Fissures sur une maison d’habitation : la responsabilité du prestataire de construction

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Fissures sur une maison d’habitation : la responsabilité du prestataire de construction

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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
22/02899
15/10/2024

ARRÊT N° 321/24

N° RG 22/02899

N° Portalis DBVI-V-B7G-O5WH

SL – SC

Décision déférée du 28 Juin 2022

TJ de MONTAUBAN – 21/00540

M. REDON

[T] [P]

[R] [A]

S.C.P. FRANCOIS CHABOSSON-CHRISTOPHE MASSIP

C/

[L] [S] épouse [Z]

[F] [Z]

[N] [O]

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

ADD EXPERTISE

RENVOI MEE 12.06.2025

Grosse délivrée

le

à

Me Jean-Louis JEUSSET

Me Gilles SOREL

Me Nicolas LARRAT

Me Guillaume BOYER-FORTANIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS ET INTIMES

Madame [T] [P]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean-Louis JEUSSET de la SELARL CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître [R] [A]

[Adresse 1]

[Localité 11]

S.C.P. FRANCOIS CHABOSSON-CHRISTOPHE MASSIP

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentés par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES ET APPELANTS INCIDENT

Madame [L] [S] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Monsieur [F] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentés par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistés de Me Laurence EICHENHOLC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [N] [O]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Sans avocat constitué

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED,

assureur RCS et RC de [N] [O]

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représentée par Me Guillaume BOYER-FORTANIER de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Marie-Laure MARLE-PLANTE de la SELARL LET’S LAW, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 10 juin 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Une demande de permis de construire a été déposée le 18 novembre 2013 et complétée le 31 décembre 2013 par Mme [P] pour édifier une habitation sur un terrain situé [Adresse 16] à [Localité 10]. Le permis de construire a été accordé le 3 janvier 2014 par la mairie de [Localité 10], pour un logement avec une surface de plancher de 149 m².

Par acte authentique du 24 janvier 2014, Mme [T] [P] a acquis une parcelle de terrain à bâtir arborée, non viabilisée, située à [Localité 10] (82), lieu-dit [Localité 15], cadastrée section EP n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] lieudit [Localité 14], d’une surface de 12 a 91 ca.

Mme [P] y a fait édifier une maison d’habitation.

La déclaration d’ouverture de chantier parvenue en mairie le 6 janvier 2015 indique que le chantier est ouvert depuis le 25 janvier 2014, soit dès le lendemain de l’achat du terrain.

Suivant devis du 17 mars 2014, accepté le 19 mars 2014, Mme [P] a confié à M. [O] [N], exerçant à l’enseigne SJN, numéro RCS 797 564 747, la ‘construction maison individuel surface plancher 250 m² surface habitable 144 m² [Adresse 16] [Localité 10]’ (sic), pour un prix de 5.000 euros HT, soit 6.000 euros TTC.

La facture du 1er mai 2014 concerne la ‘construction maison individuel surface plancher 250 m² calibric batir 193 m² 9 appuis fenetres surface habitable 144,68 m²’ (sic), au prix de 5.000 euros HT, soit 6.000 euros TTC.

Un procès-verbal de réception sans réserves a été signé par Mme [P] et M. [O] le 30 avril 2014 pour des travaux selon le libellé suivant : ‘nature des travaux : réalisation du gros-oeuvre d’une maison individuel (fondation, plancher, hourdi, élévation murs en calibric collés d’une maison plancher totale 250 m², en exécution du devis du 17 mars 2014.’

Un procès-verbal de réception sans réserves a été signé par Mme [P] et M. [O] le 20 mai 2014 pour des travaux selon le libellé suivant : ‘nature des travaux : pose de fermette, pose écran sur toiture, pose tuile romaine noir, pose lambris et planche de rive sur une toiture de 300 m², en exécution du devis du 17 mars 2014.’

Une attestation d’assurance datée du 25 mars 2014 précise que M. [O] est assuré auprès de la compagnie Qbe insurance Europe limited au titre de la responsabilité civile, responsabilité civile décennale et dommages en cours de travaux, à effet du 13 mars 2014, pour les activités de maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ, et charpente et structure en bois à l’exclusion des maisons à ossature bois.

La déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux parvenue en mairie le 6 janvier 2015 indique que les travaux sont achevés en date du 20 octobre 2014 et sont conformes à l’autorisation.

Le 14 janvier 2015, la mairie a certifié la non-opposition à la conformité des travaux.

Par avant-contrat du 13 janvier 2015 établi par maître [R] [A], notaire de la venderesse, puis par acte authentique du 3 avril 2015 reçu par maître [Y] [C], notaire associé à la Société civile professionnelle (Scp) François Chabosson – [Y] [C], notaires associés à [Localité 10], Mme [P] a vendu à M. [F] [Z] et Mme [L] [S] une maison individuelle à usage d’habitation, élevée sur simple rez-de-chaussée, d’une surface approximative de 148 m² comprenant séjour-cuisine, quatre chambres, salle d’eau, 2 WC, salle de bains, cellier, garage, terrasse, combles et terrain autour, située à [Localité 10] (82), [Adresse 4], cadastrée section EP n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7], lieudit Mirel, d’une surface de 12 a 44 ca, au prix de 310.000 euros.

M. et Mme [Z] ont constaté l’apparition de fissures.

La société Qbe a mandaté le cabinet Saretec suite à leur déclaration de sinistre du 21 juin 2016. La société Qbe a fait une offre d’indemnité d’un montant de 4.769,60 euros TTC, que M. et Mme [Z] n’ont pas acceptée.

Par actes du 19 mars 2018, M. [F] [Z] et Mme [L] [S], son épouse, ont fait assigner M. [N] [O] et la société Qbe insurance Europe limited en référé expertise et provision.

Par ordonnance du 17 mai 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montauban a ordonné une mesure d’expertise, confiée à M. [U] [B], au contradictoire de M. et Mme [Z], de M. [N] [O] et de la société Qbe insurance Europe limited, et a condamné la société Qbe insurance Europe limited à verser à M. et Mme [Z] une provision de 4.769,60 euros.

La date fixée pour le dépôt du rapport était le 29 mai 2019.

Par acte du 21 mai 2019, la société Qbe Europe a fait assigner Mme [T] [P] en référé pour lui voir déclarer commune et opposable l’expertise judiciaire confiée à M. [B].

Parallèlement, par courrier du 22 mai 219, le conseil de la société Qbe insurance Europe limited et de M. [O] a sollicité du juge chargé du contrôle des expertises une prorogation de délai pour le dépôt du rapport.

Cependant, M. [B] a clôturé son rapport le 3 juin 2019, et le 4 juin 2019 le juge chargé du contrôle des opérations d’expertise a refusé de proroger les délais pour déposer le rapport. Il a indiqué que s’il devait être fait droit à l’appel en cause par le juge des référés, rien n’interdirait qu’une expertise soit ordonnée séparément, afin de ne pas priver la société Qbe insurance Europe limited de la possibilité d’exercer les droits qu’elle dit avoir contre Mme [P].

Par ordonnance du 28 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montauban a ordonné une expertise judiciaire entre la société Qbe Europe et Mme [P], et commis pour y procéder M. [B], aux frais avancés de la société Qbe Europe. Les parties ont été convoquées à une première réunion d’expertise. Mme [P] n’a pas retiré la lettre recommandée de convocation qui lui a été envoyée. La société Qbe Europe a demandé à l’expert judiciaire de suspendre ses opérations, puis a indiqué ne pas donner suite à sa demande d’expertise. Un rapport en l’état a été déposé le 27 août 2020 par M. [B].

Par acte du 11 décembre 2019, M. et Mme [Z] ont fait assigner la société Qbe insurance Europe limited devant le tribunal de grande instance de Montauban, aux fins d’indemnisation de leurs préjudices. La société Qbe Europe est intervenue volontairement à la procédure, précisant venir aux droits de la société Qbe insurance Europe limited.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

– déclaré les époux [Z] recevables à agir contre la société QBE insurance Europe limited,

– déclaré la société QBE Europe, venant aux droits de la société QBE insurance Europe limited, recevable en son intervention volontaire,

– mis hors de cause la compagnie Qbe insurance Europe limited,

– dit que M. [N] [O] a engagé sa responsabilité décennale à l’égard de M. et Mme [Z];

– dit que la compagnie Qbe Europe ne doit pas sa garantie décennale à [N] [O] ;

– dit que la compagnie Qbe Europe ne doit pas sa garantie responsabilité civile professionnelle à [N] [O] ;

– débouté les époux [Z] de leurs demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700,1° du code de procédure civile ;

– condamné les époux [Z] aux dépens, comprenant ceux de référé et d’expertise ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Dans ses motifs, le tribunal a considéré qu’au vu des devis, factures et procès-verbaux de réception, M. [O] était intervenu dans la construction de la maison de Mme [P] au titre des prestations de gros-oeuvre et de charpente-couverture. Il a considéré que les désordres portaient atteinte à la solidité de l’ouvrage qui continuait d’être exposé à des contraintes auxquelles il ne pouvait résister. Il a dit qu’il incombait à M. [O] de s’assurer des contraintes inhérentes à la situation spécifique e l’immeuble à construire, et notamment celle du sol dans cette zone dont la nature argileuse et la particulière sensibilité aux épisodes de sécheresse étaient connus des professionnels, étant rappelé qu’il s’agissait d’une obligation réglementaire prévue par le PPR ; qu’en conséquence, M. [O] devait sa garantie décennale aux époux [Z].

Il a retenu comme date d’ouverture de chantier la date du 25 janvier 2015 mentionnée dans sa déclaration par Mme [P] elle-même ; il a relevé qu’à cette date, M. [O] n’était pas assuré par la société Qbe Europe, le contrat prenant effet à compter du 13 mars 2014 ; que dans ces conditions, la société Qbe Europe ne devait pas sa garantie responsabilité civile décennale à M. [O].

Il a dit que la garantie responsabilité civile professionnelle n’était pas non plus due. Il a également écarté la responsabilité quasi-délictuelle de la société Qbe Europe dans la gestion du sinistre.

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Par acte des 16 et 18 juin 2021, M. [F] [Z] et Mme [L] [S], son épouse, ont fait assigner Mme [T] [P], M. [N] [O], maître [R] [A] et la Scp François Chabosson et Christophe Massip venant aux droits de la Scp François Chabosson-[Y] [C] devant le tribunal judiciaire de Montauban, aux fins d’expertise avant-dire droit et de condamnation à les indemniser in solidum de leurs préjudices matériels et immatériels.

Par acte du 6 octobre 2021, Mme [T] [P] a fait assigner M. [N] [O], la compagnie Qbe Europe, la Scp François Chabosson et Christophe Massip et maître [R] [A] devant le tribunal judiciaire de Montauban.

Par ordonnance du 4 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban a ordonné la jonction des deux procédures.

Par ordonnance du 17 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban a dit n’y avoir lieu à ordonner une nouvelle expertise, et a dit que les dépens de l’incident suivraient le sort du principal. Il a estimé que l’affaire était prête à être fixée, et que le tribunal aurait à se prononcer sur cette demande de nouvelle expertise au contradictoire des parties maintenues dans la cause.

Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Montauban a :

déclaré la compagnie Qbe Europe irrecevable à invoquer une exception de nullité relevant de la compétence du juge de la mise en état,

vu les articles 1792 et 1792-2 du code civil,

condamné in solidum Mme [T] [P] et M. [N] [O] tel que déjà condamné par le jugement du 5 janvier 2021 à payer à M. et Mme [Z] la somme de 158.292,97 euros en réparation des dommages matériels directs,

dit que cette somme sera indexée sur la variation de l’indice BT01 de la date du 3 juin 2019 à celle du règlement intervenu selon les règles professionnelles des avocats et portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

condamné in solidum Mme [T] [P] et M. [N] [O] tel que déjà condamné par le jugement du 5 janvier 2021 à payer à M. et Mme [Z] la somme totale de 34.089,74 euros, en réparation des préjudices consécutifs, soit 7.616,88 euros au titre de la remise en état du jardin, 7.300 euros au titre du préjudice de jouissance outre une indemnité mensuelle de 100 euros à compter du présent jugement et jusqu’au jour de réalisation des travaux de reprise, 500 euros au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, 2.000 euros au titre du préjudice moral, 2.460 euros au titre des frais de déménagement, 13.600 euros au titre des frais de relogement et 612,86 euros au titre du préjudice financier pour expertise privée,

condamné in solidum Mme [T] [P] et M. [N] [O] prendre en charge les frais de l’assurance dommages-ouvrages supportés par M. et Mme [Z] sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime,

vu l’article 1240 du code civil,

dit que maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à l’égard de M. et Mme [Z],

condamné in solidum maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z] la somme de 79.146,48 euros en réparation de la perte de chance subie, outre 50% du coût de l’assurance dommages-ouvrages supporté par M. et Mme [Z] sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime,

condamné Mme [T] [P] à relever et garantir maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de M. et Mme [Z] en réparation de la perte de chance subie à concurrence de 50 %,

mis hors de cause la compagnie Qbe Europe,

débouté Mme [T] [P] des demandes formées à l’encontre de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip,

débouté Mme [T] [P] des demandes formées à l’encontre de la compagnie Qbe Europe,

condamné in solidum Mme [T] [P], maître [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700,1° du code de procédure civile,

condamné Mme [T] [P] à payer à la compagnie Qbe Europe la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700,1° du code de procédure civile,

condamné in solidum Mme [T] [P], M. [N] [O], maître [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip aux entiers dépens, comprenant ceux de référé et d’expertise judiciaire en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile,

accordé à maître Eichenholc le droit de recouvrer directement les dépens en application de dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

rappelé que cette décision est assortie de l’exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que le rapport d’expertise judiciaire de M. [B] du 3 juin 2019 était opposable à Mme [P] pour avoir été régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire des parties et corroboré par d’autres éléments de preuve. Il a donc estimé que Mme [P] devait être déboutée de sa demande de nouvelle expertise judiciaire, sans cependant le mentionner dans son dispositif.

Il a rappelé que par jugement du 5 février 2021, le tribunal avait retenu la responsabilité décennale de M. [O], estimé que les désordres compromettaient la solidité de l’ouvrage et que M. [O] avait commis une faute d’exécution en tant que locateur d’ouvrage pour n’avoir pas fait procéder aux investigations géotechniques et structurelles requises pour concevoir et réaliser l’ouvrage.

Il a estimé que Mme [P] était réputée constructeur, car elle avait vendu après achèvement un ouvrage qu’elle avait construit ou fait construire ; qu’elle était désignée comme constructeur non réalisateur par la promesse de vente et l’acte authentique de vente ; qu’elle avait donc engagé sa responsabilité décennale à l’égard des époux [Z], et devait être condamnée in solidum avec M. [O] envers ces derniers.

Il a retenu comme date d’ouverture de chantier le 25 janvier 2014, date mentionnée par Mme [P] dans sa déclaration d’ouverture de chantier, et a estimé qu’à cette date M. [O] n’était pas encore garanti par la société Qbe Europe, puisque le contrat de construction ne prenait effet que le 13 mars 2014. Il a donc jugé que l’assureur ne devait pas sa garantie décennale.

Il a chiffré le préjudice des époux [Z].

S’agissant de la responsabilité des notaires, il a relevé que tant le compromis de vente du 13 janvier 2015 que l’acte authentique du 3 avril 2015 mentionnaient que la venderesse, Mme [P], avait déclaré que le bien avait été construit en vertu d’un permis de construire délivré le 3 janvier 2014 ; qu’elle avait déposé la déclaration d’achèvement et de conformité le 20 octobre 2014 dont une copie visée par la mairie de [Localité 10] le 6 janvier 2015 était annexée à l’acte ; que la venderesse déclarait ne pas avoir satisfait à l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage en tant que propriétaire ni à l’obligation de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité décennale, en tant que constructeur non réalisateur ;

que les deux actes énuméraient ensuite les entreprises ayant participé à la construction, soumises à l’obligation de souscrire une assurance responsabilité, parmi lesquelles figurait l’entreprise SJN (M. [O]) ; qu’il était indiqué que cette entreprise avait justifié auprès du vendeur de l’obtention de l’assurance responsabilité par la production d’une attestation d’assurance et de paiement intégral de la prime, l’attestation d’assurance étant annexée à l’acte. Il a estimé que les notaires avaient manqué à leur obligation d’information et de conseil en omettant de vérifier la date d’ouverture de chantier, de façon à vérifier que M. [O] bénéficiait d’une assurance décennale à cette date, alors que les actes mentionnaient que le permis de construire avait été obtenu par Mme [P] le 3 janvier 2014 et que le chantier avait été déclaré achevé le 20 octobre 2014, M. [O] étant garanti pour sa responsabilité décennale à compter du 13 mars 2014 et qu’ils avaient connaissance d’une délivrance du permis de construire le 3 janvier 2014.

Il a estimé que les deux notaires auraient dû solliciter la communication de la déclaration d’ouverture de chantier, voire le procès-verbal de réception des travaux, qui leur auraient permis d’identifier une discordance manifeste entre la date d’ouverture du chantier, la date d’intervention de M. [O] et la date d’effectivité des garanties souscrites par lui.

Il a estimé que ceci avait causé aux époux [Z] une perte de chance de ne pas acquérir, évaluée à 50% et que les notaires devaient donc être condamnés in solidum avec Mme [P] à hauteur de 50%.

Il a jugé que Mme [P] ne saurait invoquer sa propre turpitude à ne pas avoir communiqué aux notaires la déclaration d’ouverture de chantier du 25 janvier 2014 pour obtenir la condamnation des notaires à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre du fait de ses agissements.

Il a condamné Mme [P] à relever et garantir les notaires de la condamnation prononcée à leur encontre au profit des époux [Z] en réparation de la perte de chance subie à concurrence de 50%.

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Par déclaration du 27 juillet 2022, enrôlée sous le numéro RG 22/02899, Mme [T] [P] a relevé appel de ce jugement, intimant M. et Mme [Z], la société Qbe Europe, M. ‘[N]’ (sic) [O], la Scp Chabosson et Massip, et M. [R] [A] en ce qu’il a :

condamné in solidum Mme [T] [P] et M. [N] [O] à payer M. et Mme [Z] 158.292,97 euros au titre des dommages matériels directs, 34.089,74 euros soit 7.616,88 euros au titre de la remise en état du jardin, 7.300 euros de préjudice de jouissance outre l’indemnité mensuelle de 100 euros du présent jugement à la date de réalisation des travaux de reprise, 500 euros au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, 2.000 euros de préjudice moral, 2.460 euros de frais de déménagement, 13.600 euros de frais de relogement, 612.86 euros de préjudice financier pour expertise privée outre à prendre en charge les frais d’assurance dommages-ouvrages supportés par M. et Mme [Z],

– condamné Mme [P] à relever et garantir maître [R] [A] et la Spc Chabosson-Massip de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de M. et Mme [Z] en réparation de la perte de chance subie à concurrence de 50%,

mis hors de cause la compagnie Qbe Europe,

débouté Mme [T] [P] de ses demandes contre la compagnie Qbe Europe et contre maître [R] [A] et la Scp Chabosson-Massip,

condamné Mme [T] [P] à régler 4.000 euros au titre de l’article 700 à M. et Mme [Z] et 3.000 euros à la société Qbe Europe ainsi qu’aux dépens comprenant ceux de référé et d’expertise judiciaire.

Par déclaration du 29 juillet 2022, enrôlée sous le numéro RG 22/03557, maître [R] [A] et la Scp François Chabosson – Christophe Massip ont relevé appel de ce jugement, intimant M. et Mme [Z], Mme [T] [P], M. [N] [O], la société Qbe insurance Europe limited, en ce qu’il a :

dit que maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip avaient engagé leur responsabilité civile professionnelle à l’égard de M. et Mme [Z],

condamné maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z], la somme de 79.146,48 euros en réparation de la perte de chance subie, outre 50% du coût de l’assurance dommages-ouvrages supporté par M. et Mme [Z] sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime,

condamné Mme [T] [P] à relever et garantir maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de M. et Mme [Z] en réparation de la perte de chance subie mais seulement à concurrence de 50%,

mis hors de cause la compagnie Qbe Europe,

condamné in solidum Mme [T] [P], maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum Mme [T] [P], M. [N] [O], maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip aux entiers dépens comprenant ceux du référé et d’expertise judiciaire en application de l’article 699 du code de procédure civile,

accordé à maître Eichenholc le droit de recouvrer directement les dépens en application du même article,

rejeté la demande subsidiaire de maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip qui tendait à ce que Mme [T] [P] soit condamnée à les relever et garantir indemnes de toutes les condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [Z],

rejeté la demande de maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip tendant à voir condamner in solidum Mme [T] [P] et M. et Mme [Z] au paiement d’une somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

Par ordonnance du 30 septembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Toulouse a prononcé la jonction de ces deux procédures, et dit que ces instances seront désormais appelées sous le seul numéro 22/02899.

