Expertise et Responsabilité : Les Enjeux d’une Demande de Preuve dans un Contexte de Sinistre

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Expertise et Responsabilité : Les Enjeux d’une Demande de Preuve dans un Contexte de Sinistre

M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ont subi un sinistre par infiltrations et ont mandaté un expert qui a constaté un soulèvement du solin lié à des travaux effectués par M. [G] [H] sous l’enseigne [H] Elagage. Ce dernier a mis en avant un défaut de jointoiement des briques, pouvant être à l’origine des désordres. Une demande d’expertise judiciaire a été formulée, justifiée par des éléments probants tels qu’une déclaration de sinistre et une mise en demeure. Le juge a ordonné cette expertise, considérant qu’il existait un motif légitime.

M. [G] [H] n’ayant pas fourni d’attestation d’assurance pour les travaux, le juge a également ordonné sa communication, en raison de l’urgence liée à la remise en état de l’immeuble. Une astreinte a été prévue pour garantir l’exécution de cette décision. Les dépens ont été mis à la charge des demandeurs, et chaque partie a été laissée responsable de ses frais irrépétibles. Enfin, l’exécution provisoire de la décision a été confirmée, conformément aux dispositions du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
24/01016
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises
N° RG 24/01016 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YNAP
SL/ST

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 15 OCTOBRE 2024

DEMANDEURS :

M. [M] [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Benjamin MILLOT, avocat au barreau de LILLE

Mme [F] [Y] [T] [I] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Benjamin MILLOT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

M. [G] [H]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Jennifer HOLLEBECQUE, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Samuel TILLIE, Premier Vice-Président adjoint, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT lors des débats et Sébastien LESAGE lors de la mise à disposition

DÉBATS à l’audience publique du 24 Septembre 2024

ORDONNANCE du 15 Octobre 2024

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Suivant acte authentique reçu le 19 juillet 2019 par Me [L], notaire à [Localité 8], M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ont acquis la propriété d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 8] (Nord).

M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ont confié la réalisation de travaux d’élagage, de décapage et peinture de toiture, de démontage et pose d’un paxalu et de réfection d’un solin selon facture du 18 mai 2020 pour un montant total de 3 200,00 €.

M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ont exposé avoir constaté des désordres.

Par acte délivré à leur demande le 12 juin 2024, M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ont fait assigner M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé afin notamment de voir ordonner une expertise judiciaire au visa de l’article 145 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience le 3 septembre 2024 lors de laquelle, à la demande du défendeur, elle a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 24 septembre 2024 où elle a été retenue.

Lors de l’audience, M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] sollicitent oralement le bénéfice de leur acte introductif d’instance par lequel ils demandent au juge des référés de :
– ordonner une expertise judiciaire dont mission précisée dans l’assignation,
– ordonner à M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage de lui communiquer les attestations d’assurance « responsabilité civile » et « responsabilité décennale »,
– se réserver la liquidation de l’astreinte,
– réserver les dépens.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, notifiées par voie électronique le 23 septembre 2024, M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage sollicite du juge des référés le débouté de M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] de leurs demandes.

Il est renvoyé aux écritures précitées pour plus de précisions sur les prétentions et moyens débattus au visa des articles 445 et 446-1 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré pour être prononcée par mise à disposition du greffe le 15 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nature de la décision

L’article 467 du code de procédure civile dispose notamment que le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire.

En l’espèce, la décision sera donc contradictoire.

Sur la demande d’expertise judiciaire

M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] font valoir qu’ils ont subi un sinistre par infiltrations déclaré à leur assureur habitation et que l’expert qu’ils ont mandaté a notamment relevé un soulèvement du solin visé dans les travaux pour lesquels ils ont fait appel à M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage.

Ce dernier souligne le défaut de jointoiement au niveau des briques figurant sur le devis de travaux versé par M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] s’agissant des travaux de reprise nécessaires.

L’article 145 du code de procédure civile dispose que, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Ce motif légitime s’apprécie sur la base d’un possible litige futur présentant un objet et un fondement déterminés de façon suffisante. Ils peuvent notamment être étayés par des éléments donnant crédit aux suppositions de celui qui réclame une expertise judiciaire.
Le recours à l’expertise n’est donc pas subordonné à une absence de contestation sérieuse ou à l’urgence.
En revanche, il peut être opposé à une demande d’expertise judiciaire le fait que le litige futur soit, de manière manifeste, voué à l’échec à raison d’un obstacle de fait ou de droit.

Dès lors que l’existence d’un motif légitime est établie, il ne peut être opposé à la demande d’expertise judiciaire qu’elle serait ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve au visa de l’article 146 du code de procédure civile.

L’expertise judiciaire permet de recueillir l’avis d’un expert sur les désordres ainsi que leur origine, M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage se défendant d’avoir manqué aux règles de l’art dans les travaux qu’il a accomplis et soulignant un défaut de jointoiement pouvant, selon lui, être à l’origine des désordres allégués par M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W].

Les pièces soumises au juge, notamment les constatations d’un décollement du solin en cause, l’existence d’une déclaration de sinistre lié à des infiltrations en novembre 2023 et la mise en demeure du 26 janvier 2024 adressée à M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage, étayent de manière objective la vraisemblance des désordres invoqués les demandeurs de sorte qu’est établie l’existence d’un motif légitime au sens de l’article 145 précité.

Par conséquent, il y a lieu d’ordonner une expertise judiciaire selon les modalités précisées au dispositif.

A leur propos, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 265 du code de procédure civile il revient au juge ordonnant l’expertise de nommer l’expert chargé de l’accomplir, de décider de la mission qui lui est confié et de fixer le délai qui lui est imparti pour donner son avis.

Sur la demande de communication de l’attestation d’assurance

L’article 834 du code de procédure civile confère, « dans tous les cas d’urgence », au président du tribunal judiciaire le pouvoir d’ordonner en référé « toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

En l’espèce, il est constant que M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage n’a pas fourni d’attestation d’assurance à M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] pour les travaux qu’ils lui ont confiés. Le défendeur fait valoir ne pas avoir souscrit de garantie décennale. Il est taisant sur l’existence d’une assurance souscrite au titre de sa responsabilité civile.

Le fait que le chantier de remise en état de l’immeuble qui constitue la résidence principale de M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] puisse intervenir rapidement caractérise l’urgence à la communication de son attestation d’assurance responsabilité civile.

Par conséquent, il convient de condamner M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage à cette communication selon les modalités précisées au dispositif.

Sur l’astreinte pouvant assortir la décision du juge des référés

En vertu de l’alinéa 1er de l’article L.131 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Il résulte de l’alinéa 1er de l’article 491 du code de procédure civile laisse la faculté au juge des référés de se réserver la liquidation de l’astreinte dont il a assorti sa décision.

Au vu des circonstances de l’espèce, il y a lieu d’assortir la condamnation de M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage à cette communication d’une astreinte provisoire telle que précisée au dispositif et de se réserver l’éventuel contentieux de sa liquidation.

Sur les dépens

L’article 491 du code de procédure civile fait obligation au juge des référés de statuer sur les dépens.

En l’espèce, l’expertise étant ordonnée à la demande et dans l’intérêt de M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W], il convient de mettre à leur charge les dépens, en ce compris l’avance des frais d’expertise.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose notamment que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Il précise que les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

En l’espèce, à ce stade, il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Sur l’exécution provisoire

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Toutefois, l’article 514-1 du même code précise le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.

DECISION

Par ces motifs, le juge des référés statuant après débat en audience publique, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe rendue en premier ressort ;

Renvoie les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

Ordonne une expertise judiciaire et désigne pour la réaliser :

Monsieur [E] [R],
[Adresse 3],
[Localité 6]

expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Douai ;

Lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Fixe la mission de l’expert comme suit :
– se rendre sur les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 8] (Nord) après avoir convoqué les parties ;
– décrire les lieux et en établir un plan, de façon sommaire, afin de faciliter leur appréhension et la localisation des désordres ;
– examiner les documents remis par les parties ;
– examiner les défauts, malfaçons, non façons et non-conformités contractuelles allégués par M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] ;
– les décrire de façon précise en indiquant leur localisation, leur nature, leur étendue, leur origine, leur importance, leur date d’apparition, selon toute modalité technique que l’expert estimera nécessaire ;
– au besoin, un album photographique pourra être constitué ;
– en rechercher la ou les causes et déterminer à quels intervenants, ces défauts, malfaçons, non façons, et non-conformités contractuelles sont imputables et, le cas échéant, dans quelles proportions ;
– dire si les travaux concernés ont été réalisés conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art et données acquises au jour de leur exécution ;
– donner les éléments de fait pour déterminer pour chaque désordre s’il a été réservé ou s’il était caché ou apparent lors de la réception ;
– pour chacun des désordres, indiquer les conséquences en résultant concernant la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment et plus généralement concernant l’usage pouvant être attendu de ce bâtiment ou concernant la conformité à sa destination ou si, affectant l’ouvrage dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, ils le rendent impropre à sa destination ;
– décrire les travaux de reprise et procéder à un chiffrage desdits travaux ainsi qu’à une estimation de la durée de leur réalisation ;
– fournir tous les éléments techniques utiles à l’appréciation des enjeux techniques et de responsabilités encourues évoqués au cours des opérations d’expertise ;
– illustrer au besoin son avis motivé des schémas et croquis de nature à faciliter la compréhension des aspects techniques ;
– procéder à une évaluation précise de tous les préjudices, de toute nature, directs ou indirects, matériels et immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance en ce compris celui qui résultera de la réalisation des travaux de remise en état ;
– préciser si des travaux urgents sont nécessaires soit pour prévenir une aggravation des désordres et du préjudice en résultant, soit pour prévenir les dommages à la personne et aux biens et, si tel est le cas, décrire les travaux de sauvegarde nécessaires, procéder à une estimation de leur coût, ces éléments donnant lieu au dépôt d’un rapport intermédiaire déposé sans délai ;
– fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner, notamment ceux résultant d’une limitation ou d’une privation de jouissance ;
– donner son avis sur les comptes entre les parties ;

Dit que, dans le cadre de sa mission, l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties assistées de leurs conseils le cas échéant, avant de se rendre sur les lieux,
– veiller à prendre les dispositions utiles au respect du contradictoire,
– recueillir leurs observations au cours des opérations d’expertises ;
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission, étant rappelé que les parties ont l’obligation de lui communiquer tous les documents utiles ;
– à l’issue de la première réunion d’expertise ou dès que cela sera possible, en concertation avec les parties, avec actualisation au besoin, définir un calendrier prévisionnel des opérations d’expertise :
? arrêter le montant estimatif de l’enveloppe financière nécessaire aux opérations d’expertise afin d’en donner connaissance aux parties et de leur permettre de préparer le budget nécessaire,
? informer avec diligence, le cas échéant, les parties de l’évolution de ce montant estimatif et de la saisine du juge chargé du contrôle des expertises d’une demande de consignation complémentaire,
? fixer aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées,
? informer les parties de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son pré-rapport constituant un document de synthèse,
? adresser à chacune des parties ce pré-rapport, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport, et y préciser le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, le délai imparti aux parties pour en prendre connaissance et formuler des dires,
? fixer la date limite pour les dernières observations des parties sur le document de synthèse qu’il prendra en compte dans son rapport final étant rappelé que l’expert ne sera pas tenu de prendre en compte les observations qui lui seraient transmises après cette date limite
? aviser dans le meilleur délai le juge chargé du contrôle des expertises en cas de difficulté ;

Fixe à 2 500 € (deux mille cinq cents euros) le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise que la partie demanderesse devra avoir consigné auprès de la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Lille au plus tard le 19 novembre 2024 ;

Dit qu’à défaut de consignation de cette provision initiale dans le délai imparti ou, le cas échéant, prorogé sur demande motivée déposée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et ne produira aucun effet sans autre formalité ;

Rappelle que l’expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport et une copie sous forme d’un fichier au format PDF enregistré sur une clé USB au greffe du tribunal judiciaire de Lille, service du contrôle des expertises, [Adresse 2] ;

Fixe le délai dans lequel l’expert déposera son rapport à six mois à compter de l’avis qui lui sera donné du versement de la consignation, ce délai pouvant à la demande motivée de l’expert auprès du juge chargé du contrôle des expertises faire l’objet d’une prorogation ;

Dit que l’exécution des opérations d’expertise sera suivie par le juge chargé du contrôle des expertises spécialement désigné au sein du tribunal judiciaire de Lille ;

Condamne M. [G] [H] exerçant sous l’enseigne [H] Elagage à communiquer à M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W], sous huit jours à compter de la signification de la présente ordonnance, l’attestation d’assurance responsabilité civile et, passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant deux mois ;

Se réserve le contentieux de liquidation de cette astreinte ;

Condamne M. [M] [W] et Mme [F] [I] ép. [W] aux dépens ;

Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

La présente ordonnance a été signée par le juge et le greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Samuel TILLIE


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