La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a accordé un prêt à la SCI M P 4, pour lequel Monsieur [B] [E] et Madame [G] [S] se sont portés cautions. Le prêt initial de 490.000 euros a été réaménagé en 2016, avec un capital restant dû de 367.924,52 euros. La SCI M P 4 a cessé de rembourser le prêt en juin 2020. En février 2022, le Crédit Agricole a mis en demeure les cautions et l’emprunteur de régler une somme due, sans réponse de leur part. En avril 2023, le Crédit Agricole a assigné les cautions devant le tribunal. Les demandes du Crédit Agricole incluaient le paiement d’une somme de 223.272,68 euros, des intérêts, et des frais. Monsieur [B] [E] a contesté les demandes, invoquant une violation de l’obligation de mise en garde et la disproportion de son engagement. Le tribunal a finalement condamné solidairement les cautions à payer 163.182,02 euros, des intérêts, et des frais, tout en rejetant les demandes de sursis et d’exécution provisoire.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 11 Octobre 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/02501 – N° Portalis DB3T-W-B7H-UFKH
AFFAIRE : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE C/ [B] [E], [G] [S]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
3ème Chambre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Monsieur VERNOTTE, Vice-Président
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : Mme REA
PARTIES :
DEMANDERESSE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Francis BONNET DES TUVES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 0685
DEFENDEURS
Monsieur [B] [E]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 6] (84), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laurent ABSIL, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 1
Madame [G] [S]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/003822 du 22/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CRETEIL)
ayant été représentée par Me Eric FONTAINE, avocat au barreau du Val de Marne, PC 188
Clôture prononcée le : 16 mai 2024
Débats tenus à l’audience du : 01 Juillet 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 11 Octobre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 11 Octobre 2024.
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France ci-après appelée le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE est créancière de Monsieur [B] [E] et de Madame [G] [S] ès qualité de caution de la SCI M P 4 au titre du prêt moyen terme professionnel n° 00000516655.
Par contrat en date du 29 avril 2011, le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE consentait à la SCI M P 4 un prêt moyen terme professionnel n° 00000516655 d’un montant de 490.000 euros au taux de 4,1000% l’an, remboursable en 179 échéances mensuelles d’un montant de 3.649,07 euros et une échéance d’un montant de 3.650,30 euros. Ce prêt avait pour objet le financement de bâtiment professionnel.
Ce prêt a été réalisé le 17 mai 2011.
Aux termes de ce contrat, Monsieur [B] [E] et Madame [G] [S] se sont portés caution solidaire de la SCI M P 4 au titre du prêt moyen terme professionnel, dans la limite respective de la somme de 637.000 euros couvrant le montant du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 204 mois.
Par avenant en date du 29 janvier 2016, le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE et la SCI M P 4 sont convenus d’un réaménagement du capital restant dû au titre du prêt, soit la somme de 367.924,52 euros. Le prêt tel que modifié au titre de cet avenant est remboursable au taux de 2,70% l’an, en 101 échéances mensuelles d’un montant de 4.040,88 euros et une échéance d’un montant de 4.040,28 euros échelonnées du 15 mars 2016 au 15 mars 2025.
Aux termes de cet avenant, Monsieur [B] [E] et Madame [G] [S] ont réitérés leurs engagements de cautions solidaires de la SCI M P 4 au titre du prêt moyen terme professionnel, dans la limite respective de la somme de 478.301,87 euros couvrant le montant du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 126 mois.
La SCI M P 4 a définitivement cessé de régler les échéances du prêt à compter du 15 juin 2020.
Par lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 février 2022, le CREDIT AGRICOLE CENTRE France mettait en demeure la SCI M P 4, M. [B] [E] et Mme [G] [S] d’avoir à régler sous quinzaine la somme de 55.686,25 euros au titre du prêt. Aux termes de cette mise en demeure, le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE informait la SCI M P 4 qu’à défaut de règlement de ladite somme sous quinzaine, il serait contraint de prononcer la déchéance du terme du prêt et de procéder au recouvrement judiciaire de sa créance.
Ni l’emprunteur ni les cautions n’ont déféré à cette mise en demeure.
Suivant assignation délivrée le 7 avril 2023, La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a attrait M. [B] [E] et Mme [G] [S] devant le tribunal judiciaire de Créteil.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans son exploit introductif d’instance, La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a demandé à la juridiction de :
– Condamner solidairement Monsieur [B] [E] et de Madame [G] [S] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 223.272,68 euros outre intérêts au taux conventionnel de 2,70 % l’an à compter du 20 juin 2022, date du dernier décompte, jusqu’à parfait paiement ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts ;
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
– Condamner solidairement Monsieur [B] [E] et de Madame [G] [S] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2023, M. [B] [E] a demandé au tribunal de :
à titre principal :
– débouter la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE France de toutes ses demandes à l’encontre de Monsieur [B] [E] pour violation de l’obligation de mise en garde,
– décharger Monsieur [B] [E] de son cautionnement en raison de la disproportion de l’engagement de caution eu égard à ses biens et revenus,
subsidiairement,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels depuis le 29 janvier 2016 en raison de la violation des obligations d’information prévues aux articles L. 313- 22 du Code monétaire et financier ; L. 333-1 du Code de la consommation et L’article L. 333-2 du Code de la consommation,
– ordonner la production d’un décompte expurgé des intérêts depuis le 29 janvier 2016.
– réduire les clauses pénales de majoration des intérêts de 3 points et la clause de majoration des sommes dues de 7% d’un montant de 14.606,62 Euros à 1 Euros en raison de leur caractère manifestement excessif,
– débouter la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE France de toutes ses demandes à l’encontre de Monsieur [B] [E],
– écarter l’exécution provisoire de droit,
– condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE CENTRE France au paiement d’une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures déposées, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024, l’affaire a été fixée à l’audience du 1 juillet 2024 et mise en délibéré au 11 octobre 2024.
Sur la demande de sursis à statuer
Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile ;
La procédure de saisie immobilière initiée le 23 mai 2023 par La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France, a pour objectif de constituer une garantie pour la créance bancaire, alors que la présente procédure a pour objectif de délivrer un titre exécutoire. Les deux objectifs sont différents, et le présent litige peut très bien être jugé sans attendre la fin de la procédure de saisie immobilière.
Par conséquent, il convient de rejeter la demande de sursis à statuer formée par M. [B] [E].
Sur la demande en paiement
En vertu de l’article 2288 du code civil, « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats et n’est pas contesté que Monsieur [B] [E] et Madame [G] [S] n’ont pas régularisé leur situation en procédant au règlement des échéances impayées du prêt 11000000516655, de sorte que le CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE était contraint de se prévaloir de la déchéance du terme du prêt.
– Sur la déchéance du droit aux intérêts
L’article L. 313- 22 du Code monétaire et financier contraint la banque à informer la caution avant le 31 mars de l’année N des sommes dues par le débiteur principal au 31 décembre de l’année N-1. La sanction est la déchéance des intérêts échus et l’imputation des paiements effectués par le débiteur au principal de la dette due par la caution.
L’article L. 333-1 du Code de la consommation contraint la banque à informer la caution de la défaillance du débiteur principal dans le mois de l’exigibilité du paiement non régularisé. Selon l’article L. 343- 5 du Code de la consommation, la banque perd les pénalités et intérêts de retard échus entre la date de l’incident de paiement et la date de l’iLLnformation.
L’article L. 333-2 du Code de la consommation contraint la banque à informer la caution avant le 31 mars de l’année N des sommes dues par le débiteur principal au 31 décembre de l’année N-1 mais aussi, l’oblige à rappeler le terme du cautionnement. L’article L. 343-6 du code de la consommation impose alors la perte par la banque des pénalités et intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la nouvelle information.
La production de la copie des courriers censés avoir été adressés à la caution n’est pas une preuve suffisante pour démontrer le respect de l’obligation d’information, cette preuve pèse sur la banque, débitrice de l’information (Cass. Civ 1ere 25 mai 2022 N°21-11045). Il est nécessaire de produire d’autres éléments permettant d’attester de la bonne réception par le destinataire, par exemple un accusé de réception.
En l’espèce, la banque produit en pièce N° 4 les copies des courriers d’information annuelle des cautions, adressées à M. [B] [E] et Mme [G] [S], mais il s’agit de lettres simples sans aucune preuve de leur bonne réception par M. [B] [E] ni par Mme [G] [S]. Dans ces conditions, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque à l’égard de M. [B] [E] et de Mme [G] [S], à compter du 29 janvier 2016, date de l’avenant au prêt et au cautionnement comportant reconnaissance par les cautions de la dette à hauteur de 367 924,52 € en principal. La déchéance du droit aux intérêts emporte écartement de la clause pénale.
– Sur les sommes dues
Au 20 juin 2022, date du dernier décompte, la créance du CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à l’encontre de Monsieur [B] [E] et de Madame [G] [S] cautions solidaires de la SCI M P 4 se décompose comme suit :
au titre du prêt 00000516655 d’un montant initial de 490.000 € :
– capital restant dû : 365 954,52 €
– échéances payées du 16/02/2016
au 15/05/2020 (dernière échéance payée) : 202 772,50 €
Total restant dû : 163 182,02 €.
Les mises en demeure adressées aux parties le 15 février 2022 étant restées sans effet, il convient de condamner solidairement M. [B] [E] et Mme [G] [S] à payer à La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 163 182,02 € en paiement du prêt n° 00000516655, outre intérêts au taux légal l’an à compter du 20 juin 2022.
Sur le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de M. [B] [E], caution
Il résulte des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La disproportion de l’engagement de caution s’apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et l’appréciation de la disproportion doit être effectuée au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude. Il revient à la caution de prouver, dans un premier temps, la disproportion du cautionnement souscrit, puis dans un second temps le banquier doit établir qu’il a satisfait à son devoir de mise en garde de la caution.
En l’espèce, M. [B] [E] ne fournit aucun document permettant d’apprécier sa situation financière à la date de conclusion de son premier cautionnement, c’est-à-dire le 29 avril 2011 ; de sorte que le tribunal est dans l’incapacité de vérifier si le cautionnement litigieux était ou non disproportionné à sa situation financière..
M. [B] [E] produit ses avis d’imposition seulement à partir des années 2014 et 2015, soit à l’occasion de l’avenant du prêt immobilier ayant diminué le montant des intérêts et le montant du cautionnement de près de 160 000 euros. Or, à cette date, M. [B] [E] était déjà engagé en tant que caution de la SCI MP4. Il ne peut donc pas valablement reprocher à la banque de ne l’avoir pas mis en garde lors de la modification à la baisse d’un cautionnement qui s’avérait au final plus favorable pour lui.
Dans ces circonstances, il convient de débouter M. [B] [E] de sa demande.
Sur les autres mesures
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, il convient de condamner in solidum M. [B] [E] et Mme [G] [S] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle s’agissant de Madame [G] [S].
Il y a lieu en outre de condamner in solidum M. [B] [E] et Mme [G] [S] à payer à La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 1 000,00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il convient enfin de rappeler que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, et qu’aucune circonstance ne justifie de la suspendre.
Le Tribunal, statuant par décision réputée contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,
REJETTE la demande de sursis à statuer ;
CONDAMNE solidairement M. [B] [E] et Mme [G] [S] à payer à La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 163 182,02 € en paiement du prêt n° 00000516655, outre intérêts au taux légal l’an à compter du 20 juin 2022 ;
CONDAMNE in solidum M. [B] [E] et Mme [G] [S] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle s’agissant de Madame [G] [S];
CONDAMNE in solidum M. [B] [E] et Mme [G] [S] à payer à La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France la somme de 1 000,00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DIT n’y avoir pas lieu de suspendre l’exécution provisoire de la présente décision.
Fait à CRÉTEIL, l’an DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE ONZE OCTOBRE
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier présents lors du prononcé.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT