La nullité de la saisie-attribution sur comptes bancaires

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La nullité de la saisie-attribution sur comptes bancaires

La SAS HEINEKEN a effectué une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] en se basant sur un jugement du tribunal de commerce de Nanterre. Monsieur [C] a contesté cette saisie en assignant la SAS HEINEKEN devant le juge de l’exécution, demandant la nullité de la saisie et, à titre subsidiaire, le cantonnement de celle-ci à 9.825 euros, en raison d’un accord avec la créancière. La SAS HEINEKEN a répliqué en soutenant l’irrecevabilité de l’exception de procédure et a contesté les arguments de Monsieur [C], affirmant que le commissaire de justice avait compétence territoriale. Le juge a déclaré la contestation recevable, mais a rejeté l’exception de nullité et la demande de cantonnement, validant ainsi la saisie et condamnant Monsieur [C] à payer des frais à la SAS HEINEKEN.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
24/04825
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 15 Octobre 2024

DOSSIER N° RG 24/04825 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZHUL
Minute n° 24/ 384

DEMANDEUR

Monsieur [P] [C]
né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]

représenté par Maître Jonathan SOUFFIR de l’AARPI EVY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR

S.A.S. HEINEKEN, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° B 414 842 062, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Maxime GRAVELLIER de l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 17 Septembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 15 Octobre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 15 octobre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du Président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 18 novembre 2021, la SAS HEINEKEN a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] par acte en date du 30 avril 2024, dénoncée par acte du 6 mai 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 30 mai 2024, Monsieur [C] a fait assigner la SAS HEINEKEN devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 17 septembre 2024 et dans ses dernières conclusions, le demandeur sollicite à titre principal que soit prononcée la nullité de la saisie-attribution diligentée. A titre subsidiaire, il sollicite le cantonnement de cette mesure d’exécution forcée à la somme de 9.825 euros.

Au soutien de la nullité de l’acte de saisie, Monsieur [C] fait valoir que le commissaire de justice ayant pratiqué la saisie-attribution exerce dans le ressort de la cour d’appel de Douai et n’a donc pu valablement réaliser cet acte auprès de l’établissement bancaire du demandeur sis à [Localité 8], alors que lui-même demeurait désormais à [Localité 3], ce que l’officier ministériel n’ignorait pas. A titre subsidiaire, il se prévaut d’un accord conclu avec la créancière pour limiter sa créance à la somme de 9.825 euros correspondant à sa quote-part de la dette contractée aux côtés des autres cautions, dont il souligne qu’elles n’ont pas été actionnées en paiement.

A l’audience du 17 septembre 2024 et dans ses dernières écritures, la SAS HEINEKEN conclut à l’irrecevabilité de l’exception de procédure soulevée et à son rejet au fond. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet des prétentions du demandeur et à sa condamnation aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse soutient que l’exception de procédure n’a pas été soulevée in limine litis, l’assignation n’y faisant pas référence. Au fond, elle souligne que le commissaire de justice avait toute compétence territoriale pour intervenir au vu du dernier domicile connu du demandeur, ce dernier ne justifiant en tout état de cause pas d’un grief. Elle conteste toute renonciation au bénéfice de la solidarité et considère avoir retrouvé son droit de poursuite pour la totalité de la créance sur chacune des cautions au regard de l’inexécution de l’accord aimable homologué par le tribunal de commerce de Nanterre par les débiteurs. Elle souligne justifier des démarches d’exécution forcée diligentée à l’encontre des autres cautions.

L’affaire a été mise en délibéré au 15 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [C] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 30 mai 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 30 avril 2024 avec une dénonciation effectuée le 6 mai 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 7 juin 2024.

Il justifie de l’envoi du courrier recommandé en date du 31 mai 2024 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

– Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article 2 du décret n°2021-1625 du 10 décembre 2021 prévoit :
« Tout commissaire de justice peut signifier un acte par voie électronique dès lors que l’un des destinataires de l’acte a son domicile ou sa résidence dans le ressort de la cour d’appel où il exerce sa compétence.
Toutefois et hors les cas où le débiteur a son domicile ou sa résidence à l’étranger, seuls les commissaires de justice qui exercent dans le ressort de la cour d’appel où le débiteur a son domicile ou sa résidence sont compétents pour signifier les actes par voie électronique à un tiers dans le cadre d’une procédure d’exécution ou d’une mesure conservatoire au sens de l’article L. 111-1 du code des procédures civiles d’exécution.
La dénonciation par la voie électronique d’un acte peut être faite par le commissaire de justice compétent pour signifier ou établir l’acte. »

L’article 74 du code de procédure civile indiquant quant à lui :
« Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles

invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.
La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d’irrecevabilité des exceptions.
Les dispositions de l’alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l’application des articles 103,111,112 et 118. »

Si Monsieur [C] n’a effectivement pas soulevé l’exception de procédure relative à l’incompétence territoriale du commissaire de justice dans son assignation au fond, il l’a fait à l’audience avant d’évoquer toute défense au fond.
L’exception soulevée doit donc être considérée comme recevable.