Le 26 septembre 2022, Mme [P] a déposé des conclusions d’incident devant le magistrat de la mise en état, aux fins de voir ordonner avant-dire-droit une mesure d’expertise supplémentaire aux frais de M. et Mme [Z]. M. et Mme [Z] ont demandé au conseiller de la mise en état principalement de se déclarer incompétent pour connaître de cette demande et de la déclarer irrecevable, et subsidiairement de rejeter cette demande voire à titre très subsidiaire d’ordonner ladite expertise aux frais de la requérante.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le magistrat de la mise en état de la cour d’appel de Toulouse a constaté le désistement de l’incident introduit par Mme [P], constaté en conséquence l’extinction de cette instance d’incident, condamné Mme [P] aux dépens de l’incident et à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2024, Mme [T] [P], appelante et intimée, demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées et réformant en toutes ses dispositions le jugement déféré à la cour,

ordonner la désignation d’un nouvel expert judiciaire autre que M. [B] aux frais avancés de M. et Mme [Z] et aux mêmes fins que les précédentes opérations,

débouter purement et simplement M. et Mme [Z] de leurs demandes infondées à son égard,

condamner la société Qbe Europe, maître [A] et la Scp Chabosson Massip notaires à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,

débouter maître [A], la Scp Chabosson Massip et la société Qbe Europe de leurs demandes à son encontre,

condamner M. et Mme [Z] au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens lesquels doivent comprendre les frais d’expertise judiciaire.

Elle demande à titre principal une nouvelle expertise judiciaire, au motif que celle ayant donné lieu au rapport de M. [B] du 3 juin 2019 ne lui est pas opposable. Elle estime que les rapports non contradictoires de M. [G] et de la société Saretec sont insuffisants pour la condamner au paiement d’une somme considérable au titre des dommages matériels directs et indirects, et produit elle-même deux rapports non contradictoires en sens contraire. Elle demande la désignation d’un autre expert que M. [B], aux frais avancés des époux [Z], au motif qu’ils auraient dû la mettre en cause lors de la précédente expertise.

Subsidiairement, si la cour n’ordonnait pas une nouvelle expertise, elle estime que la responsabilité décennale de M. [O] qui a réalisé les travaux de gros-oeuvre selon devis du 17 mars 2014 ayant donné lieu à une facture du 1er mai 2014 est engagée.

Elle fait valoir que la garantie de la société Qbe Europe est due, la preuve d’une fausse facture de M. [O] n’étant pas rapportée, et la déclaration d’ouverture du chantier au 25 janvier 2014 procédant d’une simple erreur commise par Mme [P], le chantier ayant effectivement commencé en mars 2014 et s’étant terminé en mai 2014 ; que c’est la date à laquelle M. [O] a commencé ses prestations qui doit être prise en compte, s’agissant d’une entreprise nouvellement créée en octobre 2013.

Elle soutient que les notaires ont commis des fautes en ne contrôlant pas l’effectivité de l’assurance souscrite par M. [O] et en ne se renseignant pas sur la date de début des travaux ; que du fait de ces manquements, Mme [P] perd son recours contre la société Qbe Europe et se retrouve personnellement débitrice des condamnations prononcées à son encontre ; qu’ils doivent donc la relever et garantir. Elle estime qu’aucune faute ne peut lui être reprochée.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 mars 2023, maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip, appelants et intimés, demandent à la cour de :

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à l’égard de M. et Mme [Z] et les a condamnés in solidum à leur payer la somme de 79.146,48 euros en réparation de la perte de chance subie, outre 50% du coût de l’assurance dommages-ouvrages qu’ils auront à supporter sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime,

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme [T] [P] à relever et garantir maître [R] [A] et la Scp François Chabosson – Christophe Massip de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de M. et Mme [Z] en réparation de la seule perte de chance mais à concurrence seulement de 50%, en ce qu’il a mis hors de cause la société Qbe Europe et en ce qu’il a débouté Mme [T] [P] de ses demandes telles que dirigées à l’encontre de cette société,

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné in solidum Mme [T] [P], maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z] la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens comprenant ceux de référé et d’expertise judiciaire, in solidum avec M. [N] [O],

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [T] [P] de ses demandes telles que dirigées à l’encontre de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip,

Statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [Z] de l’ensemble de leurs demandes et de leur appel incident tels que dirigés à l’encontre de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip,

Si la responsabilité civile professionnelle de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip devait être confirmée à l’endroit de M. et Mme [Z],

– juger que le préjudice subi par ces derniers ne peut consister qu’en une perte de chance pour eux d’acquérir à des conditions financières plus favorables,

juger que la perte de chance subie ne peut excéder 20% du coût des travaux de remise en état fixés par l’expert judiciaire [B], ou par toute estimation selon qu’il sera ou pas ordonné une nouvelle expertise judiciaire à la demande de Mme [T] [P], soit encore la somme de 31.659 euros à titre de dommages et intérêts,

débouter M. et Mme [Z] du surplus de leurs demandes, y compris celles qu’ils pourraient être amenés à présenter à l’encontre de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip dans le cadre d’un éventuel appel incident,

débouter Mme [T] [P] de l’ensemble de ses demandes telles que dirigées à l’encontre de maître [R] [A] et de la Scp François Chabosson-Christophe Massip et tendant aux termes de ses conclusions d’appel à ce qu’ils la relèvent et garantissent indemne in solidum avec la société Qbe Europe,

En tout état de cause,

condamner Mme [T] [P] à relever et garantir indemnes maître [R] [A] et la Scp François Chabosson-Christophe Massip de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [Z],

condamner Mme [T] [P] et M. et Mme [Z], chacun, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soulignent qu’ils n’ont pas participé à l’expertise judiciaire, et nont pas eu accès à l’intégralité des pièces soumises aux parties dans ce cadre.

Ils estiment n’avoir pas commis de manquement à leur devoir de conseil. Ils disent n’avoir pu douter que la réalisation du lot gros-oeuvre avait effectivement été mise en oeuvre après la date d’effet de la garantie décennale.

Ils font valoir que Mme [P] a été l’auteure de fausses déclarations, tout en retenant certaines informations qu’elle aurait dû communiquer aux notaires, ce qui justifie de la débouter de sa demande indemnitaire.

Ils estiment que la société Qbe Europe doit sa garantie en qualité d’assureur décennal de M. [O], et qu’en conséquence le lien de causalité entre la faute reprochée aux notaires et le préjudice allégué fait défaut.

S’agissant du préjudice, ils soutiennent que seule la perte de chance de ne pas acquérir ou d’obtenir un moindre prix peut être envisagée, mais que le préjudice ne peut être égal au coût des travaux de reprise.

Ils forment un recours contre Mme [P], estimant qu’elle a consciemment retenu des éléments déterminants, ce qui est équipollent à un acte dolosif.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2024, M. et Mme [Z], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’il a :

* retenu que le rapport d’expertise judiciaire du 3 juin 2019 est opposable à Mme [P] pour avoir été régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire des parties et corroboré par d’autres éléments de preuve,

* débouté Mme [P] de sa demande tendant à l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise judiciaire,

* dit que M. [O] a engagé sa responsabilité décennale au titre de l’article 1792 du code civil à l’égard de M. et Mme [Z],

* dit que Mme [P] a engagé sa responsabilité de constructeur à l’égard de M. et Mme [Z], en application de l’article 1792-1 alinéa 2 du code civil,

* condamné in solidum Mme [P] et M. [O], tel que déjà condamné par le jugement du 5 janvier 2021, à indemniser M. et Mme [Z] des préjudices consécutifs aux désordres affectant l’ouvrage,

* condamné in solidum Mme [P] et M. [O], tel que déjà condamné par le jugement du 5 janvier 2021, à payer à M. et Mme [Z] la somme de 158.292,97 euros en réparation des dommages matériels directs,

* dit que cette somme sera indexée sur la variation de l’indice BT01 de la date du 3 juin 2019 à celle du règlement intervenu selon les règles professionnelles des avocats et portera intérêts au taux légal à compter du jugement,

* condamné in solidum Mme [P] et M. [O], tel que déjà condamné par le jugement du 5 janvier 2021, à payer à M. et Mme [Z] la somme de 7.616,88 euros au titre de la remise en état du jardin, la somme de 2.460 euros au titre des frais de déménagement, et la somme de 616,86 euros au titre du préjudice financier pour expertise privée,

* condamné in solidum Mme [P] et M. [O] à prendre en charge les frais de l’assurance dommages-ouvrages supportés par M. et Mme [Z],

* dit que maître [A] et la Scp Chabosson-Massip ont manqué à leur obligation d’information et de conseil envers M. et Mme [Z] et ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à leur égard,

* condamné in solidum Mme [P], maître [A] et la Scp Chabosson-Massip à payer à M. et Mme [Z] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum Mme [P], maître [A] et la Scp Chabosson-Massip aux entiers dépens, comprenant ceux de référé et d’expertise judiciaire,

– infirmer le jugement rendu le 28 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Montauban en ce qu’il a :

* jugé que le coût de l’assurance dommages-ouvrage supporté par les époux [Z] sera pris en charge sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime ;

* limité à la somme de 7.300 euros le montant dû au titre du préjudice de jouissance outre une indemnité mensuelle de 100 euros à compter du jugement et jusqu’au jour de réalisation des travaux de reprise ;

* limité à la somme de 500 euros le montant dû au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux ;

* limité à la somme de 2.000 euros le montant dû au titre du préjudice moral ;

* limité à la somme de 13.600 euros le montant dû au titre des frais de relogement ;

* jugé que les conséquences du manquement des notaires à leur devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance et limité l’évaluation de cette perte de chance à 50% des sommes susceptibles d’être dues au titre de la garantie décennale, c’est-à-dire le montant des travaux de reprise ;

* limité en conséquence la condamnation in solidum de Me [A] et la Scp Chabosson – Massip à la somme de 79.146,48 euros en réparation de la perte de chance subie, outre 50% du coût de l’assurance dommages-ouvrage supporté par les époux [Z] sur présentation d’une attestation d’assurance valant quittance de paiement effectif de la prime ;

* débouté les époux [Z] du surplus de leurs demandes et des demandes tendant à faire supporter aux notaires l’indemnisation des préjudices immatériels ;

Et par conséquent, statuant de nouveau sur ces chefs,

condamner in solidum Mme [P] et M. [O] à verser à M. et Mme [Z] les sommes suivantes :

* 158.292,97 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise,

* 20.897,31 euros toutes taxes comprises au titre des frais de maîtrise d »uvre,

* 13.931,54 euros toutes taxes comprises au titre des frais de souscription d’une assurance dommage-ouvrage,

* 7.616,88 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de remise en état du jardin,

* 15.200 euros au titre des frais de relogement,

* 2.460 euros au titre des frais de déménagement,

* 28.200 euros au titre du préjudice de jouissance des lieux avant travaux, somme arrêtée au 30 novembre 2022 (300 x 94 mois) et à parfaire de 300 euros par mois jusqu’au jour de la réalisation des travaux,

* 1.000 euros au titre du défaut de jouissance de l’immeuble pendant la durée des travaux,

* 15.000 euros au titre du préjudice moral,

* 612,86 euros toutes taxes comprises au titre des frais d’expertise privée,

condamner en outre in solidum maître [R] [A] et la Scp François Chabosson et Christophe Massip, à titre de dommages et intérêts, à indemniser M. et Mme [Z] à hauteur du montant total des sommes dues au titre de leurs préjudices matériels et immatériels,

subsidiairement, condamner in solidum maître [R] [A] et la Scp François Chabosson et Christophe Massip à payer à M. et Mme [Z], en réparation de la perte de chance subie, 90% des sommes dues au titre de leurs préjudices matériels et immatériels,

condamner in solidum tout succombant au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum tout succombant au paiement des entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de maître Sorel sur ses affirmations de droit,

débouter les parties adverses de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de M. et Mme [Z] et contraires aux présentes conclusions.

À titre subsidiaire,

ordonner une mesure d’expertise judiciaire, aux frais avancés de Mme [P], et désigner M. [B] en lui confiant la mission suivante :

* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* se faire remettre par les parties l’ensemble des documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

* se rendre sur les lieux,

* relever et décrire les désordres, malfaçons et inachèvement visés à la présente assignation et dans les documents de renvoi qui existent,

* dire s’ils sont de nature à compromettre la solidité de l’immeuble ou le rendre impropre à sa destination,

* en déterminer les causes et les conséquences,

* déterminer les travaux à réaliser pour mettre fin aux désordres et remettre l’immeuble en l’état,

* estimer le coût et les délais des travaux de reprise,

* estimer les préjudices consécutifs de M. et Mme [Z],

* plus généralement, donner au tribunal toutes indications lui permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices actuels et à venir du demandeur,

réserver l’examen des demandes au fond qui seront développées par conclusions postérieures après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire,

débouter les parties adverses de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de M. et Mme [Z] et contraires aux présentes conclusions.

Ils soutiennent que les désordres sont de nature décennale car ils portent atteinte à la solidité de l’ouvrage.

Ils font valoir que le rapport d’expertise judiciaire a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, tant de Mme [P] que des notaires, et qu’il est corroboré par d’autres éléments de preuve, et qu’ainsi il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise judiciaire.

Ils exposent leurs préjudices.

Ils soulignent que la responsabilité décennale de M. [O] est engagée.

Ils s’en rapportent quant à la garantie de la société Qbe Europe.

Ils font valoir que Mme [P] est réputée constructeur et à ce titre tenue de la garantie décennale. Ils soutiennent que les notaires ont manqué à leur devoir de conseil en ne vérifiant pas l’effectivité des assurances. Ils disent que s’ils avaient été mieux informés, ils n’auraient pas acquis la maison ou l’auraient acquise à des conditions plus avantageuse, et que les notaires sont tenus in solidum avec les constructeurs, ou subsidiairement à hauteur de 90% des préjudices matériels et immatériels.

Subsidiairement, si une nouvelle expertise judiciaire était ordonnée, ils demandent la désignation de M. [B], dans un souci de célérité, et aux frais avancés de Mme [P].

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mai 2024, la société Qbe insurance Europe limited, intimée, demande à la cour de :

Déboutant tous demandeurs à l’encontre de la société Qbe Europe de toutes demandes plus amples ou contraires,

Sur les demandes de Mme [P] à l’encontre de la société Qbe Europe,

vu le visa cumulé et indistinct adverse de :

la responsabilité contractuelle de droit commun, en renvoyant à l’article 1231-1 du code civil,

la responsabilité délictuelle, en renvoyant à l’article 1240 du code civil,

et enfin, la responsabilité décennale, en renvoyant à l’article 1792 du code civil,

vu leur incompatibilité intrinsèque,

juger, sinon nulle l’assignation, irrecevables et subsidiairement non fondées, les prétentions adverses par violation des articles 9, et 15 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

juger mal fondées toutes prétentions de Mme [P] à l’encontre de la société Qbe Europe en l’absence de garantie due au regard de la date de DOC antérieure à la prise d’effet de la police d’assurance souscrite par M. [O] et d’ailleurs mais subsidiairement en l’absence de preuve et d’impact d’un commencement éventuellement antérieur par M. [O],

Très subsidiairement,

juger mal fondées toutes prétentions de Mme [P] à l’encontre de la société Qbe Europe en l’état de l’absence d’imputabilité d’un désordre et qui plus est d’un désordre de nature décennale, aux prestations supposément réalisées par M. [N] [O],

Encore plus subsidiairement,

vu la portée des garanties non obligatoires,

vu l’absence de couverture du montant des travaux de reprise,

vu le caractère non pécuniaire des préjudices de jouissance et moral soutenus,

juger mal fondées toutes prétentions de Mme [P] à l’encontre de la société Qbe Europe en ce qu’il n’y a lieu à aucune garantie sur les prétentions principales de M. et Mme [Z],

Dans tous les cas,

confirmer la mise hors de cause de la société Qbe Europe sa/nv au besoin par substitution de motifs,

débouter Mme [P] de toutes demandes à l’encontre de la société Qbe Europe,

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [T] [P] ou tout autre succombant à payer et porter à la société Qbe Europe la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles outre les dépens,

et s’il est fait droit à la demande de nouvelle expertise, accueillir les protestations et réserves non pas simplement d’usage mais tirées des éléments exposés aux motifs ci-avant et désigner un nouvel expert,

Subsidiairement, sur les demandes de M. et Mme [Z] à l’encontre de ceux qu’ils ont requis,

Leurs prétentions n’étant légitimement pas dirigées contre la société Qbe Europe par M. et Mme [Z], mais tenant la demande de relevé et garantie faite à charge de la société Qbe Europe par Mme [P],

Sur les travaux de reprise,

Au principal,

rejeter la demande de relevé et garantie, la société Qbe Europe ne garantissant pas les travaux de reprise dans le cadre d’une garantie RC non obligatoire,

Subsidiairement,

rejeter les prétentions ‘des époux [P]’ (sic) pour les travaux de reprise au-delà du montant chiffré par l’expert judiciaire soit 158.292,97 euros hors taxes avec taxe sur la valeur ajoutée à 10% ;

rejeter ainsi leurs prétentions du chef de :

* coût de maîtrise d »uvre pour 20.897,31 euros toutes taxes comprises,

* coût d’assurance DO (13.931,54 euros toutes taxes comprises),

* reprise des espaces verts (7.616,88 euros toutes taxes comprises) et très subsidiairement, en limiter le montant à 300 euros HT,

débouter de M. et Mme [Z] des demandes au-delà,

Sur les autres préjudices,

vu les garanties non obligatoires applicables,

‘dire et juger’ opposables par Qbe Europe les franchises de sa garantie,

limiter le préjudice de jouissance à 13.600 euros et débouter M. et Mme [Z] de leurs prétentions au-delà,

rejeter la prétention de relevé et garantie contre la société Qbe Europe pour le préjudice moral allégué qui n’est pas couvert par la police au titre des dommages immatériels consécutifs,

Sur les autres frais,

Dans tous les cas,

vu l’article 700 du code de procédure civile,

rejeter toutes demandes de frais irrépétibles à charge de la société Qbe Europe,

vu l’article 696 du code de procédure civile,

laisser à chacun la charge de ses propres dépens et partager entre chacune des parties, à parts égales et sans solidarité, le montant des frais de l’expertise judiciaire.

Elle soutient que les demandes de Mme [P] à son encontre sont nulles ou irrecevables, faute de fondement juridique.

Subsidiairement, elle estime qu’elles sont infondées, relevant les manoeuvres de Mme [P], qui soit n’a payé que 5.000 euros à M. [O] qui n’est jamais intervenu sur site et n’a eu d’autre rôle que de produire une attestation d’assurance décennale, soit a fait intervenir M. [O] dès janvier 2024 conformément à la DOC alors qu’il n’était pas encore assuré par la société Qbe et par la suite a été complice pour dresser un devis fallacieusement daté du 17 mars 2014 pour espérer le raccrocher à l’attestation d’assurance du 13 mars 2014. Elle dit qu’en tout état de cause, elle n’est pas l’assureur au moment de la DOC, date applicable à l’ensemble de l’opération de construction.

Si une nouvelle expertise judiciaire était ordonnée, elle demande qu’elle soit confiée à un autre expert que M. [B], pour avoir un second avis.

Subsidiairement, elle conteste le caractère décennal des désordres, estimant que l’ouvrage n’est frappé d’aucune cause intrinsèque de désordre, puisque l’expert judiciaire dit que c’est son adaptation au sol qui n’est pas satisfaisante ; elle fait valoir que le caractère évolutif n’est pas démontré ni que le désordre serait d’une gravité suffisante dans le délai d’épreuve.

Elle dit que la réception doit être unique, or deux procès-verbaux de réception sont produits, des 30 avril 2014 et 20 mai 2014, qu’il n’y a donc pas de document crédible pour assurer d’une réception des travaux réalisés par M. [O].

Elle estime que l’imputabilité du sinistre aux travaux de M. [O] n’est pas démontrée, car il peut être dû à la sécheresse ou à d’autres événements perturbateurs en matière de sols.

Elle souligne que l’acte de vente n’est pas efficace, et que si les notaires avaient demandé la DOC ils auraient alors perçu la difficulté.

Elle conteste le préjudice.

M. [N] [O], intimé, à qui la déclaration d’appel a été signifiée par Mme [P] le 10 octobre 2022, par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier, ne s’est pas constitué.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 mai 2024.

L’affaire a été examinée à l’audience du 10 juin 2024.

A l’audience a été produit l’original du procès-verbal de constat d’huissier du 2 août 2023. Ce procès-verbal de constat faisait déjà partie des pièces produites, mais en copie. Les parties ne se sont pas opposées à cette production en original et se sont accordées pour une révocation de l’ordonnance de clôture et le prononcé de la clôture à la date de l’audience.

En conséquence, l’ordonnance de clôture a été révoquée à l’audience, du commun accord des parties, et la clôture a été prononcée à la date du 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de nouvelle expertise judiciaire

Une expertise judiciaire ne peut être opposée à celui qui n’a été ni appelé ni représenté aux opérations d’expertise en tant que partie.

Cependant, dès lors que le rapport d’expertise judiciaire a été régulièrement versé aux débats et qu’il a été soumis à la discussion contradictoire des parties, il leur est opposable sans que soient méconnues les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile et de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve.

En l’espèce, Mme [P] fait valoir qu’elle n’a jamais été partie à l’expertise judiciaire clôturée par M. [B] le 3 juin 2019, qui a été ordonnée par le juge des référés le 17 mai 2018 dans l’instance entre M. et Mme [Z], M. [N] [O] et la société Qbe insurance Europe limited.

L’expert judiciaire indique en page 8 de son rapport : ‘Mme [P] a été sollicitée en qualité de sachant. Bien que plusieurs adresses m’aient été transmises, les courriers que je lui ai envoyés sont revenus non distribués. Sur ce point personne n’est en mesure de nous renseigner.’

Le seul fait que M. [B] ait tenté de contacter vainement Mme [P] ne suffit pas à rendre le rapport d’expertise du 3 juin 2019 opposable à cette dernière.

Le rapport d’expertise judiciaire n’est pas non plus opposable aux notaires, qui n’étaient pas parties à cette expertise judiciaire.

Dans le cadre de l’instance au fond, Mme [P] et les notaires ont pu prendre connaissance du rapport d’expertise judiciaire de M. [B] du 3 juin 2019, qui a été versé aux débats, avec les annexes.

L’expert judiciaire indique que la maison est en rez-de-chaussée de construction traditionnelle. Le rez-de-chaussée est édifié sur un vide sanitaire, les maçonneries sont en terre cuite de type Calibric (briques collées), la charpente est de type industriel en fermettes industrielles avec couverture en tuiles.

L’expert judiciaire a appelé comme sapiteur le cabinet Terrefort qui est intervenu le 9 janvier 2019.

Ce cabinet a fait une reconnaissance de fondation. Il dit qu’il s’agit d’une fondation filante en béton, épaisse d’au moins 40 cm (fouille F1) et d’au moins 60 cm (fouille F2).

L’expert judiciaire évoque en page 12 une fondation de 40 cm de largeur.

L’expert judiciaire a relevé les désordres suivants :

– en façade Sud-Ouest : des pathologies de fissuration assez importante, avec une forme en escalier. Il estime qu’elles sont caractéristiques de tassement différentiel ; des jauges ont été mises en place, mais les relevés initiaux ne sont pas inscrits ;

– au niveau de la baie de la pièce à l’angle Sud, une microfissuration en pied de mur au droit du montant gauche et au droit du coffre de volet roulant ;

– le long du pignon Sud-Est, une microfissuration le long du pied de la paroi ;

– à l’intérieur de la maison, dans le séjour, au droit de la fissure en escalier, un vide sous plinthe.

Le cabinet Terrefort indique que les sols rencontrés sont très sensibles au retrait gonflement. Ils sont surconsolidés et donc desséchés sur les deux premiers mètres. Selon le GTR (grands travaux routiers) ils sont classés A3 (voire limite A4), ce qui correspond à des argiles, argiles marneuses et limons très plastiques. L’indice de plasticité est de 39, la limite de liquidité est de 66 et selon la classification Casagrande, il s’agit d’argiles très plastiques. La capacité portante du sol n’est pas mise en cause, même si l’expert dit qu’elle avoisine la valeur la plus basse de 0.14 MPa à l’ELS. Il dit que pour une fondation de 40 cm de largeur, on peut imaginer une capacité portante de 5.6t/ml, ce qui n’est pas une valeur élevée par rapport aux charges appliquées (soubassement, plancher vide sanitaire, murs, charpente, couverture).

L’expert judiciaire conclut que l’adaptation au sol du bâtiment n’est pas satisfaisante. Il estime que sa conception et sa réalisation n’ont pas fait l’objet d’investigations et de dimensionnements tendant à s’affranchir des désordres liés à la solidité et à la sensibilité du sol aux phénomènes de retrait gonflement. Il rappelle qu’un PPR a été prescrit en 2002 et approuvé en avril 2005 du fait de ces phénomène récurrents et des 17 arrêtés interministériels de catastrophes naturelles. Il estime que ce PPR n’a pas été respecté s’agissant de ses recommandations.

Il estime qu’à la construction, des études devaient être réalisées tant en géotechnique qu’en structure pour s’affranchir des problèmes de fluctuation des sols et pour la définition des ouvrages résistants.

Il indique que les conséquences que l’on peut craindre sont une évolution certaine des désordres par l’approfondissement du front de dessiccation des sols argileux outre une généralisation de ce type de pathologie à tout l’immeuble.

Il dit qu’au vu des éléments qui ressortent de l’étude géotechnique, une reprise en sous-oeuvre par fondations profondes est incontournable. Il évalue les travaux totaux à 158.292,97 euros TTC.

Mme [P] conteste l’atteinte à la solidité de l’ouvrage et le caractère évolutif des désordres. S’agissant des causes des désordres, elle invoque notamment le rôle de la sécheresse et de la construction d’une piscine. Enfin, elle conteste le coût des travaux de reprise.

M. et Mme [Z] produisent le rapport d’expertise non contradictoire du M. [G] du 22 avril 2017. M. [G] estime que les désordres de fissures et microfissures ont les causes suivantes :

– la fissure la plus importante observée sur la façade Sud-Ouest abritée sous l’auvent traduit un tassement différentiel plus marqué de l’extrémité de ce mur à sa jonction avec le mur Sud-Est du séjour. La cause la plus vraisemblable de ce tassement réside dans un dépassement de la capacité portante des argiles constituant le sol de fondation du fait des charges apportées, qui dans ce coin rentrant sont vraisemblablement les plus importantes de la structure ; capacité portante qui a pu être diminuée du fait de fuites éventuelles du réseau.

– les fissures horizontales observées près du coin Sud sont à différents niveaux en partie médiane de la structure. Leur ouverture est faible mais leur patron témoigne de mouvements différentiels des sols de fondation, qui induisent des efforts de flexion dans les murs de façade. La cause de ces mouvements serait plus en liaison avec les phénomènes de retrait gonflement des argiles liés aux sécheresses exceptionnelles (2015 et 2016 ont connu des sécheresses sévères même si non reconnues par arrêtés sur [Localité 10]) et à la réhydratation des sols. Des argiles particulièrement sensibles à ce type de phénomène sont fréquemment rencontrées dans les alluvions anciennes du secteur de [Adresse 17].

Il conclut que l’ensemble des désordres montre que les fondations de l’immeuble ne sont vraisemblablement pas adaptées aux sollicitations auxquelles elles sont soumises. Il estime que des investigations destinées à connaître la nature des fondations (si aucun plan ne peut être obtenu), celle de sols de fondation et l’étanchéité des réseaux sont nécessaires pour définir des mesures propres à remédier aux désordres.

M. et Mme [Z] produisent le rapport d’expertise non contradictoire de la société Saretec construction du 22 février 2018, mandatée par la société QBE France. La société Saretec construction indique avoir constaté :

– des fissures non infiltrantes ;

– une fissure en escalier : sous la terrasse couverte, de part et d’autre de la fenêtre de la salle d’eau, qui se referme en parties haute et basse, et qui présente une ouverture maximale de 2 mm à l’appui de fenêtre. Cette fissure est potentiellement infiltrante à l’air. Elle estime que cette fissure trouve son origine dans le phénomène de retrait du chaînage continu de la façade.

Le rapport de la société Saretec construction qui évoque une fissure potentiellement infiltrante à l’air n’est pas suffisant pour corroborer le rapport d’expertise judiciaire sous l’angle de l’atteinte à la solidité de l’ouvrage ou de l’impropriété à la destination, faute de certitude sur le caractère infiltrant et sur le fait que le sinistre soit d’une gravité suffisante dans le délai d’épreuve.

Par ailleurs, s’agissant de l’origine des désordres, M. [B] dit qu’attribuer la cause de la fissure en escalier au phénomène de retrait du chaînage continu de la façade comme le fait la société Saretec construction n’a aucun sens, et que ce diagnostic est erroné. Il estime pour sa part que les désordres sont caractéristiques d’un tassement différentiel.

Le rapport de M. [G] n’est pas suffisant pour corroborer le rapport d’expertise judiciaire en ce qui concerne la cause des désordres, car il estime qu’il y a un dépassement de la capacité de portance du sol du fait des charges apportées, ou d’une éventuelle fuite des réseaux, alors que l’expert judiciaire estime que la portance du sol est bonne mais qu’il existe un phénomène de retrait gonflement auquel la construction n’est pas adaptée.

Mme [P] produit un rapport non contradictoire de la Sarl ABC Groupe du 22 mars 2022, qui consiste en une expertise sur pièces. La société ABC Groupe estime que la fissuration en escalier localisée sur la façade Sud-Ouest ne provient pas obligatoirement d’un vice du sol. Elle peut aussi avoir pour origine un mouvement structurel différentiel provenant de l’infrastructure et de la superstructure. Elle indique qu’il n’est pas à exclure que les travaux d’affouillement réalisés par les époux [Z] lors de la réalisation de la piscine aient pu engendrer un mouvement structurel par déstabilisation légère de l’infrastructure. Elle relève que des jauges ont été mises en place sur les fissures, mais que les relevés initiaux ne sont pas inscrits.

Mme [P] produit également un rapport non contradictoire de M. [J] [H] du cabinet Global expertise du 18 mai 2022, qui consiste en une expertise sur pièces. M. [H] constate qu’une piscine a été construite à proximité de la maison et dit que les manoeuvres des engins de chantier et le poids de l’ouvrage peuvent être des causes d’affaiblissement du terrain. Cela pourrait avoir provoqué un léger tassement différentiel en modifiant la répartition des charges. M. [H] ne note aucune aggravation des fissures depuis 2016. Il note un léger affaissement des fondations. Il dit que le bâtiment semble présenter en l’état de légères pathologies d’affaissement et de rétractation du terrain sollicitant le chaînage des fondations. Ce phénomène peut selon lui avoir différentes origines dont la construction de la piscine, une déshydratation des sols (très argileux), une mise en oeuvre non conforme du chaînage des fondations. Il dit que l’analyse technique du chaînage des fondations est essentielle (croisement ou attaches des chaînages). Il note qu’une situation de catastrophe naturelle a été inscrite au journal officiel le 31 août 2015, ce qui pourrait également être la cause du désordre.

S’agissant de la nature et du coût des travaux de reprise, le rapport de la société Saretec préconise de simples travaux de matage et agrafage de la fissure et reprise de l’enduit, pour un montant de 4.769,60 euros TTC et le rapport de M. [G] ne les évoque pas, le rapport d’expertise judiciaire n’étant donc pas corroboré sur ce point.

Ainsi, le rapport d’expertise judiciaire est n’est pas corroboré par d’autres éléments de preuve, tant en ce qui concerne la nature décennale des désordres qu’en ce qui concerne leur origine ainsi que la nature et le coût des travaux de reprise.

Une nouvelle expertise judiciaire au contradictoire de l’ensemble des parties qui sont dans la cause apparaît donc nécessaire. Il y a lieu de l’ordonner, conformément au dispositif.

Elle sera confiée à un autre expert que M. [B], ce qui permettra un nouveau regard compte tenu des critiques formées par Mme [P] à l’égard de son rapport.

Elle se fera aux frais avancés de M. et Mme [Z], qui y ont intérêt, puisqu’ils réclament à M. [O], mais aussi à Mme [P] et aux notaires la prise en charge des préjudices qu’ils allèguent.

Toutes les demandes seront réservées.

Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

L’affaire sera renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du jeudi 12 juin 2025.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Avant-dire-droit au fond,

Ordonne une expertise judiciaire,

Commet pour y procéder :

M. [M] [W],

demeurant :

[Adresse 2]

[Localité 5]

Avec pour mission de :

– Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

– Se faire remettre par les parties l’ensemble des documents utiles à l’accomplissement de sa mission ;

– Se rendre sur les lieux ;

– Relever et décrire les désordres visés dans l’assignation de première instance ou dans les documents auxquelles elle renvoie ;

– Donner tous éléments, sur la nature des travaux confiés à M. [O], et dire si le montant des travaux chiffré au devis et facturé est cohérent avec l’ampleur des travaux confiés à M. [O] telle que ressortant de ces devis et factures et des procès-verbaux de réception;

– Reconstituer la chronologie des travaux, depuis l’arrêté de permis de construire jusqu’aux procès-verbaux de réception des travaux et la déclaration d’achèvement des travaux;

– Donner tous éléments sur la date d’ouverture du chantier, et la date de réception des ouvrages ;

– Dire si les désordres identifiés sont apparus avant ou après la réception de l’ouvrage et s’ils étaient ou non apparents lors de la réception ;

-En détailler les causes et fournir notamment tout élément utile permettant d’imputer la cause de chaque désordre observé en distinguant notamment si cette cause provient de l’état de catastrophe naturelle ou de toute autre cause ;

– Dans l’hypothèse d’un caractère évolutif des désordres, préciser à quel terme et dans quelle mesure l’ouvrage sera affecté ;

– Indiquer les conséquences de ces désordres quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment et, plus généralement, quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;

– Préciser et chiffrer les préjudices et coûts induits par ces désordres et par les solutions possibles pour y remédier, notamment au vu des devis fournis par les parties ;

– Rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;

– Informer les parties de l’état de ses investigations et conclusions et s’expliquer techniquement sur les éventuels dires et observations recueillis à l’occasion d’une réunion de synthèse précédant le dépôt du rapport ou par le dépôt d’un pré-rapport ;

Dit que l’expert pourra, s’il le juge nécessaire recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;

Dit que M. et Mme [Z] verseront par chèque libellé à l’ordre du régisseur des avances et des recettes de la cour d’appel une consignation de 5.000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert dans le délai d’un mois à compter du présent arrêt ; que ce chèque sera adressé avec les références du dossier (N° de RG 22/ 2899) au service des expertises de la cour d’appel de Toulouse ;

Rappelle qu’à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque selon les modalités fixées par l’article 271 du Code de procédure civile ;

Dit que l’expert devra déposer du service expertises de la cour d’appel de Toulouse un rapport détaillé de ses opérations dans un délai de SIX MOIS à compter de l’avis de versement de la consignation qui lui sera donné par le greffe et qu’il adressera copie complète de ce rapport – y compris la demande de fixation de rémunération – à chacune des parties, conformément aux dispositions de l’article 173 du code de procédure civile ;

Précise que l’expert adressera une photocopie du rapport à l’avocat de chaque partie;

Précise que l’expert doit mentionner dans son rapport l’ensemble des destinataires à qui il l’aura adressé ;

Désigne Sandrine Leclercq, magistrat de la mise en état pour contrôler le déroulement de la mesure d’expertise ;

Réserve toutes les demandes ;

Réserve les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du jeudi 12 juin 2025.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

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