Anticor c/ Europe 1 : le droit de réponse audiovisuel

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Anticor c/ Europe 1 : le droit de réponse audiovisuel
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L’article 6-I de la loi du 29 juillet 1982 conditionne le droit de réponse à la diffusion dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle (TV ou Radio) « d’imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation » de celui qui entend l’exercer, auquel il appartient en conséquence de « préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre ».

Une demande de droit de réponse formulée sans préciser les imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation ne respecte donc pas les exigences de l’article 6-I alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1982.

En la cause, le refus de la directrice de publication du service de radio Europe 1 de diffuser le droit de réponse de l’Association Anticor n’est pas constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il y aurait lieu de faire cesser. Il n’y a donc pas lieu à référé.

A cet égard, la demande de droit de réponse du 28 mars 2024 n’avance pas que les propos tenus à l’antenne contiennent des imputations de cette nature et, à plus forte raison, ne se propose à aucun moment de préciser les imputations diffamatoires décelées dans les passages contestés.

La seule mention selon laquelle le droit de réponse est exercé en réponse aux « graves accusations » contenues dans les propos contestés ou encore que l’association demanderesse est « gravement mise en cause à la lumière de ces propos » est insuffisante à satisfaire à cette exigence de précision des imputations.

Pour rappel, l’article 835 du code de procédure civile dispose notamment que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

S’agissant d’un reportage diffusé sur un service radiophonique, la loi du 29 juillet 1982 s’applique.

L’article 6-I de la loi du 29 juillet 1982 dispose que toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans les cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle.

Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire.

La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée.

Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité.

La demande d’exercice du droit de réponse doit être présentée dans le délai de trois mois suivant celui de la diffusion du message contenant l’imputation qui la fonde. Toutefois, lorsque, à l’occasion de l’exercice de poursuites pénales, ont été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle des imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne physique ou morale, ce délai est réouvert à son profit pour la même durée à compter du jour où la décision de non-lieu dont elle fait l’objet est intervenue ou celle de relaxe ou d’acquittement la mettant expressément ou non hors de cause est devenue définitive.

En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée au neuvième alinéa du présent article.

Les conditions d’insertion de la réponse sont précisées par le décret n°87-246 du 6 avril 1987. Il résulte de ce texte que les personnes morales exercent leur droit de réponse par l’intermédiaire de leur représentant légal et que la demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Elle indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée.

Dans les délais prévus aux sixième et huitième alinéas de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 précitée, le directeur de la publication fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la suite qu’il entend donner à la demande.

En outre, le droit de réponse est un droit personnel, général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité et que la réponse apportée à l’article doit donc concerner la défense de cette personnalité. Il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur d’un service de communication audiovisuelle à diffuser un contenu contre sa volonté et doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire à la protection de la réputation et des droits d’autrui.

Résumé de l’affaire : L’association ANTICOR a assigné [G] [N], directrice de publication de Radio Europe 1, et la société Europe 1, en référé, suite à des accusations portées par M. [W] [B] dans une émission diffusée le 2 janvier 2024. ANTICOR demande la diffusion d’une réponse à ces accusations, qui portent sur la transparence de l’association et des allégations d’instrumentalisation à des fins politiques. ANTICOR affirme que ses dons sont traçables et que ses statuts sont publics. Elle conteste également les accusations de conflits d’intérêts, soulignant sa neutralité et son engagement à restaurer la confiance des citoyens envers les élus. En réponse, [G] [N] et Europe 1 demandent la déclaration d’irrecevabilité de l’action contre la société et la condamnation d’ANTICOR à des frais. Après délibération, le tribunal a constaté l’irrecevabilité de la demande contre Europe 1, a condamné ANTICOR à verser 1.500 euros à [G] [N] et à Europe 1, et a ordonné le paiement des dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/55102
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/55102 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5LC6

N° : 2/MM

Assignation du :
16 Juillet 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 16 octobre 2024

par Jean-François ASTRUC, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Association ANTICOR
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Jérôme KARSENTI de la SCP BUCHBINDER KARSENTI & LAMY, avocats au barreau de PARIS – #R0215

DEFENDERESSES

Madame [G] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

S.A.S. EUROPE 1 TELECOMPAGNIE
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentées par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS – #W0010

DÉBATS

A l’audience du 16 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Jean-François ASTRUC, Vice-président, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier le 16 juillet 2024, à la requête de l’association ANTICOR, à [G] [N], directrice de publication du service de radio Europe 1 et à la société Europe 1, au visa de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982, du décret n° 87-246 du 6 avril 1987, et des articles 835 et 700 du code de procédure civile, devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, auquel elle demande :

– d’ordonner à [G] [N] de diffuser la réponse suivante, que le conseil de l’association ANTICOR lui a adressée le 28 mars 2024, dans des conditions de mise à disposition techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message en cause et en lui assurant une audience équivalente :

« Le 2 janvier 2024, la radio « Europe 1 » a diffusé des propos de M. [W] [B] dans l’émission « L’invité actu » animée par M. [V] [M]. L’association ANTICOR entend répondre aux accusations portées par M. [B] à son encontre.

En premier lieu, M. [B] a soutenu que l’Association manquerait de transparence vis-à-vis de son conseil d’administration et des dons qu’elle perçoit. En réalité, ANTICOR ne perçoit aucun don par espèce mais uniquement par chèque, carte bancaire ou virement bancaire. L’intégralité des dons est ainsi retraçable. Par ailleurs, l’Association ne pouvait pas diffuser le nom d’un de ses donateurs à son Conseil d’Administration puisqu’il s’agit d’une information confidentielle, dont la divulgation l’aurait exposé à des poursuites pénales.

Les statuts de l’Association ont évolué, contrairement aux allégations de M. [B]. Toutes les dépenses et choix stratégiques sont soumis au préalable au Conseil d’administration d’ANTICOR. Les statuts et les comptes de l’association sont désormais publics et en accès libre.

En second lieu, M. [B] accuse ANTICOR d’instrumentaliser ses dossiers dans un but politique et de se placer en situation de conflits d’intérêts. Il convient de rappeler que l’Association est une organisation transpartisane. Elle suit actuellement plus de 160 dossiers où sont mis en cause des élus de toute tendance politique.

Si Anticor est amené parfois à dénoncer les liens qui existent entre plusieurs personnes présentes dans le même dossier, elle a toujours laissé la Justice faire son travail tout en œuvrant à éviter tout dysfonctionnement de nos institutions.

L’association met tout en œuvre pour conserver sa neutralité et prévenir tout risque de conflits d’intérêts. La Présidente ne traite aucun dossier en lien avec ANTICOR et les avocats de l’association n’en sont pas adhérents pour éviter les mélanges de genre. M. [C], ancien vice-président de l’association, était effectivement magistrat en exercice. Néanmoins, la Cour de cassation, saisie de cette question, a confirmé que sa présence ne constituait pas un problème vis-à-vis de l’impartialité de la justice.

L’association a été créée contre l’idée du “tous pourris” qui éloigne les citoyens des urnes. Elle entend restaurer l’exemplarité des élus afin que les citoyens puissent retrouver confiance en leurs représentants politiques. »

– d’ordonner à [G] [N] en sa qualité de directrice de publication du service de Radio Europe 1 la diffusion de cette réponse au plus tard dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à venir et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai ;

– d’ordonner à [G] [N] en sa qualité de directrice de publication du service de Radio Europe 1 d’enregistrer et de conserver l’émission diffusant cette réponse pendant une durée minimum de quinze jours après la date de sa diffusion ou jusqu’à l’intervention de la décision définitive en cas d’appel de ce jugement ;

– de condamner [G] [N] en sa qualité de directrice de publication du service de Radio Europe 1 à verser la somme de 3.000 euros à l’association ANTICOR au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu l’acte de dénonciation de ladite assignation au ministère public en date du 18 juillet 2024 ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 18 septembre 2024, par lesquelles l’association ANTICOR conclut au bénéfice de ses demandes introductives d’instance ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 18 septembre 2024, par lesquelles [G] [N] et à la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE demandent au juge des référés de:

– déclarer l’action engagée à l’encontre de la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE irrecevable faute d’intérêt à agir contre une personne à l’encontre de laquelle il n’est formulé aucune demande;

– dire n’y avoir lieu à référé pour le surplus ;

– condamner l’association ANTICOR à payer à [G] [N] et à la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE un montant global de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Lors de l’audience du 18 septembre 2024, les conseils des parties ont oralement soutenu leurs écritures, auxquelles il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des moyens développés à l’appui de leurs prétentions.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Le lundi 2 janvier 2024 à 7h13 a été diffusée sur la station de radio Europe 1 une émission intitulée « L’invité actu » animée par [V] [M], dans laquelle celui-ci avait invité [W] [B], ancien administrateur de l’association ANTICOR, afin de l’interroger sur la perte de l’agrément de l’association ANTICOR lui permettant d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions financières relevant de la lutte contre la corruption.

Dans la relation que la demanderesse fait de l’émission, qui n’est aucunement discutée, celle-ci indique, dans un premier temps, que [W] [B] a tenu plusieurs propos qui sont contestés par l’association et qui sont les suivants:

– « Ce qui lui a été reproché en termes de finance d’une part c’est d’avoir bénéficié de fonds en espèces » […]
– «le nom du donateur […] n’a pas été suffisamment clair à la fois dans ses comptes mais en même temps auprès de son conseil d’administration où l’information n’a pas circulé. » […]
– « Ensuite sur le fonctionnement interne, sur le fonctionnement interne, ben l’information n’est pas toujours partagée voire même fonctionne relativement mal » […]
– « il y a la liste de la majorité celle du président bien sûr qui met des noms qui sont souvent des délégués cooptés qui se connaissent même pas entre eux quoi » […] »

L’association ANTICOR relate ensuite que [W] [B], interrogé sur le fait que l’organisation de l’Association ANTICOR se rapproche de l’organisation d’un parti politique avec différents courants, a répondu :

– « Ouais tout tout tout à fait ça fonctionne comme ça et ça fonctionne toujours comme ça c’est la raison pour laquelle dès 2019 des administrateurs quand même 11 sur 21 avait souhaité une réforme de ses statuts en vue justement de donner plus de transparence ce qui a été refusé le fonctionnement actuel n’a pas changé c’est le même. »

Elle indique que, par la suite, [W] [B] est interrogé « sur la perte d’agrément de Anticor, ce qui serait un cadeau de Noël pour les corrupteurs selon l’association », et que celui-ci affirme alors :
– « bah… au moins au moins je suis satisfait de cette réponse d’anticor qui parle enfin des corrupteurs c’est bien la première fois – parce qu’il faut savoir que dans la corruption on a parlé jusqu’à présent que des corrompus – c’est bien le principal reproche qui peut être fait à anticor c’est de politiser l’ensemble de ces dossiers » […]
– « La dénonciation est faite et ben la première des choses c’est de respecter le fonctionnement de la justice et de la laisser faire et non pas d’y mettre des pressions exécrables, permanentes…
[…] la sortie de cette procédure et le et le dépaysement du dossier de [Localité 4] à [Localité 3], il le doit exclusivement à l’intervention à outrance d’anticor et de son vice-président qui est lui-même magistrat en exercice. »
– […] donc je veux dire il y a une confusion des genres, il y a des conflits d’intérêts internes qui ne facilitent pas la transparence et la neutralité d’anticor dans les poursuites qu’elle engage quoi…[…] »

Il est enfin relaté que [W] [B], interrogé sur « l’opportunité de confier la délivrance de l’agrément à une autorité administrative indépendante plutôt qu’à l’exécutif », apporte les éléments de réponse suivants:

– « […] Or le problème n’est pas de qui donne l’agrément, le problème est pourquoi Anticor ne respecte pas les obligations qui sont consécutives à l’obtention de l’agrément. […] »
– « […] On ne demande pas des choses compliquées et on lui demande en fait de faire, de créer des événements qui ne soient pas des événements politiques. On lui demande de créer des événements qui qui permettent de lutter contre la corruption, qui permettent de faire comprendre au grand public quels sont les enjeux de cette corruption et quels sont les maux que cette corruption entraîne dans notre démocratie on lui demande pas de prendre parti contre tel dossier de tel autre de s’acharner sur celui qu’elle a poursuivi et cetera. […] »

Par courrier recommandé daté du 6 mars 2024, adressé à [G] [N] en sa qualité de directrice de publication du service de radio Europe 1, le conseil de l’association ANTICOR a sollicité la publication d’un droit de réponse radiophonique (pièce n° 1 en demande).
Par courrier recommandé daté du 18 mars 2024, le conseil de l’association ANTICOR était informé qu’il ne serait pas accédé à la demande, au motif qu’elle ne répondait pas aux prescriptions légales et aux règles générales applicables (pièce n° 4 en demande).

Par nouveau courrier recommandé du 28 mars 2024, le conseil de l’association ANTICOR sollicitait à nouveau la publication du droit de réponse radiophonique (pièce n° 1 en demande), qui donnait lieu en réponse le 8 avril 2024 à un refus pour les mêmes motifs (pièce n° 3 en demande).

C’est dans ces circonstances que la présente instance a été engagée.

*

Sans que cette circonstance ne rende irrecevable l’attraction à l’instance de la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE, il sera liminairement constaté qu’il n’est formé aucune demande à l’encontre de cette partie.

Sur le fondement de la demande

Il est soutenu que la demande d’insertion est fondée conjointement sur l’article 13 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 et sur l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982, alors que ces droits de réponse diffèrent aussi bien dans leurs conditions d’ouverture, dans leurs régimes et dans leurs sanctions, ce qui est de nature à introduire une confusion majeure qui ne permet pas à [G] [N] de statuer utilement sur une telle demande sans prendre le risque soit de s’auto-incriminer, soit de répondre de manière imparfaite.

Sur ce point, il ressort de l’examen du courrier du 28 mars 2024 contenant la demande d’insertion objet du présent litige, que l’association ANTICOR expose en page 1, en préambule de sa demande, « qu’elle entend exercer son droit d’insertion d’un droit de réponse en application de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse ».
A la suite du développement de sa demande, contenue aux pages 2 à 4, l’association conclut, en page 5 « Par conséquent, et en application des dispositions de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982, l’association ANTICOR, gravement mise en cause à la lumière de ces propos, vous demande donc de lire ce droit de réponse (…) ».

Cela étant, le courrier du 28 mars 2024 ne contient aucune ambiguïté quant à la nature audiovisuelle du droit d’insertion dont l’exécution est sollicitée, en ce que :
– le support de l’émission à l’origine de la demande d’insertion est parfaitement identifié comme étant « un passage radio diffusé le lundi 2 janvier 2024 à 7h13 sur la chaîne de radio « Europe 1 » dans l’émission « L’invité actu » animée par M. [V] [M] et dans laquelle intervenait M. [W] [B] en tant qu’invité » (page 2);
– que les propos visés sont précisément identifiés comme étant les propos qui ont été diffusés sur la chaîne de radio « Europe 1 » lors de cette émission radiophonique (« Le lundi 2 janvier 2024 à 7h13 sur la chaîne de radio « Europe 1 » dans l’émission « L’invité actu » animée par M. [V] [M], M. [B] a tenu plusieurs propos, contestés par l’Association » (page 2) ;
– la demande de diffusion de droit de réponse est bien adressée à [G] [N], en sa qualité de directrice de publication « du service de radio Europe 1 ».

Ce moyen sera rejeté.

Sur la régularité du droit de réponse audiovisuel dont l’insertion est sollicitée

L’article 835 du code de procédure civile dispose notamment que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, il est sollicité l’insertion forcée, sous forme de lecture à l’antenne, du droit de réponse précité. S’agissant d’un reportage diffusé sur un service radiophonique, la loi du 29 juillet 1982 s’applique.
L’article 6-I de la loi du 29 juillet 1982 dispose que toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans les cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle.
Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire.
La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée.
Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité.
La demande d’exercice du droit de réponse doit être présentée dans le délai de trois mois suivant celui de la diffusion du message contenant l’imputation qui la fonde. Toutefois, lorsque, à l’occasion de l’exercice de poursuites pénales, ont été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle des imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne physique ou morale, ce délai est réouvert à son profit pour la même durée à compter du jour où la décision de non-lieu dont elle fait l’objet est intervenue ou celle de relaxe ou d’acquittement la mettant expressément ou non hors de cause est devenue définitive.
En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée au neuvième alinéa du présent article.
Les conditions d’insertion de la réponse sont précisées par le décret n°87-246 du 6 avril 1987. Il résulte de ce texte que les personnes morales exercent leur droit de réponse par l’intermédiaire de leur représentant légal et que la demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Elle indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée.
Dans les délais prévus aux sixième et huitième alinéas de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 précitée, le directeur de la publication fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la suite qu’il entend donner à la demande.
En outre, il sera rappelé que le droit de réponse est un droit personnel, général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité et que la réponse apportée à l’article doit donc concerner la défense de cette personnalité. Il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur d’un service de communication audiovisuelle à diffuser un contenu contre sa volonté et doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire à la protection de la réputation et des droits d’autrui.

En l’espèce, la demande de droit de réponse du 28 mars 2024 contient la mention des passages contestés dans un paragraphe intitulé « les propos contestés » (page 2, reproduits supra), dont il est encore précisé qu’ils « font l’objet du droit de réponse » (page 3), conformément aux prescriptions de l’article 3 du décret du 6 avril 1987.
Toutefois, l’article 6-I de la loi du 29 juillet 1982 conditionne le droit de réponse à la diffusion dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle « d’imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation » de celui qui entend l’exercer, auquel il appartient en conséquence de « préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre ».

A cet égard, la demande de droit de réponse du 28 mars 2024 n’avance pas que les propos tenus à l’antenne contiennent des imputations de cette nature et, à plus forte raison, ne se propose à aucun moment de préciser les imputations diffamatoires décelées dans les passages contestés.
La seule mention selon laquelle le droit de réponse est exercé en réponse aux « graves accusations » contenues dans les propos contestés ou encore que l’association demanderesse est « gravement mise en cause à la lumière de ces propos » est insuffisante à satisfaire à cette exigence de précision des imputations.

Dans ces conditions, la demande formulée ne respecte pas les exigences de l’article 6-I alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1982.

Il doit dès lors être considéré que le refus de la directrice de publication du service de radio Europe 1 de diffuser le droit de réponse du demandeur n’est pas constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il y aurait lieu de faire cesser. Il n’y a donc pas lieu à référé.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, l’association ANTICOR qui succombe, supportera les dépens de l’instance.

Il serait inéquitable de laisser aux défendeurs la charge des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la défense de leurs intérêts et il y a lieu de condamner le demandeur à leur payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Constatons qu’il n’est formé aucune demande à l’encontre de la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE,

Disons n’y avoir lieu à référé,

Condamnons l’association ANTICOR à payer à [G] [N] et à la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE, ensemble, la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons l’association ANTICOR aux dépens,

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision de droit.

Fait à Paris le 16 octobre 2024

Le Greffier, Le Président,

Minas MAKRIS Jean-François ASTRUC


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