Le 29 décembre 2015, la SA CA Consumer finance a accordé à M. [H] [F] un crédit renouvelable de 6 000 €, augmenté à 15 000 € par un avenant en septembre 2018. M. [F] a ensuite cessé ses remboursements. La SA CA Consumer finance a tenté de le mettre en demeure à plusieurs reprises entre 2020 et 2021. Un tribunal a rendu une ordonnance d’injonction de payer en novembre 2021, obligeant M. [F] à verser 12 581,84 €. M. [F] a formé opposition, et en mai 2022, le tribunal a confirmé l’opposition, condamnant M. [F] à payer 12 890,75 € avec intérêts, tout en rejetant d’autres demandes de la banque. M. [F] a interjeté appel en septembre 2022, soutenant que la banque avait commis une faute dans l’octroi du crédit. La SA CA Consumer finance a demandé le rejet des demandes de M. [F] et la confirmation du jugement. En août 2024, la cour a confirmé le jugement tout en condamnant la SA CA Consumer finance à verser 7 000 € à M. [F] pour perte de chance de ne pas contracter le crédit, et a condamné M. [F] aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/04668 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PRMF
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 03 mai2022
Tribunal judiciaire de Béziers – N° RG 22/00031
APPELANT :
Monsieur [H] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté sur l’audience par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008814 du 07/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA CA Consumer Finance
Société anonyme au capital de 554 482 422,00 euros
immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 542.097.522,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est situé au
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée sur l’audience par Me Fabienne GIMONDI substituant Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER et Me Jérôme MARFAING-DIDIER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Septembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 29 décembre 2015, la SA CA Consumer finance a accordé à M. [H] [F] une ouverture de crédit renouvelable utilisable par fractions d’un montant de 6 000 €, puis 15 000 € selon avenant du 26 septembre 2018.
M. [F] a cessé d’honorer ses remboursements.
Par courriers recommandés des 12 octobre 2020, 7 janvier, 17 et 30 juillet et 12 août 2021, la SA CA Consumer finance l’a mis en demeure d’avoir à régulariser sa situation.
Par ordonnance portant injonction de payer du 16 novembre 2021, signifiée à l’étude de l’huissier le 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a enjoint M. [F] à payer la somme de 12 581,84 € à la SA CA Consumer finance.
Le 12 janvier 2022, M. [F] a formé opposition.
Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2022, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Béziers a:
– Déclaré recevable l’opposition formée par M. [F] à l’encontre de l’ordonnance portant injonction de payer du 16 novembre 2021;
– Condamné M. [F] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 12 890,75 €, outre intérêts au taux de 4,956 % à compter de l’assignation ;
– Rejeté le surplus des demandes de la SA CA Consumer finance ;
– Dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [F] aux dépens ;
– Rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Le 8 septembre 2022, M. [F] a relevé appel de ce jugement.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 28 novembre 2022, M. [F] demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il est entrée en voie de condamnation contre M. [F] ;
Juger que la banque a commis une faute dans l’octroi du crédit et a manqué à son obligation de mise en garde ;
La condamner à des dommages intérêts équivalents aux sommes restant dues par le concluant au titre du prêt litigieux ;
Confirmer en toutes hypothèses le jugement en ce qu’il a réduit à néant les pénalités contractuelles ;
Condamner la SA CA Consumer finance aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 37 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 11 janvier 2023, la SA CA Consumer finance demande à la cour, sur le fondement de l’article 1137 du code civil de :
La recevoir en ses écritures et la dire bien fondée ;
Débouter M [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamner M [F] aux dépens taxables de l’instance et à lui payer la somme de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 12 août2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Sur les sommes dues
La condamnation de M. [F] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 12 890,75 €, outre intérêts au taux de 4,956 % à compter de l’assignation, sera confirmée par simple adoption des motifs du premier juge.
Sur l’obligation de mise en garde du banquier
Le banquier est tenu à l’égard de ses clients, emprunteurs profanes, d’un devoir de mise en garde quant à l’adéquation de leurs capacités de remboursement avec l’opération de prêt envisagée au regard du risque d’endettement excessif, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l’article 1147 du code civil, pour les contrats souscrits avant le 1er octobre 2016, et de l’article 1231-1 du code civil pour les contrats souscrits depuis lors.
Il incombe au banquier de rapporter la preuve qu’il a satisfait à cette obligation qui exige qu’il doive, avant d’apporter son concours, vérifier les capacités financières de son client (Civ. 1ère, 12 juillet 2005, n° 03-10.921). Mais, il appartient à l’emprunteur de rapporter la preuve qu’à l’époque de la souscription du crédit litigieux, sa situation financière imposait l’accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde (Civ. 1ère, 4 juin 2014, n° 13-10.975).
Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter (Com. 20 octobre 2009, n° 08-20.274).
En l’espèce, M. [F] justifie avoir souscrit les crédits suivants auprès de la SA CA Consumer finance (Sofinco) :
Le 22 décembre 2015, il a souscrit un emprunt n°81486971289 de 14 000 euros, avec des échéances mensuelles de remboursement de 215,12 € jusqu’en janvier 2024 (pièce 1) ;
Le 29 décembre 2015, la SA CA Consumer finance a accordé à M. [H] [F] une ouverture de crédit renouvelable utilisable par fractions d’un montant de 6 000 €, avec des échéances de 145 euros ;
Le 10 mai 2016, il a souscrit un emprunt n°81571690908 de 13 000 euros, avec des échéances mensuelles de remboursement de 268,25 € jusqu’en août 2021 (pièce 2) ;
Le 12 août 2018, il a souscrit un emprunt n°81597588618 de 10 000 euros, avec des échéances mensuelles de remboursement de 241,20 € jusqu’en septembre 2022 (pièce 3) ;
Le 26 septembre 2018, il a souscrit une offre de crédit renouvelable de 15 000 euros, avec des échéances mensuelles de 383 euros.
La SA CA Consumer finance produit la fiche de dialogue remplie en 2015 par M. [F] faisant état de revenus pour un montant total de 2 220 euros, avec des mensualités de 414 euros.
Au moment de la souscription du crédit renouvelable en 2015, le taux d’endettement de M. [F] était faible. Sa situation financière ne présentait donc pas de risque d’endettement. Ainsi, il ne saurait être reproché à la banque de n’avoir pas satisfait une obligation générale de mise en garde à laquelle elle n’était pas tenue dès lors que ce crédit ne faisait pas naître un risque d’endettement excessif.
En revanche, la situation financière de M. [F] était différente trois ans plus tard lors de la signature de l’avenant du 26 septembre 2018 : M. [F] déclarait alors percevoir des revenus mensuels de 2 480 €, avec des mensualités de remboursements de 665 euros. Or, à cette date, la SA CA Consumer finance (Sofinco) savait que M. [F] détenait les divers prêts précédemment cités avec des mensualités de 215,12 €, 145 €, 268,25 €, 241,20 €, soit un total de 869,57 euros et un taux d’endettement de 35 %.
Or, lui accordant un nouveau crédit renouvelable le 26 septembre 2018 avec des mensualités de 383 euros, son endettement passait à 44,6 %, ce qui constitue un taux d’endettement excessif.
Alors que sa situation financière était déjà délicate avant l’octroi de ce crédit, son endettement étant supérieur au seuil d’endettement toléré de 33%, la banque avait l’obligation de le mettre en garde sur les risques encourus du fait de l’octroi d’un nouveau crédit renouvelable.
Or, la SA CA Consumer finance ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de mise en garde envers lui et sera condamnée à lui payer des dommages-intérêts dus au titre de sa perte de chance de ne pas avoir contracté un nouveau crédit renouvelable, qu’il convient d’évaluer à la somme de 7 000 euros.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [H] [F] supportera les dépens d’appel.
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SA CA Consumer finance à payer à M. [H] [F] la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit renouvelable du 26 septembre 2018 ;
Condamne M. [H] [F] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT