionnelle au titre du préjudice de jouissance déjà éprouvé, sur la base d’une indemnité mensuelle de 800 euros depuis le mois de septembre 2022 (date de la dernière présence de l’entreprise sur le chantier), soit à la date de l’audience fixée à bref délai, 24 mois correspondant à un montant de 19 200 euros ;

– condamner la société BFC Bâtiment à leur payer une indemnité provisionnelle « ad litem » compensant les frais d’expertise exposés, d’un montant de 10 000 euros, subsidiairement du montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert judiciaire ordonnée soit au jour de la rédaction des présentes, 4 000 euros ;

– débouter la société BFC Bâtiment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;

– condamner la société « BFC Bâtiment » à leur payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société « BFC Bâtiment » aux entiers dépens d’instance.

Par ses conclusions enregistrées au greffe le 5 septembre 2024, la SAS BFC Bâtiment sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes provisionnelles en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et ad litem, et condamné les époux [D] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 21 849,97 euros. Elle demande à la cour de :

– débouter les époux [D] de toutes demandes provisionnelles, fins et conclusions,

– condamner les époux [D] à lui régler la somme de 20 000 euros au titre de l’indemnité provisionnelle à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice,

– condamner les époux [D] à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 06 septembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et à la décision déférée.

MOTIFS

Sur les demandes provisionnelles et ad litem des époux [D]

Le juge des référés a estimé qu’un débat au fond était nécessaire aux fins de déterminer les responsabilités et les possibilités de les engager. Il a de plus relevé, s’agissant de la demande de provision ad litem, que l’abandon de chantier était contesté par la société BFC.

Les époux [D] font valoir qu’ils subissent un préjudice de jouissance important lié à l’absence d’eau courante dans leur logement depuis le mois de mai 2022, et ce pour une durée encore indéterminée, et à l’inachèvement des travaux du fait des désordres les affectant, la partie neuve de leur logement ne pouvant être utilisée en l’état des désordres. Ils ajoutent ne jamais avoir empêché la société BFC d’accéder aux lieux. S’agissant de la demande de provision ad litem, ils soulignent avoir dû engager des frais d’expertise importants.

Pour la SAS FC Bâtiment au contraire, la preuve concrète d’un préjudice de jouissance n’est pas rapportée, pas plus que celle de l’imputabilité à elle-même de l’absence d’eau potable, d’autant que les travaux pour lesquels elle a été mandatée ne requéraient pas de couper l’eau. S’agissant de la provision ad litem, elle souligne que ce sont les époux [D] qui ont décidé d’arrêter les travaux en refusant l’accès au chantier et en ne réglant pas les factures.

La question de l’imputabilité du préjudice de jouissance à la SAS FC Bâtiment suppose une appréciation tant de la responsabilité de la SAS FC Bâtiment dans les désordres allégués que du lien de causalité entre cette éventuelle responsabilité et le préjudice de jouissance subi. Elle nécessite par conséquent un examen du dossier au fond, qui ne pourra s’effectuer que lors de l’éventuelle procédure post expertise judiciaire.

Il en est de même de l’appréciation d’une éventuelle provision ad litem, qui implique en l’espèce notamment que la question de l’imputabilité de l’arrêt du chantier, qui relève des juges du fond, soit au préalable tranchée.

Dans ces conditions, la décision déférée sera confirmée.

Sur les demandes provisionnelles de la SAS BFC Bâtiment

Au titre de la facture correspondant au lot « charpente/toiture »

Le juge des référés a estimé l’obligation des époux [D] de payer la facture de la SAS BFC Bâtiment correspondant à la réalisation du lot « charpente/toiture », pour un montant de 21 849,97 euros, non sérieusement contestable en l’absence de désordres ou de malfaçons allégués concernant ce lot.

Les époux [D] considèrent pour leur part être fondés, en raison d’une mauvaise exécution par l’entrepreneur de ses obligations, à demander une compensation sur le fondement de l’article 1289 du code civil, eu égard au coût des travaux nécessaires à la réparation des désordres. Ils soulignent que la SAS BFC est tenue à une obligation de résultat dans le cadre de l’exécution du marché de travaux qui lui a été confié et que les ouvrages exécutés sont affectés de nombreux désordres, malfaçons, non-conformités et non-façons. Ils ajoutent que la SAS BFC bâtiment a réalisé des travaux sans couverture d’une assurance décennale sur le lot démolition et charpente.

La SAS BFC Bâtiment souligne quant à elle l’absence de différend entre les parties s’agissant de la réalisation du lot « charpente-toiture ». Elle soutient que les époux [D] ont unilatéralement et sans justification mis un terme au contrat en empêchant tout accès au chantier par l’entreprise et que cette attitude est fautive.

La question de l’existence d’une assurance décennale relève du fond, étant toutefois observé que les travaux n’ont à ce stade pas fait l’objet d’une réception.

S’agissant des malfaçons, non-façons et désordres allégués, si les critiques des époux [D] ne concernent pas expressément le lot « charpente/toiture », pour autant les travaux effectués par la SAS BFC Bâtiment s’inscrivent dans une opération de construction globale.

Dans ce contexte, et sans même tenir compte de l’inachèvement des travaux, dont il importera au fond de déterminer s’il est dû à un abandon de chantier par l’entreprise ou un refus des maîtres d’ouvrage de permettre à l’entreprise d’accéder au chantier, eu égard aux malfaçons, non-façons et désordres mis en exergue dans le rapport d’expertise amiable et ayant justifié l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, les époux [D] se trouvent fondés à refuser en l’état le paiement de la facture litigieuse, eu égard à la contestation sérieuse de leur obligation résultant de la compensation à venir à l’issue du compte devant intervenir entre les parties à la suite des opérations d’expertise judiciaire.

Dans ces conditions, l’ordonnance querellée sera infirmée et la SAS BFC Bâtiment sera déboutée de sa demande provisionnelle.

Au titre de la résistance abusive

La SAS BFC Bâtiment étant déboutée de sa demande de provision s’agissant de la facture « charpente/toiture », il ne peut être utilement soutenu que le défaut de paiement de ladite facture par les époux [D] relèverait d’une résistance abusive.

Dans ces conditions, la SAS BFC Bâtiment sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à l’issue du litige, le jugement sera confirmé.

Chacune des parties succombant en partie en ses prétentions en cause d’appel, les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appel principal étant en partie fondé, la SAS BFC Bâtiment sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance rendue le 28 février 2024 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Perpignan sauf en ce qu’elle a condamné les époux [D] à payer à la SAS BFC Bâtiment la somme de 21 849,97 euros ;

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute la SAS BFC Bâtiment de ses demandes provisionnelles ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS BFC Bâtiment aux dépens d’appel.

le greffier le président


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