Le 26 mai 2015, M. [U] [B] a contracté un prêt de 30 000 euros auprès de BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 84 mensualités. Après une mise en demeure infructueuse, la banque a prononcé la déchéance du terme le 24 juin 2016. M. [B] a été assigné en justice le 27 décembre 2017, et le tribunal a condamné M. [B] à rembourser 29 126,46 euros le 27 juillet 2018. En mars 2019, une saisie-attribution a été effectuée, contestée par M. [B] en avril 2019. Le 22 septembre 2020, le juge de l’exécution a annulé le jugement de 2018 pour nullité de signification. BNP Paribas a fait appel, mais la caducité de l’appel a été prononcée le 3 décembre 2020. M. [B] a alors assigné BNP Paribas pour obtenir des dommages et intérêts, tandis que la banque a réitéré sa demande initiale. Le 21 juillet 2022, le tribunal a déclaré l’action de BNP Paribas forclose et a débouté M. [B] de ses demandes. BNP Paribas a interjeté appel le 27 août 2022. Dans ses conclusions, BNP Paribas a demandé l’infirmation du jugement, tandis que M. [B] a contesté la validité de l’appel et a demandé des dommages et intérêts. Le jugement final a confirmé la forclusion de l’action de BNP Paribas, a déclaré recevables les demandes de M. [B], et a condamné la banque à verser des indemnités pour préjudice.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/04535 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PREG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 juillet 2022
Juge des contentieux de la protection de Rodez – N° RG 20/00588
APPELANTE :
SA BNP Paribas Personal Finance
société immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542097902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
dont le siège social est situé au
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [U] [B]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]/FRANCE
Représenté sur l’audience par Me Lola JULIE substituant Me Jeremy MAINGUY, avocat au barreau D’AVEYRON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Septembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
1- Le 26 mai 2015, M. [U] [B] a conclu un contrat de prêt auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après « la BNP Paribas » ou « la banque »), d’un montant de 30 000 euros en principal, au taux de 5,75 % et un TAEG de 5,90 %, remboursable en 84 mensualités.
2- Après vaine mise en demeure, la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2016.
3- Par acte d’huissier en date du 27 décembre 2017, la SA BNP Paribas a fait assigner M. [B] devant le tribunal d’instance de Rodez.
4- Par jugement en date du 27 juillet 2018, le tribunal d’instance de Rodez a condamné M. [B] à payer à la banque la somme de 29 126,46 euros avec intérêts contractuels de 5,75 % depuis le 24 juin 2016.
5- Le 7 mars 2019, la société BNP Paribas a fait pratiquer entre les mains de la banque Courtois une saisie-attribution par Maître [X], huissier de justice, pour paiement de la somme totale de 34 910,59 euros.
Cet acte a été dénoncé à M. [B] le 13 mars 2019 par Maître [Z], commissaire de justice.
6- Par acte du 15 avril 2019, M. [B] a contesté la saisie attribution devant le juge de l’exécution de Rodez.
7- Par jugement du 22 septembre 2020, le juge de l’exécution de Rodez a déclaré non avenu le jugement rendu le 27 juillet 2018 au motif d’une nullité de l’acte de signification de ce jugement.
8- La société BNP Paribas a relevé appel de cette décision.
9- Par ordonnance du 3 décembre 2020, la caducité de la déclaration d’appel a été prononcée.
10- M. [B] a alors fait assigner la société BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de Rodez par acte d’huissier de justice du 22 juin 2020, aux fins de la voir condamnée à des dommages et intérêts au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde et de conseil notamment.
11- La société BNP Paribas a, à son tour, fait assigner M.[B] par acte du 10 novembre 2020, aux fins de constater la reprise de la procédure par réitération de la citation primitive du 27 décembre 2017 et d’obtenir sa condamnation en paiement.
