Madame [R] [S] est cliente de la BRED BANQUE POPULAIRE. En juin 2019, elle a été contactée par KAUFMAN CORP et ALTERNATIVE CAPITAL INVESTMENTS LTD pour investir dans des livrets d’épargne liés à la crypto-monnaie. Elle a effectué des versements de 3.000 € et 83.000 € depuis son compte à la BRED vers des comptes au Portugal, bénéficiaires de sociétés locales. Le 6 novembre 2019, elle a déposé plainte auprès de la gendarmerie. En 2022, elle a assigné la BRED et NOVO BANCO S.A. pour obtenir une indemnisation, arguant d’un manquement de vigilance des banques. Elle demande la communication de divers documents relatifs aux comptes et aux sociétés impliquées, sous astreinte. NOVO BANCO conteste la demande, invoquant le secret bancaire et l’inapplicabilité du droit français. Le juge a débouté Mme [R] [S] de sa demande d’injonction contre NOVO BANCO et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
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9ème chambre 1ère section
N° RG 22/12676
N° Portalis 352J-W-B7G-CXRHJ
N° MINUTE :
Assignation du :
31 Août 2022
Contradictoire
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 15 octobre 2024
DEMANDERESSE
Madame [R] [S]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant et Maître Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159
DEFENDERESSES
BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812
S.A. NOVO BANCO
[Adresse 3]
[Localité 1]
PORTUGAL
représentée par Maître Rémi KLEIMAN du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0014
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président, Juge de la mise en état,
assisté de Madame Sandrine BREARD, Greffière.
DEBATS
A l’audience du 2 juillet 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 15 octobre 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Madame [R] [S] est cliente auprès de l’établissement bancaire BRED BANQUE POPULAIRE.
En juin 2019, Madame [R] [S] a été contactée par les sociétés KAUFMAN CORP et ALTERNATIVE CAPITAL INVESTMENTS LTD, exploitant la marque » Capital-alternative », pour investir ses fonds dans des livrets d’épargne afin d’acquérir et de revendre de la crypto-monnaie.
Mme [S] procédait aux versements de 3.000 € le 18 juin 2019 et de 83.000 € le 12 septembre 2019 à partir de son compte ouvert auprès de la BRED BANQUE POPULAIRE.
Les fonds étaient transférés vers deux comptes bancaires domiciliés au Portugal au sein de l’établissement NOVO BANCO S.A. :
– [XXXXXXXXXX09] ayant pour bénéficiaire la société CARDINAL D’ELITE UNIPESSOAL LDA ;
– [XXXXXXXXXX08] ayant pour bénéficiaire la société LVDL COMMERCE UNIPESSOAL LDA.
Le 6 novembre 2019, Madame [R] [S] a déposé plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 7].
Par actes d’huissier de justice, Madame [R] [S] a assigné le 31 août 2022 et le 19 septembre 2022 la société BRED BANQUE POPULAIRE et la société NOBO BANCO S.A. devant le tribunal de céans, aux fins d’indemnisation du préjudice subi résultant du manquement de vigilance des établissements bancaires.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 juin 2024, Mme [S] demande de :
Vu les articles 11, 138, 142, 788 et 789 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 561-5 et suivants et R. 561-5 et suivants du code monétaire et financier,
o ORDONNER à la société NOVO BANCO SA de communiquer à Madame [S] :
– Tout document attestant des vérifications d’identité des titulaires des comptes lors de leur ouverture (compte ayant pour IBAN les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX08]) :
→ L’attestation de l’immatriculation de la société CARDINAL D’ELITE UNIPESSOAL LDA et de la société LVDL COMMERCE UNIPESSOAL LDA au registre du commerce fournie au moment de l’ouverture des comptes,
→ Les statuts des sociétés concernées,
→ La déclaration de résidence fiscale des sociétés,
→ Une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal des sociétés citées ci-dessus et de leurs bénéficiaires effectifs,
→ La déclaration des bénéficiaires effectifs,
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
→ La justification économique déclarée par les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement des comptes bancaires :
→ Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois de mai à octobre 2019 pour la société CARDINAL D’ELITE UNIPESSOAL LDA et la société LVDL COMMERCE UNIPESSOAL LDA,
→ Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
→ S’agissant des sociétés, les factures émises pour justifier de la prestation fournie au titre de l’encaissement des fonds de Madame [S],
Sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l’Ordonnance à intervenir, durant 2 mois et L’Y CONDAMNER au besoin ;
o CONDAMNER la société NOVO BANCO SA à verser à Madame [S] la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
o CONDAMNER la même aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes Mme [S] fait valoir :
– que selon les différents articles du Code monétaire et financier, la banque doit avant d’entrer en relations avec son client, disposer d’informations sur les revenus et le patrimoine de son client ;
– que si le secret bancaire peut être opposé par la banque en revanche on peut lui demander de produire tous les documents fournis lors de l’ouverture du compte ainsi que ceux relatifs à son devoir de vigilance comprenant la totalité des relevés de compte.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er juillet 2024, la société NOVO BANCO demande de :
Vu le Règlement (CE) N° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit » Règlement Rome II « ),
Vu le Règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit » Règlement Bruxelles I bis « ),
Vu les articles 10 et 1353 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les articles 78 et 79 du décret-loi portugais n° 298/92,
A titre principal,
– DEBOUTER Madame [R] [S] de ses demandes tendant à la production de documents par la société NOVO BANCO, en ce que :
o il n’a pas encore été statué sur le droit applicable dans la présente affaire ; et
o les articles du Code Monétaire et Financier sur lesquels Madame [R] [S] fonde sa demande sont territorialement inapplicables aux opérations litigieuses reprochées à la société NOVO BANCO et ne permettent pas à Madame [R] [S] d’en engager la responsabilité ;
A titre subsidiaire,
– DEBOUTER Madame [R] [S] de ses demandes tendant à la production de documents par la société NOVO BANCO, ceux-ci étant couverts par le secret bancaire de droit portugais ;
A titre infiniment subsidiaire :
– DEBOUTER Madame [R] [S] de ses demandes tendant à la production de documents par la société NOVO BANCO, ceux-ci étant couverts par le secret bancaire de droit français ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER Madame [R] [S] au paiement de la somme de 1.000 euros à la société NOVO BANCO S.A. au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– CONDAMNER Madame [R] [S] aux entiers dépens de la présente instance.
A l’appui de sa demande elle fait valoir :
– que Mme [S] ne peut pas se fonder sur l’obligation générale de vigilance pour engager la responsabilité d’un établissement bancaire ;
– que Mme [S] ne peut pas se fonder sur le Code monétaire français pour solliciter sa demande de communication de pièces dès lors que c’est le droit portugais qui s’applique ;
– que selon la loi portugaise, elle ne peut pas communiquer les documents sollicités qui sont couverts par le secret bancaire ; que ce même secret bancaire
Sur l’incident, la société BRED BANQUE POPULAIRE n’a pas conclu.
C’est à juste titre que la société BANCO BPI SA, pour faire valoir que la loi portugaise est applicable, se fonde sur l’article 4 du Règlement CE n° 864/2007 Rome II du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II qui dispose que : ‘Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent’.
En l’espèce, le lieu de survenance du dommage est Portugal où l’appropriation des fonds s’est produite et la seule circonstance que les effets de cette appropriation ont été ressentis par Mme [S] en France à raison de ce que les fonds investis l’ont été par l’intermédiaire d’un ordre de virement à partir de ses comptes ouverts en France, en l’absence de tout autre élément de rattachement produit attestant de liens plus étroits de nature à concourir à la désignation de la loi française, est insuffisante à justifier l’application de la loi française alors que, tout au contraire, ce sont les obligations de la banque portugaise à l’égard de sa propre cliente détenant un compte dans ses livres au Portugal qui sont invoqués.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la loi applicable à l’action intentée par Mme [S] à l’encontre de la société NOVO BANCO SA est la loi portugaise.
Il y a donc lieu de déclarer que la loi portugaise s’applique à cette action en responsabilité. Or Mme [S] se fonde sur les dispositions de la loi française pour trancher son litige.
Il est de jurisprudence constante qu’il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d’en rechercher, soit d’office, soit à la demande de la partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger (Com., 24 juin 2014, n°10-27646 ; Civ. 1ère, 28 juin 2005, n°00-15734 ; Civ. 1ère 11 février 2009, n°07-13088 ; Civ. 1ère, 20 février 2008, n° 06-19936).
En l’espèce, il est constant que les relations entre une banque portugaise et son client sont couverts par le secret bancaire. Or Mme [S] ne justifie pas d’éléments suffisants permettant de demander à une banque de produire tous les documents fournis lors de l’ouverture du compte bancaire ainsi que ceux relatifs à son devoir de vigilance comprenant notamment la totalité des relevés de compte pour les mois de mai à octobre 2019 qui sont couverts par le secret bancaire.
Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de Mme [S] de production de pièces.
Il y a lieu également de réserver les autres demandes ainsi que les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile.
Le juge de la mise en état statuant publiquement, par ordonnance mise à la disposition au greffe, contradictoirement et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 380 du Code de procédure civile,
DÉBOUTONS Mme [R] [S] de sa demande d’injonction à l’encontre de la société NOVO BANCO SA ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état en date du mardi 26 novembre 2024 pour conclusions demandeur ;
RÉSERVONS les autres demandes ainsi que les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile.
Faite et rendue à Paris le 15 octobre 2024.
LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT