M. [V] [C] a ouvert un compte courant et souscrit un prêt de 15 000 euros auprès du crédit agricole en mai 2017, avec un cautionnement de Mme [H] [C] [S]. En juillet 2019, une autorisation de découvert de 600 euros a été accordée. En septembre 2021, le crédit agricole a mis en demeure M. [V] [C] de régulariser son compte et de régler les mensualités impayées, suivie d’une déchéance du terme en janvier 2022. En avril 2022, le crédit agricole a assigné M. [V] [C] pour le paiement de sommes dues. M. [V] [C] n’a pas comparu à l’audience, et le jugement du 13 septembre 2022 a constaté la forclusion des demandes du crédit agricole, le déboutant de ses demandes et le condamnant aux dépens. Le crédit agricole a interjeté appel, soutenant que la forclusion n’était pas acquise. La cour d’appel a infirmé le jugement, condamnant M. [V] [C] à payer des sommes au titre du compte courant et du prêt, tout en déboutant le crédit agricole de certaines demandes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de SAINT-ETIENNE
du 13 septembre 2022
RG : 22/01766
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE H AUTE-LOIRE
C/
[C]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 17 Octobre 2024
APPELANTE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE HAUTE-LOIRE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE
assisté de Me Grégoire MANN de la SARL LEX MENSA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIME :
M. [V] [C]
né le [Date naissance 2] 1995 à [Localité 6] (GABON)
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 23 Mai 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Septembre 2024
Date de mise à disposition : 17 Octobre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Joëlle DOAT, présidente
– Evelyne ALLAIS, conseillère
– Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt rendu par défaut publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et demandes des parties
Le 24 mai 2017, M. [V] [C] a ouvert un compte courant individuel auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute Loire, (ci-après dénommée le crédit agricole).
Le 25 mai 2017, il a souscrit auprès du même organisme bancaire un prêt d’un montant de 15 000 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d’intérêt de 0,995 % l’an.
Ce prêt était garanti par le cautionnement de Mme [H] [C] [S].
Le 9 juillet 2019, une autorisation de découvert en compte de dépôt d’un montant de 600 euros, remboursable dans un délai égal ou supérieur à un mois et inférieur à trois mois a été consentie.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 septembre 2021, le crédit agricole a mis en demeure M. [V] [C] de régulariser le solde débiteur de son compte courant et de régler les mensualités impayées au titre du prêt dans un délai de 10 jours, et l’a informé qu’à défaut, la déchéance du terme serait prononcée.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 janvier 2022, le crédit agricole a prononcé la déchéance du terme.
Par acte d’huissier de justice du 28 avril 2022, le crédit agricole a fait assigner M. [V] [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint Etienne aux fins de le condamner à lui payer :
– 7 802,79 euros outre intérêts au taux de 0,99% à compter du 23 mars 2022 au titre du prêt personnel n°000018117023
– 5 536,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2022 au titre du compte courant débiteur n° [XXXXXXXXXX04]
– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et les frais d’huissier à venir à défaut de règlement spontané des sommes dues.
M. [V] [C] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience.
Par jugement du 13 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection a :
– constaté la forclusion concernant le prêt personnel n°00001817023
– constaté la forclusion concernant le compte courant n°[XXXXXXXXXX04]
en conséquence,
– débouté la caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute Loire du surplus de ses demandes,
– condamné la caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute Loire aux dépens.
Le 24 octobre 2022, le crédit agricole a interjeté appel du jugement.
Par conclusions signifiées à l’intimé défaillant le 19 janvier 2023, il demande à la cour :
– d’infirmer le jugement
statuant à nouveau
– de condamner M. [V] [C] à lui payer la somme de 7 802,79 euros outre intérêts au taux de 0,99% à compter du 23 mars 2022 au titre du prêt personnel n° 00001817023,
– de condamner M. [V] [C] à lui payer la somme de 5 536,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2022 au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX04],
– de condamner M. [V] [C] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– de condamner M. [V] [C] aux dépens de première instance et d’appel,
– de dire que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article A 444-32 du code de commerce devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que :
– la forclusion n’est acquise ni s’agissant du solde débiteur du compte courant, ni du prêt.
– le point de départ du délai de forclusion pour le solde débiteur du compte courant doit ainsi être fixée au 30 juillet 2021, date du premier incident de payer non régularisé, compte tenu de l’autorisation de découvert de 600 euros consentie. Le solde du compte courant était créditeur le 10 juillet 2021, de sorte que le premier juge ne pouvait valablement retenir que le compte courant était débiteur depuis le 28 février 2018.
– le point de départ du délai de forclusion concernant le prêt est le 10 août 2021. L’assignation a donc bien été délivrée dans le délai biennal.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.
La déclaration d’appel a été signfiée à M. [V] [C] par acte d’huissier du 14 décembre 2022. L’acte a été remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
Les conclusions d’appel ont été signifiées à l’intimé défaillant par acte d’huissier du 19 janvier 2023 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
M. [V] [C] n’a pas constitué avocat.
L’arrêt sera rendu par défaut.
Liminairement, il convient de rappeler qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que lorsqu’elle est recevable, régulière et bien fondée.
– Sur la forclusion de l’action
Il résulte de l’article R 312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance d’un emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
– s’agissant du solde débiteur du compte courant
Les actions en paiement d’un découvert en compte tacitement accepté doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans suivant l’expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé.
Pour déterminer le premier incident de paiement non régularisé en tenant compte du dépassement du découvert expressément prévu, il convient de rappeler que le dépassement du découvert convenu caractérise la défaillance de l’emprunteur et constitue le point de départ du délai de forclusion biennale, à défaut de restauration ultérieure du crédit ou d’augmentation de son montant par souscription d’une offre régulière.
En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que le compte a été ouvert le 24 mai 2017, initialement sans autorisation de découvert, le contrat prévoyant certes cette possibilité par acte distinct, mais aucun acte n’étant produit en ce sens.
Si le compte a connu des positions débitrices, ces dernières ont été régularisées. Ainsi, il était créditeur en mars 2018 puis a été en position débitrice d’avril à juin 2018, mais a à nouveau été en position créditrice à compter de juillet 2018 jusqu’à juin 2019.
Ensuite, le 9 juillet 2019, une convention expresse de découvert d’un montant de 600 euros a été conclue entre les parties.
Au 31 juillet 2019, le solde du compte était débiteur à hauteur de 129,45 euros, mais ne dépassait donc pas le découvert autorisé de 600 euros, consenti en juillet 2019.
Ultérieurement, si un dépassement du découvert autorisé a eu lieu en novembre 2019, celui- ci a été régularisé le 31 janvier 2020, le solde du compte étant alors créditeur de 156,65 euros. Le dépassement du découvert autorisé en février 2020 a également été régularisé dès mars 2020 et ensuite la position débitrice de mai 2020 a été restaurée par des positions créditrices de juin 2020 à septembre 2020. En octobre 2020 et en décembre 2020, le dépassement du découvert autorisé observé a été régularisé respectivement en novembre 2020 et en janvier 2021, le compte étant alors en position créditrice. En février 2021, le dépassement du découvert autorisé a été régularisé en mars 2021. Puis, après un dépassement du découvert autorisé en avril et mai 2021, le compte était à nouveau en position créditrice au 30 juin 2021.
En revanche, à compter du 31 juillet 2021,date à laquelle le solde est débiteur de 1 728,21 euros, le dépassement du découvert autorisé est permanent, de sorte que le point de départ du délai de forclusion doit être fixé à cette date.
L’assignation ayant été délivrée le 28 avril 2022, soit dans le délai biennal, l’action est donc recevable et le jugement doit être infirmé sur ce point.
– s’agissant du prêt du 25 octobre 2018
Le point de départ du délai de forclusion se situe à la date du premier incident de paiement non régularisé.
Il est produit aux débats le contrat de prêt, les documents précontractuels, le tableau d’amortissement, l’historique du compte.
Il ressort des pièces versées que le premier incident de payer non régularisé est daté du 10 août 2021, de sorte que l’assignation en date du 28 avril 2022 a également été délivrée dans le délai de deux ans.
En conséquence, l’action en paiement au titre du prêt est également recevable et le jugement est infirmé en ce qu’il a retenu qu’elle était forclose.
– Sur les demandes en paiement
– au titre du compte courant débiteur
Plusieurs lettres de demande de régularisation ont été envoyées le 9 août 2021, puis le 19 août 2021 et le 30 août 2021.
Une mise en demeure de régler le solde impayé dans un délai de 10 jours a été adressée par lettre recommandée du 29 septembre 2021 puis du 23 novembre 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2022, la déchéance du terme a été prononcée.
Il convient compte tenu des pièces produites de condamner M. [V] [C] à payer au crédit agricole la somme de 5 016,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2022, déduction faite de frais non justifiés par les pièces transmises (5529,31 – 512,45 euros), au titre du solde du compte débiteur.
– au titre du contrat de prêt
Aux termes de l’article L 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dûes produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Une mise en demeure de régulariser les sommes impayées dans un délai de 10 jours a été adressée par lettre recommandée à M. [V] [C] le 29 septembre 2021, puis le 23 novembre 2021. La déchéance du terme a été prononcée le 7 janvier 2022, en l’absence de régularisation. Les conditions de la clause résolutoire sont acquises.
Il résulte du contrat de prêt, du tableau d’amortissement de l’historique du compte et du décompte produits que les échéances impayées avant la déchéance du terme s’élèvent à 1 281,85 euros et que le capital restant dû à la date de la déchéance du terme est de 5 838,48 euros.
En outre, le juge peut même d’office modérer ou augmenter la clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l’espèce, l’indemnité contractuelle sollicitée est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le créancier réparé par les intérêtes de retard.
Il convient dès lors de la réduire à la somme de un euro.
En conséquence, il convient de condamner M. [V] [C] à payer au crédit agricole la somme de 7 121,33 euros avec intérêts au taux contractuel de 0,99% à compter du 7 janvier 2022.
– Sur les demandes accessoires
Le crédit agricole obtenant gain de cause en son recours, il y a lieu d’infirmer le jugement qui l’a condamné aux dépens et de condamner M. [V] [C] aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de débouter la banque de sa demande d’indemnité de procédure tant en première instance, étant observé qu’il n’a pas été statué sur cette demande, celle-ci n’étant pas tranchée dans les motifs de la décision et le dispositif ne mentionnant pas précisément le rejet de cette demande.
Enfin, hors le cas spécifique prévu par l’article R.631-4 du code de la consommation, au profit du consommateur titulaire d’une créance à l’encontre d’un professionnel, aucune disposition légale ou règlementaire n’autorise le juge à faire supporter au débiteur les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement de l’huissier de justice, mis à la charge du créancier.
Le crédit Agricole est en conséquence débouté de sa demande de condamnation de M. [V] [C] au paiement des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article A 444-32 du code de commerce, dans l’hypothèse où une exécution forcée serait nécessaire.
La Cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau
Condamne M. [V] [C] à payer à la caisse régionale de crédit agricole Loire Haute Loire la somme de 5 016,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2022 au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX04],
Condamne M. [V] [C] à payer à la caisse régionale de crédit agricole Loire Haute Loire la somme de 7 121,33 euros avec intérêts au taux contractuel de 0,99% à compter du 7 janvier 2022 au titre du contrat de prêt personnel n°00001817023,
Condame M. [V] [C] aux dépens de première instance et d’appel,
Déboute la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loire-Haute Loire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par elle en première instance et en appel,
Déboute la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loire-Haute Loire de sa demande de condamnation de M. [V] [C] au paiement des sommes retenues par l’huissier, en cas d’exécution forcée en application de l’article A 444-32 du code de commerce.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE