Prêt immobilier : bonne foi et régularité des décomptes financiers

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Prêt immobilier : bonne foi et régularité des décomptes financiers

La SA Crédit Lyonnais a accordé un prêt de 104.500 euros à M. [B] [K] pour l’achat d’un appartement en 2010, avec un taux d’intérêt fixe de 3,65 %. Après des impayés, le prêteur a demandé la régularisation de la situation en mars 2018, et un accord de règlement a été établi pour une durée de douze mois. En juin 2019, la déchéance du terme a été prononcée, et M. [B] [K] a été mis en demeure de payer 84.934,57 euros. M. [B] [K] a ensuite annoncé la mise en vente de son bien. En septembre 2019, la SA Crédit Lyonnais a assigné M. [B] [K] en paiement. Le tribunal judiciaire de Toulon a rendu un jugement en août 2021, condamnant M. [B] [K] à rembourser le solde du prêt et à payer des frais. M. [B] [K] a interjeté appel. En mars 2023, la cour a infirmé le jugement initial et a condamné M. [B] [K] à payer 72.064,04 euros à la SA Crédit Lyonnais, tout en déboutant M. [B] [K] de ses autres demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/16213
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2024

N° 2024/122

Rôle N° RG 21/16213 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIM75

[B] [K]

C/

S.A. LE CREDIT LYONNAIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Michel MAS

Me Nathalie FAISSOLLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 23 Août 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/03927.

APPELANT

Monsieur [B] [K]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 12],

demeurant [Adresse 10] – [Localité 5]

représenté par Me Michel MAS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Alexia MAS, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE

S.A. LE CREDIT LYONNAIS, agissant par son mandataire, la SA LE CREDIT LOGEMENT, dont le siège social est [Adresse 8] à [Localité 11], prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 4]

et le siège central [Adresse 2] [Localité 6]

représentée par Me Nathalie FAISSOLLE de l’ASSOCIATION WATCHI-FOURNIER FAISSOLLE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 17 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Selon offre du 21 juin 2010 acceptée le 9 juillet 2010, la SA Crédit Lyonnais a consenti à M. [B] [K] un prêt, destiné à financer l’acquisition d’un appartement en état futur d’achèvement à usage locatif à [Localité 7] (Lot-et-Garonne), d’un montant de 104.500 euros, au taux fixe de 3,65 %, amortissable en 258 mensualités.

Des échéances étant demeurées impayées, le prêteur, par courrier recommandé de son mandataire du 26 mars 2018, a invité l’emprunteur à régulariser la situation.

De nombreux courriers ont été échangés entre les parties, un accord de règlement est intervenu pour une durée de douze mois à compter du 1er mai 2018.

Suivant courrier recommandé du 18 juin 2019, la déchéance du terme du prêt a été prononcée, et M. [B] [K] mis en demeure de régler la somme de 84.934,57 euros, outre intérêts contractuels.

L’emprunteur a, par lettres reçues les 25 et 31 juillet 2019, indiqué à son créancier mettre son bien immobilier en vente.

Selon exploit du 3 septembre 2019, la SA Crédit Lyonnais a fait assigner M. [B] [K] en paiement devant le tribunal judiciaire de Toulon.

Par jugement du 23 août 2021, ce tribunal a :

‘ ordonné que les intérêts soient annuellement capitalisés,

‘ débouté M. [B] [K] de l’ensemble de ses demandes,

‘ débouté le Crédit Lyonnais de sa demande d’indemnisation pour non-respect par M. [B] [K] de ses obligations contractuelles,

‘ condamné M. [B] [K] à payer au Crédit Lyonnais le solde du prêt d’un montant de 84.459,58 euros outre frais, accessoires et intérêts jusqu’à apurement total de la dette,

‘ condamné M. [B] [K] à payer au Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné M. [B] [K] aux entiers dépens,

‘ ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Suivant déclarations des 10 et 18 novembre 2021, M. [B] [K] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 21 mai 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelant demande à la cour de :

à titre principal,

‘ infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon du 23 août 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

‘ débouter la société Le Crédit Lyonnais de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ condamner la société Le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi et man’uvres frauduleuses, ‘ ordonner la compensation judiciaire,

à titre subsidiaire,

‘ infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon du 23 août 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

‘ réduire les sommes dues au titre des frais à 0 euro,

‘ réduire les majorations d’échéance à 1 euro ou, à défaut, à 0 euro,

‘ limiter le montant principal restant dû à la somme de 12.383,20 euros,

‘ réduire l’indemnité d’exigibilité à 1 euro ou, à défaut, à 866,82 euros,

‘ enjoindre la société Le Crédit Lyonnais à produire un nouveau décompte des intérêts de retard à un taux de 3,65 %, à défaut, écarter les intérêts,

‘ limiter la créance totale à la somme maximum de 4.166,63 euros, en deniers et quittances,

‘ condamner la société Le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de bonne foi et man’uvres frauduleuses,

‘ ordonner la compensation judiciaire,

‘ lui octroyer les plus larges délais de paiement en application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil,

en toutes hypothèses,

‘ infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon du 23 août 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

‘ condamner la société Le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de Me Michel Mas, avocat sur son affirmation de droit.

Par ordonnance d’incident du 16 mars 2023, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et les pièces notifiées le 10 mai 2022 par la société Le Crédit Lyonnais.

MOTIFS

L’appelant soutient que la banque a manifestement manqué à ses obligations, en lui imputant de multiples sommes dont elle sait pertinemment qu’elles ne sont pas dues, les noyant dans des décomptes illisibles, et ne respectant pas les dispositions d’ordre public du code de la consommation.

Il fait valoir que figurent sur les décomptes des échéances impayées supplémentaires, que les mensualités du 10 janvier 2018 et du 10 juin 2019 ont ainsi été comptabilisées à deux reprises, soit un surplus de facturation de 1.296,04 euros.

Il soutient que, à compter du premier impayé du mois de septembre 2017, l’intimée a appliqué une pénalité intitulée « majoration d’échéance » en se fondant sur l’article 6 du contrat de prêt, lui-même fondé sur l’article L.312-22 ancien du code de la consommation, que, toutefois, le calcul de cette indemnité tel que réalisé est illégal, le taux d’intérêt majoré ne pouvant concerner que les sommes impayées, et non pas le capital restant dû.

Il reproche ensuite à la SA Le Crédit Lyonnais de n’avoir pas respecté l’accord entre les parties par elle accepté le 26 avril 2018, ce comportement constituant une violation de l’ancien article 1134 du code civil, et démontrant une particulière mauvaise foi, alors même qu’il a pour ce qui le concerne fait preuve de bonne foi dès lors qu’il a, non seulement respecté cet accord, mais également versé des sommes supérieures afin d’apurer la dette.

M. [B] [K] précise que la lecture des nombreux décomptes fournis par la banque depuis 2018 ne permet pas de vérifier avec certitude le montant de la créance, notamment en ce qu’ils ne sont pas identiques entre eux, les trois décomptes versés aux débats présentant tous des montants différents aux mêmes dates ainsi que des calculs différents, sans qu’aucune explication ne soit donnée.

Il ajoute que les accessoires indiqués sont injustifiés au regard des anciens articles L.312-22 et L.312-23 du code de la consommation.

Par ailleurs, il indique que, alors qu’il avait mis en vente son bien immobilier dès le mois de mars 2020, l’intimée s’est opposée à la vente envisagée en mai 2020, qu’elle n’a pas répondu aux demandes de mainlevée de son inscription d’hypothèque, que la vente, qui aurait permis de solder une partie de la créance et de faire baisser le montant des intérêts de retard, a traîné uniquement en raison de l’inertie fautive de la banque, que, la vente enfin réalisée, le prix en a été intégralement versé à cette dernière le jour-même.

Sur ce, étant rappelé que les seules pièces versées aux débats sont celles communiquées par l’appelant, il en résulte tout d’abord que, ce dont ce dernier ne disconvient pas, la première échéance non intégralement payée prise en compte est celle du 10 septembre 2017.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. [B] [K], il n’apparaît nullement, au vu de tous les documents produits, que les mensualités des 10 janvier 2018 et 10 juin 2019 auraient été comptabilisées deux fois, précision faite en ce qui concerne cette dernière date que le capital restant dû au titre de la déchéance du terme pris en considération dans les décomptes correspond, selon le tableau d’amortissement édité le 3 novembre 2017 dont se prévaut pourtant l’appelant, à celui dû postérieurement à la prise en compte de l’échéance mensuelle qui aurait dû alors être réglée.

En revanche il est exact que les décomptes versés aux débats mentionnent, à compter de la prise en compte du capital restant dû au titre de la déchéance du terme intervenue, l’application d’un taux d’intérêt de 4,65 %, alors que l’article 6 des conditions générales du contrat de prêt prévoit que « Dans le cas où (‘) demanderait le remboursement immédiat du capital devenu exigible par anticipation, toutes les sommes restant dues produiraient des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt », lequel était de 3,65 %.

De même, s’il est expressément prévu aux termes du contrat, dont les stipulations à cet égard sont conformes aux dispositions de l’article L.312-22 du code de la consommation dans sa version alors en vigueur, que « En cas de défaut de paiement d’une échéance, (‘), le taux d’intérêt du prêt sera (‘) majoré de trois points jusqu’à ce que l’emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles. (…) », d’où en l’espèce un taux applicable de 6,65 %, l’application qu’en fait l’intimée, qui, pour chaque échéance impayée, calcule une majoration de 1/12ème de 3 % du capital dû à la date de la première échéance impayée selon ses explications telles que rapportées dans le jugement, ne paraît pas devoir être retenue, le taux majoré devant s’appliquer aux seules échéances impayées.

Ainsi que le fait remarquer l’appelant, la SA Le Crédit Lyonnais a d’ailleurs, au vu du dernier décompte produit, qui est celui établi le 11 juin 2021, annulé un certain nombre de ces « pénalités », sans que soit certes, en l’absence de conclusions de l’intimée, fournie d’explication.

Ceci étant, à l’exception de ce qui vient d’être dit quant à l’annulation, figurant sur le plus récent, de certaines pénalités, les décomptes versés aux débats sont identiques.

S’agissant de l’accord de règlement intervenu pour une durée de douze mois à compter du 1er mai 2018 suivant courrier de la banque du 26 avril 2018, celui-ci précisait que cet accord ne valait pas novation du contrat de prêt, et les courriers ultérieurs, notamment ceux des 30 novembre 2018 ou 15 mars 2019, ne manquaient pas de rappeler à l’emprunteur que son règlement mensuel de 420 euros ne couvrait pas le montant de la mensualité de son prêt dont le retard augmentait, et que l’accord provisoire ne visait qu’à lui laisser des délais pour trouver une solution de règlement.

M. [B] [K], qui échangeait alors des correspondances, dans lesquelles il indiquait notamment ne pas pouvoir vendre son bien immobilier avant 2020 pour des raisons fiscales, avec son prêteur, ne peut soutenir avoir cru s’acquitter des sommes alors dues au titre du contrat de crédit.

A cet égard, il ne peut en outre qu’être noté, au vu de la liste des mouvements du compte dont il est titulaire dans les livres du CIC [Localité 9], par laquelle il entend justifier des virements effectués au bénéfice de l’intimée, que la somme précitée de 420 euros n’a pas toujours été versée régulièrement, puisque n’y apparaissent pas de règlements pour les mois de mai, juin, et août 2018, mai, juin et septembre 2019.

Aussi, étant observé que les « frais répétibles exonérés » comme les « frais répétibles non exonérés » mentionnés sur le décompte du 11 juin 2021 ne sont pas justifiés, qu’en revanche, l’indemnité contractuellement prévue de 7 %, calculée sur le seul capital restant dû à la date de déchéance du terme, n’a pas lieu d’être réduite, il apparaît que, au regard dudit décompte expurgé des majorations, intérêts et frais non justifiés tels qu’alors pris en compte, les sommes dont la banque est admise à se prévaloir s’élèvent, déduction faite de tous les versements effectués par le débiteur à la date précitée, à 67.573,55 euros en principal, outre 4.490,49 euros au titre de l’indemnité d’exigibilité anticipée.

De ladite somme de 67.573,55 euros, portant intérêts au taux contractuel de 3,65 % à compter du 11 juin 2021, devront en outre être déduites les sommes réglées depuis cette date par l’appelant, et en particulier celle de 55.000 euros provenant de la vente de son bien immobilier intervenue le 3 mars 2022, et immédiatement réglée par le notaire au créancier.

Sur ce dernier point, il n’est pas établi, au vu des seules pièces produites par M. [B] [K], que la réalisation à la date précitée, qu’il estime tardive, de la cession de ce bien soit imputable à l’intimée, et l’appelant est donc débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre, la mauvaise foi et les man’uvres frauduleuses par lui alléguées n’étant par ailleurs pas davantage démontrées, étant observé que, du fait de la carence de la SA Le Crédit Lyonnais dans le cadre de la présente procédure, il est en tout état de cause exonéré de tout intérêt de retard jusqu’au 11 juin 2021.

S’agissant de sa demande de délais, elle ne peut qu’être rejetée, M. [B] [K] ne versant pas aux débats la moindre pièce de nature à justifier de la réalité de sa situation financière et patrimoniale actuelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [B] [K] à payer à la SA Le Crédit Lyonnais la somme de 72.064,04 euros, avec intérêts au taux de 3,65 % sur celle de 67.573,55 euros à compter du 11 juin 2021, sauf à en déduire les sommes par lui versées depuis cette date, dont celle de 55.000 euros le 3 mars 2022,

Déboute M. [B] [K] de ses autres demandes, notamment de dommages et intérêts et de délais de paiement,

Le condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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