Le tribunal de commerce de Lyon a, par ordonnance de référé du 20 novembre 2023, condamné la SA Capelli à verser des sommes provisionnelles à la SAS Tri Home. Un appel a été interjeté. Le 23 mai 2024, une première saisie-attribution a été effectuée auprès de la SA Banque Fiducial, mais n’a pas abouti. Une seconde saisie a eu lieu le 28 mai 2024, également sans succès. Le 7 juin 2024, la SAS Tri Home a assigné la SA Banque Fiducial devant le juge de l’exécution pour obtenir le paiement d’une somme due. L’affaire a été entendue le 2 juillet 2024 et renvoyée au 17 septembre 2024, avec une décision rendue le 15 octobre 2024. Le juge a débouté la SAS Tri Home de ses demandes, y compris celle de communication de relevé de compte et de paiement de la somme réclamée, et a condamné la SAS Tri Home aux dépens. La décision est exécutoire de plein droit.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU : 15 Octobre 2024
MAGISTRAT : Sidonie DESSART
GREFFIER : Céline MONNOT
DÉBATS : tenus en audience publique le 17 Septembre 2024
PRONONCE : jugement rendu le 15 Octobre 2024 par le même magistrat
AFFAIRE : S.A.S. TRI HOME
C/ S.A. BANQUE FIDUCIAL
NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/04454 – N° Portalis DB2H-W-B7I-ZOZ2
DEMANDERESSE
S.A.S. TRI HOME (R.C.S. Vienne 803 672 088)
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Bertrand TAVERNIER, avocat au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.A. BANQUE FIDUCIAL
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Magali TARDIEU CONFRAVEUX, avocats au barreau de PARIS et de Maître BUISSON Pierre avocat postulant au barreau de Lyon,
NOTIFICATION LE :
– Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
– Une copie certifiée conforme à Me Pierre BUISSON – 140, Me Bertrand TAVERNIER – 3032
– Une copie à l’huissier poursuivant : SARL AURAJURIS (69)
– Une copie au dossier
Par ordonnance de référé en date du 20 novembre 2023, le tribunal de commerce de LYON a condamné la SA CAPELLI à payer à la SAS TRI HOME les sommes provisionnelles de 360.000 €, 36.000 € et 270.000 € et la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Appel a été interjeté de cette ordonnance.
Le 23 mai 2024, sur le fondement de cette ordonnance de référé, une première saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à l’encontre de la SA CAPELLI à la requête de la SAS TRI HOME par voie de commissaire de justice pour recouvrement de la somme de 516.415,42 €. Elle n’a pas été fructueuse (déclaration du tiers saisi du 23 mai 2024).
Le 28 mai 2024 à 11H 29 et 13 secondes, une seconde saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à l’encontre de la SA CAPELLI à la requête de la SAS TRI HOME par voie de commissaire de justice pour recouvrement de la somme de 517.444,64 €, sur le fondement de cette ordonnance de référé. Dénoncée le 3 juin 2024 à la SA CAPELLI, elle n’a pas été fructueuse (déclaration du tiers saisi du 30 mai 2024).
Par acte de commissaire de justice en date du 7 juin 2024, la SAS TRI HOME a donné assignation à la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE d’avoir à comparaître devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de LYON afin de se voir déclarer recevable et bien-fondée en sa demande et, en conséquence de voir condamner la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à lui payer la somme de 517.444,64 € et la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître Bertrand TAVERNIER.
L’affaire a été appelée à l’audience du 2 juillet 2024, puis renvoyée au 17 septembre 2024, date à laquelle elle a été évoquée.
A cette audience, chacune des parties, représentée par un conseil, a exposé oralement ses demandes sur le fondement de conclusions, visées à l’audience, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample rappel de ses demandes et moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 15 octobre 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue.
A la demande du juge de l’exécution faite aux parties quant à la communication du certificat de non contestation de la seconde saisie-attribution, la SAS TRI HOME a répondu le 24 septembre 2024 qu’aucun certificat de non contestation eu égard à l’absence de retour de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE quant à la situation du compte lors de la saisie.
Sur la demande avant-dire droit d’injonction sous astreinte de production de pièces
Aux termes de l’article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites et leur production a lieu conformément aux dispositions des articles 138 et 139 du même code.
En application de ces textes, une partie peut donc demander sans forme au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce. S’il estime cette demande fondée, le juge ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin à peine d’astreinte.
S’il ressort de ces textes que le juge, notamment le juge de l’exécution, peut solliciter la production de pièces sollicitées par une des parties, il ne peut le faire que dans le but de l’administration judiciaire de la preuve.
Cette demande ne peut pas être formée au fond comme une demande indépendante de la demande principale. Le juge de l’exécution n’a en effet pas le pouvoir de formuler de telles injonctions au regard des articles L 213-6 du code de l’organisation judiciaire et 8 du décret du 31 juillet 1992.
Il échet de rappeler que l’article R 211-20 du code des procédures civiles d’exécution met à la charge de l’établissement tiers saisi une double obligation :
– d’une part d’indiquer tous les comptes de dépôt dont est titulaire son client ;
– d’autre part, au jour de la saisie, de fournir le montant du solde du ou des comptes ouverts au nom du débiteur saisi.
Cette obligation de renseignement découlant de la loi, l’établissement de crédit n’est pas fondé à opposer le secret bancaire à la demande du créancier tendant à connaître la nature et la position des comptes ouverts dans ses livres au nom du débiteur.
Nonobstant la suspicion du créancier redoutant une diminution du solde du compte pour éviter que la saisie ne soit fructueuse, le banquier n’est pas tenu de révéler les mouvements de compte antérieurs à la saisie. Le juge de l’exécution ne peut contrôler la valeur et la sincérité de la déclaration du tiers saisi, au regard des obligations que lui impose la loi, qu’au moment de la saisie. Ainsi, il n’entre pas dans ses pouvoirs de contrôler l’évolution des comptes du débiteur saisi avant la saisie.
Dans ses dernières conclusions, la SAS TRI HOME demande, avant dire droit, la communication sous astreinte du relevé du compte courant n° [XXXXXXXXXX07]-BDEFRPP ouvert au nom de la SA CAPELLI dans les livres de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à la date de la saisie, le 28 mai 2024, en faisant valoir en substance que, si la charge de la preuve lui incombe :
– dans le cadre de la seconde saisie du 28 mai 2024, elle n’a répondu que le 30 mai 2024 au commissaire de justice instrumentaire, en indiquant un solde au 30 mai 2024, et non au 28 mai 2024, à l’heure et à la date de la saisie opérée ;
– l’unique pièce versée en défense (pièce n° 1), pour ne pas indiquer précisément le solde du compte aux date et heure de la saisie, n’est de nature ni à satisfaire son obligation de renseignements en tant que tiers détenteur, ni à démontrer l’absence de provision sur le compte bancaire à la date de la saisie ;
– cette pièce, pour être une attestation émanant du “directeur production bancaire” de la défenderesse et être constitutive d’une preuve à soi-même, est dénuée de toute valeur probante ;
– la défenderesse a refusé de répondre à la sommation de communiquer les relevés de compte de la SA CAPELLI sur trois jours.
Or il ressort de l’examen des pièces versées aux débats que:
– le 28 mai 2024 à 11H 29 et 13 secondes, une saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à l’encontre de la SA CAPELLI à la requête de la SAS TRI HOME par voie de commissaire de justice pour recouvrement de la somme de 517.444,64 €; que, dénoncée le 3 juin 2024 à la SA CAPELLI, elle n’a pas été fructueuse ;
– le 30 mai 2024, en réponse à cette saisie, la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE a transmis au commissaire de justice instrumentaire la déclaration du tiers-saisi indiquant un solde débiteur de 302,14 € sur le compte n° [XXXXXXXXXX07] BDEIFRPP ;
– suite à la sommation du 24 juin 2024 de communiquer, dans un délai de 48H, le relevé du compte courant pour la période courant du 27 mai 2024 au 30 mai 2024 à minuit, elle a transmis une attestation du 19 juin 2024 dans laquelle [W] [N], membre de son directoire, atteste que le solde du compte courant de la SA CAPELLI en date du 28 mai 2024 à 11H29 minutes était de 0 € ;
– la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE a transmis un procès-verbal de constat par commissaire de justice du 18 juillet 2024 indiquant avoir vu la préposée [I] [X] rentrer dans le système informatique sous-jacent des mouvements bancaires avec solde comptable et se positionner » sur le compte n° [XXXXXXXXXX02] compte de dépôt de la société CAPELLI. A la date du 28 mai 2024, à 11h, je peux lire un solde comptable à zéro. Un mouvement le vendredi 24 mai 2024 a rendu la position du compte nul, lequel n’a pas été mouvementé jusqu’au 28 à 11H30 » ;
– la seconde sommation du 5 septembre 2024 de communiquer, dans un délai de 48H, le relevé du compte courant pour la seule journée du 28 mai 2024, est restée sans réponse de la défenderesse, au vu de l’assignation dans le cadre de cette instance ;
– la défenderesse produit un courriel du 9 septembre 2024 comportant une liste des soldes et mouvements du compte n° [XXXXXXXXXX01] de la SA CAPELLI indiquant un solde débiteur de 504 € au 23 mai 2024, de 252 € au 24 mai 2024 et de 0 € au 28 mai 2024.
S’il est exact que le procès-verbal de constat établi par commissaire de justice du 18 juillet 2024 indique par erreur qu’il se rapporte au compte de dépôt de la SA CAPELLI n° [XXXXXXXXXX02], alors qu’il est constant que le numéro de compte exact est le [XXXXXXXXXX01], le chiffre 2 souligné ayant été oublié dans le procès-verbal il n’en demeure pas moins que le procès-verbal établi par commissaire de justice le 18 juillet 2024, qui vaut jusqu’à preuve du contraire, établit le solde du compte de la SA CAPELLI au jour et à l’heure de la saisie.
Il s’ensuit que, la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE, d’une part en indiquant le compte de dépôt dont est titulaire sa cliente la SA CAPELLI et d’autre part en fournissant, au jour de la saisie, le montant du solde du compte ouvert au nom du débiteur saisi, a exécuté sa double obligation mise à sa charge par l’article R 211-20 du code des procédures civiles d’exécution en tant qu’établissement tiers saisi.
La SAS TRI HOME fait état de précédentes saisies pratiquées à la même période de fin de mois par d’autres créanciers sur le compte courant de la SAS TRI HOME, alors alimenté pour verser les salaires qui auraient été fructueuses. Or, ce seul fait, à le supposer établi alors d’une part que le juge de l’exécution ne peut contrôler la valeur et la sincérité de la déclaration du tiers saisi, au regard des obligations que lui impose la loi, qu’au moment de la saisie et qu’il n’entre dès lors pas dans ses pouvoirs de contrôler l’évolution des comptes du débiteur saisi avant la saisie, et d’autre part que la défenderesse a respecté sa double obligation légale en tant que tiers saisi – ne saurait justifier que soit ordonnée à la défenderesse la communication sous astreinte du relevé du compte courant le jour de la saisie.
En conséquence, la demande de production sous astreinte de la copie du contrat de bail conclu avec la SA CAPELLI et des trois dernières quittances de loyer, sous astreinte, sera rejetée.
Sur la demande principale de condamnation du tiers saisi aux causes de la saisie
L’article L 123-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur.
Aux termes de l’article R 211-4 du même code, le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ au commissaire de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.
L’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur et qu’il peut être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.
En l’espèce, au vu des éléments rappelés précédemment que la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE a satisfait à sa double obligation mise à sa charge en tant qu’établissement tiers saisi par l’article R 211-20 du code des procédures civiles d’exécution.
En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de la SAS TRI HOME aux fins de voir condamner la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à lui payer la somme de 517.444,64 €.
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE, sans reprendre et justifier cette demande dans le corps de ses conclusions, demande dans son dispositif, qui lie le juge, la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 420 € à titre de dommages-intérêts. Or elle n’évoque et ne justifie ni d’élément de nature à caractériser une faute de la SAS TRI HOME, ni d’un préjudice subi en résultant directement.
En conséquence, la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
Sur les autres demandes
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La SAS TRI HOME, qui succombe, supportera les dépens de l’instance et sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
L’équité et la solution donnée au litige commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Chacune des parties sera déboutée de sa demande à ce titre.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.
Le juge de l’exécution, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déboute la SAS TRI HOME de sa demande aux fins de voir ordonner avant dire droit la communication sous astreinte du relevé du compte courant n° [XXXXXXXXXX07]-BDEFRPP ouvert au nom de la SA CAPELLI dans les livres de la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à la date de la saisie, le 28 mai 2024 ;
Déboute la SAS TRI HOME de sa demande aux fins de voir condamner la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE à lui payer la somme de 517.444,64 € ;
Déboute la SA BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE de sa demande en dommages-intérêts ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n’y avoir lieu à faire application de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS TRI HOME aux dépens ;
Rappelle le caractère exécutoire par provision de plein droit de la présente décision, par application des dispositions de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution ;
En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par le greffier et le juge de l’exécution.
Le greffier Le juge de l’exécution