Ainsi que le rappelle le texte visé supra, le commissaire de justice a compétence pour signifier les actes dans le ressort de la cour d’appel où le débiteur a son domicile ou sa résidence. La saisie-attribution a été diligentée auprès de l’établissement bancaire de Monsieur [C], à sa dernière adresse connue soit à [Localité 7] dans le ressort de la cour d’appel de Douai, à 8h32. Le mail de ce commissaire de justice produit par le défendeur, l’interrogeant sur sa domiciliation à [Localité 3] a été envoyé à 13h36 donc postérieurement à la réalisation de l’acte litigieux.

Maitre [Y] a par conséquent délivré l’acte au vu du dernier domicile connu du débiteur qui se situait bien sur son ressort de compétence. L’acte de dénonciation de cette saisie-attribution a quant à lui été effectué le 6 mai 2024 par un commissaire de justice du ressort de la Cour d’appel de Bordeaux à sa nouvelle adresse à [Localité 3].

Le procès-verbal de saisie-attribution a donc été valablement dressé et il n’encourt aucun grief de nullité. Cette demande sera par conséquent rejetée.

– Sur le cantonnement de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

Le protocole d’accord entre la SAS HEINEKEN et la SAS LA POULARDIERE dont Monsieur [B] [U], depuis devenu [P] [C], étant caution prévoit en son 7) qu’en cas de non-paiement d’une seule échéance, l’accord de paiement sera caduc et que la défenderesse pourra exiger le paiement immédiat de l’intégralité des sommes restant dues et sera alors autorisée à reprendre immédiatement les poursuites contre la société et ses cautions.
Cet accord a été homologué par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 18 novembre 2021.

Il n’est pas contesté par les parties que la SAS LA POULARDIERE a été défaillante dans le respect de ce protocole, la SAS HEINEKEN ayant par conséquent recouvré son droit de poursuite contre la débitrice principale, et les cautions.

Le demandeur produit un échange de mails avec Monsieur [S], juriste au sein de la SAS HEINEKEN France, en date du 12 septembre 2023. Ce dernier indique donner son accord pour un paiement en deux fois et précise ensuite qu’aucun accord ne serait signé et que la somme de 19.100 euros correspondant à la quote-part de Monsieur [C] et son épouse devra être réglée auprès du commissaire de justice avant la fin du mois de septembre 2023.
Il est constant que ce versement n’est pas intervenu, la créancière ayant fait diligenter un acte d’exécution forcée en avril 2024.

Dès lors, Monsieur [C] ne peut soutenir que la SAS HEINEKEN a renoncé à se prévaloir du bénéfice de solidarité et serait contrainte de diviser ses recours contre les débiteurs. La demande de cantonnement sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [C], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] détenus auprès de ORANGE BANK à la diligence de la SAS HEINEKEN par acte en date du 30 avril 2024, dénoncée par acte du 6 mai 2024 recevable ;
DECLARE l’exception de nullité du procès-verbal de saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] détenus auprès de ORANGE BANK à la diligence de la SAS HEINEKEN par acte en date du 30 avril 2024, dénoncée par acte du 6 mai 2024 recevable ;
REJETTE l’exception de nullité du procès-verbal de saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] détenus auprès de ORANGE BANK à la diligence de la SAS HEINEKEN par acte en date du 30 avril 2024, dénoncée par acte du 6 mai 2024 ;
DEBOUTE Monsieur [P] [C] de sa demande de cantonnement ;
VALIDE la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [P] [C] détenus auprès de ORANGE BANK à la diligence de la SAS HEINEKEN par acte en date du 30 avril 2024, dénoncée par acte du 6 mai 2024 ;
CONDAMNE Monsieur [P] [C] à payer à à la SAS HEINEKEN la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [P] [C] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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