12- Par jugement contradictoire exécutoire à titre provisoire en date du 21 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Rodez a :
– ordonné la jonction des procédures ;
– déclaré forclose l’action de la SA BNP Paribas au titre de la souscription du prêt personnel ;
– débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,
– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
13- Le 27 août 2022, la SA BNP Paribas a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS
14- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 25 mai 2023, la SA BNP Paribas demande en substance à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes, le confirmer sur ce chef et, statuant à nouveau, de :
– Se déclarer régulièrement saisie de tous moyens et demande d’informations, de condamnation et déclarations de recevabilité ;
– Déclarer irrecevables comme prescrites
> la demande de déchéance des intérêts comme au titre de l’action en responsabilité contractuelle du devoir de mise en garde de l’article
> toute demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels non formulées dans les cinq ans;
– Déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes «subsidiaires » de dommages-intérêts à hauteur de 45 000 € et 35000 € de l’intimé
– Débouter l’intimé de l’intégralité de ses moyens, demandes, fins ou prétentions et appels incidents, jugeant subsidiairement sur cette demande de l’intimé qu’en cas d’octroi de délais, les règlements rééchelonnés s’imputeront par priorité sur les intérêts conventionnels du et que l’intégralité de la dette deviendra exigible de plein droit à défaut de paiement à son terme mensuel d’une seule échéance ainsi réaménagée,
– Dire que les délais de prescription et de forclusion ont été interrompus par l’assignation initiale, sa réitération et notamment l’acte d’exécution forcée pratiquée avant toute forclusion ;
– Condamner M. [B] à lui payer :
> la somme principale de 31 239,69 euros avec les intérêts de retard au taux contractuel de 5.75 % l’an depuis le 24 mai 2016, date de la mise en demeure et à défaut de l’assignation et jusqu’à parfait paiement, hors concernant l’indemnité contractuelle et légale de 8% qui portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure 24 juin 2016 et à défaut de l’assignation et jusqu’à parfait paiement, et subsidiairement au paiement de la somme 29 126,46€ avec intérêts contractuels au taux légal depuis le 24 juin 2016
> 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et celle de 2 000 euros en cause appel, outre les entiers dépens en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
15- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 6 août 2024, M. [B] demande en substance à la cour, à titre d’appelant incident, de :
– Déclarer que l’effet dévolutif de l’appel au titre des différentes demandes de condamnation formées à l’encontre de M.[B] ne s’est pas opéré
– Déclarer que la cour n’a pas été saisie valablement de la demande visant à faire juger que les délais de prescription et de forclusion auraient été interrompus par l’assignation initiale, sa réitération et notamment l’acte d’exécution forcée pratiquée avant toute forclusion. Juger que l’annulation de la saisie attribution pratiquée le 13 mars 2019 par le jugement rendu par le juge de l’exécution le 22 septembre 2020 lui a fait perdre tout effet interruptif.
– Confirmer le jugement rendu le 21 juillet 2022 en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures, déclaré forclose l’action de la banque, rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires, dont celle de la banque ;
– Déclarer irrecevable car forclose et à défaut prescrite l’action de banque ;
– Déclarer que les conclusions signifiées par la banque le 25 novembre 2022 ne contiennent ni un exposé des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, ni l’indication des pièces invoquées au soutien de ses demandes, ni l’énoncé des chefs de jugement critiqués, qu’en conséquence, elles ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile.
– Débouter en conséquence la banque de l’intégralité ses demandes, fins et prétentions à son encontre ainsi qu’à l’encontre du jugement rendu le 21 juillet 2022 ;
– Ordonner à la banque de procéder à la radiation de M.[B] du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), juger à défaut que les demandes formées à l’encontre de M. [B] sont irrecevables en raison de l’absence de réitération de la citation primitive du 27 octobre 2017.
– Infirmer le jugement pour le restant et, statuant à nouveau, de :
> Prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour le prêt;
> Débouter la banque de l’intégralité de ses demandes et déclarer les demandes de M. [B] recevables.
> Condamner la banque à lui verser les sommes suivantes :
* 45 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de ses manquements, étant précisé que la somme initiale de 36 512,28 euros sollicitée en première instance a été réactualisée compte tenu du fait que les intérêts contractuels sollicités par l’appelante et l’indemnité contractuelle majorent le principal de la somme sollicitée.
* 3 000 euros pour appel abusif ;
* 500 euros pour perte de temps ;
* 2 000 euros pour préjudice moral ;
* 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;
– A titre subsidiaire,
> condamner la banque à lui verser la somme de 35 000 euros au titre de sa perte de chance de ne pas contracter, étant précisée que la somme initiale sollicitée (25 000 euros) a été majorée compte tenu de la majoration de la somme sollicitée par l’appelante en raison des intérêts courant pendant la procédure d’appel. Juger à défaut que la somme de 25 000 euros sur les 35 000 euros est nécessairement recevable ;
> Limiter l’éventuelle condamnation de Monsieur [U] [B] à la somme totale de 29 127,46 euros.
> Juger que la banque sera déchue du droit aux intérêts ;
> Juger que l’indemnité de 8 % sollicitée par la banque est une clause pénale et limiter le montant de l’éventuelle somme allouée à ce titre à la somme de 1 euros.
> Ordonner la compensation légale et à défaut judiciaire des créances respectives,
> Déclarer que M. [B] pourra s’acquitter du montant de son éventuelle condamnation en 24 mensualités à payer au plus tard le 10 de chaque mois, échéancier s’établissant comme suit : 23 mensualités à 500 euros, la 24e correspondant au solde.
> Déclarer que les paiements s’imputeront sur le capital et que M. [B] ne sera tenu de commencer à régler l’échéancier que le mois suivant la signification du jugement.
– A titre infiniment subsidiaire, fixer le taux d’intérêt sur le principal de la dette au taux d’intérêt légal et non au taux d’intérêt contractuel et juger qu’il s’appliquera uniquement à compter de la décision à venir.
16- Vu les conclusions d’incident de la banque transmises le 28 août 2024 et les conclusions d’incident en réponse de M. [B] transmises le 29 août 2024.
17- Vu l’ordonnance de clôture du 12 août 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOYENS
Sur l’incident
18- Au visa des articles 6 à 9,15, 16 et 135 du code de procédure civile, la banque demande d’écarter les conclusions et pièces transmises par M. [B] le 6 août 2024, à 4 jours seulement de l’ordonnance de clôture, en période estivale, alors qu’il avait demandé fixation de l’affaire après dernières conclusions de la banque et été informé de la fixation de l’affaire et de l’intervention de l’ordonnance de clôture dès le 13 mars 2024.
19- La lecture des conclusions transmises le 6 août 2024 et leur comparaison avec les conclusions transmises par M. [B] le 25 août 2023 enseigne que M. [B] n’a fait qu’actualiser ses conclusions au visa d’une jurisprudence du 10 juin 2021 n°20-16837 (page 20), d’une jurisprudence du 6 juillet 2023 n°21-20626 et transmettre une pièce nouvelle unique actualisant sa situation économique au soutien de sa demande de délais de paiement.
20- Les conclusions déposées 6 jours avant l’ordonnance de clôture sont par principe recevables et la banque ne démontre en rien que des ajouts de jurisprudence et d’une pièce nouvelle justifiant de la situation économique actualisée de M. [B] l’aient placée ni dans l’impossibilité ni dans la nécessité d’y répondre alors qu’il n’est formulé ni demande nouvelle ni développé de moyen nouveau.
21- Les conclusions du 6 août 2024 seront déclarées recevables et la banque déboutée de son incident.
Sur l’irrecevabilité pour défaut de réitération de la citation primitive
22- M. [B] soutient l’irrecevabilité des demandes de la banque en ce que l’assignation du 10 novembre 2020 ne reprend pas les mêmes termes et prétentions que l’assignation initiale du 27 décembre 2017, la banque ayant ajouté une demande de condamnation au titre de l’indemnité contractuelle et formulé une demande subsidiaire.
M. [B] soulève la forclusion de l’action, au visa premier de l’article L.311-52 ancien du code de la consommation, au visa second de l’article L.137-2 ancien du même code en ce que l’assignation du 10 novembre 2020 ne constituant pas une réitération de la citation initiale de 2017, il s’est écoulé presque cinq ans entre le jour du premier incident de paiement non régularisé et cet acte.
23- Toutefois, il résulte de la simple lecture de l’assignation du 10 novembre 2020 (pièce 10) qu’elle dénonçait copie de l’assignation primitive du 27 décembre 2017 et que son dispositif mentionnait expressément la reprise de la procédure par réitération de la citation primitive. Le corps de l’acte rappelle que la banque procède à la réitération de sa citation primitive en application de l’article 478 du code de procédure civile en l’état du jugement du juge de l’exécution de Rodez en date du 22 septembre 2020 qui déclare non avenu le jugement du tribunal d’instance de Rodez en date du 27 juillet 2018 rendu sur l’assignation du 27 décembre 2017.
24- L’objet de la nouvelle citation est ainsi clairement déterminé, M. [B] n’ayant pu se méprendre et l’ajout d’une demande principale et d’une demande subsidiaire ne fait pas perdre à l’assignation son caractère réitératif de l’assignation primitive. Il s’ensuit que l’action n’est pas forclose en l’état d’une citation portant réitération de la citation primitive.
Sur la forclusion
25- M. [B] poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la forclusion de l’action de la banque, considérant qu’en matière de jugement non avenu, le délai pour agir court à compter de l’assignation initiale de telle sorte que presque trois années se sont écoulées entre celle-ci et l’assignation réitérée.
L’annulation de la saisie attribution pratiquée le 13 mars 2019 par le jugement du juge de l’exécution du 22 septembre 2020 prive cet acte de tout effet interruptif, décision devenue définitive par l’ordonnance de caducité de l’appel en date du 3 décembre 2020.
26- La banque poursuit l’infirmation en soulignant qu’au jour de la réitération de l’assignation initiale, l’acte d’exécution forcée du 7 septembre 2019 produisait encore tous ses effets, interdisant de considérer qu’il n’avait pas été interruptif au moins jusqu’au 3 décembre 2020.
Elle soutient également que le moyen tiré de la caducité est une exception de procédure qui ne met pas fin à l’instance. Le délai biennal était interrompu par l’assignation initiale qui conservait son effet interruptif, lequel se prolonge jusqu’au jour où le litige trouve sa solution.
Quand bien même le jugement du 27 juillet 2018 a été déclaré non avenu, un nouveau délai de prescription aurait commencé à courir à compter de l’acquisition de caducité et l’assignation du 10 novembre 2020 est intervenue dans les deux ans du jugement déclaratif de caducité.
27- Il est acquis en l’espèce que la banque a accordé à M. [B] un prêt personnel soumis aux dispositions du code de la consommation. Il n’est pas contesté que la première échéance échue impayée se situe en janvier 2016 et que l’assignation initiale du 27 décembre 2017 a été délivrée dans le délai de forclusion biennale de l’article L. 311-52 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable.
28- Aux termes de l’article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.
La citation en justice introduit une instance qui s’éteint par le dessaisissement du juge, résultant notamment d’un jugement.
L’effet interruptif de la citation en justice se poursuit jusqu’à l’extinction de l’instance qu’elle a introduite.
Lorsque le jugement est non avenu par application de l’article 478 précité, la réitération de la citation introduit une nouvelle instance.
Il en résulte que cet effet interruptif cesse à la date du prononcé du jugement rendu, sur la citation primitive, par la juridiction ainsi dessaisie, quand bien même ce jugement serait, par la suite, déclaré non avenu.
(Cf 1re Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 19-17.125).
29- Ainsi transposée à l’espèce, la cour se doit de constater que l’effet interruptif de l’assignation du 27 décembre 2017 a cessé à la date du jugement du tribunal d’instance de Rodez du 27 juillet 2018, quand bien même ce jugement a été déclaré par la suite non avenu. La réitération de la citation par acte d’huissier de justice du 10 novembre 2020, introduisant une nouvelle instance, a donc été réalisée au delà du délai de forclusion biennal de l’article L. 311-52 du code de la consommation.
30- Quant à la saisie attribution pratiquée par acte du 7 mars 2019, elle a été annulée par décision du juge de l’exécution de Rodez en date du 22 septembre 2020, exécutoire puis définitive par l’effet de l’ordonnance de caducité de la cour de céans en date du 3 décembre 2020.
Il est de jurisprudence établie au visa des articles 2241 et 2244 du code civil que les dispositions de l’article 2241, alinéa 2, du code civil ne sont pas applicables aux actes d’exécution forcée (2e Civ., 1 mars 2018, pourvoi n° 16-25.746), de telle sorte que l’annulation de la saisie attribution l’a privée de tout effet interruptif.
31- Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré forclose l’action de la BNP Paribas Personal Finance.
Sur la recevabilité des demandes de M. [B] au titre de la responsabilité pour absence de vérification de la solvabilité et de la déchéance du droit aux intérêts
32- La banque soutient l’acquisition de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil en ce que plus de cinq ans se sont écoulés entre le jour de signature du contrat le 26 mai 2015 et le 10 mars 2021, date des conclusions de première instance par lesquelles M. [B] a fait connaître sa nouvelle adresse.
33- La prescription de l’action en responsabilité du prêteur pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde commence à courir, conformément à l’article 2224 du code civil, le jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice allégué.
34- Le manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt prive cet emprunteur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l’emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, comme le soutient le prêteur, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’ emprunteur n’est pas en mesure de faire face.
34- C’est par assignation du 22 juin 2020 que M. [B] a assigné la banque en indemnisation du manquement au devoir de mise en garde et de conseil et en prononcé de la déchéance du droit aux intérêts.
35- C’est à compter de janvier 2016 que M. [B] a connu des difficultés à rembourser le prêt en litige et c’est le 24 juin 2016 que le prêteur a prononcé la déchéance du terme.
36- Ainsi en assignant le 22 juin 2020, M. [B] a agi dans le délai quinquennal de prescription qui courait au plus tard à compter du 24 juin 2016.
Son action n’est pas prescrite.
37- M. [B] agit en indemnisation d’une somme de 45000€, augmentée en cause d’appel, au titre du manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde, ramenée à titre subsidiaire à la somme de 35000€ au titre de la perte de chance de ne pas contracter, en faisant valoir qu’avant la souscription du prêt en litige remboursable par mensualités de 451,83€, il avait souscrit trois autres prêts auprès du même prêteur qui ne pouvait donc l’ignorer. En ajoutant l’ensemble des mensualités, il devait donc faire face à une charge de remboursement d’emprunt de près de 1000€ représentant près des deux tiers de son revenu mensuel, de telle sorte que le prêt nouvellement souscrit était manifestement inadapté à ses capacités financières.
38- L’existence de ces trois autres prêts n’est pas contestée par la société BNP Paribas Finance qui réplique que M. [B] a rempli une fiche de dialogue dans laquelle il attestait sur l’honneur l’exactitude des renseignements et mis en mesure de déterminer si le crédit était adapté à sa situation financière. Il ne démontre pas quels étaient ses revenus au delà de ce dont il a été demandé la justification, notamment au titre de son activité de taxiteur et il a pu solder dès 2019 l’intégralité des trois autres crédits.
