Conflit de garanties et contestation de cautionnement : enjeux et conséquences

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Conflit de garanties et contestation de cautionnement : enjeux et conséquences

La Société Centrale de Banque a accordé un prêt de 5 millions de francs à la société GSA, garanti par des cautions et un nantissement d’actions. La société ASA, bénéficiaire du prêt, a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation, entraînant des actions judiciaires de M. et Mme [B] contre la banque pour annuler la cession et obtenir des réparations. Les tribunaux ont successivement rejeté leurs demandes, confirmant la créance de la banque. Après plusieurs recours, la Cour de cassation a annulé certaines décisions, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel. M. et Mme [B] ont continué à contester la créance et le contrat de cautionnement, tandis que la Société Générale a maintenu ses demandes. Les jugements ont confirmé la créance de la banque et rejeté les demandes de M. et Mme [B], qui ont été condamnés aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/08074
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 OCTOBRE 2024

N° RG 23/08074 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WHBO

AFFAIRE :

[W] [B]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 05 Octobre 2023 par la Cour de Cassation de Paris

N° RG : 21-22.151

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 17.10.2024

à :

Me Pierre-antoine CALS, avocat au barreau de VERSAILLES (719)

Me Frédérique LEPOUTRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE (709)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (2ème civile) du 05 octobre 2023 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la 16ème chambre de la cour d’appel de Versailles le 04 mars 2021

Monsieur [W] [B]

né le [Date naissance 5] 1941 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7] / FRANCE

Madame [E] [R] épouse [B]

née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7] / FRANCE

assistée de Me Pierre-antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719

Plaidant : Me Anthony BEM, du barreau de Paris

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. SOCIETE GENERALE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B 5 521 202 22

[Adresse 4]

[Localité 6]

assistée de Me Frédérique LEPOUTRE de la SCP SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D’AVOCATS LEPOUTRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 709 – N° du dossier 164031

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Septembre 2024, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI ;

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 12 juillet 1994, la Société Centrale de Banque a consenti au profit de la société GSA représentée par M. [W] [B] un prêt d’un montant de 5 000 0000 frs soit 762 245,09 euros, destiné à financer l’acquisition par la société GSA d’actions détenues par M. et Mme [L] dans la société ASA, ce prêt étant garanti par :

– la caution solidaire de M. [W] [B] et Mme [E] [B], avec affectation hypothécaire du bien immobilier leur appartenant sis [Adresse 1],

– le nantissement des actions de la société ASA,

– la garantie personnelle de M. [X] [J] à hauteur de 2 000 000 frs.

Le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 5 mars 1997, a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société ASA. Puis par jugement en date du 28 mai 1997, la société ASA a fait l’objet d’une liquidation judiciaire étendue à la société GSA par jugement du 20 août 1997.

Le 26 février 1997, M. et Mme [B] et la société GSA ont initié une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour voir prononcer l’annulation de la cession pour dol, formant des demandes à l’encontre de la Société Centrale de Banque sur le terrain de la responsabilité pour manquement au devoir de conseil et sollicitant la résolution du contrat de prêt et l’annulation des garanties dont le cautionnement.

Par jugement du 30 novembre 1998, le tribunal de commerce de Bordeaux a débouté M. et Mme [B] de leur demande de résolution du contrat de crédit.

Par arrêt du 6 février 2002, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement de première instance.

La Cour de cassation a rendu le 26 novembre 2003, un arrêt de non-admission du pourvoi formé par M. et Mme [B].

Sur assignation en révision d’arrêt, la cour d’appel de Bordeaux a, par arrêt en date du 30 septembre 2013, rejeté les demandes d’annulation ou de résolution du contrat de prêt, et de mainlevée de l’hypothèque bénéficiant à la Société Centrale de Banque.

Par arrêt du 18 février 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. et Mme [B] à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux.

La Société Générale, venant aux droits de la SCB a délivré un commandement de payer le 29 juillet 2016 à M. et Mme [B].

Par acte d’huissier de justice délivré le 18 novembre 2016, la Société Générale a fait assigner M. et Mme [B] devant le juge de l’exécution aux fins d’obtenir principalement :

– la vente forcée des biens et droits saisis,

– la fixation de la créance à la somme de 1 019 889,61 euros, arrêtée au 18 juillet 2016,

– la désignation de la scp Benzaken pour procéder aux visites sur une durée de deux fois une heure, et dire que la publicité de droit commun sera augmentée d’un avis dans le journal Le Figaro et d’une publicité sur le site Licitor.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 21 décembre 2017, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a :

– rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de la créance servant de fondement aux poursuites,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Société Générale à l’encontre de M. et Mme [B],

– constaté que la créance de la Société Générale s’élève à la somme de 729 516,80 euros,

– autorisé M. et Mme [B] à procéder à la vente amiable pour un prix minima de 500 000 euros, des biens et droits saisis leur appartenant,

– taxé les frais de poursuite qui devront être versés par l’acquéreur en sus du prix de vente à la somme de 2 466 euros,

– constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière,

– dit que le créancier poursuivant sera tenu de remettre contre récépissé au notaire chargé d’établir l’acte de vente, les documents recueillis pour l’élaboration du cahier des conditions de vente,

– rappelé que le prix de vente devra être consigné entre les mains de la caisse des dépôts et consignations,

– fixé la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée au jeudi 17 mai 2018 à 14h30, en salle b, au rez-de-chaussée de l’annexe,

– rappelé que le débiteur doit être tenu de rendre compte au créancier poursuivant sur sa demande des diligences accomplies et qu’à défaut le créancier poursuivant peut à tout moment saisir le tribunal pour voir constater la carence du débiteur et ordonner la reprise de la procédure sur vente forcée,

– condamné M. et Mme [B] aux dépens de l’instance non compris dans les frais taxés.

Par déclaration reçue au greffe le 11 janvier 2018, M. et Mme [B] ont interjeté appel du jugement.

Par arrêt contradictoire rendu le 8 novembre 2018, la cour d’appel de Versailles a :

– confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

– condamné in solidum M. et Mme [B] à payer à la Société Générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit les dépens seront pris en frais privilégiés de vente.

Un pourvoi en cassation a été formé par M. et Mme [B] contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d’appel de Versailles.

Par arrêt rendu le 1er juillet 2020, la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, sauf en ce qu’il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance servant de fondement aux poursuites, et prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Société Générale, l’arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles,

– remis, sauf en ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,

– condamné la Société Générale aux dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la Société Générale et l’a condamnée à payer à M. et Mme [B] la somme globale de 3 000 euros.

Par arrêt contradictoire rendu le 4 mars 2021, la cour d’appel de Versailles, désignée comme cour de renvoi par la Cour de cassation, a :

– rejeté la demande de sursis à statuer de M. et Mme [B],

– déclaré irrecevables les autres demandes de M. et Mme [B],

– condamné M. et Mme [B] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. et Mme [B] aux entiers dépens.

Un pourvoi en cassation a été formé par M. et Mme [B] contre l’arrêt rendu le 4 mars 2021 par la Cour d’appel de Versailles.

Par arrêt rendu le 5 octobre 2023, la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a déclaré M. et Mme [B] irrecevables en leur contestation aux fins d’annulation et de décharge du contrat de cautionnement servant de fondement aux poursuites de saisie immobilière, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles,

– remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,

– condamné la Société Générale aux dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la Société Générale et l’a condamnée à payer à M. et Mme [B] la somme globale de 3 000 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 1er décembre 2023, M. et Mme [B] ont saisi la cour de renvoi.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 31 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [B] demandent à la cour, au visa des articles 1271 et 1382 du code de procédure civile, de :

‘- infirmer les décisions déférées en ce qu’elles ont :

– constaté que la créance de la Société Générale s’élève à la somme de 729 516,80 euros.

– déclaré irrecevables toutes les autres demandes de M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B].

– déclaré M. et Mme [B] irrecevables en leur contestation aux fins d’annulation et de décharge du contrat de cautionnement servant de fondement aux poursuites de saisie immobilière.

– condamné M. et Mme [B] à payer à la Société Générale, la somme de 3 000 euros d’article 700 outre les entiers dépens.

et statuant à nouveau :

– déclarer Mme [E] [B] et M. [W] [B] recevables en leur appel et leur demande de caducité de leur cautionnement ;

– juger qu’il y a eu novation du contrat de prêt du 12 juillet 1994 et absence de réitération du cautionnement de Mme [E] [B] et M. [W] [B] ;

– prononcer la caducité de l’engagement de caution conclu par Mme [E] [B] et M. [W] [B], le 12 juillet 1994 ;

– juger que la Société Générale a commis une faute en poursuivant la saisie immobilière des biens des époux [B] sur le fondement d’un acte entaché de caducité ;

– condamner la Société Générale à rembourser aux époux [B] la somme de 392 000 euros correspondant aux prix de vente des biens perçu par la Société Générale sans titre ;

– condamner la Société Générale à verser à Mme [E] [B] et M. [W] [B] la somme de 225 125 euros en raison de la vente à prix moindre de la résidence principale des époux [B] ;

– condamner la Société Générale à verser à Mme [E] [B] et M. [W] [B] la somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

– condamner la Société Générale à verser à Mme [E] [B] et M. [W] [B] la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la Société Générale aux entiers dépens. ‘

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Société Générale demande à la cour, au visa des articles 1271 et 1382 du code civil, de :

‘à titre principal,

– confirmer les décisions déférées en ce qu’elles ont :

– constaté que la créance de la Société Générale s’élève à la somme de 729 516,80 euros

– déclaré irrecevables toutes les autre demandes de M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B],

– déclaré M. et Mme [B] irrecevables en leur contestation aux fins d’annulation et de décharge du contrat de cautionnement servant de fondement aux poursuites de saisie immobilière.

– condamné M. et Mme [B] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros d’article 700 outre aux entiers dépens.

à titre subsidiaire,

– constater que la créance de la Société Générale s’élève à la somme de 729 516,80 euros,

– déclarer M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B] mal fondés leur en demande de caducité du cautionnement en date du 12 juillet 1994 en l’absence de novation opposable,

– déclarer M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B] mal fondés en leur en demande de condamnation de la Société Générale pour faute dans les poursuites de saisie immobilière,

en conséquence,

– déclarer M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B] mal fondés leur en demande de condamnation de la Société Générale à leur payer la somme de 225 125 euros à titre de dommages et intérêts pour vente à moindre prix de leur résidence principale,

– déclarer M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B] mal fondés leur en demande de condamnation de la Société Générale à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral,

très subsidiairement,

– juger que la faute de la Société Générale a causé un préjudice matériel à hauteur de la somme de 392 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2020 jusqu’au règlement de la somme précitée à M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B].

– réduire le montant du préjudice moral réclamée par M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B].

en tout état de cause,

– rejeter les demandes de condamnation à paiement d’article 700 du code de procédure civile et aux dépens formées par M. [W] [B] et Mme [E] [R] épouse [B].

– condamner Mme [E] [B] et M. [W] [B] à payer à la Société Générale la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Lepoutre, avocat associé de la SCP BLST, par application de l’article 699 du code de procédure civile.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caducité du cautionnement et l’octroi de dommages et intérêts

M. et Mme [B] affirment que leur cautionnement doit être déclaré caduc pour défaut de réitération, en présence d’une novation du contrat de prêt du 12 juillet 1994.

Ils précisent en effet que :

– par acte notarié du 12 juillet 1994, la société GSA et la Société Centrale de Banque ont conclu un contrat de prêt qui prévoyait en son article 12 ter, outre le cautionnement solidaire et hypothécaire des époux [B] : ‘Le présent crédit est garanti par :

– acte séparé par délégation d’assurance DIT 100% sur la tête de M. [W] [B]

– nantissement d’un contrat d’assurance vie VAL CAP sur la tête de M. [X] [J] pour la contre valeur minimum de 2 000 000 frs’

– l’acte de cession des titres de la société ASA stipulait en son article 10, que : ‘Si la société GSA ne faisait pas face à ses engagements de remboursement de l’emprunt contracté auprès de la Centrale de Banque, entraînant ainsi la mise en jeu de la garantie accordée à la Centrale de Banque par M. [X] [L], la société GSA procéderait concomitamment à la cession de 2001 actions de la société ASA lui appartenant au profit de M. [X] [L] pour le franc symbolique.’

Ils exposent que le 3 janvier 1995, la banque a informé M. [X] [L] que sa garantie personnelle de 2 000 000 francs ne serait appelée qu’après la mise en jeu de l’hypothèque des époux [B] et du nantissement des titre ASA et si la réalisation de ceux-ci s’avérait insuffisante pour la désintéresser, puis que le 23 mars 2010, la Société Générale a libéré M. [L] alors même qu’elle n’était pas désintéressée et n’avait pas mis en jeu les garanties intrinsèques, tous éléments permettant de démontrer selon eux que les conditions de la dette cautionnée ont été modifiées de manière substantielle, sans pour autant leur demander de réitérer leur cautionnement.

Les appelants sollicitent en conséquence l’octroi de dommages et intérêts au motif que la banque les a poursuivis sur la base d’un cautionnement notarié alors qu’elle savait qu’en raison de la novation du contrat de prêt, celui-ci était caduc et qu’elle ne disposait pas de titre exécutoire à leur encontre.

Ils exposent avoir subi un préjudice important puisque leurs biens ont été vendus par adjudication à la somme de 392 000 euros alors qu’ils auraient pu en obtenir 617 125 euros dans le cadre d’une vente amiable, soit une perte pour eux de 225 125 euros.

Ils soutiennent qu’au surplus, l’immeuble vendu était leur domicile depuis 1980 et qu’il avait donc une forte valeur affective, ce qui justifie à leurs dires l’octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La Société Générale conteste toute novation du contrat de prêt et donc toute nécessité pour M. et Mme [B] de réitérer leur cautionnement, au motif que les appelants se sont engagés en qualité de cautions solidaires, le contrat était particulièrement explicite selon elle.

Elle en déduit que M. et Mme [B] ne peuvent donc exciper de l’existence d’autres engagements et exiger d’autres poursuites, étant au surplus précisé que ne sont pas démontrées selon elle les conditions dans lesquelles la levée du nantissement aurait été ordonnée.

Elle affirme qu’au moment de l’octroi du prêt de juillet 1994, rien ne permet de démontrer que la banque s’était engagée dans un ordre des priorités des poursuites à initier à l’égard des garants.

La banque indique en outre que ce moyen a déjà été soulevé lors de l’instance ayant donné lié lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 30 septembre 2013 et que son rejet ne peut donc plus être remis en cause.

La Société Générale expose avoir agi en vertu d’une copie exécutoire du 12 juillet 1994 valable de sorte que les actes d’exécution ne peuvent lui être reprochés.

Elle affirme qu’il était loisible à M. et Mme [B] de procéder à la vente amiable de leur bien puisqu’ils y avaient été autorisés par le jugement du 14 décembre 2017, qu’en réalité ils n’ont pas trouvé d’acquéreur et que l’évaluation qu’ils présentent ne correspond donc pas à la réalité du marché, étant précisé que le prix d’un immeuble est fonction de ses caractéristiques propres et ne peut être déterminé par une moyenne statistique.

Elle en déduit qu’à supposer des dommages et intérêts soient octroyés aux appelant, leur montant devrait être ramené à plus juste proportion, et pourrait être du montant du prix d’adjudication augmenté des intérêts au taux légal à compter de l’adjudication.

Sur ce,

En vertu des dispositions de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, ‘à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte’.

En l’espèce, il apparaît qu’à l’audience d’orientation, M. et Mme [B] avaient conclu à l’existence d’une novation du contrat de prêt et à l’obligation corrélative d’obtenir leur consentement. Il convient donc de statuer sur cette contestation.

L’article 1271 du code civil alors applicable prévoit que ‘la novation s’opère de trois manières :

1° Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne, laquelle est éteinte ;

2° Lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé par le créancier ;

3° Lorsque, par l’effet d’un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé.’

L’article 1273 précise que ‘la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte’.

Par acte notarié en date du 12 juillet 1994, la Société Centrale de Banque a consenti au profit de la société GSA représentée par M. [W] [B] une ouverture de crédit d’un montant de 5 000 0000 frs soit 762 245,09 euros, remboursable en 174 mensualités.

L’article 12 de ce contrat intitulé ‘cautionnement solidaire et hypothécaire’ stipule que M. et Mme [B] ‘déclarent se constituer caution solidaire du client vis-à-vis de la banque sous les clauses et conditions suivantes, ce qui est accepté par le représentant de la banque, pour sûreté de toutes les sommes pouvant être dues par le client à la banque en principal augmentées de tous intérêts, commissions frais et accessoires quelconques au titre des présentes.

1°) Ce cautionnement est solidaire, c’est-à-dire qu’il entraîne pour la caution une renonciation aux bénéfices de discussion et de division.

En renonçant au bénéfice de discussion la caution accepte de payer la banque sans pouvoir exiger que celle-ci qu’elle poursuive préalablement le client.

La renonciation au bénéfice de division signifie que, dans l’hypothèse où plusieurs personnes se seraient portés cautions du client, la banque pourra exiger de l’une quelconque d’entre elles le paiement de la totalité de ce qui sera dû par le client, dans la limite du montant de l’engagement de chaque caution.

2°) La caution renonce à se prévaloir :

a) des dispositions de l’article 2039 du Code Civil, qui sans décharger la caution de son engagement, l’autorisent à poursuivre le cautionné pour le forcer au paiement au cas où des délais de paiement accordés à celui-ci par le créancier bénéficiaire de l’engagement.

De ce fait, si le client obtient de pareils délais de la banque, la caution qui reste tenue ne pourra poursuivre le client avant l’expiration de ces délais.

b) De toutes subrogations, de toutes actions personnelles ou autres qui auraient pour résultat de faire venir la caution en concours avec la banque tant que cette dernière n’aura pas été désintéressée de la totalité des sommes en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires qui lui seront dues au titre des présentes.

c) D’une utilisation par le client à des fins non conformes à ses engagements, des sommes mises à sa disposition par la banque.

3°) La caution sera tenue de s’exécuter dès que les obligations du client à l’égard de la banque deviendront exigibles, fût-ce par anticipation pour quelque cause que ce soit.

En conséquence, la caution s’engage à payer à la banque le montant intégral des sommes qui lui seront dues sans qu’aucune mise en demeure préalable soit nécessaire.

4°) La caution sera tenue de ses obligations sur la totalité de ses biens meubles et immeubles ou sur ceux qui seront par elle ultérieurement donnés en nantissement et non pas seulement sur les biens ci-après hypothéqués.

5°) La caution entend suivre personnellement la situation du client et dispense la banque de tout

avis de prorogation ou de non-paiement.

La banque ne sera pas tenue d’informer la caution des événements qui pourraient affecter la situation financière et juridique du client ou d’une autre caution, tels que le décès d’une personne physique ou la dissolution d’une personne morale. Elle ne sera pas davantage tenue d’informer la caution de toute décision d’une autre caution de mettre fin à son engagement.

6°) Il y a solidarité et indivisibilité entre toutes les personnes venant aux droits et obligations de la caution, lesquelles seront tenues dans les mêmes conditions que la caution.

En conséquence, la banque pourra réclamer la totalité des sommes couvertes par le présent cautionnement à n’importe laquelle de ces personnes, sans que puisse être imposée à l a banque

une division de ses recours.

7°) Le présent cautionnement n’affecte et ne pourra affecter en aucune manière la nature et l’étendue de tous engagements et de toutes garanties, réels ou personnels, qui ont pu ou pourront être contractés ou fournis soit par la caution soit par tous tiers et auxquels il s’ajoute ou s’ajoutera.’

Il est ensuite précisé l’existence d’une affectation hypothécaire par les cautions de l’immeuble leur appartenant sis [Adresse 1].

Cet acte notarié prévoit également :

– le nantissement des actions de la société ASA,

– la garantie personnelle de M. [X] [L] à hauteur de 2 000 000 frs sous la forme d’un ‘nantissement d’un contrat d’assurance vie VAL CAP sur la tête de M. [X] [L] pour la contre-valeur minimum de 2 000 000 euros pendant une durée minimum de 10 ans.’

M. et Mme [B] versent aux débats un courrier adressé par la Société Centrale de Banque à M. [L] le 3 janvier 1995 dans lequel elle indiquait : ‘dans le cadre du prêt consenti à la société GSA pour le rachat des actions de la société ASA dont vous étiez le ‘propriétaire’, vous avez bien voulu consentir une garantie personnelle à hauteur de 2 millions de francs. Nous vous informons que nous avons bien pris note du contexte dans lequel cette garantie pouvait être mise en jeu. Nous vous confirmons donc que nous ne pourrons y faire appel qu’après mise en jeu des garanties intrinsèques, à savoir hypothèque personnelle de M. [B] et nantissement des titres ASA, si la réalisation de celles-ci s’avérait insuffisante pour couvrir la dette de GSA à l’égard de notre établissement.’

Ils produisent également un fax de la Société Générale à la société MMA en date du 23 mars 2010 qui mentionne : ‘A été nanti au profit de notre établissement venant aux droits de la Société Centrale de Banque deux contrats VAL CAP référencés ci-dessus. Par la présente et conformément à la demande de M. et Mme [L] (courrier ci-joint), nous vous informons que nous donnons mainlevée totale de nos nantissements portant sur ces deux contrats’.

Outre que cette dernière pièce est incomplète puisque le courrier de M. et Mme [L] n’est pas produit et que le motif de la mainlevée du nantissement ou l’existence d’éventuelles contreparties, ne sont pas connus, ces éléments ne en tout état de cause sont pas de nature à modifier de façon substantielle les engagements de M. et Mme [B] dès lors que ceux-ci, dans l’acte notarié, s’étaient porté cautions solidaires, le contrat précisant expressément qu’ils renonçaient au bénéfice de division, que la banque n’était ‘ pas tenue d’informer la caution des événements qui pourraient affecter la situation financière et juridique du client ou d’une autre caution’ ni ‘tenue d’informer la caution de toute décision d’une autre caution de mettre fin à son engagement’ et que le cautionnement ‘n’affecte et ne pourra affecter en aucune manière la nature et l’étendue de tous engagements et de toutes garanties, réels ou personnels, qui ont pu ou pourront être contractés ou fournis soit par la caution soit par tous tiers et auxquels il s’ajoute ou s’ajoutera.’, étant précisé que les appelants ne démontrent pas qu’ils ne se seraient engagés en faisant de l’engagement de M. [L] une condition principale de cet engagement.

Au surplus, il ne peut être reproché à la banque qui bénéficie de plusieurs sûretés de mettre en oeuvre celles-ci dans l’ordre qu’elle détermine.

En conséquence, aucune novation n’est intervenue et M. et Mme [B] ne peuvent affirmer que la caducité de leur cautionnement serait encourue.

Les appelants échouent donc à démontrer la faute de la Société Générale dans la mise en oeuvre des voies d’exécution ayant abouti à la vente de leur immeuble, celle-ci disposant d’un titre exécutoire valable.

A titre surabondant, M. et Mme [B] ne justifient d’aucun préjudice lié au prix de vente de leur immeuble, dès lors d’une part que, pourtant dûment autorisés en ce sens par le jugement du 21 décembre 2017, ils ne sont parvenus à obtenir aucune vente amiable au prix sollicité de 500 000 euros, de sorte qu’une adjudication a finalement eu lieu le 9 janvier 2020 à un prix inférieur, et d’autre part qu’ils ne justifient aucunement de l’état de leur appartement permettant de déterminer sa valeur, le prix de vente moyen observé dans le secteur n’étant pas un élément suffisant.

Aucune faute de la Société Générale dans la mise en oeuvre de la procédure de saisie n’apparaît démontrée, alors qu’au contraire celle-ci a attendu de nombreuses années le recouvrement de sa dette du fait de l’activisme procédural de M. et Mme [B] et les appelants sont donc mal fondés à réclamer des dommages et intérêts pour leur préjudice moral.

Les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme [B] seront donc rejetées.

Le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 21 décembre 2017 sera confirmé, les parties n’invoquant aucun autre moyen de nature à le remettre en cause.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. et Mme [B] ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens d’appel avec application au profit de l’avocat qui le demande des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la Société Générale la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. Les appelants seront en conséquence condamnés à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute M. [W] [B] et Mme [E] [B] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [W] [B] et Mme [E] [B] aux dépens d’appel.

Condamne M. [W] [B] et Mme [E] [B] à verser à la Société Générale la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec application au profit de l’avocat qui l’a demandé des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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