Évaluation de la Solvabilité et Droit aux Intérêts dans le Cadre d’un Prêt à la Consommation

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Évaluation de la Solvabilité et Droit aux Intérêts dans le Cadre d’un Prêt à la Consommation

La SA Cofidis a accordé un prêt de regroupement de crédits de 46’300 euros à M. [C] [W] le 27 avril 2018, remboursable en 144 mensualités à un taux d’intérêt de 5,72 %. En raison de paiements manquants, Cofidis a prononcé la déchéance du terme du contrat le 18 mai 2021 et a assigné M. [C] [W] en justice le 19 juillet 2021 pour obtenir le paiement du solde. Le jugement du 21 mars 2022 a condamné M. [C] [W] à payer 38’478,81 euros, mais a débouté Cofidis de sa demande de surplus et de frais. Cofidis a fait appel le 4 mai 2022, demandant une révision du jugement. Le 12 juin 2024, la cour a statué par défaut, condamnant M. [C] [W] à payer 45’481,59 euros avec intérêts, ainsi que 3 463,78 euros d’indemnité, tout en déboutant Cofidis de sa demande de frais. M. [C] [W] n’a pas constitué avocat et a été régulièrement assigné.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Douai
RG
22/02175
République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 17/10/2024

N° de MINUTE : 24/749

N° RG 22/02175 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UIIU

Jugement (N° 21/002036) rendu le 21 Mars 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTE

SA Cofidis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [C] [W]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 5] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Défaillant, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 2 juillet 2022 (PV de recherches infructueuses – article 659 CPC)

DÉBATS à l’audience publique du 12 juin 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le17 octobre 2024 après prorogation du délibéré du 03 octobre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Anne-Sophie Joly, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 30 mai 2024

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable de crédit acceptée le 27 avril 2018, la SA Cofidis a consenti à M. [C] [W] un prêt de regroupement de crédits d’un montant de 46’300 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux d’intérêt contractuel de 5,72 %.

En l’absence de régularisation des échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 mai 2021.

Par acte d’huissier de justice délivré le 19 juillet 2021, la société Cofidis a fait assigner M. [C] [W] en justice aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement du solde du contrat de crédit.

Par jugement contradictoire du 21 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :

– déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Cofidis,

– condamné M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme de 38’478,81 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 20 mai 2021,

– débouté la société Cofidis du surplus de sa demande,

– débouté la société Cofidis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [C] [W] de sa demande de délai de paiement,

– condamné M. [C] [W] au paiement des dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 4 mai 2022, la société Cofidis a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a condamné M. [C] [W] à lui payer la somme de 38’478,81 euros avec intérêt légal non majoré à compter du 21 mai 2021 et l’a déboutée du surplus de sa demande et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2022, la société Cofidis demande à la cour de :

– recevoir la société Cofidis en son appel, la déclarer bien fondée,

– réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille du 21 mars 2022 uniquement en ce qu’il a déchu la société Cofidis de son droit aux intérêts en totalité, condamné M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme de 38’478,81 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 20 mai 2021, débouté la société Cofidis du surplus de sa demande et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

vu les articles L.312-1 et suivants du code de la consommation,

vu les articles 1103, 1104 du code civil, 9 du code de procédure civile et la jurisprudence citée,

– débouter M. [C] [W] de l’intégralité de ses demandes,

– constater, dire et juger que la société Cofidis justifie avoir scrupuleusement respecté son obligation de consultation du FICP à l’égard de M. [C] [W] préalablement à la conclusion définitive du contrat de prêt personnel de regroupement de crédits au sens de l’article L.312-16 du code de la consommation,

– constater, dire et juger que la société Cofidis ne s’est pas contentée des renseignements fournis par le futur emprunteur et qu’elle a incontestablement respecté son obligation de vérifier la solvabilité de M. [C] [W] à partir d’un nombre suffisant d’informations en se faisant remettre par ce dernier des éléments qui corroborent les déclarations du futur emprunteur, notamment les bulletins de paie de M. [C] [W] pour les périodes de novembre 2017 et 2 mars 2018 ou encore l’avis d’imposition sur le revenu 2017, ainsi que l’attestation d’hébergement à titre gracieux rédigé le 27 avril 2018 par Mme [G] [W],

– par conséquent, condamner M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme en principal de 48’945,37 euros, se décomposant de la façon suivante :

– capital : 43’297,25 euros,

– intérêts : 1 532,42 euros,

– indemnité légale de 8 % : 3 463,78 euros,

– assurance : 651,92 euros,

– intérêts de retard au taux de 5,72 % l’an couru et à courir à compter du 22 juin 2021 jour du complet règlement mémoire,

– condamner M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de civile,

– condamner M. [C] [W] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Régulièrement assigné par acte d’huissier de justice délivré le 8 août 2022 suivant procès-verbal de recherches infructueuses, M. [C] [W] n’a pas constitué avocat.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Cofidis pour l’exposé de ses moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 30 mai 2024 et l’affaire plaidée à l’audience de la cour du 12 juin 2024.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

La société Cofidis fait grief au premier de l’avoir déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif erroné que le document produit pour justifier de la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) a été établi par elle-même et que les éléments sollicités par elle à l’appui de la fiche de dialogue étaient insuffisants à démontrer qu’elle a fait une réelle évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.

Aux termes de l’article L. 341-2 du code de la consommation, lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Aux termes de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, le prêteur consultant le fichier prévu à l’article L.751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6 du même code.

L’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans sa version applicable au litige dispose que :

« Modalités de justification des consultations et conservation des données.

I. – En application de l’article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées. Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l’article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d’une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l’identique.

Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l’article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus.

II. – Les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er mettent en place des procédures internes leur permettant de justifier que les consultations du fichier ne sont effectuées qu’aux fins mentionnées à l’article 2 et à elles seules. (…) »

L’article L. 312-16 du code de la consommation n’impose aucun formalisme quant à la justification de la consultation du FICP par les prêteurs, et il est admis que la Banque de France ne délivre pas de récépissé de cette consultation. S’agissant de la preuve d’un fait juridique, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuves à soi-même n’est pas applicable. De plus, l’arrêté susvisé relatif au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers fait expressément référence, dans son article 13 relatif aux « modalités de justification et de conservation des données » et aux « procédures internes » mises en place par les établissements de crédit ».

Dès lors, les documents produits par la banque aux fins de justification de la consultation du FICP ne pouvaient être écartés par le premier juge au seul motif qu’il émanait de ses services.

Pour démontrer avoir satisfait à son obligation, la société Cofidis communique deux documents, (pièces n° 11 et 12), l’un daté du 27 avril 2018, l’autre du 14 mai 2018, date du déblocage des fonds, intitulés « preuve de la consultation du FICP » sur lequel sont mentionnés le motif de la recherche : « instruction crédit à la consommation », l’identité de l’emprunteur : [C] [W], la clef BDF 11288CLEME, le nombre de réponses : 1, et le résultat de la recherche concernant [K] [M] [W], lequel a fait l’objet d’une mesure de PRP sans liquidation judiciaire prenant fin le 20 février 2019. Ces documents suffisent à établir la consultation du fichier requis par la loi et qu’aucun incident n’était enregistré pour l’emprunteur, M. [C] [W].

Par ailleurs, en sus de la fiche de revenus et charges que la banque a fait compléter à l’emprunteur, par laquelle il a déclaré et certifié sur l’honneur les renseignements donnés, la banque s’est s’est fait remettre la copie de la carte d’identité de M. [C] [W], du livret de famille de ses parents M. [F] [W] et Mme [G] [R], d’une facture de téléphone, de ses bulletins de salaire de décembre 2017 et avril 2018 et une déclaration des salaires perçus du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017, l’avis d’impôt sur le revenus 2017, ainsi qu’une attestation d’hébergement de la mère de l’emprunteur, Mme [G] [W] justifiant l’absence de charge de logement. Ces documents sont concordants avec les déclarations de l’emprunteur au titre de ses revenus et sur le fait qu’il était logé par sa famille. Au titre de ses charges, il a également déclaré les deux crédits ayant fait l’objet du rachat. Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, ces éléments étaient parfaitement suffisants pour procéder à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.

Dès lors, le jugement sera réformé en ce qu’il déchu la banque de son droit aux intérêts contractuels.

Sur la créance de la banque

En application de l’articles L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil.

Au regard des pièces versées aux débats comprenant notamment le contrat de crédit, le tableau d’amortissement, les lettre de mise en demeure et de déchéance du terme, l’historique de fonctionnement du compte, et le décompte de créance arrêté au 17 mai 2021, la créance de la banque d’établit comme suit :

– capital : 43 297,25 euros,

– intérêts : 1 532,42 euros,

– assurance : 651,92 euros

– indemnité conventionnelle : 3 463,78 euros.

M. [C] [W] sera en conséquence condamné à payer à la société Cofidis la somme de 45 481,59 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,72 % sur la somme de 43 297,25 euros au titre du solde du contrat de crédit, ainsi que la somme de 3 463,78 euros avec intérêts au taux légal, l’ensemble des intérêts courant à compter du 20 mai 2021, date de réception de la déchéance du terme et mise en demeure.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [C] [W], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Me Francis Deffrennes, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et la société Cofidis est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut, dans les limites de l’appel ;

Réforme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme de 45 481,59 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,72 % sur la somme de 43 297,25 euros à compter du 20 mai 2021, au titre du solde du contrat de crédit ;

Condamne M. [C] [W] à payer à la société Cofidis la somme la somme de 3 463,78 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2021 au titre de l’indemnité de résiliation ;

Déboute la société Cofidis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] [W] aux dépens de première instance et d’appel dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Me Francis Deffrennes, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Anne-Sophie JOLY

Le président

Yves BENHAMOU


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