39- Le prêteur, avant de libérer les fonds, doit opérer un certain nombre de vérification quant à la solvabilité de l’emprunteur. Il doit ainsi consulter le FICP, faire remplir une fiche de dialogue et recueillir un certain nombre de documents justificatifs d’identité et de solvabilité.
Il ne peut s’exonérer totalement de son devoir de conseil et de mise en garde en arguant du caractère déclaratif de la fiche de dialogue alors qu’il est dispensateur d’autres crédits qu’il ne peut ignorer et qui viennent obérer la capacité de remboursement de l’emprunteur.
40- En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a octroyé le 26 mai 2015 un crédit personnel remboursable par 84 mensualités de 451,83€. Elle l’a fait au vu d’une fiche de renseignement mentionnant un salaire net de 1500€ et l’absence de toute charge, notamment de loyer et de crédits en cours. La charge de crédit représentait 30% des ressources, taux admissible sous réserve de l’interrogation nécessaire à se poser quant à la charge de logement.
Le prêteur ne conteste pas avoir octroyé précédemment trois crédits, ne démentant pas les références de prêt énoncées par M. [B] et figurant sur les mises en demeure par huissier en date du 14 août 2019, pas plus que les mensualités indiquées à hauteur de 200€, 160€ et 130€.
Ainsi, ce n’est pas à 451,83€ que devait exposer mensuellement M. [B] mais un cumul de remboursements d’échéances représentant 92% de ses gains mensuels.
L’emprunt était donc totalement inadapté aux ressources de M. [B] qui exerçait à l’époque une activité salariée d’ambulancier et qui ne deviendra taxiteur qu’ultérieurement.
Ainsi, dès le mois de janvier 2016, M. [B] ne pouvait satisfaire à la charge de remboursement du crédit nouvellement souscrit, peu important qu’il ait pu en 2019 rembourser les autres crédits et disposer d’un compte bancaire créditeur. Le risque d’endettement prévisible s’est très rapidement concrétisé.
41- Dans de telles circonstances qu’elle ne pouvait ignorer, la banque, face à l’inadaptation des ressources de M. [B] à la charge des emprunts souscrits auprès d’elle, était débitrice envers cet emprunteur profane d’un devoir de conseil et de mise en garde qu’elle ne justifie pas avoir satisfait.
42- La perte de chance de ne pas contracter ce crédit sera appréciée par la cour à 20% de la somme empruntée, soit 6000€.
43- La demande tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts est privée d’objet en l’état de la confirmation de la forclusion de l’action du prêteur.
44- S’agissant des demandes indemnitaires au titre du préjudice moral et de la perte de temps, il est établi que l’octroi du prêt en violation du devoir de conseil et de mise en garde a exposé M. [B] à de multiples et longues poursuites judiciaires et désagréments qui justifie une indemnisation de ces postes indemnitaires qui en l’espèce, se confondent, à hauteur de la seule somme de 3000€.
45- L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas, en soi, constitutive d’une faute. En outre, l’exercice d’une action en justice ou d’un recours constitue un droit et cet exercice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas démontré en l’espèce, de telle sorte que la cour confirmera le rejet de la prétention indemnitaire formulée au titre de la résistance abusive.
46- le prêteur, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile supportera les dépens de première instance et d’appel.
Statuant contradictoirement
Déboute la BNP Paribas Personal Finance de son incident
Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré forclose l’action de la SA BNP Paribas Personal Finance au titre du prêt personnel souscrit par M. [U] [B] le 26 mai 2015.
L’infirme pour le surplus, y ajoutant et statuant à nouveau
Déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [U] [B].
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[U] [B] la somme de 6000€ en réparation de la perte de chance de ne pas contracter et celle de 3000€ en réparation du préjudice moral et de perte de temps.
Déboute les parties de toutes demandes plus amples.
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M.[U] [B] la somme de 3500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT