Conflit relatif à la qualité d’action en matière de désordres immobiliers et à l’intérêt légitime des parties impliquées

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Conflit relatif à la qualité d’action en matière de désordres immobiliers et à l’intérêt légitime des parties impliquées

La SCCV les Terrasses Occitanes a construit un ensemble immobilier, les Jardins d’Emilie, comprenant 11 logements, avec la maîtrise d’œuvre confiée à la Selarl Agence Martinie. Une assurance dommage-ouvrage a été souscrite auprès de SMABTP, qui est également l’assureur responsabilité décennale du constructeur non réalisateur. Le lot n°13, relatif aux sols durs et faïence, a été attribué à la société Euroceram, qui a été placée en liquidation judiciaire en octobre 2019. La réception des travaux a eu lieu le 4 novembre 2019. En 2020, des locataires ont signalé des problèmes de porosité du carrelage dans la villa n°4. En février 2021, la SCCV a déclaré un sinistre à l’assureur, qui a refusé sa garantie en mars 2021, considérant le désordre comme purement esthétique. En octobre 2022, la SCCV a assigné plusieurs parties, dont Axa France Iard et SMABTP, pour ordonner une expertise sur les désordres du carrelage. Le juge des référés a rejeté la demande d’expertise en février 2023, estimant que la SCCV n’avait plus d’intérêt à agir. La SCCV a interjeté appel de cette décision. Les parties ont formulé diverses prétentions, notamment la confirmation de l’ordonnance initiale et la condamnation de la SCCV aux dépens. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure, et la SCCV a été condamnée à verser des sommes à plusieurs parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
23/01305
17/10/2024

ARRÊT N°394/2024

N° RG 23/01305 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PL2Z

I.MM/KM

Décision déférée du 22 Février 2023

Président du TJ de TOULOUSE

( 22/01865)

C.LOUIS

Société SCCV LES TERRASSES OCCITANES

C/

[M] [R]

[C] [F]

S.A. AXA FRANCE IARD

S.E.L.A.R.L. MR3A

Société SMABTP

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

*

ARRÊT DU DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANTE

Société SCCV LES TERRASSES OCCITANES RCS TOULOUSE : 818 864 969 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-agnès TROUVÉ de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [M] [R]

[Adresse 6]

[Localité 4]

assignée le 11/05/2023 à étude, sans avocat constitué

Monsieur [C] [F]

[Adresse 6]

[Localité 4]

assigné le 11/05/2023 à étude, sans avocat constitué

S.A. AXA FRANCE IARD Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. MR3A immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 334 271 475, pris e en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie ATTAL de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE

Société SMABTP Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Benoît CHEVREL-BARBIER de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

E. VET, conseiller

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

Greffière, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– PAR DEFAUT

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par I. ANGER, greffière de chambre

Exposé du litige

La SCCV les Terrasses Occitanes a fait procéder à la construction d’un ensemble immobilier dénommé les Jardins d’Emilie, comprenant 11 logements, situé [Adresse 2] à [Localité 4].

La Selarl Agence Martinie, aujourd’hui dénommée Selarl MR3A, s’est vue confier la maîtrise d’oeuvre de l’opération.

Une assurance dommage-ouvrage a été souscrite auprès de la société d’assurance SMABTP qui est également l’assureur responsabilité décennale du constructeur non réalisateur.

Le lot n°13 « Sols durs – Faïence » a été confié à la société Euroceram assurée auprès de la SA Axa France Iard, suivant marché en date du 15 mars 2018 pour un montant de 52.216,05 € TTC.

Par jugement du 31 octobre 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la liquidation judiciaire de la société Eurocéram.

La réception des travaux est intervenue le 4 novembre 2019.

Courant 2020, M. [C] [F] et Madame [M] [R], alors locataires de la villa n°4 ont dénoncé une porosité anormale du carrelage qui s’encrasse et devient impossible à nettoyer.

Par courrier en date du 9 février 2021, reçu le 10 février 2021, la SCCV les Terrasses Occitanes a adressé à l’assureur dommage-ouvrage une déclaration de sinistre concernant notamment la porosité du carrelage au sol de la villa n° 4.

Par acte du 23 mars 2021, M.[F] et Madame [R] ont acquis la villa n°4 dans le cadre d’un dispositif de location accession.

Sur la base du rapport de son expert, la SMABTP a, par courrier en date du 30 mars 2021, dénié sa garantie en estimant que le désordre, purement esthétique, ne présentait pas les caractéristiques d’un désordre décennal.

Par actes en date des 5,6 et 7 octobre 2022, la Sccv les Terrasses Occitanes a fait assigner la SA Axa France Iard, la Selarl MR3A, la SMABTP, M. [C] [F] et Mme [M] [R] devant le juge des référés du tribunal judiciaire Toulouse afin de voir ordonner une expertise portant sur les désordres affectant le carrelage de la villa N°4.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 22 février 2023, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, des articles 263 et suivants du Code de procédure civile, le juge des référés, après avoir constaté que la SCCV n’était plus propriétaire de l’immeuble et ne justifiait donc pas d’un intérêt à l’action, a :

– dit n’y avoir lieu à référé expertise,

– condamné la SCCV Les Terrasses Occitanes à verser à la SMABTP la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la SCCV Les Terrasses Occitanes aux dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 11 avril 2023, la SCCV Les Terrasses Occitanes a relevé appel de la décision dont elle critique l’ensemble des dispositions.

Prétentions des parties

Vu les conclusions notifiées le 20 juillet 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sccv les Terrasses Occitanes demandant à la cour, au visa de l’articIe 145 du Code de procédure civile, de :

– réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 22 février 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

et statuant à nouveau,

– désigner tel expert qu’il plaira avec mission de :

* prendre connaissance des conventions intervenues entre parties,

* visiter en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées et leurs conseils avisés, l’immeuble situe [Adresse 6] a [Localité 4],

* le décrire et entendre tout sachant,

* dire si l’immeuble litigieux présente les désordres précisément invoqués dans le présent exploit, ainsi que dans les pièces versées aux débats et, de façon plus générale, dans les documents versés à la présente procédure à l’exclusion de tout autre non défini,

* dans l’affirmative, en indiquer la nature, l’étendue et les causes,

* dire si ces désordres affectent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à l’usage auquel il est destiné,

* donner son avis, au vu des devis remis par les parties, sur les travaux nécessaires à mettre un terme aux désordres,

* dire si après l’exécution de ces éventuels travaux de remise en état l’immeuble restera affecté d’une moins-value et donner dans ce cas son avis sur son importance,

* donner tous les éléments pour proposer l’évaluation des préjudices matériels et immatériels subis du fait des désordres et malfaçons constatés, et de l’exécution des réparations,

* répondre conformément aux dispositions de l’article 276 du Code de procédure civile à tout dire ou observation des parties,

* plus généralement, donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Vu les conclusions notifiées le 5 juillet 2023 auxquelles il est fait référence pour l’exposé des prétentions de la SA Axa France Iard demandant à la cour, au visa des articles 145 et 491 du Code de procédure civile, de :

S ‘il est jugé que la SCCV Les Terrasses Occitanes dispose de la qualité à agir,

– ordonner l’expertise sollicitée aux frais avancés de la partie demanderesse, au contradictoire de l’ensemble des parties défenderesses, dont la SA Axa France, sous les plus expresses réserves de garantie,

– laisser les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Vu les conclusions notifiées le 4 mai 2023 auxquelles il est fait référence pour l’exposé des prétentions de la SMABTP demandant à la cour, au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, des articles L. 242-1 et l’Annexe II à l’article A. 243-1 du Code des assurances, de :

à titre principal,

– confirmer l’ordonnance du juge des référés du 22 février 2023 dans toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

– dire n’y avoir lieu à référés contre la SMABTP en qualité d’assureur dommage-ouvrage,

– mettre la SMABTP hors de cause,

– condamner la SCCV Les Terrasses Occitanes à régler à la SMABTP la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 3 juillet 2023 auxquelles il est fait référence pour l’examen des prétentions de la Selarl MR3A demandant à la cour, au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, de :

– rejeter l’appel et les demandes présentées par la SCCV Les Terrasses Occitanes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

– confirmer cette ordonnance en ce que le juge des référés a rejeté la demande d’expertise judiciaire et condamnée la SCCV aux entiers dépens de l’instance,

– subsidiairement,

– accueillir les réserves d’usage de la Selarl MR3A sur la demande d’expertise revendiquée et accueillir la demande reconventionnelle de la Selarl MR3A d’interruption de prescription à l’égard de SA Axa France Iard, et de la Sccv Les Terrasses Occitanes,

– condamner la Sccv Les Terrasses Occitanes aux entiers dépens de l’instance.

Mme [M] [R], à laquelle la déclaration d’appel a été dénoncée par acte signifié en l’étude du commissaire de justice n’a pas constitué avocat.

M. [C] [F] auquel la déclaration d’appel a été dénoncée par acte signifié en l’étude du commissaire de justice n’a pas constitué avocat.

L’affaire, initialement prévue à l’audience du 22 janvier 2024, a été renvoyée à l’audience du 26 juin 2024.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2024.

Motifs

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La société MR3A conteste l’intérêt de la Sccv à agir en référé en raison des désordres affectant l’immeuble en relevant qu’elle n’en est plus propriétaire.

La SMABTP soutient pour sa part qu’elle ne peut être appelée dans la cause en sa qualité d’assureur dommage-ouvrage que par le propriétaire de l’immeuble.

Sans contester qu’elle n’est plus propriétaire de l’immeuble, la Sccv les terrasses occitanes estime qu’elle conserve un intérêt à la désignation d’un expert dans la mesure ou l’acte par lequel elle a cédé la villa litigieuse aux consorts [F]-[R] contient une clause de garantie de rachat. Elle précise que la SMABTP a été appelée dans la cause en sa qualité d’assureur responsabilité décennale et non d’assureur dommage-ouvrage.

Lorsque l’immeuble est cédé, les actions en garantie contre les constructeurs et leur assureur comme l’action contre l’assureur dommage- ouvrage sont transmises à l’acquéreur et n’appartiennent plus au maître de l’ouvrage, propriétaire initial.

L’assurance dommage-ouvrage étant une assurance de chose liée à la propriété de l’ouvrage, le maître de l’ouvrage n’a plus qualité pour agir contre l’assureur dommage-ouvrage.

Les actions en garantie contre le constructeur étant également transmises à l’acquéreur, le maître de l’ouvrage ne peut donc agir contre les constructeurs ou leur assureur qu’à charge de justifier d’un intérêt personnel, direct et certain. ( cf 3e Civ., 9 février 2010, pourvoi n° 08-18.970)

Certes, l’acte du 23 mars 2021 par lequel M. [C] [F] et Madame [M] [R] ont acquis la villa litigieuse dans le cadre d’un dispositif de location accession contient une clause par laquelle la venderesse s’engage à racheter l’immeuble aux acquéreurs justifiant de la survenance d’un événement particulier ; séparation, chômage, invalidité, etc, dans le délai de 10 ans.

Néanmoins, rien ne démontre que ces circonstances se sont produites ou se produiront dans le délai prévu au contrat de sorte que le rachat du bien par la venderesse demeure à ce jour hypothétique.

La SCCV ne justifie par conséquent d’aucun intérêt personnel, direct et certain à l’action engagée devant le juge des référés.

C’est de façon inopérante qu’elle indique que les acquéreurs l’ont sollicité pour qu’elle agisse en référé afin d’obtenir le bénéfice d’une mesure d’expertise puisque ces deniers, désormais propriétaires de l’immeuble ont à la fois qualité et intérêt à l’action qu’il leur appartient par conséquent d’engager pour la défense de leurs droits.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Partie perdante, la SCCV supportera les dépens d’appel.

Elle devra indemniser la Selarl MR3A, la SMABTP et la société Axa des frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’exposer pour les besoins de leur défense en cause d’appel.

Par ces motifs

Confirme l’ordonnance déférée,

Condamne la SCCV les Terrasses Occitanes aux dépens d’appel

Condamne la SCCV les Terrasses Occitanes à payer à la Selarl MR3A la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCCV les Terrasses Occitanes à payer à la SMABTP la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCCV les Terrasses Occitanes à payer à la Société AXA France IARD la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I.ANGER M.DEFIX


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